9. Audition de M. Dominique Chardon, Secrétaire général de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA)
Au cours
d'une première séance tenue dans la matinée, le jeudi
10 décembre 1998, la commission a procédé à
l'audition de M. Dominique Chardon, secrétaire général de
la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles,
sur le projet de loi d'orientation agricole.
Après avoir souligné que l'organisation syndicale à
laquelle il appartenait, avait accueilli très positivement, en 1996,
l'annonce, par le Président de la République, d'une loi
révisant en profondeur la politique agricole française,
M. Dominique Chardon a évoqué les acquis très
positifs de cette politique depuis 1960. Ainsi, a-t-il rappelé, à
travers des exploitations performantes, que l'agriculture s'est
développée dans le cadre communautaire, affirmant une place de
première importance, tant au niveau des exportations que des emplois.
Il a fait valoir que les nouvelles orientations de cette politique devaient
préserver l'activité économique des exploitations
agricoles, considérées désormais comme de
véritables entreprises, leur permettre de s'adapter aux
évolutions des marchés communautaire et mondial et
répondre aux exigences nouvelles des consommateurs sur le plan
qualitatif. Au-delà, il a jugé que la politique des pouvoirs
publics devait favoriser la multifonctionnalité de l'activité
agricole, à savoir la gestion des territoires, la préservation
des ressources naturelles et le développement de l'emploi.
Il a fait remarquer, à ce sujet, la difficulté qu'il pouvait
parfois y avoir à s'adapter aux exigences de la concurrence
internationale, en préservant dans le même temps les territoires
et les ressources naturelles.
M. Dominique Chardon, secrétaire général de la
Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, a
partagé certaines des orientations du projet de loi, tout en
déplorant de ne pas y retrouver les éléments qui
reconnaissent le rôle de l'entrepreneur agricole (responsable et
autonome). Il a rappelé que l'agriculteur ne pouvait pas être
considéré comme un simple fournisseur de matières
premières, mais qu'il devait bénéficier d'une partie de la
valeur ajoutée.
S'agissant de la politique de qualité des produits, il a jugé que
la multiplication des signes d'identification rendait très difficile
toute action de communication, alors qu'il était important de mettre en
valeur les territoires et de favoriser la traçabilité des
produits.
M. Dominique Chardon a considéré que le contrat territorial
d'exploitation constituait un outil intéressant, à condition
qu'il ne conduise pas à favoriser les seules fonctions de protection de
l'environnement. Il s'est déclaré déçu de la
faiblesse des moyens financiers prévus pour la mise en oeuvre du CTE et
a rappelé que celui-ci devait être accessible à tous et non
pas réservé aux seuls agriculteurs qui s'engageraient sur la
fonction environnementaliste.
Il s'est enfin déclaré en faveur du fonds de valorisation et de
communication sur l'agriculture pour aider l'agriculture française
à communiquer sur des questions horizontales concernant les liens entre
l'agriculture et la société (sécurité alimentaire,
gestion du territoire...).
M. Désiré Debavelaere a craint que ce projet de loi d'orientation
agricole n'entraîne à terme une renationalisation des aides
communautaires, risquant ainsi de faire voler en éclats la politique
agricole commune. Il s'est demandé si, à l'heure des
négociations sur l'avenir de la PAC, les partenaires européens de
la France accepteraient de financer des projets définis strictement sur
des critères nationaux.
M. Gérard César a demandé s'il convenait de supprimer ou
d'amender l'article 6 du projet de loi et si la faiblesse des moyens
prévus pour le CTE ne risquait pas de transformer ce dernier en carcan
administratif sans contrepartie financière. Il s'est
déclaré partisan d'une loi d'orientation qui aille très
loin dans la définition des dispositifs et s'est inquiété
d'un projet de texte réglementaire ouvrant la composition des
commissions départementales d'orientation agricole aux associations de
consommateurs et de protection de l'environnement.
Soulignant le rôle de M. Dominique Chardon, en tant que président
de la Société de promotion des exploitations de produits
agricoles, il lui a demandé ce qu'il pensait de la création du
fonds de valorisation et de communication.
M. Marcel Deneux a estimé que le contrat territorial d'exploitation
représentait un tournant fondamental dans les orientations de la
politique agricole française et il s'est interrogé, dans ce
nouveau contexte, sur les capacités des organisations professionnelles
et syndicales à poursuivre avec le Gouvernement en place la politique de
cogestion menée jusqu'à présent. Il a noté,
à ce sujet, tout l'intérêt qu'il y aurait à
organiser un colloque sur la cogestion de la politique agricole menée
depuis trente ans. Il s'est enfin interrogé sur la réalité
du pouvoir exercé par les agriculteurs si leur activité
n'était pas reconnue comme créant de la valeur ajoutée.
Il a fait remarquer, enfin, que le financement communautaire des CTE serait
pris sur le FEOGA-orientation (Fonds européen d'orientation et de
garantie agricole) à travers une ligne spécifique
consacrée à l'aménagement rural.
Leur répondant, M. Dominique Chardon, secrétaire
général de la Fédération nationale des syndicats
d'exploitants agricoles, a rappelé que l'organisation syndicale qu'il
représentait avait clairement pris position en faveur de la politique
agricole commune.
En ce qui concerne la politique de cogestion, il a considéré que
l'Etat devait exercer ses responsabilités dans la définition des
normes et des orientations, mais que la cogestion s'imposait pour la mise en
oeuvre de ces dernières. Il a souhaité, à cet
égard, que l'Etat s'investisse dans son rôle de partenaire.
M. Dominique Chardon a ajouté, à propos du CTE, qu'il plaidait
dans le même temps pour la simplification des contraintes administratives
qui pèsent d'ores et déjà sur les agriculteurs.
S'agissant de la promotion de l'agriculture et de ses productions, il s'est
déclaré en faveur du fonds de valorisation et de communication
qui ne doit pas faire double emploi avec le travail de communication par
filière.
M. Michel Souplet, rapporteur, est intervenu pour démontrer tout
l'intérêt qu'il y aurait à définir un modèle
européen de l'exploitant agricole s'inspirant du modèle
français. Il a souhaité, à propos des critiques
émises à l'encontre des agriculteurs, que soit comparé le
statut fiscal de ces derniers aux régimes en vigueur pour les artisans
et les commerçants.
S'agissant de la question de la représentativité syndicale, il a
fait valoir l'intérêt qu'il y aurait à conforter la
reconnaissance du fait majoritaire.
En ce qui concerne les produits biologiques et de la montagne, il s'est
déclaré en faveur de la création de sections
spécifiques les représentant au sein des interprofessions par
produit.
Enfin, en ce qui concerne le problème fondamental de l'installation des
jeunes, M. Michel Souplet, rapporteur, a souhaité que soient
adoptées des mesures fiscales réellement incitatives. Il a ainsi
suggéré que soit défiscalisée la
rémunération que le cédant obtiendrait, s'il laissait son
capital dans l'entreprise agricole reprise par un jeune agriculteur.
Lui répondant, M. Dominique Chardon, secrétaire
général de la Fédération nationale des syndicats
d'exploitants agricoles, a indiqué que sa fédération
proposait une mesure qui exonérait de l'imposition des plus-values
professionnelles la cession du capital, si la transmission de l'exploitation
agricole se faisait sous forme de viager ou de location-vente.
S'agissant des critiques sur le régime fiscal des agriculteurs, il a
souligné qu'il s'agissait d'un débat ancien, où
l'organisation syndicale qu'il représentait avait proposé
à plusieurs reprises d'apporter des réponses constructives.
Il s'est déclaré très favorable à la reconnaissance
du fait majoritaire dans la représentation syndicale du monde agricole.
En concluant sur l'avenir de la politique agricole commune, M. Dominique
Chardon a souligné qu'une nouvelle baisse des prix institutionnels ne
serait pas sans conséquence sur la viabilité économique
d'un certain nombre d'exploitations agricoles. Il a jugé qu'il fallait
soutenir la responsabilité de l'agriculteur dans son activité de
production de valeur ajoutée.