N°
104
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 9 décembre 1998
RAPPORT
FAIT
au
nom de la commission des Affaires étrangères, de la
défense et des forces armées (1) sur :
- le projet de loi autorisant l'approbation de l'
Accord de
coopération
entre le Royaume de Belgique, la République
fédérale d'Allemagne, la République française, le
Grand-Duché de Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas, la République
italienne, le Royaume d'Espagne, la République portugaise, la
République hellénique, la République d'Autriche, le
Royaume de Danemark, la République de Finlande, le Royaume de
Suède, Parties contractantes à l'Accord et à la Convention
de Schengen, et la République d'Islande et le Royaume de Norvège,
relatif à la
suppression des contrôles de personnes aux
frontières communes
(ensemble une annexe),
- le projet de loi autorisant l'approbation de l'
Accord
d'adhésion du Royaume de Danemark
à la Convention
d'application de l'Accord de Schengen du 14 juin 1985 relatif à
la
suppression graduelle des contrôles aux frontières
communes
,
- le projet de loi autorisant l'approbation de l'
Accord
d'adhésion de la République de Finlande
à la
Convention d'application de l'Accord de Schengen du 14 juin 1985 relatif
à la
suppression graduelle des contrôles aux
frontières communes
,
- le projet de loi autorisant l'approbation de l'
Accord
d'adhésion du Royaume de Suède
à la Convention
d'application de l'Accord de Schengen du 14 juin 1985 relatif à
la
suppression graduelle des contrôles aux frontières
communes
,
Par M.
Paul MASSON,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM. Xavier de Villepin,
président
; Serge Vinçon, Guy Penne, André Dulait,
Charles-Henri de Cossé-Brissac, André Boyer, Mme Danielle
Bidard-Reydet,
vice-présidents
; MM. Michel Caldaguès,
Daniel Goulet, Bertrand Delanoë, Pierre Biarnès,
secrétaires
; Bertrand Auban, Michel Barnier, Jean-Michel Baylet,
Jean-Luc Bécart, Daniel Bernardet, Didier Borotra, Jean-Guy
Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique
Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Robert Del Picchia, Hubert
Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean
Faure, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Emmanuel Hamel,
Roger Husson, Christian de La Malène, Philippe Madrelle,
René Marquès, Paul Masson, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Jean-Luc
Mélenchon, René Monory, Aymeri de Montesquiou, Paul d'Ornano,
Charles Pasqua, Michel Pelchat, Alain Peyrefitte, Xavier Pintat, Bernard
Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Gérard Roujas,
André Rouvière.
Voir les numéros
:
Sénat
:
568
,
569
,
570
et
571
(1997-1998).
Traités et conventions.
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Le 14 juin 1985, la France, l'Allemagne et les pays du Benelux
décidaient, à Schengen, au Luxembourg, de supprimer
progressivement les contrôles à leurs frontières communes.
Cinq ans plus tard, le 19 juin 1990, les mêmes Etats déterminaient
les conditions de mise en oeuvre de cette initiative dans le cadre de la
convention d'application de l'accord de Schengen.
Au noyau initial des pays fondateurs se sont joints l'Italie (27 novembre
1990), l'Espagne et le Portugal (25 juin 1991), la Grèce (6 novembre
1992), l'Autriche (28 avril 1995) et enfin le Danemark, la Finlande et la
Suède (19 décembre 1996).
L'espace Schengen s'est ainsi trouvé élargi aux dimensions de
l'Union européenne à l'exception notable du Royaume-Uni et de
l'Irlande. Le traité d'Amsterdam signé le 22 octobre 1997
consacre cette évolution et intègre l'"acquis" de Schengen
à l'Union européenne tout en préservant la situation
particulière du Royaume-Uni et de l'Irlande.
Les accords d'adhésion des trois pays nordiques sont aujourd'hui soumis
à l'examen du Sénat. Ils sont accompagnés d'un accord de
coopération entre les Etats signataires de la Convention d'application
de l'Accord de Schengen d'une part, et l'Islande et la Norvège d'autre
part. En effet ces deux derniers Etats n'appartiennent pas à l'Union
européenne et ne peuvent donc intégrer l'espace Schengen.
Toutefois, dans le cadre de l'Union nordique des passeports, ces pays ont
déjà instauré la libre circulation des personnes avec le
Danemark, la Finlande et la Suède. Les nouveaux adhérents
à Schengen n'ont pas voulu renoncer à cette coopération et
faire notamment de la frontière entre la Norvège d'une part et la
Finlande et la Suède d'autre part, une frontière
extérieure de l'espace Schengen. C'est pourquoi l'accord de
coopération garantit la libre circulation des personnes entre l'espace
Schengen et la Norvège et l'Islande.
Après un examen des derniers développements de la
coopération nouée dans le cadre des accords de Schengen, votre
rapporteur analysera la situation du Danemark, de la Finlande et de la
Suède au regard des conditions fixées par la convention de 1990
à l'intégration au sein de l'espace Schengen. Il s'interrogera
ensuite sur les conditions d'association de l'Islande et de la Norvège
au processus de décision Schengen et les problèmes qu'elles
soulèvent dans la perspective de la fusion Schengen au sein de l'Union
européenne.
I. LA MÉTAMORPHOSE JURIDIQUE DES ACCORDS DE SCHENGEN
Comme
votre rapporteur a souvent eu l'occasion de le rappeler, la
légitimité du processus mis en place dans le cadre de l'accord de
Schengen repose sur un indispensable équilibre entre la libre
circulation des personnes et la sauvegarde de la sécurité, droit
fondamental reconnu à chaque citoyen.
Or jusqu'à présent, les avancées intéressent
davantage le premier volet de ce diptyque, que le second. Aussi le bilan
d'application de l'accord de Schengen et de sa convention d'application fait-il
apparaître un bilan en demi-teinte. En outre, le processus mis en place
en 1985 entre aujourd'hui dans une deuxième phase décisive,
après l'intégration de l'acquis de Schengen à l'Union
européenne. Comment cette réforme sera-t-elle conduite à
bien ? Quelles conséquences emportent-elles au regard de
l'élargissement de l'Union à plusieurs pays d'Europe centrale et
orientale ? Autant d'incertitudes sur lesquelles il conviendra de
s'interroger.
A. UN BILAN EN DEMI-TEINTE
1. Des progrès limités
.
Aux
frontières extérieures, un recours plus fréquent aux
commissions de visite
La qualité des contrôles exercés aux frontières
extérieures intéresse naturellement l'ensemble des Etats
appartenant à l'espace Schengen. L'évaluation des méthodes
employées ne saurait dès lors reposer sur la seule base des
rapports fournis par les Etats parties.
C'est pourquoi, comme l'avait d'ailleurs suggéré votre
rapporteur, le principe des commissions de visite a été
arrêté par le Comité exécutif Schengen le 27 juin
1996. Depuis cette date, plusieurs missions ont été
organisées aux frontières extérieures des Etats
signataires de la convention ; de façon générale, les pays
intéressés ont tenu compte des recommandations adressées
par les commissions de visite relatives aux personnels et aux matériels
employés à la surveillance frontalière.
Ainsi les commissions de visite ne constituent pas seulement un instrument de
l'indispensable confiance réciproque entre les parties, mais aussi un
élément essentiel de l'harmonisation des contrôles.
*
Au
chapitre de la surveillance des frontières extérieures, il
convient également de mentionner l'extension du système
d'information entre ports, notamment les ports portugais.
.
Aux frontières intérieures, la signature d'un nombre
croissant d'accords bilatéraux
Les frontières intérieures ne peuvent être laissées
sans surveillance. La sécurité commande le renforcement de la
coopération policière et douanière bilatérale
même si cette dernière, pour votre rapporteur, doit s'exercer dans
un cadre renouvelé. Le principe d'un contrôle linéaire sur
la frontière doit en effet céder la place à la mise en
place d'un contrôle en profondeur exercé à partir de postes
fixes permanents répartis de part et d'autre de la frontière.
L'efficacité des contrôles dépend pour une large part de la
bonne coordination des services de police des Etats frontaliers.
C'est pourquoi la définition des conditions de contrôle et la mise
en place de plans de surveillance requièrent la signature de conventions
bilatérales, conformément aux termes mêmes de la convention
d'application de l'accord de Schengen. En effet, selon l'article 39 de ce texte
"dans les régions frontalières, la coopération peut
être réglée par des arrangements entre les ministres
compétents des Parties contractantes (...). Les dispositions du
présent article ne font pas obstacle aux accords bilatéraux plus
complets présents et futurs entre Parties contractantes ayant une
frontière commune". Si cette faculté était longtemps
demeurée inutilisée, en revanche, plusieurs accords
bilatéraux ont pu être conclus sur une période
récente.
. frontière entre le Portugal et l'Espagne : accord du 18.11.97
créant quatre commissariats communs ;
. frontière entre l'Espagne et la France : accord du 07.07.98
créant des Centres de coopération policière et
douanière et donnant une base juridique à la coopération
directe entre les unités ;
. frontière entre la France et l'Italie : accord du 03.10.97
créant des centres de coopération policière et
douanière et donnant une base juridique à la coopération
directe entre unités ;
. frontière entre la France et l'Allemagne : accord administratif du
13.03.97 realtif à la coopération douanière dans les
régions frontalières et accord global du 09.10.97 concernant la
coopération des autorités policières et douanières
dans les régions frontalières ;
. frontière entre l'Autriche et l'Allemagne : accord du 16.12.97 sur la
coopération des autorités policières et des
administrations douanières dans les régions frontalières ;
. frontière entre l'Autriche et l'Italie : accord du 25.04-97 sur
l'observation et la poursuite transfrontalière des services de douane et
accord du 15.12.97 sur la coopération policière dans les
régions frontalières.
La coopération policière progresse aussi grâce à des
initiatives concrètes ; à cet égard il convient de relever
l'échange de matériels radio réalisés de
manière informelle entre les services policiers des régions
informelles ou encore le mémento de coopération policière
dédié à l'attention des agents chargés de traduire
sur le "terrain" l'objectif de coopération, récemment
complété par des indications relatives aux actions à
conduire quand un événement (manifestations, rencontres
sportives...) peut intéresser la sécurité publique dans
plusieurs Etats frontaliers.
.
Le fonctionnement du système d'information Schengen (SIS)
apparaît, dans son ensemble, satisfaisant.
L'extension du SIS, en 1997, à l'Autriche, l'Italie et la Grèce a
entraîné une progression sensible des signalements
intégrés dans le SIS (de 4 593 000 en 1996 à 5 592
000 en 1997). Elle s'est également traduite par une augmentation du
nombre des interpellations. A titre d'exemple, la Grèce, en un mois, a
enregistré 143 réponses positives à des signalements
d'étrangers aux fins de non-admission (art. 96 de la convention
d'application de l'accord de Schengen).
L'adhésion de nouveaux Etats aux accords de Schengen implique la mise en
place d'une deuxième génération du SIS dotée de
fonctionnalités accrues. A cette fin, une étude
préliminaire a été ouverte. Dans l'intervalle, une
modernisation de la fonction de support technique actuel du SIS a
été décidée afin de passer le cap de l'an 2000 et
de permettre l'intégration des Etats nordiques. La mise en place d'un
réseau propre de communication -indépendant de celui du SIS- pour
les bureaux Sirène (supplément d'information requis à
l'entrée nationale) dans le cadre du réseau Sirène, phase
II, apparaît aujourd'hui en bonne voie ; elle permettra
d'améliorer la qualité et la quantité des informations
échangées au sujet des signalements découverts.
.
L'harmonisation de la politique des visas
L'harmonisation de la politique des visas a progressé, même si la
liste "grise" des pays tiers auxquels s'appliquent des régimes de visas
différents subsiste, bien que limitée désormais à
trois pays seulement : la Bolivie, la Colombie et l'Equateur. Un compromis sur
ces trois pays paraît toutefois possible. Par ailleurs plusieurs mesures
concrètes ont été récemment arrêtées :
- introduction dans tous les accords à venir portant sur la suppression
du visa obligatoire d'une clause relative à durée de
séjour conforme aux dispositions de l'article 20 de la convention
(liberté de circulation au sein de l'espace Schengen pendant une
durée maximale de trois mois au cours d'une période de six mois) ;
- apposition d'un cachet sur les passeports des demandeurs de visa afin de
prévenir le dépôt par une même personne de demandes
multiples ou successives de visa.
2. Des difficultés encore nombreuses
L'application des accords de Schengen soulève encore de
nombreuses difficultés
.
Une coopération policière transfrontalière encore
insuffisante
L'accomplissement des missions de police demeure gêné en
particulier par les conditions très restrictives fixées par les
Etats Schengen à l'observation (art. 40) et à la poursuite
transfrontalière (art. 41).
Ainsi la procédure des observations transfrontalières -dont le
nombre a d'ailleurs beaucoup varié selon les pays (2 au Portugal, 165 en
Belgique et 46 en France)- n'a pas toujours donné satisfaction : recours
non justifié à la procédure d'urgence, absence de compte
rendu de l'opération. Le recours aux poursuites transfrontalières
apparaît quant à lui trop limité (en 1997 il en a
été fait usage 13 fois en Belgique, 9 fois en France mais
beaucoup plus rarement encore dans d'autres pays).
Au-delà, la coopération policière se heurte à la
disparité des attributions du service de police par rapport aux
autorités judiciaires dans les différents Etats de l'espace
Schengen.
.
Les difficultés propres à la lutte contre le trafic des
stupéfiants
Les flux de stupéfiants en provenance des Pays-Bas ne se sont pas
ralentis. Les saisies opérées au premier semestre de
l'année 1998 (1 tonne, soit autant que pour toute l'année 1997)
le montrent.
La production et l'exportation d'ecstasy constituent en particulier un grave
sujet de préoccupation (200 000 doses saisies sur le premier semestre
1998).
Certes, la coopération franco-néerlandaise a incontestablement
progressé au cours des derniers mois, notamment dans le cadre du groupe
de travail conjoint sur les stupéfiants : échange d'agents entre
les deux pays, amélioration des conditions d'exécution des
commissions rogatoires internationales.
La politique néerlandaise en matière de stupéfiants est
devenue par ailleurs plus rigoureuse. Certaines opérations de
contrôle ont engagé d'importants moyens. Toutefois, leur lourdeur
même les a condamnées à une certaine inefficacité ;
la mise en oeuvre de contrôles plus réguliers, plus confidentiels
et plus souples aurait sans doute porté davantage de fruit. Par
ailleurs, la détention pour consommation personnelle de doses de
cannabis demeure toujours dépénalisée. Surtout, la
production de cannabis et de drogues de synthèse aux Pays-Bas constitue
une anomalie difficilement admissible dans un Etat de l'espace Schengen.
Cet état de fait ne peut que favoriser le développement d'un
trafic et justifie en tout état de cause le maintien par la France des
contrôles à nos frontières terrestres avec la Belgique et
le Luxembourg en vertu de la clause de sauvegarde prévue à
l'article 2 § 2 de la convention d'application de l'accord de Schengen.
.
La vulnérabilité des frontières extérieures
Une autre source d'inquiétude tient à l'efficacité des
contrôles à nos frontières extérieures et à
l'élargissement de l'espace Schengen à des Etats comme l'Italie
et la Grèce particulièrement vulnérables aux flux
migratoires clandestins.
La frontière commune avec l'Italie qui depuis l'an passé
appartient à l'espace Schengen, demeure un sujet de
préoccupation. Ce pays reste confronté à une pression
migratoire très forte provenant des Balkans et de l'Afrique du Nord,
comme les événements de l'été dernier l'ont
montré une fois de plus. Or la surveillance, difficile, des
frontières extérieures italiennes malgré
d'indéniables progrès, ne mobilise pas tous les moyens
nécessaires. En conséquence, la coopération
franco-italienne doit faire l'objet d'une attention particulière. Le
dispositif actuel ne répond pas encore aux besoins. Il est en
particulier indispensable, dans un premier temps, que puisse être
ratifié l'accord de réadmission signé en 1997 entre nos
deux pays.
Avec la Grèce, les contrôles des passeports sur les vols et les
liaisons maritimes aujourd'hui maintenus, pourraient être levés
à la suite de la visite avant la fin de l'année, d'une commission
chargée d'examiner les progrès de la Grèce dans
l'application des accords de Schengen. Quelque 700 agents ont été
recrutés depuis un an et demi pour renforcer le dispositif de
surveillance aux frontières, le SIS fonctionne et une loi sur la
protection des données a été adoptée. Cet effort
indéniable est-il cependant à la mesure des difficultés
soulevées par la surveillance de 1 600 km de côtes et de 3 600
îles ?
En outre, selon les estimations du gouvernement grec, les immigrés
clandestins représentent actuellement quelque 500 000 personnes parmi
lesquelles 350 000 Albanais. La crise du Kosovo constitue un facteur
supplémentaire de pression migratoire sur les frontières
grecques. Par ailleurs, il faut rappeler que la Grèce et la Turquie ne
se sont toujours pas liées par un accord de réadmission ; cette
lacune, compte tenu des flux migratoires en provenance de la Turquie,
apparaît particulièrement préoccupante dans
l'hypothèse d'une prochaine levée des contrôles sur la
circulation des personnes entre la Grèce et les autres Etats de l'espace
Schengen.
*
Les
Etats membres de Schengen se sont accordés en septembre dernier sur un
plan d'action contre l'immigration clandestine
prévoyant la
constitution d'un fichier d'empreintes digitales des immigrés
illégaux. Par ailleurs, la possibilité d'un renvoi
immédiat des étrangers entrés illégalement et de
l'adoption de sanctions contre les entreprises de transport a également
fait l'objet d'un accord de principe au sein du Comité exécutif.
Ces initiatives vont dans le bon sens mais doivent dépasser le seul
stade des déclarations d'intention.
Les inquiétudes liées au contrôle des frontières
extérieures prennent une autre dimension dans la perspective d'un
élargissement de l'espace Schengen aux pays d'Europe centrale et
orientale promis à rejoindre l'Union européenne dans les
années à venir. En effet, désormais les accords de
Schengen se trouvent intégrés dans le dispositif institutionnel
de l'Union européenne : tout nouvel Etat membre entre ipso facto dans
l'espace Schengen.
B. LA SPÉCIFICITÉ D'UN PROCESSUS INTERGOUVERNEMENTAL DE DÉCISION REMIS EN CAUSE
L'intégration de l'acquis de Schengen à l'Union européenne soulève une double incertitude : d'une part, les conditions mêmes de mise en oeuvre du processus, d'autre part, l'application des accords de Schengen aux Etats qui entreront dans l'Union européenne.
1. Les conditions d'intégration de l'"acquis de Schengen"
En vertu
d'un protocole annexé au traité d'Amsterdam, les Etats de l'Union
européenne signataires des accords de Schengen sont autorisés
à instaurer entre eux une coopération plus étroite dans
les domaines relevant de l'acquis de Schengen, dans le cadre juridique et
institutionnel de l'Union européenne.
L'acquis de Schengen comprend non seulement les textes fondateurs de la
coopération Schengen et les accords d'adhésion mais aussi
l'ensemble des décisions adoptées par le Comité
exécutif Schengen.
L'incorporation de l'acquis de Schengen dans le cadre de l'Union
européenne a pour principal mérite de rétablir dans le
domaine de la sécurité européenne la cohérence
indispensable. Elle supposera dans des délais rapides :
- la fusion du comité exécutif au sein du Conseil de l'Union
européenne et partant, l'intégration du secrétariat
Schengen dans le secrétariat général du Conseil ;
- la définition de la base juridique du traité européen
applicable à l'acquis de Schengen.
. L'intégration du secrétariat général
Le Conseil Affaires générales a posé, s'agissant de
l'intégration des personnels, les orientations suivantes :
- principe d'une intégration immédiate sans période
transitoire ;
- prise en compte des conséquences budgétaires des
modalités d'intégration retenues ;
- respect des règles du statut des fonctionnaires et autres agents des
Communautés ;
- nécessité de répondre aux besoins constatés du
secrétariat général du Conseil ;
- enfin, prise en compte des seuls personnels en service au sein du
secrétariat Schengen avant la date du 2 octobre 1997.
Il reviendra au Conseil, au terme de la procédure de ratification dans
chacun des Etats signataires du traité d'Amsterdam, de fixer les
conditions d'intégration des personnels dans le cadre de ces
orientations.
Il est à craindre que les personnels du secrétariat Schengen
où aucun Français ne se trouve représenté, ne
soient intégrés de manière quasi automatique sans grande
considération pour les règles admises par le statut de la
fonction publique européenne.
. La définition de la base juridique applicable
La création, au sein du traité communautaire, d'un nouveau titre
consacré à la libre circulation des personnes, d'une part, le
maintien, d'autre part, dans le cadre de la coopération
intergouvernementale du titre VI relatif à la coopération
policière et judiciaire en matière pénale, posent en effet
le problème de la base applicable aux procédures prévues
par les accords de Schengen et régies jusqu'à présent par
les seuls principes de l'unanimité. La ventilation de l'acquis de
Schengen entre le premier et le troisième pilier constituera une
tâche extrêmement complexe. Cette mission a été
confiée à un groupe de travail. Dans l'attente d'un accord,
l'ensemble des dispositions relèveront de la coopération
intergouvernementale du titre VI.
La négociation semble avoir privilégié le premier pilier
communautaire pour principale base juridique de l'acquis Schengen au risque,
comme l'avait déjà souligné votre rapporteur, de rompre
avec la dimension intergouvernementale pourtant indispensable dans le cadre de
la coopération conduite dans ce domaine.
. La multiplication des statuts particuliers
Le Danemark, le Royaume-Uni et l'Irlande ont obtenu lors de la
négociation du traité d'Amsterdam des statuts particuliers au
regard de l'application de l'acquis de Schengen. Le premier pays participe
à la totalité des activités conduites dans le cadre des
accords de Schengen mais sur la seule base de la coopération
intergouvernementale. Comment, dès lors, s'organisera
concrètement la participation du Danemark pour les mesures relevant du
pilier communautaire ? Quant au Royaume-Uni et l'Irlande, s'ils n'ont pas
souscrit à l'acquis de Schengen, ils pourront toutefois participer
à tout ou partie des dispositions de cet acquis.
Une telle "participation à la carte" certes subordonnée à
un accord unanime du Conseil a en revanche été refusée aux
futurs Etats membres de l'Union européenne. En effet, l'acquis de
Schengen devra être intégralement accepté par tous les
Etats candidats à l'adhésion de l'Union
européenne.
2. Les risques de l'élargissement de l'espace Schengen
L'élargissement de l'espace Schengen à plusieurs
pays
de l'Europe centrale et orientale représente naturellement un risque
pour la sécurité intérieure compte tenu des pressions
migratoires fortes qui s'exercent aux frontières à partir,
notamment, de la zone formée par les Etats de la CEI (Communauté
des Etats indépendants).
C'est pourquoi la mise en oeuvre des éléments nécessaires
à une application correcte des accords de Schengen doit
représenter un élément essentiel des négociations
d'adhésion. Il semble d'ores et déjà acquis que les
mécanismes propres à l'application des accords de Schengen seront
préservés ; ainsi les accords d'adhésion ne seront mis en
vigueur que lorsque les conditions préalables à l'application
seront remplies dans les Etats candidats et qu'une commission de
vérification aura constaté sur place la mise en oeuvre des
mesures de contrôle et de surveillance prévues aux
frontières extérieures.
Un Comité permanent a été institué en septembre
dernier par le Comité exécutif Schengen afin de suivre le
processus d'adaptation des pays candidats et de les assister dans cet effort.
Plusieurs rencontres ont été et seront organisées entre
les ministres des Etats membres de l'espace Schengen et les onze pays candidats
à l'adhésion à l'Union européenne (dix pays
d'Europe centrale et orientale et Chypre).