2. Des annonces
L'entrée en fonctions de Mme Catherine Trautmann a
été marquée par une succession d'annonces qui, à
défaut de démontrer une parfaite connaissance des dossiers,
trahissent le désir de " faire quelque chose " et la prise
de
conscience progressive de l'ampleur des problèmes que pose la
révision de la loi du 30 septembre 1996 sur la liberté de
communication.
·
Une première vague de déclarations à l'emporte
pièce
- Mme Trautmann a estimé le 8 juin dernier, au Grand Jury
RTL-Le Monde, nécessaire de revenir sur la deuxième coupure
publicitaire des films diffusés à la télévision.
Elle n'a plus, depuis, réabordé la question. Il est vrai que
l'article 73 de la loi de 1986 interdit d'ores et déjà de
pratiquer la seconde coupure.
- Le ministre a aussi préconisé la diminution du seuil de
concentration du capital d'un opérateur de télévision, que
la loi du 1er février 1994 a fixé à 49 %.
Il s'agirait de revenir sur cette disposition en obligeant les
détenteurs du capital de TF1 ou de M6 à ne pas dépasser le
seuil de 25 % fixé précédemment. Or la
décision du Conseil constitutionnel des 10 et 11 octobre 1984 ne
permet au législateur de remettre en cause des situations existantes
intéressant une liberté publique que si ces situations ont
été illégalement acquises, ce qui n'est manifestement pas
le cas, ou si cela est réellement nécessaire pour assurer la
réalisation de l'objectif constitutionnel poursuivi. Il ne peut s'agir,
dans le cas présent, que de l'objectif du pluralisme dans le secteur
audiovisuel. Or le CSA a constaté, lors du récent renouvellement
de l'autorisation de TF1, comme l'article 28-1 de la loi de 1986 l'y invitait,
que cette reconduction ne portait pas atteinte à l'impératif de
pluralisme sur le plan national, ou sur le plan régional et local. La
remise en cause de l'actionnariat de TF1 ou de M6 poserait donc de
sérieux problèmes de constitutionnalité. On ignore dans
quel sens le ministre a, depuis, orienté ses réflexions.
- L'un des objectifs majeurs du ministre semble être la suppression de
l'exclusivité de la transmission satellitaire numérique des
programmes de France 1 et de France 2, accordée à TPS. Cette
exclusivité apparaît comme un moyen efficace d'encourager la
diversification de l'offre de programmes satellitaires francophones. Faut-il la
supprimer et conforter le quasi monopole d'un opérateur sur la
télévision payante en France, sachant que c'est dans le secteur
de la télévision payante que se situe actuellement le potentiel
de développement des entreprises ?
- D'autres propos du ministre ont paru ouvrir des voies plus
intéressantes, en particulier du point de vue de la nécessaire
diversité du paysage audiovisuel ainsi que du point de vue du
pluralisme. C'est le cas de l'idée de créer un statut des
rédactions dans l'audiovisuel. Il est aussi possible de souscrire
à l'idée de rendre plus sévères les conditions du
renouvellement automatique des autorisations délivrées par le CSA
aux opérateurs de radio et de télévision, observation
faite de ce que le Parlement s'est déjà très largement
engagé dans ce sens à l'occasion de l'examen du projet de loi
abandonné en juin dernier.
·
Une démarche mieux maîtrisée
La discussion du projet de budget de l'audiovisuel public à
l'Assemblée nationale le 22 octobre dernier a permis au ministre
d'esquisser une présentation raisonnée, encore que
particulièrement elliptique sur le fond, de la démarche
adoptée pour la modification de la loi du 30 septembre 1986 :
"
Le projet de loi qui avait été soumis à votre
assemblée par M. Douste-Blazy, mon prédécesseur, a
été abandonné car il ne permettait pas d'apporter des
réponses, pourtant indispensables vous l'avez vous-même
rappelé, s'agissant de l'intégration de la directive
" Télévision sans frontière " dans le droit
français et de l'instauration d'un régime pour le satellite. Ce
projet aurait été une sorte de piège à amendements,
sans que nous puissions examiner les questions au fond.
Mon ambition est de traiter les cinq grandes questions actuelles qui ont
été évoquées : la concurrence, en particulier
sous l'angle d'une forme de régulation économique : le
pluralisme et l'indépendance à l'égard du pouvoir
économique ; le périmètre et l'organisation du
service public, intérieur et extérieur ; la convergence de
l'audiovisuel et des nouveaux services ; enfin, les
télévisions régionales ou locales, qui sont
également l'un des défis que nous devons relever.
Nous souhaitons arriver le plus rapidement possible à un cadre
législatif et réglementaire stable. Je n'ai pas la
prétention de vouloir faire la loi qui permettra de régler la
situation pour les cinquante prochaines années, car la technologie
avance vite. Mais je pense que nous devons stabiliser le secteur, lui permettre
de se développer et lui donner un cadre particulièrement
propice.
"
Cela paraît annoncer un travail d'une certaine ampleur, ce dont votre
rapporteur ne peut naturellement que se réjouir. Il regrette en revanche
que l'urgence de fixer certaines situations et de combler les vides juridiques
ne soit guère prise en compte en dépit des appels lancés
au gouvernement par les voix les plus autorisées.
·
Les calendes grecques
Votre rapporteur n'est pas seul à considérer la
présentation d'un projet de loi comme une nécessité
urgente. Auditionné par votre commission le 14 octobre dernier, M.
Hervé Bourges, président du CSA, a présenté les
observations suivantes : le CSA n'a pas encore été
associé à l'élaboration du projet de loi sur l'audiovisuel
qui, au demeurant, ne paraît pas encore très avancée. A la
connaissance de M. Hervé Bourges, il avait été
envisagé de déposer ce texte sur le bureau de l'Assemblée
nationale en décembre. Il semble que ce dépôt ne soit plus
considéré comme une priorité et que l'examen du projet ne
soit désormais programmé qu'entre le printemps et la fin de 1998,
ce qui pose de graves problèmes compte tenu des " zones de
non-droit " qui se sont révélées. Le cabinet du
Premier ministre a été informé de ces difficultés.
Il semble que le message ne soit pas passé, puisque la
présentation d'un texte n'aurait lieu à l'Assemblée
nationale qu'avant l'été 1998, si le ministère ne juge pas
d'ici là nécessaire d'approfondir encore la réflexion ...