3. La "refondation" de l'Armée de terre
La professionnalisation se traduira par une véritable révolution dans la gestion des effectifs de l'Armée de terre. L'augmentation des effectifs de militaires d'active prévue entre 1996 et 2002 (+ 27,6 %) recouvre une diminution nette du nombre d'officiers (- 7,9 %) et de sous-officiers (- 11 %), et une augmentation considérable (+ 120 %) du nombre de militaires du rang engagés. La disparition du service national obligatoire induira, en revanche, une baisse de - 41,4 % des effectifs militaires, que l'apport des personnels civils (+ 6,4 %) permettra de ramener à - 35,7 %.
a) L'importance des militaires du rang engagés dans le processus de professionnalisation
La nécessité de procéder au
doublement
des effectifs de militaires du rang engagés pendant la période
1996-2002
pose trois séries de difficultés, par ailleurs
liées entre elles :
-
augmenter substantiellement les recrutements
, de manière
à atteindre un accroissement annuel net de plus de 6 000 personnes,
ce qui représente un volume annuel de recrutements de l'ordre de
10 000 EVAT, compte tenu d'un volume de départs compris entre 4 000
et 5 000 engagés pendant la période 1986-1995 et de 6 695 en 1996
: ce volume doit être rapproché des 4 000 à 5 000
EVAT qui se sont engagés entre 1986 et 1995 pour souligner l'ampleur de
l'effort de recrutement à effectuer ;
- prévoir une hausse des moyens devant être consacrés
à la
reconversion des EVAT dans la vie civile,
car les flux
annuels de départs d'EVAT augmenteront parallèlement aux
effectifs de militaires du rang engagés ;
-
aménager le cursus des engagés
,
afin d'attirer
vers ce type de carrière militaire des personnels de qualité,
susceptibles de faire gagner par l'Armée de terre le pari de la
professionnalisation.
(1) La question du recrutement d'un effectif sensiblement accru d'EVAT
Le tableau ci-après montre la part dominante du recrutement ultérieur (à partir du service national) dans le recrutement des EVAT depuis 1989, par rapport au recrutement initial, effectué à partir du secteur civil.
Recrutement des EVAT depuis 1989
1986 |
1987 |
1988 |
1989 |
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
|
Recrutement initial |
3 847 |
3 000 |
2 571 |
2 269 |
2 380 |
2 155 |
2 263 |
2 342 |
1 930 |
2 566 |
2 602 |
Recrutement ultérieur |
836 |
1 125 |
1 514 |
2 774 |
2 710 |
2 095 |
1 480 |
1 765 |
1 218 |
2 369 |
4 093 |
Total |
4 683 |
4 125 |
4 085 |
5 043 |
5 090 |
4 295 |
3 743 |
4 107 |
3 148 |
4 935 |
6 695 |
Part du recrutement ultérieur |
17,8% |
27,2% |
37% |
55 % |
53,2% |
49,3% |
39,5% |
42,9% |
38,6 % |
48 % |
61,1% |
En 1996, la part du recrutement ultérieur a
été la plus importante jamais observée depuis dix ans.
Cette constatation impose, dans la perspective de la disparition du service
national, l'élaboration d'une
stratégie de recrutement
adaptée à l'obligation d'attirer vers ce type d'engagement des
jeunes issus du secteur civil
, qui n'auront eu d'autre contact avec
l'armée que l'"appel de préparation à la défense"
créé par la loi n° 97-1019 du 28 octobre 1997 portant
réforme du service national. Les actions de communication entreprises en
1997 par l'Armée de terre doivent donc être poursuivies, et il
conviendra de concevoir l'"appel de préparation à la
défense" de manière à faire connaître aux jeunes, et
à leur présenter de manière attractive, les perspectives
offertes par un engagement dans l'Armée de terre.
La
féminisation des EVAT
, jusqu'à
10 % des effectifs de
cette catégorie
, constitue une perspective d'autant plus pertinente
en vue d'augmenter les recrutements d'EVAT, que le personnel féminin est
généralement considéré comme une ressource de
qualité. Le recours à ce vivier de recrutement appelle
néanmoins une gestion délicate des effectifs féminins, ce
dont il convient d'avoir d'ores-et-déjà conscience.
Par ailleurs,
l'implication des
régiments
dans le recrutement
des militaires du rang engagés
, inspiré de la méthode
suivie au Royaume-Uni, devrait permettre de renforcer les liens entre les
régiments et les bassins d'emploi dans lesquels ils se situent. Cette
évolution pourrait, à terme, contribuer à créer des
relations nouvelles entre le secteur militaire et le milieu civil qui constitue
son environnement et, ce faisant, participer à l'instauration d'un
lien inédit entre l'armée et la Nation
.
(2) La définition d'un cursus plus attractif, cohérent avec les impératifs de la professionnalisation
Le cursus désormais proposé aux EVAT devrait
conduire à l'apparition d'une véritable catégorie de
personnel, comme celles des officiers et sous-officiers. Le nouveau cursus se
fonde sur deux types de carrière distincts, qui se substitueront au
cursus élaboré en 1986. Celui-ci repose, rappelons le, sur le
principe du contrat long (jusqu'à 15 ans de service, voire 22 ans en cas
de réussite aux certificats militaires conditionnant l'accès aux
grades requis), ou du contrat court de 3 à 5 ans.
Les
nouvelles carrières courtes,
conçues dans le cadre de
la professionnalisation, pourront durer jusqu'à onze ans, quel que soit
le grade obtenu par les intéressés. Les personnels
concernés seront principalement affectés à des missions
opérationnelles. Ces carrières courtes pourront aussi être
conçues comme une première phase de la carrière des
engagés.
Cette première phase sera susceptible de déboucher, pour les
caporaux-chefs, sur des
carrières longues
(entre onze et
vingt-deux ans). Celles-ci offriront des possibilités de
mobilité professionnelle
aux EVAT, ce qui ne sera pas le cas des
carrières courtes. La diversification des itinéraires
professionnels des militaires du rang engagés pourrait ainsi passer,
dans cette seconde phase de leur carrière, par la succession de
fonctions opérationnelles projetables, puis de fonctions base ou soutien.
Ce nouveau cursus repose sur la
volonté d'ouvrir les carrières
longues à un plus grand nombre d'EVAT
, essentiellement par
l'assouplissement des conditions d'avancement.
Ainsi l'accès aux
carrières les plus longues sera-t-il subordonné à la
réussite au CT1 (certificat technique du ler degré), au lieu du
CAT2 (certificat d'aptitude technique du 2e degré), en vigueur dans
l'ancien cursus, et critiqué pour son excessive
sélectivité. Parallèlement seront
privilégiées les possibilités de
promotion vers le
corps des sous-officiers
: 50 % de ces derniers seront, à terme,
issus de la catégorie des EVAT.
(3) Un effort nécessaire en faveur de la reconversion des EVAT
- Le
dispositif d'aide à la reconversion
ouvert
aux militaires du rang engagés,
à partir de quatre
années de service
, repose sur :
- la participation à des sessions d'orientation approfondies et à
des sessions de technique de recherche d'emploi,
- la préparation aux examens d'accès aux emplois
réservés,
- l'inscription à des cours par correspondance destinés à
leur insertion professionnelle (préparation aux concours de la fonction
publique, remise à niveau...),
- la participation à un stage de formation professionnelle en milieu
professionnel et civil (type Fontenay-le-Comte).
Les EVAT ont aussi accès, sous réserve de satisfaire aux
conditions d'ancienneté exigées, à des
congés de
reconversion sous statut militaire
, dont la durée peut être
comprise entre six et douze mois.
Le budget devant être consacré à la
reconversion des
EVAT
a été évalué à
335 millions de
francs par an
, soit un coût estimé à 144 000
francs par intéressé, sur la base des hypothèses suivantes
:
- durée moyenne des congés de reconversion de 6 mois,
- effectif annuel de 2 330 personnes.
Le flux annuel de départs d'EVAT susceptible d'intervenir quand la
professionnalisation sera achevée n'a pas fait, à ce jour,
l'objet d'évaluation précise. Il est plus que probable que cette
dotation de 334 millions de francs devra être augmentée pour
financer la reconversion de la totalité des personnels engagés
ayant vocation à bénéficier de ce dispositif.
Mentionnons aussi que la loi n° 97-1019 du 28 octobre 1997 portant
réforme du service national, en ouvrant aux
futurs volontaires du
service national
ayant effectué un volontariat militaire les
mêmes droits que les personnels engagés et de carrière
en matière de reconversion
, contribuera certainement à
alourdir le coût de ce dispositif dans des proportions encore
difficilement évaluables.
b) Officiers et sous-officiers
Les effectifs des cadres de l'Armée de terre devront
diminuer dans la perspective de la professionnalisation (- 7,9 % pour les
officiers, et - 11 % pour les sous-officiers), ce qui impose la suppression
annuelle, entre 1997 et 2002, de quelque 233 postes d'officiers et de 1 000
postes de sous-officiers.
Le nombre des départs volontaires régulièrement
enregistrés devrait permettre de maintenir le volume annuel de
recrutement dans les proportions actuellement observées, qu'il s'agisse
du recrutement direct, à partir des écoles, ou de la promotion
interne.
(1) Les perspectives d'évolution du corps des officiers
- Le volume annuel de recrutement est de l'ordre de 600 officiers par an, ainsi répartis entre les trois filières de recrutement des officiers : direct, semi-direct (ORSA...) et issus du rang.
Recrutement des officiers de l'Armée de terre depuis 1987
Filière de recrutement |
1987 |
1988 |
1989 |
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997* |
1998* |
Direct(dont St-Cyr) |
181 |
186 |
181 |
208 |
203 |
197 |
194 |
189 |
198 |
195 |
198 |
193 |
Semi-direct (dont EMIA...) |
339 |
347 |
348 |
321 |
311 |
309 |
307 |
313 |
308 |
308 |
285 |
263 |
Rang |
147 |
160 |
147 |
149 |
151 |
147 |
148 |
146 |
125 |
110 |
120 |
110 |
TOTAL |
667 |
693 |
676 |
678 |
665 |
653 |
649 |
648 |
631 |
613 |
603 |
566 |
* (prévisions) |
- Le
maintien d'un niveau soutenu de recrutement dans le
corps des officiers de l'Armée de terre
vise notamment à
limiter le vieillissement de cette population. Cet objectif est compatible avec
la suppression de 1 380 postes d'officiers entre 1997 et 2002
,
prévue par la loi de programmation
.
En effet, la loi n° 96-1111 du 19 décembre 1996 relative aux
mesures en faveur du personnel militaire dans le cadre de la
professionnalisation et, plus particulièrement, l'attribution de
pécules,
auxquels un budget global de 239 millions de francs sera
consacré en 1997, devrait avoir pour conséquence
d'augmenter
le nombre
de départs volontaires d'officiers et de
sous-officiers,
et de respecter ainsi les objectifs de la loi de
programmation.
En 1997, l'attribution des pécules financera le départ
anticipé de quelque 127 officiers (14 colonels, 84 lieutenants-colonels
et 29 capitaines), ce qui devrait permettre, cumulé aux autres motifs de
départ, un volume total compatible avec les objectifs de la
programmation (qui portent, rappelons le, sur la suppression annuelle de 233
postes d'officiers). Notons que le budget consacré aux pécules
des cadres de l'Armée de terre augmentera de
120 millions de
francs en 1998
, ce qui permettra le départ volontaire d'un effectif
accru d'officiers.
Les possibilités offertes aux officiers par le statut
général des militaires afin de
favoriser leur deuxième
carrière
concernent, par ailleurs :
. l'institution d'un congé de conversion d'une durée de six mois,
éventuellement prolongé pendant six mois,
. l'aide à la création ou à la reprise d'entreprises
(protocole d'accord ministère de la Défense/BNP),
. la participation à des stages de formation dont le financement est au
moins partiellement assuré par le ministère de la Défense,
. la possibilité d'effectuer des périodes d'essai en entreprise
en position d'activité, c'est-à-dire en étant
rémunéré par le ministère de la Défense,
. l'ouverture de postes dans des administrations civiles.
- Le recrutement des officiers, à la différence de celui des
EVAT, est relativement
peu dépendant du service national, à
l'exception du recrutement des ORSA
(officiers de réserve en
situation d'activité), qui constituent une catégorie
spécifique, dont la durée de service est limitée à
20 ans.
En 1997, le recrutement d'
ORSA
est estimé à quelque
350 officiers, soit plus de la moitié de l'ensemble des
recrutements d'officiers effectués en 1997. A titre de comparaison,
l'école spéciale militaire de St-Cyr a représenté
26,2 % du volume total des recrutements d'officiers en 1997.
La part importante de la catégorie des ORSA dans le recrutement des
officiers des force terrestres impose une
réflexion sur le
remplacement de cette ressource de très bon niveau,
qui va
progressivement disparaître en même temps que la ressource
appelée, et dont la succession ne pourra être assumée
intégralement par du personnel civil ou par d'autres personnels de
carrière. La création d'un
nouveau statut d'officier
contractuel,
actuellement à l'étude, pourrait constituer une
solution envisageable au problème plus particulier que constitue le
recrutement de successeurs des ORSA spécialistes.
- Enfin, et de manière générale, la réduction du
format et les restructurations de l'Armée de terre conduiront à
une
diminution sensible des perspectives de commandement pour les
officiers,
et, partant, à une
évolution assez nette du
métier des armes
, liée à une
diversification
d'ores et déjà prévisible des postes de
responsabilité
(ressources humaines, relations internationales,
communications...). Le cursus des officiers pourra donc ne plus passer par des
périodes de commandement. Dans cette perspective, une politique de
" seconde partie de carrière " des officiers a
été récemment élaborée, de manière
à ne plus faire nécessairement des périodes de
commandement le moment fort de la carrière d'un officier qu'il est
encore actuellement.
Cette évolution pose la question du
profil à venir des
officiers
, et de la possibilité de maintenir l'attrait
présenté par cette carrière, pour ceux qu'intéresse
avant tout la spécificité du métier des armes.
(2) Difficultés spécifiques au corps des sous-officiers
- La réforme des limites d'âge instaurée
par la loi n° 91-1241 du 13 décembre 1991 a encouragé les
sous-officiers à reporter leur départ des armées, et a
donc eu pour conséquence un
vieillissement du corps des
sous-officiers.
Une situation de
sureffectifs
a
résulté des effets conjugués de la loi
précitée, de la mise en oeuvre du protocole Durafour, et de la
situation du marché du travail, ces divers facteurs combinés
décourageant de nombreux sous-officiers de tenter un retour
anticipé à la vie civile.
- Le
plan de résorption
mis en oeuvre en 1994 afin de limiter ce
sureffectif a eu pour objectif une
sensible réduction du
recrutement
, dont les conditions ont été
considérablement durcies. Le nombre de sous-officiers recrutés a
ainsi diminué de moitié entre 1994 (2 809) et 1995 (1 480).
Cette baisse du recrutement est à l'origine de
classes creuses chez
les jeunes sous-officiers
, et donc d'une pyramide très
déséquilibrée. L'Armée de terre a prévu de
reprendre un niveau équilibré de recrutement à partir de
1998.
- Le tableau ci-après montre que la reprise des objectifs de recrutement
de sous-officiers à partir de 1998, qui pourraient atteindre un flux
annuel de 2 500 personnels, devrait assurer une part
équilibrée aux deux filières (recrutement effectué
à partir des écoles, et recrutement à partir des corps de
troupe). La reprise des recrutements vise, en effet,
le nécessaire
rajeunissement de cette catégorie
, et s'inscrit dans le souci
d'améliorer le taux d'encadrement des forces terrestres.
Recrutement des sous-officiers depuis 1987
Recrutement |
1987 |
1988 |
1989 |
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997* |
1998* |
Voie école |
2 189 |
2 230 |
1 980 |
2 020 |
1 945 |
2 094 |
1 998 |
1 932 |
890 |
909 |
970 |
1 284 |
Voie corps de troupe |
1 145 |
1 765 |
1 510 |
1595 |
1 520 |
1 357 |
824 |
877 |
590 |
730 |
790 |
1040 |
TOTAL |
3 334 |
3 995 |
3 490 |
3 615 |
3 465 |
3 451 |
2 822 |
2809 |
1 480 |
1639 |
1 760 |
2 324 |
*prévisions
- Les objectifs définis pendant la période de transition à
l'égard des sous-officiers comprennent non seulement la
résorption du sureffectif des sous-officiers ci-dessus
évoquée, mais aussi la
déflation annuelle de quelque 1
000 postes
, induite par la loi de programmation. Celle-ci prévoit,
rappelons-le, que les effectifs de sous-officiers devront passer de 56 644 en
1996 à 50 365 en 2002.
L'obligation de réduire les effectifs de sous-officiers
parallèlement à la reprise des recrutements
passe par le
succès des
mesures
d'incitation au départ
élaborées dans le cadre de la loi n° 96-1111 du 16 janvier
1996.
En 1996, le
nombre de départs volontaires
a été de
816 (716 en 1995) soit, compte tenu des autres facteurs de départs
(limite d'âge, non renouvellement des contrats...), un volume total de
1 313 départs, avant qu'intervienne le dispositif des
pécules créés par la loi du 16 décembre 1996.
Ce volume représente la moitié du nombre de départs
enregistrés en 1990 (2 707) et 1991 (2 798).
Notons, à cet égard, que les pécules créés
par la loi n° 96-1111 du 19 décembre 1996 ont concerné,
à eux seuls, en 1997,
1 062 sous-officiers
(254 majors, 651
adjudants-chefs et 157 adjudants), ce qui représente un effectif
considérable par rapport aux
1 313 départs enregistrés,
en 1996, avant la mise en oeuvre du dispositif des pécules
.
Celui-ci devrait donc permettre de procéder sans grandes
difficultés aux déflations prévues par la loi de
programmation pour la catégorie des sous-officiers. Le dispositif des
pécules a été conçu, en effet, de manière
assez attractive, puisqu'il consiste à attribuer à ceux qui
satisfont aux conditions exigées (se trouver à plus de trois ans
de la limite d'âge de son grade, et justifier d'une ancienneté de
vingt-cinq ans pour les officiers, et de quinze ans pour les officiers), une
indemnité de départ non imposable pouvant représenter, en
théorie, jusqu'à quarante-cinq mois de la solde indiciaire brute
pour les personnels se trouvant à dix ans au moins de leur limite
d'âge. Le fait que l'on ait constaté, en 1997, un
phénomène de " file d'attente " dans la
détermination des bénéficiaires de pécules, puisque
l'on a enregistré trois candidats au moins pour un pécule inscrit
au budget de l'Armée de terre, montre que le système des
pécules avait été défini sur des bases
incontestablement attractives. Mais il est probable que, dans les faits, le
dispositif n'ait pas répondu aux espoirs suscités
ab
initio
, les pécules ayant été attribués, pour
des raisons de pyramidage, aux personnels n'ayant pas nécessairement
droit aux dotations les plus élevées.
(3) Vers l'amélioration du taux d'encadrement de l'Armée de terre
La diminution des effectifs de cadres de carrière et
sous contrat inscrite dans la loi de programmation (- 10,3 % entre 1996 et
2002), jointe à l'accroissement significatif du nombre de militaires du
rang engagés, permettra d'améliorer le taux d'encadrement de
l'Armée de terre française, conformément à ce
qu'implique notamment le développement de la projection.
Le taux d'encadrement de l'Armée de terre s'établirait ainsi
à 49 % en 2002, soit un ratio équivalant à celui des
forces terrestres britanniques (50 %), mais encore nettement
inférieur à celui des forces américaines (55 %). Notons
que l'actuel taux d'encadrement (31 % en 1996) situe l'Armée de terre
française en-deçà du taux de son équivalent
allemand (36 %), organisée pourtant également en fonction du
principe de conscription.
c) L'augmentation des effectifs civils
La diminution du format des forces terrestres et la
professionnalisation obligent, de manière générale,
à
réserver les emplois opérationnels aux
militaires
, et à
affecter les personnels civils aux fonctions de
soutien
-gestion du personnel, gestion budgétaire et comptable,
marchés, informatique, maintenance, formation, affaires juridiques et
contentieux.
Les personnels civils devraient être affectés principalement
à la composante non projetable de l'Armée de terre, et, plus
particulièrement, dans la chaîne territoriale de commandement.
Pour une part plus modeste, les personnels civils seront affectés dans
les régiments des forces, où ils tiendront des fonctions
" sédentaires ", de nature technique ou administrative,
compatibles avec leur statut, qui devrait exclure toute participation à
des opérations extérieures.
Chaque régiment pourrait ainsi intégrer 30 à 40 civils en
moyenne. Les affectations se feront essentiellement à partir des
effectifs rendus disponibles par les dissolutions et restructurations de divers
organismes de la défense, et notamment de la Délégation
générale pour l'armement. Les
redéploiements internes
au ministère de la Défense
, en vue de résorber le
sureffectif de la DGA, joueront donc un rôle majeur dans cette
évolution.
Les effectifs du ministère de la Défense compteront ainsi 19 % de
civils en 2002, au lieu de 14 % actuellement, ce qui recouvre la
création de 8 018 postes de personnels civils entre 1997 et 2003,
soit 1 710 pour l'Armée de terre, 1 653 pour l'Armée de l'air,
835 pour la Gendarmerie, 4 338 pour la Marine, et 1 514 pour les autres
services de la Défense " employeurs " de personnels civils.
Le service de santé, la Délégation générale
pour l'armement et le service des essences perdront, en revanche, 2 032 postes
de personnels civils entre 1997 et 2002. Au terme de la loi de programmation,
c'est l'Armée de terre qui emploiera la plus grande part des personnels
civils de la Défense. En effet, en 2002, 40,9 % des effectifs civils du
ministère de la Défense seront affectés aux forces
terrestres (13,9 % seront employés par la Marine ; 8,11 % par
l'Armée de l'air ; 2,72 % par la Gendarmerie ; 7 % par le service de
santé ; et 15,8 % par la Délégation
générale pour l'armement).
En revanche, la part des civils dans les effectifs de l'Armée de terre
(19,7 %) sera, en 2002, légèrement inférieure à la
proportion constatée dans la Marine (20,5 %). Les personnels civils
représenteront en 2002, par ailleurs, 9,4 % des effectifs de
l'Armée de l'air et 2,3 % des effectifs de la Gendarmerie.
d) L'indispensable apport des réserves à l'Armée de terre professionnalisée
Le passage à une armée professionnelle implique
l'abandon du système de réserves issu de la conscription, assis
sur des effectifs surdimensionnés (195 000 hommes), que la contrainte
budgétaire ne permet plus désormais ni d'équiper, ni
d'entraîner.
La
diminution du format des réserves
est donc le corollaire du
"reformatage" des armées prévu par la loi de programmation
1997-2002. Celle-ci a conduit à une distinction entre les 30 000 hommes
pour l'Armée de terre (dont 15 000 cadres) de la
première
réserve,
et les 100 000 réservistes susceptibles de renforcer
les armées en cas de besoin. La
deuxième réserve
n'aura pas besoin, en effet, d'être financée ni
gérée en permanence. Sa vocation pourra être de contribuer
au
maintien et au renouvellement du lien armées-Nation.
L'une des
pistes à explorer pourrait être de faire participer ces
réservistes à l'" enseignement des principes de la
défense " créé dans le cadre scolaire par la loi
portant réforme du service national.
La vocation de la première réserve sera de constituer des
" militaires à temps partiel ",
susceptibles de
compléter et renforcer les unités d'active, en occupant des
fonctions de spécialistes, en remplaçant les personnels d'active
engagés dans des opérations extérieures, et en tenant des
postes qu'il est désormais impossible ou peu opportun de maintenir en
permanence.
Le succès de la réforme des réserves est
subordonné, dans le contexte issu de la disparition du service national,
à la
possibilité de recruter et de fidéliser des
réservistes qui n'auront pas eu de contact privilégié avec
les armées, par exemple en accomplissant un volontariat militaire.
L'autre hypothèque tient à la
définition d'un
statut suffisamment favorable et attractif
pour permettre
véritablement aux réservistes de participer à la vie
militaire, sans négliger leurs contraintes professionnelles. En effet,
l'échec relatif de la formule des " engagements spéciaux
dans la réserve " issue de la loi du 4 janvier 1993 -les quelque 8
000 engagements souscrits ne représentant qu'un modeste cinquième
des objectifs définis lors de l'élaboration de ladite loi-
illustre les difficultés liées
au manque naturel de
disponibilité des nombreux candidats à la réserve
,
pour
d'imparables motifs d'ordre professionnel
. Il convient donc
d'espérer que le projet de loi relatif aux réserves, qui pourrait
être soumis au Parlement en 1998, parvienne à
concilier les
intérêts des employeurs, des candidats à la réserve
et des armées
pour bâtir les forces de réserve sans
lesquelles les armées professionnelles ne sauraient mener à bien
leurs missions.
4. Une organisation inédite pour l'Armée de terre
Le modèle d'organisation de l'Armée de terre
élaboré en février 1997, un an après l'annonce de
la professionnalisation des armées par le Président de la
République, traduit la priorité désormais assignée
à la projection, dans un contexte de contrainte budgétaire qui
devrait perdurer.
Cette nouvelle organisation s'appuie sur la constatation
que le nouveau "contrat opérationnel" de l'Armée de terre, qui
repose sur la nécessité de répondre à des crises
imprévisibles à l'avance par la projection, sur des
théâtres d'opération plus ou moins éloignés,
de forces de volumes variables, n'impose plus le maintien, en temps de paix,
d'une organisation militaire conçue pour temps de guerre.
Le plan élaboré au début de 1997 se fonde donc sur les
principes de
modularité
et
d'économie de moyens
. Il
conduira à la création de deux grandes chaînes de
commandement distinctes.
a) Les principes : modularité et économie de moyens 4( * )
- Au système des grandes unités
organisées dès le temps de paix (Corps d'armée et
divisions) se substituera un
dispositif au format réduit
, assis
sur la
dissociation entre des structures opérationnelles de
circonstance et l'organisation permanente
. Les formations projetables
seront regroupées au sein d'un ensemble unique, permettant la mise sur
pied, à partir des structures du temps de paix, des états-majors
et des forces requis par les différentes opérations
envisagées. Dans cette perspective, c'est le système de la
Brigade qui a été retenu, ainsi que celui des régiments.
Au sein de ceux-ci, la modularité sera assurée par la distinction
entre, d'une part, la partie " mission majeure projetable ",
composée de l'unité de combat et d'appui et de l'unité de
commandement et de logistique, et, d'autre part, la partie
" base ",
constituée d'une unité de base et d'instruction et d'une
unité de réserve.
Les onze Brigades, de dimensions variables (entre 5 000 et 10 000 hommes),
seront constituées à partir de démembrements des neuf
divisions appelées à disparaître prochainement. Elles
auront toutes vocation à la projection, et seront responsables de
l'entraînement opérationnel des régiments qui leur seront
subordonnés.
Les fonctions administratives seront, par ailleurs, en temps de paix,
confiées à une chaîne régionale de commandement,
assurant le lien entre l'état-major de l'Armée de terre et les
régiments.
- L'économie de moyens, imparable dans le contexte budgétaire
actuel, sera réalisée non seulement par la
concentration
des forces terrestres
(89 régiments en 2002 au lieu de 123
actuellement), mais aussi par la
diminution du nombre
d'états-majors
. Ainsi les cinq états-majors prévus
dans la chaîne régionale de commandement se substitueront aux neuf
circonscriptions militaires de défense et aux états-majors des
quatre régions militaires actuelles. Dans cette perspective, les
compétences de la chaîne régionale seront
élargies
, notamment par la déconcentration d'une part des
attributions actuelles de l'état-major de l'Armée de terre.
b) L'organisation du commandement en deux chaînes distinctes
L'organisation du commandement sera assise sur deux
chaînes séparées : la chaîne territoriale et la
chaîne des forces.
- La
chaîne territoriale,
fixe et non projetable, sera
constituée de
cinq régions militaires,
destinées
à remplacer les neuf circonscriptions militaires de défense. Les
états-majors régionaux seront situés à Paris,
Rennes, Bordeaux, Lyon et Metz. Ils assureront le soutien matériel et
administratif de l'Armée de terre, jouant ainsi le rôle de
" chaîne nourricière ".
- La
chaîne des forces
relèvera du
Commandement de la
force d'action terrestre (CFAT
) implanté à Lille et
activé à partir de 1998, simultanément à la
dissolution des états-majors de la FAR et du 3e Corps. Le CFAT aura pour
mission d'assurer la
préparation opérationnelle des
états-majors et des forces projetables
, ainsi que la mise en oeuvre
de PC de théâtre multinational (de 15 000 à 20 000 hommes),
ou de PC de corps d'armée de classe OTAN (entre 50 000 et 70 000 hommes).