II. UN EFFORT DE RÉDUCTION DU DÉFICIT INSUFFISANT ET INCERTAIN
A. UN EFFORT INSUFFISANT
1. Un déficit globalement réduit mais qui reste à un niveau inacceptable
Depuis
1992, la France s'est habituée à un déficit de l'Etat
excédant chaque année les 200 milliards de francs. Il
conviendrait pourtant de se souvenir du choc qu'avait provoqué le
dépassement de cette somme lors de l'exécution 1992. Votée
en déficit de 91 milliards de francs, la loi de finances
s'était exécutée à -236,3 milliards de francs.
Depuis, aucun déficit n'est redescendu sous ce montant, et le
déficit prévu pour 1999 (à -236,5 milliards de
francs) n'est pas inférieur à celui de 1992.
Depuis 1980, la tendance au creusement du déficit dans les
périodes de conjoncture difficile a rarement été
contrebalancée par une ferme réduction dans les périodes
plus favorables. Le présent projet de budget est conforme à cette
politique de la facilité.
2. Un effort pour parvenir à l'équilibre primaire, insuffisant toutefois pour stabiliser la part de la dette publique dans le PIB
Pour la
première fois depuis 1991, l'Etat retrouve une situation
d'équilibre primaire
2(
*
)
,
à un niveau toutefois beaucoup plus élevé, puisqu'en 1991
l'équilibre primaire s'était établi à environ
135 milliards de francs tandis qu'il s'établirait en 1999 à
environ 235 milliards de francs (soit 100 milliards de francs de
plus) : le retour à cet équilibre s'est largement fait par
une hausse des charges de la dette.
Sur le graphique suivant, l'écart entre les deux courbes figure le
déficit primaire de l'Etat :
Mais, si l'équilibre primaire est indispensable pour stabiliser la dette
publique, il n'est toutefois pas toujours suffisant. C'est le cas en
1999 : l'effort de réduction du déficit proposé ne
suffira pas à stabiliser le poids de la dette publique dans le produit
intérieur brut, à l'inverse des politiques budgétaires
menées par la quasi-totalité de nos partenaires de l'Union
européenne
3(
*
)
. Pour
parvenir à ce résultat, il aurait en effet été
nécessaire de réduire le déficit des administrations
publiques à 2,2 % (et non 2,3 %), et donc le déficit de
l'Etat à 2,6 % (et non 2,7 %)
4(
*
)
.
De fait, et en retenant comme réalistes les hypothèses du
gouvernement, le déficit budgétaire prévu pour 1999,
236,5 milliards de francs, aggraverait légèrement le poids
de la dette publique, de 0,54 point de PIB. Les hypothèses du
gouvernement pour l'ensemble des administrations publiques conduisent à
un accroissement de la dette publique de 58,2% à 58,7% du PIB (voir
encadré), ce qui est, du reste, une amélioration par rapport aux
hypothèses du DOB (de 58,3 à 58,8%).
Toutefois, l'objectif de
stabilisation de la dette publique à terme, qui était au coeur du
discours du gouvernement pour le débat d'orientation budgétaire a
disparu des objectifs du projet de loi de finances.
La
dérive de la dette publique en 1999
telle qu'elle résulte du
projet de loi de finances
Le
gouvernement évalue pour 1998 le poids de la dette publique à
58,2 % du PIB, soit, pour un PIB de 8.496 milliards de francs, une
dette de 4.944,67 milliards de francs.
Il évalue la croissance en valeur à 325 milliards de francs,
le PIB passant de 8.496 milliards de francs à 8.821 milliards
de francs en 1999.
Les hypothèses de déficit des administrations publiques qu'il se
fixe sont dans la ligne du débat d'orientation budgétaire,
soit :
Etat =
|
-
2,38 % du PIB =
|
-
236,5 milliards de francs
|
Administrations publiques = |
- 2,28 % du PIB = |
201,3 milliards de francs |
Comme le
poids des déficits publics dans la croissance nominale en 1999 serait
supérieur à celui de la dette publique dans le PIB en 1998, le
poids de la dette dans le PIB 1999 s'aggraverait. En effet, les déficits
publics 1999 représenteraient 61,9 % de la croissance nominale,
alors que le poids initial de la dette publique serait de 58,2 % du PIB en
1998.
Il en résulterait un léger alourdissement de la dette publique
(au sens du traité sur l'Union européenne), qui passerait de
58,2 % à 58,34 % du PIB, de la façon
suivante :
Dette 1999 = |
dette 1998 + |
intérêts dette 1998 5( * ) + |
déficit primaire, soit : |
5.145,97 = |
4.944,67 + |
316,5 + |
(201,3 - 316,5) |
Dans son
dossier de presse, le gouvernement se fixe toutefois un objectif de poids de la
dette publique dans le PIB en 1999 de 58,7 %, résultat qui ne
semble pas cohérent avec le calcul précédent.
L'écart entre l'aggravation de la dette résultant des seuls
déficits publics et l'aggravation totale estimée en 1999 est de
31,96 milliards de francs. Il s'explique par des flux de créances/dettes
des administrations, comptabilisés en trésorerie et non dans le
budget. En effet, la dette publique au sens du traité sur l'Union
européenne est une dette brute : si par exemple le Trésor ou les
collectivités locales émettent un emprunt en 1999, il sera
comptabilisé dans la dette, même si la somme correspondante reste
dans les caisses des administrations. La direction de la prévision a
observé par le passé que ces flux de trésorerie
aggravaient en fin d'année la dette brute d'environ 30 milliards de
francs. Mais cette somme ne correspond pas à un endettement net.
La dette pourrait être considérée comme stabilisée
dès 1999 en négligeant cet effet, donc si la dérive de
0,14 points de PIB liée aux déficits était
neutralisée. La suppression de cet écart équivaudrait
à une
réduction supplémentaire des déficits
publics de 12,35 milliards de francs, ce qui parait possible compte-tenu du
surcroît de recettes réelles
(hors inflation)
attendu en
1999 pour l'Etat par le gouvernement : 53 milliards de francs.
En réduisant cet écart, les déficits publics atteindraient
environ
189 milliards de francs, soit 2,14% du PIB.
Ce chiffre
correspond à peu près au solde stabilisant la dette publique de
2,2 % pour 1999, déterminé par la direction de la
prévision en vue du débat d'orientation budgétaire.
Ce renoncement à stabiliser la dette publique alors que les
hypothèses du gouvernement rendraient possible un telle politique est
fortement critiquable, car chacun sait que la dynamique de l'endettement est
très difficile à endiguer lorsque la conjoncture est difficile.
Votre commission rappelle qu'en 1980, l'Etat n'était pas endetté
et que les administrations publiques l'étaient peu.
Alors que le vieillissement de la population et les charges de retraites qui en
découlent alourdissent considérablement le fardeau des
générations futures, est-il admissible de ne pas tout faire pour
stabiliser, puis réduire, la dette publique ?
3. Une réduction du déficit à l'égard de la loi de finances initiale pour 1998 peut correspondre à une dégradation par rapport à son exécution probable.
Enfin
l'effort de réduction du déficit proposé pour 1999 doit,
en novembre 1998, être apprécié au regard de
l'exécution probable de la loi de finances actuellement en vigueur et
non plus, comme ce pouvait être le cas en avril dernier, uniquement au
regard de la loi telle qu'elle a été votée.
En effet, comme en 1997, l'exécution de la loi de finances
bénéficie des facilités offertes par la bonne tenue de
l'économie française, situation inconnue de 1991 à 1996
sous des gouvernements de sensibilités diverses. Pour le projet de loi
de finances, le gouvernement a révisé ses prévisions de
recettes pour 1998 de 16,6 milliards de francs. Les surprises pourraient
être meilleures encore.
Ainsi, le 15 octobre dernier, le ministère de l'économie,
des finances et de l'industrie a fait état d'une exécution
budgétaire très convenable, avec des dépenses
maîtrisées (même si, comme souvent, cette maîtrise
s'obtient au détriment des dépenses en capital) et des recettes
en augmentation sensible.
La situation budgétaire au 31 août 1998
Le solde
budgétaire
Le solde budgétaire s'établit à -293,5 milliards de
francs à la fin août 1998, soit une amélioration de
24,8 milliards de francs par rapport à celui enregistré
l'année dernière à la même date
(- 318,3 milliards de francs).
Les recettes du budget général
Sur les huit premiers mois de l'année, les recettes nettes du budget
général s'élèvent à 887,2 milliards de
francs. Par rapport à la même période de 1997, la
croissance des recettes fiscales nettes s'établit à 3,6 %.
Les dépenses du budget général
A la fin août 1998, les dépenses du budget général
s'établissent à 1.077,9 milliards de francs contre
1.068,8 milliards de francs à la fin août 1997, soit une
augmentation de 0,9 %.
Situation à fin août
|
Août 1997 |
Août 1998 |
Evolution (%) |
Dépenses ordinaires |
963,4 |
986,3 |
+ 2,4 |
Dépenses en capital |
105,4 |
91,6 |
- 13,1 |
Dépenses du budget général |
1.068,8 |
1.077,9 |
+ 0,9 |
Recettes fiscales nettes |
891,9 |
924,2 |
+ 3,6 |
Recettes non fiscales |
77,2 |
95,7 |
+ 24,0 |
Recettes du budget général (hors fonds de concours) |
797,2 |
849,8 |
+ 6,6 |
Solde
des CST*
|
- 88,0
|
- 102,8
|
- 9,4 |
Solde général d'exécution |
- 318,3 |
- 293,5 |
|
*
Solde tendant à s'annuler en fin d'année.
Fonds de concours compris, les recettes progressent de 5,8 %, tandis
que les dépenses sont relativement stables à 0,9 %.
Le profil d'exécution du budget ayant tendance à être le
même d'année en année, on peut considérer que, hors
nouvelles mesures discrétionnaires (allégements d'impôt,
dépenses nouvelles), la tendance observée d'amélioration
du déficit va se poursuivre jusqu'à la fin de l'année.
La loi de finances pour 1998 prévoyait un déficit de
257,9 milliards de francs, en amélioration de 9,8 milliards de
francs par rapport à l'exécution 1997 (-267,7 milliards de
francs).
Or, à fin août, l'écart est de
24,8 milliards
de francs
(soit 15 milliards de francs de
mieux). A politique inchangée, si on suppose que le solde des comptes
spéciaux du Trésor prévu est respecté, le
déficit d'exécution pourrait s'établir à
-208,35 milliards de francs.
Extrapolation de l'exécution budgétaire
1998
en
fonction des tendances relevées fin août
|
Exécution 1997 |
A fin août 1998 |
Extrapolation 1998 |
Dépenses du budget général |
1.654,4 |
+ 0,9 % |
1.669,3 |
Solde des CST |
+ 1,5 |
- |
- 4,6 |
Recettes nettes du budget général |
1.385,2 |
+ 5,8 % |
1.465,5 |
Déficit |
- 267,7 |
- |
- 208,4 |
Cette
hypothèse n'a rien d'absurde. En effet, en 1997, les dépenses du
budget général ont progressé de 0,8 % par rapport
à 1996. Or, à fin août, l'exécution faisait
apparaître une progression de 0,7 %. De la même façon,
les recettes ont progressé de 3 % par rapport à 1996. A fin
août, elles progressaient de 2,6 % ; une bonne partie du
surcroît final étant imputable à l'effet de la loi portant
mesures urgentes à caractère fiscal et financier.
Votre rapporteur général rappelle que les prévisions
associées au projet de loi de finances font d'ores et déjà
état :
d'une progression de 16,6 milliards de francs de recettes nettes
totales par rapport à la loi de finances initiale ;
d'une réduction de 2,6 milliards de francs de la charge nette
de la dette, par rapport à la prévision de 234,8 milliards
de francs.
Dans ces conditions, la réalisation en 1999 d'un déficit de
236,5 milliards de francs ne peut apparaître comme un effort
significatif, sous réserve, naturellement, que le gouvernement ne
dépense pas dès 1998 une partie des plus-values fiscales
attendues
6(
*
)
.