CHAPITRE III

L'ÉVOLUTION DES RECETTES ET DES DÉPENSES

I. LES RECETTES EN 1995

A. L'ÉVOLUTION GLOBALE DES RECETTES EN 1995

Décomposition des augmentations de recettes en 1995

Nature des produits

Écart de recettes effectives entre 1994 et 1995
( en milliards de francs )

Écart
( en pourcentage )

Produit fiscal net

+ 47,2

+ 4 %

Recettes non fiscales (hors privatisations)


+ 14,7


+ 9,7 %

Prélèvements sur recettes

+ 1,9

- 0,8 %

Fonds de concours

+ 1,9

+ 3,3 %

Recettes du budget général (hors privatisations)


+ 65,7


+ 5,3 %

Les recettes budgétaires nettes (hors recettes de privatisations) ont progressé de 5,3 % en 1995, alors que le PIB augmentait en valeur de 3,9 %.

Cette progression, plus importante qu'en 1994 (+ 3 %), résulte largement de la progression du produit fiscal net, qui est passé de 1.254,4 milliards de francs en 1994 à 1.301,6 milliards de francs en 1995, soit une hausse de 4 %. Cette évolution ne révèle en rien un dynamisme des recettes fiscales, mais traduit les effets relativement mesurés des hausses d'impôts décidées lors de la loi de finances rectificative du 4 août 1995.

Par ailleurs, il faut noter la forte progression des recettes non fiscales (+ 9,7 %) qui ont contribué à assurer le respect des objectifs de recettes fixés par la loi de finances initiale, alors que dans le même temps, les prélèvements sur recettes étaient plus modérés (-0,8 %).

B. L'ÉVOLUTION DES RECETTES FISCALES EN 1995



 

1994

1995

Évolution 1995/1994
(en %)

Recettes fiscales brutes

1.465,2

1.523,9

+ 4,0

Remboursements et dégrèvements

- 210,8

- 222,3

+ 5,4

Produit fiscal net

dont :

- Impôt sur le revenu

- Impôt sur les sociétés

- TIPP

- TVA

- Divers

1.254,4

295,6

113,3

141,1

540,5

163,9

1.301,6

297,1

125,8

143,3

563,6

171,8

+ 3,8

+ 0,5

+11,0

+ 1,6

+ 4,3

+ 4,8

Prélèvements sur recettes

dont :

- Prélèvements au profit des Communautés européennes

- Prélèvements au profit des collectivités locales

- 236,8

- 82,6

- 154,2

- 234,9

- 78,2

- 156,6

- 0,8

- 5,2

+ 1,6

La prévision économique associée à la loi de finances pour 1995 escomptait une croissance de 5,1 % et un produit fiscal net de 1.305,9 milliards de francs en hausse de 4,1 % par rapport à 1994. Ces deux estimations étaient compatibles avec une élasticité du système fiscal 2( * ) égale à 0,80. " In fine " , la croissance aura été en 1995 de 3,9 % et les recettes fiscales nettes se seront accrues de 3,8 % au prix d'un alourdissement des prélèvements obligatoires.

Celui-ci a conduit à ajouter à l'évolution spontanée des recettes fiscales un supplément de recettes de l'ordre de 30 milliards de francs essentiellement au titre de la TVA (+ 17 milliards de francs) et de l'impôt sur les sociétés (+ 11 milliards de francs).

Sans ces mesures nouvelles, la variation des recettes fiscales aurait été de l'ordre de 1,4 %, soit une élasticité du système fiscal par rapport à la croissance de 0,35.

La progression des impôts ayant fait l'objet de majorations dans la loi de finances rectificative du 4 août 1995 est pourtant décevante.

La taxe sur la valeur ajoutée
nette progresse de 4,3 % par rapport à 1994, pour s'établir à 563,1 milliards de francs. Sans l'augmentation de deux points du taux de l'impôt, la progression aurait été limitée à 2,8 %, un niveau comparable à la progression des emplois taxables (+2,6 %). Rappelons qu'en 1994, le produit de cet impôt, avant la majoration évoquée, avait progressé de 7,2 %. La faible progression de l'assiette - consommation et investissement des ménages, consommation des administrations et importations - est la cause essentielle du médiocre rendement de l'impôt. La part de la TVA nette dans les recettes fiscales progresse toutefois sensiblement (de 42,3 % à 43,3 %).

L'impôt sur les sociétés net s'établit à 125,8 milliards de francs en 1995, en forte progression par rapport à 1994 (+11,1 %). Cette progression résulte essentiellement de la majoration de 10% instituée par la loi de finances rectificative du 4 août 1995 (10,4 milliards de francs sur 12,5 milliards de francs de produit supplémentaire), si bien qu'à législation constante, la progression n'aurait été que de 1,9 %. L'importance des remboursements d'impôts (25 milliards de francs, soit 4 milliards de plus qu'en 1994) contraste vivement avec la progression du revenu disponible brut des sociétés et quasi-sociétés en 1994 (+ 9,9 %) et 1995 (+ 5,4 %). Il s'explique en partie par l'importance des provisions passées dans le secteur financier pour faire face à la crise immobilière.

Le produit de l'impôt de solidarité sur la fortune progresse de 2,45 % pour s'élever à 8,5 milliards de francs. Cet accroissement est encore entièrement dû à la contribution de 10 % introduite par la loi de finances rectificative du 4 août 1995. En effet, une progression des bases imposables (+ 1 %) inférieure au relèvement des tranches du barème (+ 1,8 %) aurait fait diminuer l'impôt mécaniquement, en l'absence de la majoration décidée en cours d'année.

Les autres impôts connaissent également une évolution peu dynamique.

Le produit de l'impôt sur le revenu a progressé faiblement (+ 0,5 %) à 297 milliards de francs en 1995, si bien qu' il a régressé de 0,15 point de PIB, après une forte diminution en 1994 (- 4,6 %). La faible croissance de la base taxable - le revenu disponible brut des ménages avant impôt n'avait cru que de 1 % en 1994 - explique une partie du faible rendement de cet impôt en 1995. Mais des phénomènes d'optimisation fiscale de la part des ménages ont probablement joué pour expliquer l'évolution décevante du produit de l'impôt sur le revenu. D'une manière générale, la Cour des comptes note une faible corrélation entre l'évolution du produit de l'impôt sur le revenu et celle du PIB.

La taxe sur les salaires progresse de 8,9 % pour s'établir à 44,3 milliards de francs mais avec une grande inégalité dans la progression entre le secteur privé (26 milliards de francs, soit + 0,4 %) et le secteur public (18 milliards de francs, soit + 23,7 %). L'augmentation du produit de la taxe pour le secteur public s'explique largement par la suppression de l'exonération dont bénéficiait La Poste.

Les droits d'importation, la TIPP et les divers droits de douane progressent globalement faiblement (+ 1,6 %) pour s'établir à 152,3 milliards de francs. L'évolution de cette recette traduit de façon directe la déformation de la consommation des produits pétroliers. Dans un marché globalement stable, la composante la plus dynamique reste le gazole qui bénéficie d'une taxation allégée.

Les produits de l'enregistrement atteignent 68,3 milliards de francs, en baisse de 0,6 % par rapport à 1994.

Les produits du timbre et de l'impôt sur les opérations de bourse s'établissent à 11,8 milliards de francs, en diminution de 1,1 %. Les contributions indirectes et taxes assimilées atteignent 41,4 milliards de francs.

Les dégrèvements et remboursements d'impôts s'élèvent à 222 milliards de francs, en progression de 5,4 % par rapport à 1994.

les remboursements représentent 62,2 % du total : les remboursements de TVA sont stables (+ 0,6 % à 105,6 milliards de francs), alors que les remboursements d'impôts sur les sociétés augmentent fortement (+ 18,3 %).

les dégrèvements , qui représentent 31,4 % du total, progressent fortement (+ 9,5 %) essentiellement en raison de la forte augmentation des dégrèvements d'impôts locaux (50,4 milliards de francs en 1995, soit une progression de 12,7 %).

C. LES RECETTES NON FISCALES

Le recours à des recettes non fiscales a été largement utilisé en 1995. Ainsi, en dépit d'une réduction apparente de leur volume global -163,7 milliards de francs en 1995 contre 199,2 milliards de francs en 1994-, le montant des recettes non fiscales hors privatisation s'est accru de 14,7 milliards de francs l'an dernier, soit une progression de 9,7 %.

La Cour des comptes estime que " de telles hausses des recettes non fiscales ne paraissent pas pouvoir être escomptées de manière durable ".

Les recettes exceptionnelles, notamment les prélèvements sur trésoreries et réserves des organismes liés à l'Etat sont en hausse constante.

Les recettes non fiscales sont essentiellement constituées des retenues et cotisations sociales au profit de l'Etat (25,2 milliards de francs), des taxes, redevances et recettes assimilées (19,9 milliards de francs), des produits des exploitations industrielles et commerciales et des établissements publics à caractère financier (18 milliards de francs) et des intérêts des avances, des prêts et des dotations en capital (9,9 milliards de francs). Cependant, le produit des "recettes diverses" (88 milliards de francs) représente plus de la moitié des recettes non fiscales.

Les produits des exploitations industrielles et commerciales et des établissements publics à caractère financier enregistrent une baisse de 17 %, en raison de la non-reconduction des versements exceptionnels de la Banque de France et du recul des dividendes de l'Etat actionnaire dans les entreprises financières. En revanche, les dividendes de l'Etat actionnaire d'entreprises non financières progressent fortement. Les prélèvements sur les jeux connaissent une très forte hausse (+ 26 %) pour atteindre 12,5 milliards de francs.

Le produit global des intérêts des avances, des prêts et des dotations en capital progresse de 19 %.

Les taxes, redevances et recettes assimilées restent stables.

Les produits et revenus du domaine de l'Etat progressent de 3,5 %, hors recettes de privatisation. En effet, le traitement budgétaire et comptable des opérations de privatisation a été profondément modifié par la loi de finances rectificative du 4 août 1995 qui a supprimé le mécanisme d'affectation dérogatoire d'une partie du produit des privatisations en recettes du budget général. Il en est résulté une diminution de 47 milliards de francs des recettes du budget général par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale.

Les recettes diverses progressent de 21 %, pour atteindre 88 milliards de francs :

- les recettes quasi-courantes sont en hausse, principalement les recettes en atténuation des charges de la dette et des frais de trésorerie (+21 %) ;

- les recettes exceptionnelles sont conformes aux prévisions de la loi de finances rectificative ;

- les recettes de la ligne 899, d'un montant global de 25,5 milliards de francs, progressent légèrement par rapport à 1994, mais sont surtout nettement supérieures aux évaluations de la loi de finances initiale (5,7 milliards de francs) en raison de la non-évaluation des prélèvements sur les fonds gérés par la Caisse des dépôts et consignations.

La Cour des comptes note que l'ensemble des prélèvements effectués au bénéfice du Trésor sur les différents fonds gérés par la Caisse des dépôts et consignations ou sur son résultat s'élève à 20 milliards de francs pour 1995 dont 15 milliards de francs de prélèvement sur les excédents de subvention des prêts de la Caisse de garantie du logement social, 2,8 milliards de francs sur le Fonds de réserve du financement du logement (seule ressource prévue en loi de finances initiale) et 2 milliards de francs sur le Fonds de réserve des livrets d'épargne populaire. S'interrogeant sur les conséquences de ces prélèvements, elle note que le ratio de réserves de chaque fonds, fixé à 2 %, est respecté. Toutefois, l'ampleur des prélèvements contraste avec l'absence de contribution au titre de l'impôt sur les sociétés.

D. LES PRÉLÈVEMENTS SUR RECETTES

Les prélèvements sur recettes diminuent pour la première fois en 1995, de 0,8%. Alors que les prélèvements au profit des collectivités locales progressent de 1,6% pour atteindre 156,6 milliards de francs, ce résultat s'explique par la diminution des prélèvements au profit de l'Union européenne (- 5,2 % soit 78,2 milliards de francs).

Les prélèvements au profit des collectivités locales comprennent les prélèvements à caractère compensatoire (53,4 milliards de francs), les subventions (101,4 milliards de francs) et les affectations de recettes (1,2 milliard de francs).

La progression des prélèvements compensatoires au profit des collectivités locales s'explique presque entièrement par la compensation d'exonérations relatives à la fiscalité locale (+ 26,2 %). En revanche, les dotations du fonds de compensation de la TVA sont en régression (- 8,7 %), à 21,2 milliards de francs, traduisant le recul des investissements des collectivités locales en 1993.

Les subventions aux collectivités locales s'accroissent de 1,8 %, soit la simple indexation du montant de 1994 sur les prix à la consommation.

Les affectations de recettes, représentant 1,12  milliard de francs, sont en forte baisse (- 20 %) en raison des effets de la loi d'amnistie, qui a considérablement réduit le produit des amendes forfaitaires de la police de circulation.

Les prélèvements au bénéfice de l'Union européenne reculent de 5,3 % en raison de la diminution de la contribution de la France assise sur le PNB.

E. LES FONDS DE CONCOURS

Le produit des fonds de concours augmente de 3,3 % à 61,3 milliards de francs en 1995.

Les fonds de concours ordinaires et spéciaux représentent 47,5 milliards de francs dont 20,2 milliards de francs au titre du remboursement, par la Poste et France Telecom, des dépenses de pensions civiles et des allocations temporaires d'invalidité servies au personnel titulaire, rattachés au budget des charges communes.

Ces fonds de concours évoluent de manière très différenciée : les fonds rattachés au budget des routes diminuent de 3,1 % à 5,5 milliards de francs, ceux rattachés aux services financiers et au budget travail stagnent respectivement à 6,5 milliards de francs et 3,3 milliards de francs. Les fonds rattachés à l'industrie et à la défense progressent en revanche fortement (+ 11 % et + 9 %).

Les fonds de concours de la coopération internationale représentent 11,7 milliards de francs, en progression de 5,8 %. Les fonds européens connaissent une très forte progression, notamment le fonds social européen (+ 52,3 %, à 3,8 milliards de francs) et le fonds européen de développement de l'espace rural (+ 41,1 % à 2,5 milliards de francs), traduisant l'implication croissante de l'Union européenne dans les financements publics nationaux.

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