ARTICLE ADDITIONNEL RATTACHÉ
AVANT L'ARTICLE 64 A
Votre
rapporteur spécial, au nom de la commission des finances, propose
l'introduction d'un article additionnel placé avant l'article 64 A du
projet de loi de finances, qui tend à renforcer le contrôle
parlementaire (voir le texte
infra
en annexe).
Le projet de loi de finances pour 2000 prévoit en effet un double
changement de nomenclature budgétaire qui :
• d'une part isole dans un chapitre distinct (68-93) les sommes
déléguées à l'Agence française de
développement pour le financement de dons-projets dans la Zone de
solidarité prioritaire, alors qu'auparavant elles n'étaient
transférées à l'AFD qu'après accord du
comité directeur du Fonds d'aide et de coopération (FAC) au sein
duquel siègent quatre parlementaires (3 députés et un
sénateur) ;
• d'autre part change la dénomination du Fonds d'aide et de
coopération (FAC) en Fonds de solidarité prioritaire (FSP) et
scinde le comité directeur, organe de décision, en un
comité d'orientation auquel siégeront les parlementaires, et un
comité de décision duquel ils seront exclus.
Ces changements de nomenclature portent gravement atteinte à l'exercice
du contrôle parlementaire, puisqu'il n'y aura plus de contrôle
a
priori,
ni des sommes transférées à l'AFD, ni des
sommes mises en oeuvre par l'ancien FAC devenu FSP. Certes, trois
parlementaires (deux députés et un sénateur)
siègent au comité de surveillance de l'AFD, mais ce dernier
n'examine que les projets supérieurs à 9 millions d'euros.
Cet amendement vise donc à assurer le plein exercice du
contrôle parlementaire, en prévoyant que toute somme mise en
oeuvre dans la ZSP, par le ministère ou par l'agence française de
développement, pour le financement de projets, exigera une
décision préalable de l'organe de décision du FSP, au sein
duquel siégeront les parlementaires.
EXAMENS EN COMMISSION
I. EXAMEN DES COMPTES-RENDUS DE MISSION DE CONTRÔLE BUDGÉTAIRE
A. MISSION DU 14 FÉVRIER AU 1ER MARS 1999 : LA BARBADE, LA GRENADE, SAINT-VINCENT, SAINTE-LUCIE, LA DOMINIQUE, LA RÉPUBLIQUE DOMINICAINE, HAÏTI ET CUBA
Le 2
juin 1999, la commission a entendu, sous la présidence de
M. Alain
Lambert
,
président,
une
communication
de
M. Michel Charasse, rapporteur spécial des crédits de la
coopération
, sur la
mission
de
contrôle
sur
pièces et sur place des services du ministère
délégué à la coopération et à la
francophonie, et de l'Agence française de développement, qu'il a
effectuée, du 14 février au 1
er
mars
dernier, dans les neuf
pays
suivants :
La Barbade, la Grenade,
Saint-Vincent, Sainte-Lucie, La Dominique, la Républicaine Dominicaine,
Haïti et Cuba.
Dans un propos liminaire,
M. Michel Charasse
a
précisé que cette mission de contrôle l'avait conduit dans
l'ensemble des pays relevant de notre coopération pour 1999 dans la zone
Caraïbe, tels qu'ils ont été définis par le
Comité interministériel de la coopération internationale
et du développement réuni le 28 janvier 1999, à
l'exception du Surinam, que son éloignement géographique n'avait
pas permis d'inclure dans un périple déjà long, et de deux
des pays des Petites Antilles : Saint-Kitts et Nevis, et Antigua et
Barbuda, où notre coopération, bien que présente, n'est
que faiblement développée.
Il a rappelé que les pays dans lesquels il s'était rendu
étaient, hormis Cuba, déjà inclus dans le champ de notre
coopération avant 1999, mais que notre aide n'y était effective
que dans les Petites Antilles et à Haïti.
Il a décrit les motifs spécifiques de notre coopération
envers les six pays de la Caraïbe orientale qui se sont regroupés,
en 1981, dans l'OECS -Organisation of Eastern Caribbean States- et qui sont, du
nord au sud, Saint-Kitts et Nevis, Antigua et Barbuda, la Dominique,
Sainte-Lucie, Saint-Vincent et les Grenadines, et la Grenade.
Il a souligné que ces six pays ont une monnaie commune, le dollar de la
Caraïbe Est, et des difficultés similaires : la chute des
revenus tirés de la production bananière et l'emprise croissante
du trafic de la drogue sur leur économie.
La coopération française qui s'y est développée
depuis 1984 répond donc à deux objectifs principaux :
améliorer l'insertion de nos départements français
d'Amérique (DFA) dans leur environnement géopolitique, et
promouvoir la culture et la langue françaises, non comme une alternative
à l'univers anglo-saxon, ce qui serait irréaliste, mais comme le
témoignage d'une autre réalité culturelle.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial,
a estimé que
le caractère atypique de ces objectifs, comme l'inégale aptitude
de nos DFA à appuyer ces orientations, conduisent à un bilan
contrasté de notre action dans cette zone, et s'est interrogé sur
les résultats de notre coopération. En effet, les pays de l'OECS
sont bien conscients que l'aide française qui leur est destinée
ne constitue qu'une part infime de notre action extérieure (en 1998, les
7 MF affectés à notre action dans cette zone ne
représentaient que 0,67 % des 52 % des crédits du fonds
d'aide et de coopération -FAC- attribués aux Etats) et, à
plus forte raison, de l'appui financier que nous apportons à nos
départements des Antilles.
Or, ces derniers ne semblent avoir ni la volonté, ni les moyens en
projets et en hommes, pour relayer l'action de la métropole.
Il a souligné que, de surcroît, l'essentiel de l'aide
française apportée aux pays de l'OECS passe par les canaux
européens et a rappelé que la France finance le 7
e
fonds européen de développement (FED) à hauteur de
25 %. Or, notre pays -pas plus qu'un autre d'ailleurs- ne semble avoir de
maîtrise sur les projets conçus dans l'obscurité des
bureaux de la Commission de Bruxelles. De plus, l'aide européenne est
reçue comme une entité anonyme, jamais reliée aux pays qui
la composent.
Evoquant ensuite notre coopération avec Haïti, il a rappelé
que ce pays est le principal destinataire de notre coopération dans la
zone Caraïbe. Cette coopération a repris après la
levée de l'embargo décidé par la communauté
internationale pour isoler le régime militaire du général
Cédras, d'octobre 1991 à septembre 1994. Le pays a
été naturellement intégré dans la zone de
solidarité prioritaire, définie en janvier 1999.
La France est le troisième bailleur de fonds en termes
bilatéraux, après les Etats-Unis et le Canada, avec une aide
annuelle totale de 15 millions de dollars.
Les motifs de l'aide française sont multiples : ils tiennent d'abord
à une solidarité
culturelle avec un pays dont
l'inventivité artistique, dans les domaines littéraires et
picturaux, notamment, est inégalée dans la région, et
passe par notre langue en matière littéraire.
Souhaitée par les Haïtiens en dépit des besoins criants de
leur économie, cette solidarité francophone
est, a-t-il
rappelé, naturellement menacée par la
proximité des
Etats-Unis, et leur implication continue dans la vie politique d'Haïti. Le
rapporteur spécial a souligné que cette implication, à la
différence d'autres endroits du monde, s'accompagne à Haïti
d'une aide massive.
L'extrême pauvreté de la population et les difficultés
à édifier un Etat fondé sur les principes de la
démocratie, constituent le deuxième motif de notre aide.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial,
a
précisé qu'en 1998, le total de l'aide française à
Haïti était de 79,6 millions de francs dont 38,6 millions de
francs transitaient par l'Agence française de développement, 36
millions de francs par le FAC, les 5 millions de francs restants relevant de
l'appui aux Alliances françaises.
A ces chiffres, s'ajoutent 14 millions de francs d'aide alimentaire.
Il a rappelé que la construction de l'Etat de droit était la
priorité de notre coopération, au contraire de l'aide
américaine visant à mobiliser une " société
civile " aux contours mal définis. Dans cette perspective, quatre
actions principales ont été définies : l'appui
à la justice, l'appui à la police judiciaire, l'appui à
la formation des cadres de l'administration, et, enfin, le soutien aux
administrations financières de Haïti.
La lutte contre la pauvreté, outre l'aide alimentaire, comporte
également un soutien au réseau de santé publique.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial,
a estimé que
l'ensemble de ces actions se déroulait de façon aussi
satisfaisante que possible, car la paralysie des décisions
qu'entraînait l'interminable crise politique où se débat le
pays ne facilite pas la tâche de notre coopération.
Il a conclu en évoquant le projet, surdimensionné à ses
yeux, de reconstruction totale de l'Institut français d'Haïti, lui
préférant une modernisation des locaux, d'un coût bien
inférieur.
Il a considéré que notre coopération avec Haïti
était considérée comme une référence dans la
zone des Caraïbes.
Puis il a évoqué la Républicaine dominicaine, où la
France dispose de deux atouts capitaux pour occuper une place plus conforme
à son importance internationale : tout d'abord, sa forte
implication dans l'aide à Haïti constitue une vitrine pour notre
coopération, à laquelle les Dominicains sont attentifs. Le second
atout tient à l'excellente réputation du
secteur public
français et des entreprises qui y concourent, alors que ce sont
précisément les carences de ce secteur public qui entravent la
poursuite de l'expansion économique dominicaine.
Le dynamisme économique de la République dominicaine est, en
effet, extrêmement prometteur, avec une croissance continue depuis 1992.
Cependant, la perspective des prochaines échéances à la
tête de l'Etat (les élections présidentielles auront lieu
en août 2000) contribue à radicaliser les affrontements politiques
internes et à paralyser d'importantes décisions internationales,
notamment en matière de prêts.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial,
a rappelé que
les crédits bilatéraux français se résumaient
à 2,08 MF en 1999, les précédentes actions
françaises ayant été financées par des protocoles
du Trésor.
Il a conclu en regrettant que la France laisse passer de nombreux
marchés potentiels, par manque d'attention et de dynamisme, citant
l'exemple du marché du tramway de Saint-Domingue
,
qui
vient d'être élargi à Siemens et Bombardier, en sus
d'Alsthom.
Evoquant Cuba,
M. Michel Charasse, rapporteur spécial
, a
décrit la dégradation de la situation économique de
l'île qui a résulté de sa rupture avec l'Union
soviétique.
Il a rappelé que cette situation était devenue si critique que le
gouvernement cubain a décrété en 1990 une
" Période spéciale d'état de guerre en temps de
paix ", qui s'est traduite par de sévères privations pour la
population.
Parallèlement, le régime castriste a mis un terme à son
prosélytisme révolutionnaire, et a, de ce fait, renoué des
relations plus cordiales avec les pays de la région.
Cette ouverture diplomatique s'est accompagnée, en 1993, d'une ouverture
économique avec la reconnaissance de l'initiative privée, la
légalisation du dollar et l'accueil d'investisseurs étrangers. Le
Canada, le Mexique et l'Espagne sont ainsi devenus les principaux pays
fournisseurs de Cuba, la France occupant en 1997 la sixième place en ce
domaine.
Selon
M. Michel Charasse, rapporteur spécial
, l'appui
apporté par la France vise, dans ce contexte de blocage, à
conforter la place de notre pays dans la zone Caraïbe, et à
soutenir l'émergence d'un Etat de droit et d'une économie plus
performante.
Il a précisé que notre coopération avec Cuba était
régie jusqu'en 1993 par l'accord de coopération culturelle,
scientifique et technique du 16 janvier 1975, auquel se sont
substituées les règles de la zone de solidarité
prioritaire.
Il a rappelé que les crédits consacrés à Cuba en
1998 se montaient à 2.320.000 francs en crédits
d'intervention auxquels s'est ajouté le coût de fonctionnement de
l'Ecole Française de la Havane (0,570 million de francs), pris en charge
par l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger
(AEFE).
Il s'est félicité que, pour 1999, l'enveloppe de crédits
d'intervention ait été réévaluée et
portée à 3 millions de francs et qu'en outre, le ministre
délégué à la coopération et à la
francophonie ait annoncé, lors de la visite à Paris en octobre
1998 du Premier ministre cubain, M. Carlos Lage, que l'enveloppe de
coopération bilatérale serait fixée, dans le cadre de la
réforme en cours de la coopération française, à
15 millions de francs pour 1999.
Il a jugé souhaitable que cette somme soit effectivement disponible
dès 1999, et que soit précisé si elle s'ajoute ou non aux
3 millions de francs déjà mis en oeuvre.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial
, a
précisé qu'à ces crédits du ministère des
affaires étrangères s'était ajouté un protocole du
Trésor de 30 millions de francs, dégagé à sa
demande en 1992, et affecté, en 3 tranches annuelles, à la
réhabilitation
du secteur énergétique.
Ces travaux ont largement fait appel aux entreprises françaises
(Babcock, Spie-Batignolles), leur offrant des marchés d'un montant
global de 300 millions de francs environ.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial,
a conclu sa
communication en indiquant que le niveau économique de Cuba justifierait
pleinement son intégration dans la convention de Lomé, alors que
ce pays n'est actuellement qu'observateur dans cette enceinte.
Au terme de cet exposé,
M. Alain Lambert, président,
a
rappelé que les contrôles sur pièces et sur place
constituaient l'une des principales missions de la commission, et a
remercié M. Michel Charasse de la qualité et de la
continuité de son action en ce domaine.
Puis, un débat s'est ouvert sur les éléments d'information
apportés par le rapporteur spécial.
Mme Maryse Bergé-Lavigne
a regretté la faible
présence économique française à Cuba, alors que le
Canada et l'Espagne y sont très actifs.
M. François Trucy
s'est félicité de la sympathie
que valait à la France dans la région Caraïbe son attitude
ferme dans les discussions sur l'ouverture de l'Union européenne aux
exportations de " bananes dollars ".
M. Henri Torre
a souligné les effets contrastés de la
" dollarisation " de l'économie cubaine, et a
déploré que les niveaux de salaires dans l'île soient bien
supérieurs à ceux prévalant dans la région, privant
ainsi Cuba des avantages comparatifs qui découleraient de salaires plus
réduits.
Il a également interrogé le rapporteur spécial sur sa
vision de l'avenir de Cuba, et sur l'apport aux habitants de l'île des
transferts financiers en provenance de la diaspora cubaine.
En réponse,
M. Michel Charasse, rapporteur spécial
, a
regretté que nos postes diplomatiques ne s'impliquent pas davantage dans
la promotion des entreprises françaises. Il a rappelé que
certaines entreprises françaises étaient bien implantées
à Cuba, et que le Président Castro avait déjà
investi la moitié des avoirs financiers cubains en euro, monnaie dans
laquelle il voit une alternative au dollar. Il a estimé que les
transferts financiers en provenance de cubains exilés, tout comme
l'économie souterraine, permettaient à la population de
l'île de disposer d'un niveau de vie supérieur à celui
évoqué par les statistiques officielles.
En conclusion, il a rappelé que la classe politique cubaine était
assez intègre, ce qui permettrait peut-être au pays
d'échapper à l'emprise des mafias qui marque l'évolution
de la Russie post-communiste.
Le président Alain Lambert
a alors évoqué une
lettre reçue de M. le Président du Sénat lui demandant
d'étudier les modalités d'une plus grande publicité
donnée aux contrôles budgétaires de la commission, afin
d'accroître leur efficacité. Un échange de vues s'est
instauré sur ce point, et la commission a chargé son
président de lui présenter des suggestions.