PREMIERE PARTIE
LE PROJET DU BUDGET

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES POUR 1999

Le projet de budget des Communautés européennes tel qu'il a été adopté le 17 juillet 1998 par le Conseil voit les dépenses communautaires s'accroître de 2,8 %. Cette augmentation est excessive et la croissance de 6,6 % des crédits pour engagements renforce le jugement selon lequel les dépenses du budget européen sont insuffisamment maîtrisées.

Le Parlement européen a aggravé cette situation en votant 4 milliards d'euros de dépenses supplémentaires, offrant ainsi une image désastreuse des conditions de gestion des finances publiques européennes.

Paradoxalement, cette situation tient pour beaucoup à un mécanisme budgétaire inventé pourtant pour " discipliner " la gestion financière des Communautés européennes, les perspectives financières qui constituent la programmation pluriannuelle des finances publiques européennes.

Ce diagnostic décevant doit être gardé à l'esprit alors que se déroule la négociation des futures "perspectives financières" 2000-2006 de l'Union européenne. Compte tenu de son importance capitale, cette négociation doit faire l'objet d'une vigilance sans faille.

L'encadrement du budget européen

Deux accords interinstitutionnels conclus entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission les 29 juin 1988 et 29 octobre 1993 sont venus fixer des règles de "discipline financière" supposées "encadrer" l'exercice budgétaire.

Un plafonnement des ressources propres a été instauré une première fois pour les années 1988 à 1992, puis pour les années 1993 à 1999.

Plafond des ressources propres
des Communautés européennes entre 1988 et 1992

(en % du PNB de la Communauté)

1988

1989

1990

1991

1992

1,15

1,17

1,18

1,19

1,20


Plafond des ressources propres
des Communautés européennes entre 1988 et 1992

(en % du PNB de la Communauté)

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

1,20

1,20

1,21

1,22

1,24

1,25

1,27

Le plafonnement des " ressources propres " qui constituent la quasi-totalité des ressources budgétaires de l'Union avait pour vocation d'éviter les surenchères et les tentations d'une autorité budgétaire sans vraie responsabilité politique.

Il est cependant significatif qu'ait été retenu le principe d'une élévation progressive du plafond de ces ressources. Ainsi, fut instauré un mécanisme permettant au budget européen non seulement de profiter de la dynamique propre des économies européennes mais encore de disposer d'une part toujours plus importante de la richesse des Nations.

Tout s'est passé comme si le " prélèvement obligatoire européen " devait légitimement s'alourdir quelle que soit la situation des économies et des budgets des Etats ou encore celle des besoins de dépenses du budget européen.

A l'heure où se déroulent les négociations des futures perspectives financières européennes, un tel principe doit être récusé.

L'encadrement des dépenses se traduit par une programmation année après année des dépenses du budget par rubriques.

Six rubriques ont été définies : la politique agricole commune (rubrique 1), les actions structurelles (rubrique 2), les politiques internes (rubrique 3), les politiques extérieures (rubrique 4), l'administration (rubrique 5) et les réserves (rubriques 6). Un plafond de crédits d'engagement est fixé pour chacune de ces rubriques et pour chaque année. Ces plafonds constituent les limites supérieures au niveau ou en deçà desquelles doit s'inscrire le budget européen. Ces plafonds sont actualisés en fonction des conditions réelles de croissance du PIB et des conditions d'exécution des crédits. Ils peuvent être révisés dans certaines limites détaillées dans un précédent rapport 1( * ) .

Les perspectives financières

(En millions d'écus 1992)

 

Europe des 12

Europe des 15

 

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

Ligne directrice agricole

35.230

35.095

35.354

37.245

37.922

38.616

39.327

Actions structurelles

. Fonds de cohésion

. Fonds structurels

. Mécanisme EEE

21.277

1.500

19.777

-

21.885

1.750

20.135

-

24.477

2.000

22.369

-

26.026

2.250

23.668

108

27.588

2.500

24.980

108

29.268

2.550

26.610

108

30.245

2.600

28.345

-

Politiques internes

3.940

4.084

4.702

4.914

5.117

5.331

5.534

Actions extérieures

3.950

4.000

4.549

4.847

5.134

5.507

5.953

Dépenses administratives

3.280

3.380

3.738

3.859

3.974

4.033

4.093

Réserves

. monétaire du FEOGA

. d'aide d'urgence

. pour garanties de prêts

1.500

1.000

200

300

1.500

1.000

200

300

1.100

500

300

300

1.100

500

300

300

1.100

500

300

300

1.100

500

300

300

1.100

500

300

300

Compensations

 
 

1.547

701

212

99

 

Total des crédits d'engagements

69.177

69.944

75.467

78.692

81.047

83.954

86.952

Total des crédits de paiements

65.908

67.036

72.020

74.605

77.372

80.037

82.778

Paiements en % du PNB

1,20

1,19

1,21

1,21

1,22

1,22

1,24

Le tableau ci-dessus présente la programmation financière initiale de la politique budgétaire des Communautés popularisée sous le nom de "Paquet Delors II".

L'analyse de la programmation financière initiale fait ressortir les ressorts d'un accord ouvrant la perspective d'une progression continue des interventions communautaires dont les moyens en écus constants devaient augmenter de 3,9 % l'an, les crédits s'accroissant sur la période de plus d'1/4 des moyens.

Cette évolution, dépendante du rythme de croissance du PIB, devait déboucher sur un accroissement des dépenses communautaires rapportées au produit intérieur brut européen, sans doute modéré en termes relatifs (+ 0,07 point) mais pas en termes nominaux et significatif d'une volonté d'amplifier le poids de la dépense européenne.

En outre, la programmation d'Edimbourg devait se traduire par une évolution différenciée des crédits des différentes rubriques retraçant l'action communautaire . Les dépenses de la PAC devaient ainsi passer d'un plus de la moitié à quelques 45 % des engagements, un mouvement inverse se produisant pour les "dépenses non-obligatoires". Parmi celles-ci, les actions structurelles destinées à assurer la cohésion européenne devaient progresser, passant de 30,8 % à 34,8 % du total. Ces dernières dépenses étaient donc privilégiées au regard des évolutions programmées, mais aussi parce qu'au terme d'un engagement des différentes institutions, leur programmation faisait l'objet d'un engagement d'inscrire les crédits à la hauteur des plafonds retenus, les autres dépenses ne bénéficiant pas d'un tel engagement.

Au total, l'encadrement du budget européen, par ailleurs susceptible d'adaptations et de révisions, pouvait apparaître dès l'abord moins comme porteur de disciplines que comme annonciateur de facilités.

Il s'est traduit en outre par une déformation de l'équilibre institutionnel de départ puisque la montée en charge des dépenses non obligatoires sur lesquelles le Parlement européen dispose du dernier mot s'est traduit par l'octroi d'un supplément de pouvoir effectif du Parlement au détriment des pouvoirs du Conseil.

Il serait sans aucun doute très nécessaire d'instaurer à l'occasion de la définition du nouvel accord interinstitutionnel en voie de négociation des règles plus subtiles et réalistes de programmation.

Il n'existe en effet désormais qu'un seul budget en Europe qui échappe à de vraies disciplines budgétaires formelles, le budget des Communautés européennes.

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