II. LE GOUVERNEMENT A ANNONCÉ DEUX MESURES CONCRETES

A. LA SUPPRESSION DES EMPLOIS DE VILLE

L'article 64 du projet de loi de finances pour 1998 prévoit que " les dispositions du deuxième alinéa du I de l'article L.322-4-8-1 du code du travail sont abrogées à compter du 1er janvier 1998 ". Les emplois de ville, créées par la loi n°96-376 du 6 mai 1996, sont donc supprimés.

Les emplois existants sont maintenus, mais le gouvernement souhaite qu'ils soient progressivement remplacés par des emplois-jeunes au sens de la loi pour l'emploi des jeunes du 16 octobre 1997.

1. Les motifs de la suppression

Deux arguments peuvent être invoqués pour légitimer la suppression des emplois de ville. En premier lieu, l'objectif de 25 000 créations par an pendant quatre ans n'a pas été atteint. Le stock d'emplois de ville est aujourd'hui estimé entre 10 et 12 000 contrats signés ou sur le point d'aboutir. Toutefois, le délégué interministériel à la ville a déclaré devant la commission des affaires économiques et du plan de notre Assemblée que cette mesure avait trouvé son rythme de croisière à raison de 1000 à 1200 créations par mois en 1997.

En second lieu, le gouvernement anticipe le probable remplacement progressif des emplois de ville par les emplois pour les jeunes, qui sont financièrement plus avantageux pour les employeurs. En effet, ces derniers sont financés à 80% par l'Etat, tandis que la prise en charge des emplois de ville par l'Etat était limitée à 55% pendant cinq ans ou, selon la convenance de l'employeur, à 75% la première année avec diminution de 10% chaque année suivante.

2. Les emplois de ville s'inscrivent mieux dans la logique de la politique de la ville.

a) Le dispositif du pacte de relance insiste sur l'amélioration de l'employabilité des jeunes

La circulaire du 24 octobre 1997 relative au développement d'activités pour l'emploi des jeunes comme celle du 12 décembre 1996 sur la mise en oeuvre des emplois de ville insistent sur la nécessité de répondre au problèmes du chômage des jeunes en favorisant la couverture de besoins sociaux non satisfaits.

Il existe néanmoins une différence de nature entre les deux types d'emplois aidés. Les emplois pour les jeunes de la loi du 16 octobre 1997 relèvent d'une logique de résorption quantitative du chômage : des emplois sont créés, et sont appelés être à être pourvus par des jeunes.

En revanche, les emplois de ville cherchent à améliorer l'employabilité des jeunes les plus en difficulté. Ils sont réservés aux personnes de moins de 26 ans originaires de quartiers en difficulté, et dont le niveau de formation n'est pas supérieur au baccalauréat. Le suivi d'une formation par le titulaire de l'emploi de ville est fortement encouragé, ainsi que le tutorat. Le financement de ces formations peut relever soit des collectivités locales, soit du fonds social européen.

Le pacte de relance pour la ville prévoit également que tout nouveau dispositif d'aide à l'emploi doit intégrer " une analyse de la pertinence d'offrir une discrimination positive, ciblée sur le public particulier des personnes habitant dans les quartiers difficiles et tout particulièrement les jeunes ". A cet effet, vingt régions ont un programme régional pour l'emploi des jeunes (PREJ) qui permet d'identifier les difficultés rencontrées par les jeunes au cours de leur parcours d'insertion. De surcroît, une circulaire du 8 novembre 1996 a étendu et généralisé les réseaux de parrainage des jeunes vers l'emploi par des personnes bénévoles, expérimentés depuis 1993 par le fonds d'action sociale (FAS).

b) Le gouvernement s'adresse à des jeunes déjà formés

Votre rapporteur considère que le développement plus lent que prévu des emplois de ville souligne la faible employabilité des jeunes originaires des quartiers en difficulté. Dès lors, puisque ces jeunes n'étaient pas en mesure de pourvoir l'ensemble des emplois de ville qui leur étaient réservés, il probable qu'ils seront encore plus largement exclus des nouveaux emplois pour les jeunes, qui ne sont pas ciblés en termes de formation ou d'origine géographique. Pour éviter cet écueil, la circulaire du 24 octobre 1997 incite les préfets à être particulièrement attentifs à la situation des jeunes originaires des quartiers en difficulté, et les autorise même à fixer des objectifs quantifiés. De plus, elle les engage à s'assurer de l'adéquation entre les tâches à accomplir et le niveau de diplôme.

Ces précautions ne semblent cependant pas de nature à corriger le biais originel de ces emplois pour les jeunes, qui sont plus orientés vers la satisfactions de certains besoins que sur l'insertion des personnes qui les occupent. A cet égard, la circulaire insiste plus sur la nécessité de pérenniser les nouvelles filières professionnelle que sur la professionnalisation des jeunes, " qui pourra se traduire, en fonction des acquis et des besoins identifiés, par la construction progressive d'actions de formation, de bilan de compétences ou de démarches de validation des acquis ". La formation ne semble donc en aucun cas centrale dans la démarche du gouvernement.

Dans ces conditions, votre rapporteur craint que l'abandon du dispositif ne retire une chance de s'insérer à des populations en voie d'être durablement exclues du marché du travail. Il relève que cette décision va à contre courant des propositions formulées par la Commission européenne, en préparation de la conférence de Luxembourg de novembre 1997, consacrée à l'emploi (COM(97) 497 final). Dans ce document, les commissaires européens insistent sur l'importance de créer en Europe " une nouvelle culture de la capacité d'insertion professionnelle " en agissant sur l'employabilité des populations et, particulièrement, des " jeunes qui quittent l'école prématurément ou sans qualification ".

B. LA RÉFORME DES CONSEILS COMMUNAUX DE PRÉVENTION DE LA DÉLINQUANCE

Les conseils communaux de prévention de la délinquance (CCPD) ont été créés en 1982. Ils avaient pour ambition de réunir, autour du maire, tous les protagonistes de la lutte contre la délinquance afin d'établir un constat, puis de définir des objectifs et des actions concertées, d'en suivre l'exécution avant de faire remonter l'information vers les structures départementales et nationales. Le maire se charge de veiller à la cohérence entre les actions. En 1997, 563 CCPD existent dans 97 départements.

Le bilan des CCPD est mitigé. N'ayant pas de vocation opérationnelle, leur succès dépend surtout de l'utilisation qu'en font ses utilisateurs. Dans de nombreuses communes, les CCPD sont restés des coquilles vides, réduit à une réunion occasionnelle entre des acteurs institutionnels. Ailleurs, ils ont fait preuve d'un dynamisme indéniable, réunissant des membres désignés par la ville (des élus comme des représentants d'associations) ou par l'Etat (police, ANPE, DDASS par exemple) mais également des représentants du conseil général, de l'ordre des avocats ou des établissements d'enseignement. Les mairies peuvent désigner des coordonateurs. En tout état de cause, selon le ministère de l'intérieur, " le bilan de l'activité de ces instances, même s'il est difficilement quantifiable, semble positif dans la mesure où le CCPD permet de créer des liens entre les différents partenaires institutionnels et associatifs loacux ".

Au colloque de Villepinte sur la sécurité, le ministre de l'emploi et de la solidarité n'a annoncé qu'une seule mesure : " revitaliser " les CCPD. Votre rapporteur a tenté, sans succès, de découvrir les pistes de la réflexion du ministre sur ce sujet. Une réforme semble pourtant en cours d'élaboration puisque, devant votre commission des finances, le ministre de l'intérieur a fait part de sa volonté de " redynamiser " les CCPD, sans non plus dire comment.

Votre rapporteur s'inquiète de ces effets d'annonce. En effet, au delà de leur réussite ou de leur échec, les conseils communaux de prévention de la délinquance symbolisent la volonté de placer les maires au centre de la lutte contre la délinquance. Par conséquent, le caractère vague des annonces ministérielles pourrait s'apparenter aux prémisses d'une remise en cause progressive des compétences des maires en la matière. Cette évolution constituerait un recul.

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