CHAPITRE III :

QUE RETENIR DE L'APPLICATION DES DISPOSITIFS EXISTANTS ?

I. L'OPPOSITION ENTRE LES PROCÉDURES CONTRACTUELLES ET LA DISCRIMINATION POSITIVE DU PACTE DE RELANCE EST UN FAUX DEBAT

1998 sera l'année de l'évaluation des instruments de la politique de la ville. A cette occasion, l'opposition entre la logique contractuelle et la dynamique initiée par le pacte de relance pour la ville menace d'être ravivée.

Selon ses tenants, les deux logiques seraient inconciliables. En effet, la contractualisation, telle qu'envisagée dans les contrats de ville, est une démarche transversale, à l'échelle de la commune ou de l'agglomération, qui fournit des réponses élaborées de façon collégiale entre l'Etat et les acteurs locaux. A l'inverse, le pacte de relance sur la ville comporte des mesures unilatérales, législatives ou réglementaires, qui concentrent les efforts sur certains quartiers, accentuant leurs particularismes.

Cette approche, sous-tendue par la critique du principe de la discrimination positive, est simpliste et factice. Elle oublie que l'objectif ultime de la politique de la ville, quelle que soit la manière dont elle est menée, est de réduire les inégalités entre les quartiers, et qu'une action spécifique en faveur des zones les plus en difficulté est nécessaire.

Le Pacte de relance pour la ville a innové en renforçant le caractère volontariste de l'action de l'Etat dans tous les domaines de la politique de la ville. En insistant sur la nécessité de faire renaître l'activité économique dans les quartiers, il ouvre la perspective d'y recréer des villes qui servent à la fois de lieu de résidence et de lieu de travail, où les commerces et les services publics sont accessibles à tous. . Votre rapporteur se félicite de cette avancée, qui doit conditionner toute réflexion concernant la politique de la ville.

A. DEUX DEMARCHES DISTINCTES MAIS ORIENTEES EN FAVEUR DES QUARTIERS EN DIFFICULTE

1. Le cadre général fixé par le pacte et les réponses locales apportées par les contrats

Les contrat de ville ont été élaborés au niveau local, dans le cadre d'une négociation entre les représentants de l'Etat et les acteurs locaux. Ils ont tenté d'apporter des réponses adaptées à la réalité des sites concernés. Ce processus a permis de renforcer la coopération intercommunale, et parfois de lui donner naissance. Il a encouragé le dialogue entre les différents échelons administratifs. Cependant, l'approche décentralisée a souvent été peu efficace, et il a fallu l'intervention de la délégation interministérielle à la ville et des sous-préfets chargés de la politique de la ville pour hâter la signature des contrats.

Au sein du gouvernement, la mise en oeuvre des contrats a favorisé l'interministérialité financière à travers la mise en place en 1995 du fonds interministériel en faveur de la politique de la ville, le FIV.

L'élaboration du pacte de relance pour la ville a été l'occasion de procéder à une synthèse des évolutions récente en matière de mise en oeuvre de la politique de la ville, en s'inspirant d'expériences menées localement, parfois dans le cadre des contrats de ville, et des propositions des acteurs de la politique de la ville.

Le pacte est un recensement des domaines d'action du gouvernement et des départements ministériels. Sa mise en oeuvre n'a pas fait l'objet d'un texte unique, mais a nécessité le vote de sept lois. En ce sens, il inscrit la politique de la ville dans un cadre cohérent, aux finalités précises, tout en marquant le début d'une interministérialité normative, qui aboutit à familiariser l'ensemble du gouvernement à la prise en compte des enjeux de la politique de la ville.

2. L'identification de quartiers prioritaires

La discrimination positive n'a pas fait son apparition avec la création des zones franches urbaines. Ces dernières ne constituent que la dernière étape d'un processus d'affinement de la géographie prioritaire de la politique de la ville, entamé avec la mise en oeuvre des contrats de ville dans 1300 quartiers.

Le loi d'orientation pour la ville de 1991 avait créé les " quartiers d'habitat dégradé ou des grands ensembles ", qui sont devenus les zones urbaines sensibles. La loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995 a ajouté les zones de redynamisation urbaines et le pacte de relance pour la ville a innové avec les zones franches urbaines.

Chacun de ces zonages constitue un sous-ensemble du précédent, et correspond à la géographie d'application de mesures plus favorables.

Ainsi, entre tous ces découpages géographiques, la différence n'est pas de nature, mais de degré : la logique qui préside est celle de l'octroi d'avantages plus importants aux territoires qui en ont le plus besoin.

B. DES OBJECTIFS COMMUNS

Le gouvernement avait demandé aux négociateurs des contrats de ville de travailler en fonction de quatre thématiques :

- l'amplification des actions d'insertion économique ;

- la consolidation des politiques de prévention de la délinquance ;

- l'amélioration de l'habitat et du cadre de vie ;

- la meilleure adaptation des services au public .

Le Pacte de relance pour la ville a quant à lui identifié sept domaines d'action prioritaires :

- créer de l'activité et des emplois ;

- rétablir la paix publique ;

- favoriser la mixité dans l'habitat ;

- renforcer la présence des services publics ;

- rétablir l'égalité des chances scolaires ;

- renforcer les partenaires ;

- actualiser la géographie des quartiers en difficulté.

La proximité entre ces deux énumérations indique que les domaines dans lesquels la politique de la ville doit agir sont maintenant bien identifiés.

C. DES ACTIONS COMPLEMENTAIRES

1. Contrats de ville et pacte de relance font intervenir des acteurs différents

La mise en oeuvre des 214 contrats de ville a conduit à la prise en compte de la politique de la ville par pratiquement tous les échelons administratifs. 750 communes ont été associées à la contractualisation. Elles étaient pour la plupart réunies en districts, syndicats, communautés de communes, communautés de villes ou communautés urbaines. Par ailleurs, d'autres collectivités, les conseils régionaux et les conseils généraux, ont été associées. Le fonds d'action sociale est lui aussi signataire de deux tiers des contrats, tout comme les caisses d'allocation familiales.

Le pacte de relance pour la ville, en insistant fortement sur l'idée de retour de l'activité dans les quartiers, a provoqué la mobilisation de nouveaux acteurs en faveur de la politique de la ville. Les Chambres de commerce et de l'industrie se sont mobilisées dès le printemps de 1996 en demandant à être associées à la délimitation du périmètre des zones franches, et ont fait des propositions en vue du lancement de l'établissement public d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux. Elles se sont en outre dotées d'une mission " Ville " à l'automne 1996.

De même, le mouvement HLM semble à nouveau partie prenante de la politique de la ville et intervient de façon active dans les débats concernant l'habitat et la mixité sociale. Le pacte de relance contient également des dispositions de nature à impliquer plus les associations.

2. Les dispositifs existants se renforcent mutuellement

A chaque échelon de la géographie prioritaire de la politique de la ville correspond un type de mesure. Cette répartition est présentée dans le récapitulatif ci-dessous. Le pacte de relance pour la ville en a pris acte puisqu'il a délimité géographiquement les mesures qu'il proposait en fonction de cette spécialisation, héritée de la sédimentation des dispositifs.

Le zonage géographique des actions en faveur de la politique de la ville

1) Quartiers des contrats de ville : interventions du FIV ; du fonds national pour l'aménagement et le développement du territoire (FNADT) ; prêts PALULOS ; contribution des différents ministères ; programmes d'action des contrats de ville et des contrats de plan Etat-région.

2) Les zones urbaines sensibles : exonérations de taxes professionnelles non compensées ; exonérations de charges sociales patronales pour les 2ème et 3ème salariés ; mesures indemnitaires et indiciaires en faveur des fonctionnaires ; exonération de surloyer pour les locataires du parc HLM dépassant les plafonds de ressources ; résidence des jeunes bénéficiaires des emplois de ville.

3) Les zones de redynamisation urbaine : éligibilité à la dotation de solidarité urbaine ; exonérations de cotisations patronales pendant 12 mois, pour les embauches jusqu'au 50ème salarié, à condition qu'elles aient pour effet d'accroître l'effectif total de l'entreprise et que l'employeur n'ait procédé à aucun licenciement au cours des 12 mois antérieurs.

4) Les zones franches urbaines : exonération pendant 5 ans de taxe professionnelle pour les établissements nouveaux ou existants, plafonnée à 3 millions de francs ; exonération d'impôt sur les bénéfices, avec plafonnement à 40 000 francs par an, pour les entreprises nouvelles ou existantes ; exonérations de taxes foncières sur les propriété bâties ; exonérations de cotisations sociales patronales, dans la limite de 50 bénéficiaires, pour les entreprises de moins de 50 salariés en 1996, et limitée aux salariés sous contrat d'une durée minimale de 12 mois dans la limite de 150% du SMIC .

Ces zonages sont concentriques. L'échelon des quartiers est celui où se concentrent les subventions publiques. Les équipement ainsi réalisés contribuent à gommer les différences entre le quartier en difficulté et le reste de l'agglomération. La politique de la ville vise ici à tirer les quartiers vers le haut. En revanche, les autres zonages sont le cadre de mesures plus ciblées. Les dérogations au droit commun et la discrimination positive ont pour but d'aider ces zones à rattraper leur retard le plus rapidement possible. Elles poussent les quartiers vers le haut.

Si les dispositions de nature fiscale sont communes à plusieurs niveau de zonage, et pourraient éventuellement être clarifiées, les autres dispositifs ne se recoupent pas et sont spécifiques à l'échelon auquel ils s'appliquent. En conséquence, à condition que l'instauration d'un nouveau régime dérogatoire au droit commun ne s'accompagne pas d'une réduction des moyens alloués à un dispositif existant, chaque mesure est utile, complémentaire des autres, et contribue au développement social urbain.

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