B. UNE AGRICULTURE FACE À DE NOUVEAUX DÉFIS

Face à un bilan aussi paradoxal, l'agriculture française devra inévitablement poursuivre sa mutation. au-delà des traditionnelles " lois d'airain " que l'agriculture surmonte en permanence : les aléas climatiques, les investissements exorbitants (le rapport capital/valeur ajoutée qui s'élève à 2,6 au plus dans le secteur des biens d'équipement dépasse cinq en agriculture, foncier inclus), les taux de placement très faibles, l'inélasticité des marchés, la faible rotation et rentabilité du capital ; les secteurs agricoles et forestiers français devront répondre à de nouveaux défis dans leur quête d'un nouvel équilibre.

1. Des attentes sociales et culturelles fortes

a) La gestion de l'espace rural, enjeu économique : " une nouvelle fonction de l'agriculture " ?

La société française connaît à l'heure actuelle de profonds bouleversements :

- la population se replie sur une partie de plus en plus réduite de son territoire ; le phénomène de concentration urbaine induit des comportements et des besoins nouveaux ;

- à l'instar des autres sociétés modernes, elle connaît un important développement des activités tertiaires. Les productions traditionnelles, qu'elles soient industrielles ou agricoles, créent de moins en moins d'emplois.

L'agriculture devra, comme les autres secteurs économiques, s'adapter à ces évolutions et répondre aux nouvelles attentes d'une société, de plus en plus urbaine.

Alors que le marché des produits alimentaires de base se rétrécit, on assiste à l'émergence d'un nouveau marché de la gestion des espaces ruraux et des paysages.

Deux catégories d'espace sont concernées :

les espaces qui ont une vocation agricole et sont donc gérés par des agriculteurs à qui l'on demande d'adopter des pratiques rendant possible une autre utilisation de ces espaces.

Les contrats passés entre fédérations de chasse et agriculteurs afin d'assurer le maintien du petit gibier, le maintien de bandes abris, en constituent une bonne illustration. Ce phénomène se renforcera avec les processus de déconcentration urbaine, d'achats de résidences secondaires, d'installation en milieu rural. Les données du problème agricole vont donc changer relativement à la place qu'occupent désormais les non-agriculteurs dans le monde rural et qui sont à l'origine de cette demande sociale nouvelle. De ce point de vue, les agriculteurs ont des opportunités à saisir par rapport au développement rural en gestation (transformation-commercialisation des produits de qualité, structures d'accueil dans les fermes, entretien du patrimoine naturel, surveillance écologique...).

les espaces ruraux non agricoles, compris dans les domaines public ou privé des communes (chemins ruraux) ou qui ont perdu leur vocation agricole, mais gardent un intérêt pour le paysage ou la protection contre les risques naturels (incendies, avalanches).

Les agriculteurs sont les interlocuteurs incontournables des différents partenaires " relais " de la demande sociale, quand les espaces concernés sont situés dans le périmètre des exploitations. Cette activité de gestion de l'espace est, dans ce cas, étroitement imbriquée avec l'activité de production agricole, mais doit être rémunérée en tant que telle . Le développement des fonctions de l'agriculteur dans le domaine de la gestion de l'espace passera essentiellement par l'application des mesures agri-environnementales prévues dans le cadre de la PAC et, plus généralement, par une redéfinition du rôle de l'agriculture dans la société.

La situation est toute différente lorsque la demande de gestion concerne des espaces situés hors des exploitations. Les agriculteurs apparaissent, en raison de leur savoir-faire, du matériel dont ils disposent, de leur implantation territoriale, les mieux placés pour offrir les prestations demandées qu'il s'agisse de taille de haies, d'épandage de stations de boues d'épuration, d'aménagement et d'entretien de parcours touristiques et de zones de loisirs, de défrichement, d'entretien de chemin ruraux, de mise en place de pare-feux... Mais, le marché reste ouvert et la concurrence risque d'être vive dans les zones périurbaines et touristiques : des entreprises diverses (entreprises de paysagistes, d'architectes, associations de réinsertion) ont commencé à se placer sur ce marché, preuve qu'il devient de plus en plus solvable.

La gestion de l'espace rural devient un jeu économique qui suppose de la part des agriculteurs une véritable démarche d'entreprise et une capacité à s'adapter aux marchés des productions et des services.

Se juxtaposant à une agriculture performante, résolument tournée vers le marché, l'activité rurale, si elle se développe et si elle bénéficie d'une bonne image de marque dans la population comme auprès des pouvoirs publics, peut marquer l'émergence d'une agriculture gardienne d'un certain type de civilisation 18( * ) .

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