2. Les crédits du titre III alloués à l'Armée de terre par le projet de budget sont conformes à la loi de programmation
La somme de 30,590 milliards de francs prévue au titre
III de l'Armée de terre par le projet de budget traduit une augmentation
de 980 millions de francs par rapport à la LFI 1997.
Cette évolution d'ensemble résulte :
- d'une augmentation des dépenses de rémunérations et
charges sociales de 1,071 milliard de francs qui, en progression de 4,8 %,
atteignent 23,5 milliards,
- de l'inscription au budget de l'Armée de terre d'une dotation de 296
millions de francs pour les pécules d'incitation au départ,
- d'une diminution des autres postes (alimentation, fonctionnement, entretien
programmé des matériels) de 385 millions (- 5,4 %),
parallèlement au resserrement du format.
Le tableau ci-après détaille ces différents
mouvements :
Évolution du titre III de l'Armée de terre
(1997-1998)
(en millions francs)
LFI 1997 |
PLF 1998 |
Evolution 1998/1997 |
Part dans l'ensemble du titre III en 1998 |
|
Chapitres 31-31, 31-32 et
|
20 391 |
21 372 |
+ 4,8 % |
69,9 % |
Chapitre 31-96 : pécules |
(2) |
296 |
- |
0,9 % |
Chapitres 33-90 et 33-91 : charges sociales payées par l'Etat |
2 057 |
2 147 |
+ 4,3 % |
7 % |
Sous-total rémunérations + charges sociales |
22 449 |
23 816 |
+ 6 % |
77,8 % |
Chapitre 34-10 : alimentation |
1 550 |
1 415 |
- 8,7 % |
4,6 % |
Chapitre 34-04 : fonctionnement |
5 375 |
5 135 |
- 4,4 % |
16,7 % |
Chapitre 34-20 : entretien programmé des matériels |
228 |
218 |
- 4,3 % |
0,7 % |
Sous-total titre III hors Musée de l'Armée |
29 604 |
30 586 |
+ 3,3 % |
99,98 % |
Musée de l'Armée |
4,7 |
4,7 |
- |
0,02 % |
Total titre III |
29 609 |
30 590 |
+ 3,3 % |
- |
(1) Chapitre 31-03 dans la nomenclature de la LFI 1997
(2) Dépense non imputée sur les crédits de l'Armée
de terre en 1997
Par ailleurs, le titre III de l'Armée de terre représentera
à lui seul 30 % de l'ensemble des crédits de fonctionnement
du budget de la Défense, soit une proportion nettement plus importante
que celle que l'on observera pour les autres armées, qui s'explique par
des différences évidentes en termes d'effectifs.
Répartition du titre III par armées et par
services
Crédits de fonctionnement en 1998 (en millions de francs) |
Part dans le titre III du budget de la Défense en 1998 |
|
Terre |
30 591 |
30 % |
Gendarmerie |
19 972 |
19 % |
Air |
15 713 |
15 % |
Marine |
13 086 |
13 % |
Autres services |
24 360 |
23 % |
Total |
103 722 |
- |
a) L'augmentation des rémunérations et des charges sociales
L'augmentation très forte des crédits de rémunérations et charges sociales résulte de cinq facteurs : l'incidence des mécanismes d'augmentation " automatiques " des rémunérations publiques, l'impact des créations et suppressions d'emplois prévues par la programmation, l'amélioration de la condition militaire, deux mesures nouvelles au titre des rémunérations des personnels servant à l'étranger et notamment en Afrique et, enfin, l'inscription au budget de l'Armée de terre des crédits destinés aux pécules d'incitation au départ.
(1) L'augmentation " automatique " des rémunérations
Celle-ci résulte à la fois de l'extension en année pleine des mesures de revalorisation des rémunérations publiques intervenues en 1997 et de l'inscription de crédits supplémentaires au titre du " glissement-vieillesse-technicité ".
(2) L'impact limité des créations et suppressions d'emplois liées à la programmation
La création de 5 879 postes d'engagés volontaires se traduit par une augmentation des crédits de 560 millions de francs. Corrélativement, toutefois, une économie de montant similaire est enregistrée, du fait des suppressions d'emplois de sous-officiers et d'appelés. Les créations d'emplois civils, en revanche, impliquent une légère augmentation des crédits.
(3) L'effort en faveur du recrutement des engagés
La professionnalisation s'est traduite par un ensemble de
mesures destinées à revaloriser la rémunération des
militaires du rang engagés, afin d'encourager le recrutement de ceux-ci.
Leur solde est, conformément à la loi de programmation 1997-2002,
assise sur le SMIC depuis le 1er juillet 1997 (indice 226 majoré, soit
une rémunération mensuelle nette de 5 600 F), compte non tenu des
avantages en nature (hébergement, alimentation, réduction SNCF)
dont bénéficie traditionnellement cette catégorie.
Par ailleurs, l'indemnité de départ des caporaux-chefs quittant
l'armée entre 8 et 11 ans de service a été
revalorisée (24 mois de solde au lieu de 14). Dans la même
logique, le dispositif des primes d'engagement a été
amélioré : un contrat initial supérieur à trois ans
ouvre ainsi droit à une prime de 7 000 francs dès le
treizième mois de service ; les contrats ultérieurs
entraînent le versement d'une prime de 2 500 francs par mois. Le total
des primes d'engagement peut atteindre la somme de 17 000 francs pour un
contrat de huit ans.
Enfin, l'allocation d'une prime équivalant à 5 % de la solde
brute, soit environ 470 francs par EVAT dépassant quinze ans de service,
serait à l'étude pour les fidéliser, et les encourager
à rester en service au-delà de quinze ans.
(4) L'amélioration de la condition militaire
Les
mesures prises en faveur de la condition militaire
sont de portée relativement modeste :
- revalorisation de l'indemnité pour charges militaires (+ 0,54 %) pour
un coût de 11,02 millions de francs ;
- augmentation du prêt des appelés (+ 1 %), pour un coût de
11,12 millions de francs ;
- mesure en faveur de la prime de qualification des officiers brevetés,
pour un coût de 14,44 millions de francs.
Enfin, la
mensualisation des élèves-officiers
induira un
coût de 9,95 millions de francs.
(5) La rémunération des personnels servant à l'étranger
Une première mesure, d'un montant de 29,07 millions de
francs, a pour objet de traduire l'augmentation des taux de l'indemnité
de résidence servies aux agents en poste à l'étranger. Il
s'agit, en l'occurrence, des personnels prépositionnés en Afrique.
Une seconde mesure (260 millions de francs au total pour le budget de la
défense, principalement destinés à l'Armée de
terre) tend, selon les termes du document " bleu ", à
ajuster
les crédits de rémunération des personnels au titre du
dispositif en Afrique, c'est-à-dire à prendre en compte,
dès la loi de finances initiale, les surcoûts, en termes de
rémunérations, induits par notre présence permanente en
Afrique. Jusqu'à présent, seule une partie de ces surcoûts
était budgétisée, rendant nécessaires des
ouvertures de crédits en cours d'année.
Les rémunérations supplémentaires servies à une
partie de ces personnels (bases au Tchad et en République
centrafricaine) n'étaient, en effet, jusqu'à présent, pas
prévues au budget, mais ouvertes au cours de son exécution.
La réforme, par le décret du 1
er
octobre 1997, des
modes de rémunération des personnels effectuant de courts
séjours à l'étranger (au sein de " compagnies
tournantes "), devrait, par ailleurs, permettre de limiter le coût
de notre dispositif en Afrique et celui des opérations
extérieures. Cette réforme vise à remplacer l'actuel
dispositif de rémunération en fonction de l'indemnité de
résidence à l'étranger par une indemnité
égale à 1,5 fois le montant de la solde.
(6) Les mesures d'incitation au départ
Un crédit de
296,2 millions de francs
sera, dans
le cadre du projet de loi de finances pour 1998, imputé sur la dotation
de l'Armée de terre au titre des
mesures d'accompagnement de la
professionnalisation,
pour financer les
pécules.
Ceux-ci
sont
destinés à favoriser les départs d'officiers
et de sous-officiers qui disposent de l'ancienneté requise pour
bénéficier d'une retraite à jouissance immédiate
(respectivement vingt-cinq et quinze ans de service), et qui se trouvent
à plus de trois ans de la limite d'âge de leur grade. Notons que
la totalité des moyens consacrés aux pécules (dont,
principalement, les " pécules rénovés ",
créés par la loi de 1996 pour l'ensemble des officiers et
sous-officiers) s'élèvera, en 1998, à
939 millions de
francs, soit une augmentation substantielle de 14 % par rapport aux
crédits de même objet inscrits dans le budget de 1997.
Les
crédits alloués aux " pécules
rénovés ", pour leur part, passeront de 572 à 822
millions de francs.
Rappelons que le montant moyen des pécules attribués en 1997 a
été de 410 000 francs pour les officiers, et de 235 000 francs
pour les sous-officiers.
Le pécule , non imposable, peut
représenter, selon la loi, jusqu'à 45 mois de solde
pour les
militaires se trouvant à plus de dix ans de la limite d'âge de
leur grade, c'est-à-dire pour une population
de facto
limitée parmi les bénéficiaires du dispositif
.
Tel qu'il est conçu, le dispositif des pécules appelle deux
constatations :
- d'une part, les pécules, tels que les définit la loi n°
96-1111 du 19 décembre 1996, ont pu attirer un nombre assez important de
candidats ; néanmoins les critères devant présider
à l'attribution de ces pécules répondant pour l'essentiel
à l'objectif d'assainir la pyramide des grades des officiers et
sous-officiers, il en est résulté une forte concentration des
bénéficiaires sur les catégories qui, se trouvant assez
près de la limite d'âge de leur grade (4 ans et demi en 1997,
vraisemblablement 5 ans en 1998), n'ont pas vocation à percevoir les
pécules les plus importants ;
- d'autre part, on observe une forte représentation des
adjudants-chefs
7(
*
)
parmi les
sous-officiers de l'Armée de terre bénéficiaires des
pécules en 1997, (61,3 % de l'ensemble). Dans le même ordre
d'idée, 77 % des officiers bénéficiaires de pécules
en 1997 sont des colonels et des lieutenants-colonels
8(
*
)
. Cette répartition a,
rappelons-le, pour objet d'assainir la pyramide des grades du corps des
officiers.
b) La baisse des besoins en alimentation
Les crédits inscrits au chapitre 34-10 enregistrent une
diminution de 8,7 % par rapport à 1997, et passent ainsi de 1 550,9
à 1 415,45 millions de francs.
Cette évolution résulte des mesures d'effectifs correspondant
à la deuxième annuité de la loi de programmation.
En 1998 sera maintenue la prime globale d'alimentation de 1997 et de 1996
(24,40 F en métropole).
L'absence d'actualisation de ce taux pourrait se traduire par une
légère baisse du pouvoir d'achat du poste alimentation. Pour
regrettable qu'elle soit, cette situation paraît à votre
rapporteur moins critiquable que la différence de traitement
constatée, depuis plusieurs années, entre l'Armée de terre
et les autres armées au regard de la prise en charge du repas de service
de midi. Les personnels de l'Armée de terre sont, en effet, les seuls
à ne pas bénéficier de la prise en charge du repas de
service de midi.
Comme votre rapporteur l'a déjà fait observer lors de l'examen du
précédent budget, il ne sera plus acceptable, une fois
l'armée de terre professionnalisée, de refuser d'aligner
l'Armée de terre sur les autres armées, au motif que les
effectifs particulièrement importants servant dans les forces terrestres
rendraient cette mesure impossible à financer. Il sera donc
indispensable, quand l'Armée de terre aura rejoint les effectifs
prescrits par la loi de programmation à l'échéance de
2002, de mettre fin à cette différence de traitement, à
moins que le souci de l'équité se traduise par l'alignement des
autres armées sur la situation de l'Armée de terre...
c) Poursuite de la baisse des crédits consacrés à l'entretien des immeubles
Les crédits consacrés à l'entretien des
immeubles sont inscrits au chapitre 34-04 (fonctionnement), et répartis
entre les articles 92 (entretien des immeubles et du domaine militaire) et 10
(entretien et activité des forces-masse de casernement). Les
crédits destinés à l'entretien réalisé par
les formations en tant que " locataires " sont, depuis 1992,
déconcentrés.
Après la baisse de 9,3 % constatée entre la loi de finances
initiale de 1996 et le budget 1997, la contraction de - 2 % qui devrait
concerner les crédits d'entretien des casernements entre 1997 et 1998
paraît relativement moins défavorable.
Les principales réalisations effectuées depuis 1996 et
prévues pour 1998 concernent essentiellement la réfection des
toitures, façades et fermetures des bâtiments, la réfection
intérieure des logements des militaires du rang et des sous-officiers
célibataires, la sécurité des personnes et des biens,
ainsi que les réseaux d'eau, d'électricité et de
téléphone.
Comme votre rapporteur l'a précédemment relevé, sur le
chapitre 34-04 pèse l'entretien des immeubles devenus inutiles à
la suite des restructurations, mais dont l'aliénation n'est pas encore
acquise. Le maintien de l'entretien répond au souci d'éviter la
dégradation de ces locaux.
L'Armée de terre n'est donc pas en mesure de transformer les
restructurations en économies nettes
. Le décalage dans le
temps entre l'abandon des casernements et la vente de ceux-ci limiterait
à 14 millions de francs, d'après les informations transmises
à votre rapporteur, les économies attendues des dissolutions
effectuées en 1997.
d) Inquiétudes relatives à l'activité des forces terrestres
Le taux d'activité de l'Armée de terre
dépend du niveau des
crédits de carburant et de munitions.
En 1998, la dotation en carburant s'établira à 469 millions de
francs, soit une baisse de 8 % par rapport aux 510 millions de francs
prévus en 1997.
En 1998, les dotations de munitions d'instruction, qui figurent au titre V,
seront de 241 millions de francs en crédits de paiement (- 18,5 % par
rapport à 1997).
Cette baisse sensible des crédits de paiement s'explique, selon les
informations communiquées à votre rapporteur, par trois facteurs :
- la
réduction du format
de l'Armée de terre se traduit
par une diminution des besoins en munitions d'instruction ;
- les
progrès de la simulation
tendent aussi à
réduire les besoins en munitions d'instruction ;
- la
baisse de la consommation des munitions d'instruction
s'explique
également, depuis plusieurs années, par la consommation d'une
part des
stocks de munitions " guerre "
constitués
pendant la guerre froide en vue d'un affrontement en Centre-Europe, qui repose
aujourd'hui sur des hypothèses modérément envisageables.
Par ailleurs, le taux d'activité des forces terrestres s'établit,
depuis 1996, à
80 jours de sortie, dont 40 avec matériels
organiques.
Il s'agit là d'une diminution assez sensible par rapport
aux 100 jours de sortie, dont 50 avec matériels organiques, qui
caractérisaient l'activité de l'Armée de terre jusqu'en
1995. Certes, ces grandeurs ne constituent que des moyennes, et n'excluent pas
que certaines unités connaissent un taux d'activité plus
satisfaisant, en raison notamment d'un engagement sur un théâtre
d'opération extérieure.
Il est néanmoins probable que le niveau d'entraînement d'une
armée professionnelle ne saurait être satisfaisant avec 80 jours
d'activité, dont 40 avec matériel organique. Il importera donc de
restaurer un taux d'activité permettant de motiver les personnels et de
garantir des capacités opérationnelles exigeantes, conformes
à ce que l'on peut attendre d'une armée professionnelle.