TITRE PREMIER
DISPOSITIONS RENFORÇANT LA PROTECTION
DE LA
PRÉSOMPTION D'INNOCENCE
CHAPITRE PREMIER
DISPOSITIONS RENFORÇANT
LES DROITS DE LA
DÉFENSE ET LE RESPECT
DU CARACTÈRE CONTRADICTOIRE DE LA
PROCÉDURE
SECTION 1
Dispositions relatives à la garde
à vue
Article 2 DA
(art. 63 du code de procédure
pénale)
Respect de la dignité de la personne
au cours
de la garde à vue
Cet
article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée
nationale lors de la deuxième lecture, tend à compléter
l'article 63 du code de procédure pénale, relatif aux
conditions dans lesquelles des personnes peuvent être placées en
garde à vue, pour prévoir que les personnes gardées
à vue doivent être retenues dans des
conditions compatibles
avec le respect de la dignité humaine auquel chacun a droit
.
Cet article prévoit également qu'il ne peut être
procédé à des fouilles portant atteinte à
l'intégrité physique des personnes, que celles-ci doivent
bénéficier d'un temps de repos raisonnable et être
alimentées de manière à conserver toutes leurs
capacités physiques et mentales.
S'il est aisé de comprendre la motivation de ces dispositions, il faut
néanmoins constater qu'elles paraissent dépourvues de toute
portée normative. Par ailleurs, le futur article préliminaire du
code de procédure pénale prévoira, quelle que soit la
rédaction retenue à l'issue de la navette parlementaire, que
les mesures de contrainte auxquelles peut être soumise une personne
doivent être proportionnées à la gravité de
l'infraction reprochée, ne pas porter atteinte à la
dignité de la personne et être strictement limitées aux
nécessités de la procédure
.
Dans ces conditions, votre commission vous propose la
suppression
de cet
article.
Article 2 D
(art. 63-1 du code de procédure
pénale)
Notification de ses droits à la personne
gardée à vue
Cet
article prévoit, dans son premier paragraphe, que la personne
placée en garde à vue doit être informée de la
nature de l'infraction sur laquelle porte l'enquête. En première
lecture, le Sénat avait souhaité que soient employées les
termes mêmes de la convention européenne des droits de l'homme et
a décidé que la personne devait être informée
"
des raisons de son arrestation et des accusations portées
contre elle
".
Il apparaît toutefois que le terme " accusations " a un sens
bien précis dans la procédure pénale française et
ne concerne que la procédure criminelle. Il paraît donc
préférable de prévoir que la personne sera informée
de la nature de l'infraction sur laquelle porte l'enquête, ce qui
constituera un progrès par rapport au droit actuel.
Le second paragraphe de cet article prévoit que la personne
placée en garde à vue doit être informée, au
début de la mesure, du fait qu'elle pourra, six mois après la
garde à vue, interroger le procureur sur la suite donnée à
la procédure en l'absence de poursuites ou de classement. Comme en
première lecture, votre commission considère qu'il est
surréaliste d'informer d'un tel droit une personne au moment de son
placement en garde à vue. En conséquence, elle vous soumet
un
amendement
de suppression de cette disposition.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi
modifié
.
Article 2 G
(art. 716 du code de procédure
pénale)
Régime de l'emprisonnement individuel pour les
prévenus
Cet
article, introduit dans le projet de loi par l'Assemblée nationale au
cours de la première lecture, prévoit que les personnes en
détention provisoire doivent être placées au régime
de
l'emprisonnement individuel de jour et de nuit
, sans qu'il soit
possible de déroger à cette règle en raison de la
distribution des maisons d'arrêt ou de leur encombrement.
L'Assemblée nationale a décidé de reporter l'application
de cette mesure trois ans après la publication de la loi. En
première lecture, le Sénat, à la demande du Gouvernement,
a porté ce délai à cinq ans.
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a décidé
de revenir au texte qu'elle avait adopté en première lecture,
tout en déplaçant cet article qui n'a effectivement aucune raison
de figurer parmi les dispositions relatives à la garde à vue.
Elle a donc supprimé à juste titre le présent article. Les
dispositions relatives à l'emprisonnement individuel des prévenus
seront donc examinées à l'article 18 septies du projet.
En conséquence, votre commission vous propose de
maintenir la
suppression
de cet article.
Article 2 bis A
(art. 63-5 nouveau du code de
procédure pénale)
Enregistrement des interrogatoires de
garde à vue
Cet
article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée
nationale, tend à introduire dans le code de procédure
pénale un article 63-5 pour prévoir que les interrogatoires
des personnes placées en garde à vue font l'objet d'un
enregistrement sonore. L'enregistrement original serait placé sous
scellés fermés et sa copie versée au dossier.
Sur décision d'un magistrat, l'enregistrement original pourrait
être écouté au cours de la procédure.
• L'enregistrement des interrogatoires de garde à vue existe
déjà dans d'autres pays :
- au Royaume-Uni, l'enregistrement est obligatoire depuis 1984 ;
- en Allemagne, l'interrogatoire précédant l'accusation,
conduit par un procureur ou par la police, fait l'objet d'un
enregistrement ;
- en Espagne, aucun interrogatoire de garde à vue ne peut se faire
sans la présence d'un avocat. L'enregistrement audiovisuel est possible,
à la demande du gardé à vue ou à l'initiative de
l'enquêteur, sous réserve de l'accord du gardé à vue.
Il est tout à fait légitime que les progrès techniques
soient utilisés dans les procédures judiciaires lorsqu'ils
peuvent contribuer à l'efficacité de l'enquête ou à
la protection de la présomption d'innocence.
• En France, le premier exemple d'utilisation de la technique
d'enregistrement en matière de procédures judiciaires
résulte de la loi n° 94-468 du 17 juin 1998 relative
à la prévention et à la répression des infractions
sexuelles. Depuis l'adoption de cette loi, l'article 706-52 du code
procédure pénale prévoit qu'au cours de l'enquête et
de l'information, l'audition d'un mineur
victime
d'une infraction
sexuelle fait, avec son consentement ou celui de son représentant
légal, l'objet d'un enregistrement audiovisuel.
Cette disposition a pour objet d'éviter au mineur d'avoir à
répéter à de nombreuses reprises les faits traumatisants
dont il a été victime.
Les modalités d'application de cet article ont fait l'objet de
discussions très approfondies entre les deux assemblées,
notamment en ce qui concerne les conditions dans lesquelles l'enregistrement
pourrait être visionné. Il a été prévu que
cet enregistrement pourrait être visionné au cours de la
procédure d'instruction dans des conditions très
encadrées. La circulaire du 20 avril 1999 relative à
l'enregistrement audiovisuel ou sonore de l'audition des mineurs victimes
d'infractions sexuelles précise de manière très
détaillée les conditions de réalisation, d'utilisation et
de conservation des enregistrements.
Les questions posées par le présent article sont
différentes de celles que soulevait l'enregistrement des auditions des
mineurs victimes. En effet, il ne s'agit pas ici d'éviter à la
personne gardée à vue de répéter à plusieurs
reprises certains faits.
Le débat à l'Assemblée nationale sur ce sujet a
été relativement bref, de sorte qu'il est difficile de savoir
l'objectif prioritaire de cette mesure. Mme le garde des sceaux s'est
interrogée à ce sujet : "
S'agit-il de renforcer le
contrôle des gardes à vue alors que seuls les interrogatoires sont
enregistrés, et uniquement sous forme sonore ? S'agit-il de
garantir la sincérité des déclarations figurant sur le
procès-verbal, ce qui ne coïncide pas avec le caractère
écrit de notre procédure pénale ?
".
De fait, il est essentiel de clarifier le but recherché par cette
disposition si l'on souhaite en préciser utilement les modalités.
La commission de réflexion sur la justice, présidée par
M. Pierre Truche, a proposé l'enregistrement des
interrogatoires en assignant clairement à ce dispositif le but de
permettre la vérification du contenu du procès-verbal :
"
La commission estime enfin indispensable l'enregistrement par
magnétophone des interrogatoires et confrontations en cours de garde
à vue, les bandes immédiatement placées sous
scellés étant écoutées en cas de divergence entre
les propos rapportés par procès-verbal et les déclarations
ultérieures
".
Au cours du débat à l'Assemblée nationale, Mme
Frédérique Bredin, auteur de l'amendement, a fait valoir que
l'enregistrement sonore des interrogatoires de garde à vue
entraînerait une "
modification des rapports entre la personne
qui interroge et celle qui est interrogée ".
Il semble
toutefois que, si l'objectif est de changer les relations entre la personne qui
interroge et celle qui est interrogée, à supposer que ces
relations soient marquées par des comportements contestables, un
enregistrement audiovisuel serait plus adapté.
Le principal intérêt de la mesure paraît donc être la
possibilité de vérifier les propos transcrits sur le
procès-verbal d'interrogatoire. Celui-ci est en effet une
synthèse qui résume, parfois en quelques paragraphes, plusieurs
heures d'interrogatoire.
Dès lors que l'on admet que l'enregistrement est destiné à
vérifier l'exactitude sur le fond des propos rapportés par le
procès-verbal, plusieurs questions se posent. Le procès-verbal ne
risque-t-il pas de perdre toute valeur face au document sonore ?
L'enregistrement peut-il être réalisé sans l'accord de la
personne interrogée, alors que, dans de nombreux cas, il s'agit de
personnes illettrées, s'exprimant médiocrement en français
et que l'enregistrement pourra être écouté au cours de la
procédure sur décision d'un magistrat ?
Votre commission craint que cette disposition, si elle n'est pas
précisée, manque son objectif. Il paraît souhaitable, en
premier lieu, que l'enregistrement ne puisse avoir lieu qu'à la demande
de la personne, après qu'elle se sera entretenue avec son avocat,
désormais contacté à la première heure. Par
ailleurs, l'enregistrement risque d'avoir des effets totalement contraires
à ceux recherchés si un magistrat peut décider, de sa
propre initiative, et à n'importe quel stade de la procédure, de
procéder à l'écoute du document. Il paraît
nécessaire que seule la personne interrogée puisse demander
l'écoute du document sonore si elle conteste les propos qui lui sont
prêtés dans le procès-verbal.
Ces conditions paraissent nécessaires pour que l'enregistrement des
interrogatoires constitue effectivement un progrès dans la protection de
la présomption d'innocence.
Compte tenu des précautions qui paraissent nécessaires, votre
commission s'est demandé s'il était réellement souhaitable
de mettre en oeuvre une mesure aussi coûteuse pour une utilisation qui
sera sans doute rare, les procès-verbaux de police n'étant pas
systématiquement contestés, loin s'en faut. M. Jean-Pierre
Chevènement, ministre de l'Intérieur, a estimé que cette
mesure mobiliserait 2.500 policiers à temps plein.
Elle vous propose néanmoins d'accepter cette disposition en
précisant par un
amendement
que l'enregistrement ne pourra
être réalisé qu'à la demande de la personne
gardée à vue, après que celle-ci aura pu consulter son
avocat. Elle vous propose en outre que l'enregistrement ne puisse être
écouté qu'à la demande de la personne placée en
garde à vue.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 2 bis A
ainsi modifié
.
Article 2 bis B
(art. 64 du code de procédure
pénale)
Mentions devant figurer sur le procès-verbal
d'interrogatoire
Dans sa
rédaction actuelle, l'article 64 du code de procédure
pénale prévoit notamment que les officiers de police judiciaire
doivent mentionner sur le procès-verbal d'interrogatoire d'une personne
gardée à vue la durée des interrogatoires auxquelles elle
a été soumise et des repos qui ont séparé ces
interrogatoires, le jour et l'heure à partir desquels elle a
été gardée à vue, ainsi que le jour et l'heure
à laquelle elle a été soit libérée, soit
amenée devant le magistrat compétent.
Le présent article, introduit dans le projet de loi par
l'Assemblée nationale lors de la deuxième lecture, prévoit
que les
heures auxquelles la personne a pu s'alimenter
devront
également figurer sur le procès-verbal d'interrogatoire. Il
s'agit d'une mesure bienvenue, même si elle ne garantira en rien qu'une
personne gardée à vue aura pu s'alimenter convenablement pendant
la durée de la garde à vue.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 2 ter
(art. 4 de l'ordonnance n° 45-174
du 2
février 1945)
Enregistrement des interrogatoires de mineurs
Cet
article tend à modifier l'ordonnance du 2 février 1945
relative à l'enfance délinquante pour prévoir
l'enregistrement des interrogatoires des mineurs placés en garde
à vue
.
Comme elle l'a fait pour les autres personnes placées en garde à
vue (article 2 bis A), votre commission vous propose, par un
amendement
, que l'enregistrement ne puisse être effectué
qu'à la demande de la personne gardée à vue, son avocat
consulté, et qu'il ne puisse être écouté au cours de
la procédure qu'à la demande de la personne interrogée.
Elle vous propose d'adopter cet article
ainsi modifié.
SECTION ADDITIONNELLE APRÈS L'ARTICLE 2
TER
Dispositions relatives au contrôle de l'autorité
judiciaire
sur la police judiciaire
Votre commission propose de compléter les dispositions relatives à la garde à vue par quelques dispositions ayant pour objectif de renforcer le contrôle de l'autorité judiciaire sur la police judiciaire .
Article additionnel après l'article 2 ter
(art.
75-1 et 75-2 nouveaux du code de procédure pénale)
Fixation
d'un délai en matière d'enquête
préliminaire
Information du procureur en cas d'identification d'un
suspect
Votre
commission propose, par cet article additionnel, d'insérer dans le code
de procédure pénale deux nouveaux articles. Le texte
proposé pour l'article 75-1 tend à prévoir que le
procureur de la République fixe le délai dans lequel une
enquête préliminaire doit se dérouler. Le procureur
pourrait proroger ce délai au vu des justifications fournies par les
enquêteurs.
Le texte proposé pour l'article 75-2 du code de procédure
pénale tend à imposer aux officiers de police judiciaire qui
mènent une enquête préliminaire concernant un crime ou un
délit d'aviser le procureur de la République dès qu'une
personne à l'encontre de laquelle existent des indices faisant
présumer qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction
est identifiée. Cette disposition sera surtout utile dans le cas
où les officiers de police judiciaire entreprennent d'office des
enquêtes préliminaires.
Ces dispositions figurent dans le projet de loi relatif à l'action
publique en matière pénale, mais votre commission
considère qu'elles méritent d'être adoptées
rapidement et qu'elles ont un lien direct avec le présent projet de loi,
qui tend notamment à renforcer le contrôle des magistrats sur les
mesures de garde à vue.
Votre commission vous propose donc d'adopter un
amendement
tendant
à insérer un article additionnel ainsi rédigé
après l'article 2 ter.
Article additionnel après l'article 2
ter
(art. 227
du code de procédure pénale)
Application immédiate
des décisions prises
par la chambre d'accusation en matière
disciplinaire
En vertu
de l'article 224 du code de procédure pénale, la chambre
d'accusation est chargée d'exercer un contrôle sur
l'activité des fonctionnaires civils et militaires, officiers et agents
de police judiciaire, pris en cette qualité. Conformément
à l'article 227 du code de procédure pénale, la
chambre d'accusation peut adresser des observations à l'officier ou
agent de police judiciaire ou décider qu'il ne pourra, temporairement ou
définitivement, exercer, soit dans le ressort de la cour d'appel, soit
sur l'ensemble du territoire, ses fonctions d'officier de police judiciaire et
de délégué du juge d'instruction ou ses fonctions d'agent
de police judiciaire.
Dans une affaire récente, la cour de cassation a estimé que le
recours contre la décision de la chambre d'accusation avait un effet
suspensif, contrairement aux décisions de retrait ou de suspension de
l'habilitation des officiers de police judiciaire par le procureur
général.
Le présent article additionnel tend à mettre fin à cette
contradiction, en prévoyant l'application immédiate des
décisions de la chambre d'accusation en cette matière. Cette
disposition figure dans le projet de loi relatif à l'action publique en
matière pénale, mais a toute sa place dans le présent
projet de loi, qui modifie la procédure pénale de la garde
à vue à l'exécution des peines.
Votre commission vous propose donc d'adopter un
amendement
tendant
à insérer un article additionnel ainsi rédigé
après l'article 2 ter.
Article 2 quater
Participation de l'inspection
générale des services judiciaires
aux enquêtes
administratives concernant les officiers de police judiciaire
Cet
article, introduit dans le projet de loi par le Sénat au cours de la
première lecture, prévoit la création d'une inspection
générale de la police judiciaire, chargée d'enquêter
sur les infractions commises par les officiers de police judiciaire dans
l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions.
L'Assemblée nationale a supprimé cette disposition, estimant
qu'elle relevait davantage du projet de loi relatif à l'action publique
en matière pénale. De fait, le Sénat a adopté, lors
de la discussion de ce projet de loi, un amendement qui, sans créer une
nouvelle structure, prévoit que les enquêtes concernant les
officiers et agents de police judiciaire associent l'inspection
générale des services judiciaires au service d'enquête
compétent.
Votre commission vous propose, par
un amendement
, d'introduire cette
disposition, acceptée par le Gouvernement, lors du débat relatif
à l'action publique en matière pénale, dans le
présent projet de loi.
En effet, dès lors que ce projet de loi tend à modifier le
déroulement de la garde à vue, il est normal que soit
abordée la question du contrôle des officiers et agents de police
judiciaire.
L'association de l'inspection générale des services judiciaires
au service d'enquête compétent doit permettre un renforcement du
contrôle de l'autorité judiciaire sur la police judiciaire sans
faire peser aucune suspicion sur la manière dont les policiers et les
gendarmes exercent leurs fonctions dans des conditions souvent très
difficiles.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi
modifié
.
SECTION 2 BIS
Dispositions relatives aux
modalités de mise en examen
Le
projet de loi initial ne comportait aucune disposition relative à la
mise en examen
. En première lecture, l'Assemblée nationale
a simplement proposé que le juge d'instruction ne puisse plus mettre en
examen une personne qu'en présence d'indices
" précis ". Le Sénat a souhaité mener une
réflexion approfondie sur cette question et a proposé, lors de la
première lecture, que la mise en examen ne soit possible qu'en
présence d'indices graves ou concordants et qu'une personne ne puisse
plus être mise en examen par lettre recommandée sans avoir eu la
possibilité de s'expliquer devant le juge d'instruction.
En deuxième lecture, ces propositions ont été
acceptées et complétées par l'Assemblée
nationale.
Article 3 bis
(art. 80-1 du code de procédure
pénale)
Caractère des indices permettant la mise en
examen
Dans sa
rédaction actuelle, l'article 80-1 du code de procédure
pénale prévoit que le juge d'instruction peut mettre en examen
"
toute personne à l'encontre de laquelle il existe des indices
laissant présumer qu'elle a participé, comme auteur ou complice,
aux faits dont il est saisi
". L'article 80-1 définit les
modalités de la mise en examen et prévoit que celle-ci peut
résulter de l'interrogatoire de première comparution, être
faite par l'envoi d'une lettre recommandée ou notifiée par un
officier de police judiciaire.
En première lecture, l'Assemblée nationale a estimé que
les indices permettant la mise en examen devaient être
" précis ". Votre commission a observé que la
frontière entre des " indices " et des " indices
précis " était pour le moins imprécise. Elle a
proposé que la mise en examen n'intervienne qu'en présence
d'indices "
graves et concordants
", ces termes étant
déjà employés dans le code de procédure
pénale et bien connus des praticiens.
Toutefois, le débat en séance publique a permis d'affiner cette
question. Il apparaît en effet qu'en vertu de l'article 105 du code
de procédure pénale, le juge d'instruction est
obligé
de mettre en examen une personne en présence
d'indices graves et concordants. Il paraissait donc difficile d'employer les
mêmes termes pour définir le moment à partir duquel la mise
en examen est
possible
. Prévoir que le juge ne peut mettre en
examen tant qu'il n'a pas d'indices graves et concordants et qu'il est
obligé de mettre en examen dès qu'il dispose de tels indices
aurait pu susciter des difficultés juridiques importantes. Le
Sénat a donc prévu que la mise en examen serait
possible en
cas d'indices " graves ou concordants " et obligatoire en cas
d'indices " graves et concordants "
.
Par ailleurs, le Sénat, dans l'article 3 ter du projet de loi,
a apporté une autre modification à l'article 80-1 du code de
procédure pénale. Il a décidé qu'il ne serait plus
possible de mettre en examen une personne par lettre recommandée sans
lui donner la possibilité de s'expliquer au préalable devant le
juge d'instruction.
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a
procédé, sur proposition du Gouvernement, sous-amendée par
la rapporteuse de la commission des Lois, à une réécriture
complète de l'article 80-1.
Le premier alinéa du texte proposé prévoit qu'à
peine de nullité, le juge d'instruction ne peut mettre en examen que les
personnes à l'encontre desquelles il existe des indices
"
précis, graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles
aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des
infractions
" dont il est saisi. Ainsi, ce texte évoque des
indices " rendant vraisemblable " la participation à
l'infraction et non plus des indices " laissant présumer "
cette participation. La nouvelle définition paraît plus exigeante
pour le juge d'instruction et plus protectrice de la présomption
d'innocence.
En revanche, l'ajout du terme " précis " pour qualifier les
indices permettant la mise en examen ne paraît guère
présenter d'intérêt. Au contraire, la formule
employée par l'Assemblée nationale laisse davantage de marge au
juge d'instruction puisque
les différents qualificatifs sont
alternatifs et non cumulatifs
. Il suffirait donc que les indices soient
précis ou graves ou concordants pour que la mise en examen puisse
intervenir.
Votre commission vous propose, par un
amendement
, de prévoir
à nouveau que la mise en examen est possible en présence
d'indices graves ou concordants, ces termes étant déjà
employés dans le code de procédure pénale.
Le deuxième alinéa du texte proposé pour
l'article 80-1 du code de procédure pénale prévoit
que le juge d'instruction ne peut procéder à la mise en examen
qu'après avoir préalablement entendu les observations de la
personne et l'avoir mise en mesure de les faire, en étant
assistée par son avocat, soit au cours de l'interrogatoire de
première comparution, soit en tant que témoin assisté.
Cette disposition est directement issue des travaux du Sénat, qui
s'était opposé aux mises en examen faites par lettre
recommandée sans que la personne ait la possibilité de
s'expliquer. Le Gouvernement, suivi par l'Assemblée nationale, a
proposé qu'aucune mise en examen ne puisse intervenir sans une audition
préalable par le juge d'instruction, qu'il s'agisse d'une audition en
tant que témoin assisté ou d'un interrogatoire de première
comparution.
Enfin, le troisième alinéa du texte proposé pour
l'article 80-1 du code de procédure pénale prévoit
que le juge ne peut procéder à la mise en examen de la personne
que s'il estime ne pas pouvoir recourir à la procédure de
témoin assisté. Cette disposition paraît peu normative,
mais constitue un encouragement à recourir à la procédure
de témoin assisté.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi
modifié
.
Article 3 ter A
(art. 105 du code de procédure
pénale)
Caractère des indices rendant obligatoire la mise
en examen
L'article 105 du code de procédure pénale
prévoit notamment qu'une personne à l'encontre de laquelle il
existe des indices graves
et
concordants d'avoir participé aux
faits dont le juge d'instruction est saisi ne peut être entendue comme
témoin. Le juge est donc tenu, sous réserve des dispositions du
présent projet relatives au témoin assisté, de mettre en
examen cette personne. A défaut, la procédure peut être
annulée.
L'Assemblée nationale, par coordination avec les décisions prises
à l'article 3 bis, a souhaité que les indices rendant
obligatoires la mise en examen soient " précis, graves et
concordants ". Votre commission ne perçoit guère
l'intérêt de l'ajout du terme " précis ". Les
termes " graves et concordants " n'ont pas posé jusqu'à
présent de difficultés d'application et sont bien connus des
praticiens, ayant donné lieu à une jurisprudence importante.
Votre commission, par coordination avec les décisions prises à
l'article 3 bis, propose la
suppression
de cet article.
Article 3 ter
(article 80-2 du code de
procédure pénale)
Procédure préalable
à l'interrogatoire de première comparution
Cet
article, inséré dans le projet de loi par le Sénat au
cours de la première lecture, tendait à modifier
l'article 80-1 du code de procédure pénale pour
prévoir qu'une personne devait avoir la possibilité de
s'expliquer devant le juge avant qu'intervienne une éventuelle mise en
examen par lettre recommandée.
Sur proposition du Gouvernement, l'Assemblée nationale a
décidé qu'
aucune mise en examen ne pourrait intervenir sans
audition préalable
.
Elle a modifié le présent article, qui tend désormais
à rétablir l'article 80-2 du code de procédure
pénale pour définir la procédure applicable avant
l'interrogatoire de première comparution.
• Le texte proposé par le
premier paragraphe
de cet
article pour l'article 80-2 du code de procédure pénale
prévoit que le juge d'instruction peut convoquer, par lettre
recommandée, une personne pour qu'il soit procédé à
sa première comparution, dans un délai qui ne peut être
inférieur à dix jours ni supérieur à un mois. Cette
lettre devrait donner connaissance à la personne de chacun des faits
dont est saisi le juge d'instruction et pour lesquels la mise en examen est
envisagée tout en précisant leur qualification juridique.
La lettre devrait également faire connaître à la personne
qu'elle a le droit de choisir un avocat ou de demander qu'il lui en soit
désigné un d'office. Le texte prévoit que la lettre doit
préciser que la mise en examen ne pourra intervenir qu'à l'issue
de la première comparution.
Le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 80-2 du
code de procédure pénale prévoit que la convocation peut
également être notifiée par un officier de police
judiciaire.
Enfin, le troisième alinéa du texte proposé prévoit
que l'avocat choisi ou désigné est convoqué dans les
conditions prévues par l'article 114 du code de procédure
pénale, relatif aux interrogatoires ou confrontations.
En pratique, ces dispositions sont plus précises que celles
adoptées par le Sénat au cours de la première lecture. Le
Sénat avait prévu qu'une première lettre
recommandée faisant part de l'intention du juge de mettre en examen une
personne devait permettre à celle-ci de demander à être
entendue. A défaut d'une telle demande, la mise en examen pouvait
intervenir par lettre recommandée.
Le texte proposé par le Gouvernement et adopté par
l'Assemblée nationale doit permettre à toute personne de
s'expliquer avant sa mise en examen, en présence d'un avocat. La
personne serait informée avant l'entretien, des faits dont est saisi le
juge d'instruction et de leur qualification juridique, ce qui constitue un
progrès incontestable.
Votre commission vous propose un
amendement
tendant à porter d'un
mois à deux mois le délai maximal dans lequel doit intervenir la
première comparution après l'envoi de la lettre
recommandée. En effet, après avoir reçu la lettre
recommandée, la personne devra faire connaître le nom de son
avocat, qui devra à son tour être convoqué. Il paraît
donc plus prudent de prévoir un délai un peu plus long.
L'allongement du délai n'a aucune conséquence
préjudiciable pour la personne mise en cause, dans la mesure où
elle sera informée des faits dont est saisi le juge d'instruction et
pourra préparer dans des conditions satisfaisantes l'interrogatoire de
première comparution.
• Le
second paragraphe
de cet article tend à abroger
l'article 116-1 du code de procédure pénale, qui
prévoit que le juge d'instruction est tenu de faire droit à la
demande de première comparution d'une personne mise en examen. Cette
disposition perd de fait toute signification, dans la mesure où la mise
en examen ne pourra plus intervenir sans audition de la personne par le juge.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi
modifié
.
SECTION 3
Dispositions étendant les droits
des
parties au cours de l'instruction
Article 4 ter A
(article 116 du code de procédure
pénale)
Interrogatoire de première comparution
Cet
article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée
nationale. Lors de la deuxième lecture, tend à modifier
l'article 116 du code de procédure pénale relatif au
déroulement de l'
interrogatoire de première comparution
.
Le déroulement de l'interrogatoire de première comparution doit
en effet être modifié pour tenir compte des améliorations
apportées à la procédure de mise en examen par le projet
de loi. Cinq articles du projet de loi ont pour objet de modifier
l'article 116 du code de procédure pénale, dont un article
adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées, de
sorte qu'il devient très difficile d'avoir une vision claire de la
procédure qui sera applicable après l'adoption du projet de loi.
Votre commission propose, par un
amendement
, de rassembler dans le
présent article l'ensemble des modifications apportées à
l'article 116 par les articles 4 ter A, 4 ter,
4 quater A, 21 et 33, afin d'opérer une
réécriture complète de cet article.
Les principales modifications apportées à cet article par le
projet de loi sont les suivantes :
- toutes les références à "
la personne mise
en examen
" sont remplacées par des références
à "
la personne
", ce qui est logique, dans la mesure
où l'interrogatoire de première comparution ne pourra plus
intervenir après la mise en examen et ne débouchera plus
nécessairement sur la mise en examen ;
- le juge d'instruction devra, au début de l'interrogatoire, faire
connaître à la personne chacun des faits dont il est saisi et leur
qualification juridique ;
- le juge d'instruction devra avertir la personne qu'elle a le choix soit
de se taire, soit de faire des déclarations, soit d'être
interrogée ; comme actuellement, l'accord pour être
interrogé ne pourra être recueilli qu'en présence d'un
avocat ;
- après avoir recueilli les déclarations de la personne ou
procédé à son interrogatoire, le juge d'instruction devra
notifier à la personne, soit qu'elle n'est pas mise en examen et qu'elle
bénéficie des droits du témoin assisté, soit
qu'elle est mise en examen. Dans ce dernier cas, le juge devra porter à
la connaissance de la personne les faits ou la qualification juridique des
faits qui lui sont reprochés, si ces faits ou ces qualifications
diffèrent de ceux qui lui ont déjà été
notifiés. Le juge d'instruction devra informer la personne de ses droits
de formuler des demandes d'actes ou des requêtes en annulation.
En effet, en vertu de l'article 81 du code de procédure
pénale, les parties peuvent demander certains examens
médicaux ; en vertu de l'article 82-1 du code de
procédure pénale, que le projet de loi tend à modifier,
les parties pourront demander à ce qu'il soit procédé
à tous actes qui leur paraissent nécessaires à la
manifestation de la vérité ; conformément au texte
proposé pour l'article 82-2 que le projet de loi tend à
insérer dans le code de procédure pénale, la personne mise
en examen pourra demander que certains actes soient effectués en
présence de son avocat. L'article 156 du code de procédure
pénale permet, pour sa part, aux parties de demander une expertise.
Enfin, l'article 173 permet aux parties de saisir la chambre d'accusation
lorsqu'elles estiment qu'une nullité a été commise ;
- enfin, le juge d'instruction devra informer la personne de son droit de
demander la clôture de l'information au bout d'un an de
procédure ; sur ce point, votre commission vous propose de
rétablir le texte initial du projet de loi, l'Assemblée nationale
ayant proposé une rédaction qui paraît trop contraignante
puisqu'elle prévoit la saisine presque automatique du président
de la chambre d'accusation après une année d'information en
matière correctionnelle et dix-huit mois en matière criminelle.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi
modifié
.
Article 4 ter B
(art. 134 du code de procédure
pénale)
Conséquence de l'impossibilité
d'exécuter
un mandat d'amener ou d'arrêt
Conformément aux articles 3 bis et 3 ter
du
projet de loi, le juge d'instruction ne pourra plus, après l'adoption du
texte, procéder à la mise en examen d'une personne sans l'avoir
au préalable entendue, soit en tant que témoin assisté
soit au cours d'un interrogatoire de première comparution. Il convenait
de prévoir l'hypothèse dans laquelle une personne ne
répondrait pas à la convocation qui lui serait adressée en
vue d'un interrogatoire de première comparution.
Le présent article tend à compléter l'article 134 du
code de procédure pénale, relatif à l'exécution
d'un mandat d'amener ou d'arrêt. Cet article prévoit notamment que
si la personne ne peut être saisie, un procès-verbal de
perquisition et de recherches infructueuses est adressé au magistrat qui
a délivré le mandat. Cet article serait complété
pour prévoir que la personne recherchée est alors
considérée comme mise en examen pour l'application de
l'article 176, qui prévoit que le juge d'instruction examine s'il
existe contre la personne mise en examen des charges constitutives
d'infraction, dont il détermine la qualification juridique. A la suite
de cet examen, le juge d'instruction décide ou non le renvoi de la
personne devant le tribunal. Or, le renvoi devant le tribunal ne peut concerner
qu'une personne mise en examen.
Il est donc nécessaire de prévoir que les personnes qui ne
répondent pas à une convocation en vue d'un interrogatoire de
première comparution et qui ne sont pas retrouvées après
délivrance d'un mandat d'amener ou d'un mandat d'arrêt sont
considérées comme mise en examen pour le règlement de
l'information.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 4 ter
[Pour coordination]
(art. 116 du
code de
procédure pénale)
Interrogatoire de première
comparution
Cet
article, adopté dans les mêmes termes par les deux
assemblées, tend à modifier l'article 116 du code de
procédure pénale, relatif à l'interrogatoire de
première comparution, afin de prévoir que le juge d'instruction
doit informer la personne qu'elle a le choix soit de se taire, soit de faire
des déclarations, soit d'être interrogée.
Dans un souci de clarté, votre commission a décidé de
procéder, à l'article 4 ter A du projet, à
une réécriture complète de l'article 116 du code de
procédure pénale, que cinq articles du projet de loi tendent
à modifier.
Par coordination, elle vous propose la
suppression
du présent
article.
Article 4 quater A
(art. 116 du code de
procédure
pénale)
Interrogatoire de première comparution
Cet
article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée
nationale au cours de la deuxième lecture, tend à modifier
l'article 116 du code de procédure pénale, notamment pour
tenir compte du fait qu'il ne sera plus possible de mettre en examen une
personne sans qu'elle ait été préalablement entendue par
le juge d'instruction.
Votre commission approuve les modifications proposées.
Néanmoins, cinq articles du projet de loi modifiant l'article 116
du code de procédure pénale, elle a décidé de
procéder à une réécriture complète de cet
article à l'article 4 ter A, ce qui rend inutile le
présent article.
En conséquence, votre commission vous propose la
suppression
de
cet article.
Article 5
(art. 156, 164 et 167 du code de
procédure pénale)
Renforcement des droits des parties en
matière d'expertise
Cet
article a pour objet de renforcer les droits des parties en ce qui concerne les
expertises organisées au cours de l'instruction. Il prévoit
notamment que le ministère public ou la partie demandant une expertise
pourra préciser lors de sa demande les questions qu'il voudrait voir
poser à l'expert.
En première lecture, sur la proposition de notre excellent
collègue M. Michel Dreyfus-Schmidt, le Sénat a
modifié cet article pour prévoir que "
sauf dispositions
particulières, les mesures d'instruction ordonnées par le juge
pénal obéissent aux règles de procédure
civile
".
L'article 16 du code de procédure civile prévoit
actuellement que "
le juge doit, en toutes circonstances, faire
observer et observer lui-même le principe de la contradiction
".
Il dispose en outre que le juge "
ne peut retenir, dans sa
décision, les moyens, les explications et les documents invoqués
ou produits par les parties que si celles-ci ont été à
même d'en débattre contradictoirement
".
Ainsi, les expertises civiles ne sont opposables à une partie que si
elle a été présente ou dûment appelée.
L'article 162 du code de procédure civile permet à la
personne qui représente ou assiste une partie devant la juridiction qui
a ordonné la mesure d'instruction d'en suivre l'exécution, quel
que soit le lieu, et de formuler des observations.
L'Assemblée nationale s'est opposée à l'application au
procès pénal des règles de la procédure civile. La
rapporteuse de la commission des Lois, Mme Christine Lazerges, a notamment
avancé les arguments suivants pour justifier la suppression de cette
disposition :
" (...)
si un procès civil oppose le plus souvent deux parties,
le demandeur et le défendeur, les procédures pénales
concernent parfois plusieurs dizaines de personnes, mises en examen ou parties
civiles, notamment dans les affaires de terrorisme ou de trafic de
stupéfiants. L'internationalisation de la criminalité, dont on
constate chaque jour les effets, risque d'accentuer ce
phénomène.
"
De manière plus générale, l'application
systématique du principe du contradictoire semble difficilement
conciliable avec les spécificités du droit pénal :
ainsi, il paraît impossible d'obliger la victime d'une agression sexuelle
à subir une expertise en présence de l'auteur des faits ou de son
avocat
".
Votre commission estime elle aussi qu'il est difficile d'appliquer les
règles de la procédure civile aux expertises pénales,
malgré le caractère séduisant d'une telle disposition.
Rappelons que les parties, en matière civile, doivent déposer une
provision au greffe de la juridiction avant une expertise.
Votre commission vous propose donc d'adopter cet article
sans
modification
.
Article 5 bis A
(art. 217 du code de procédure
pénale)
Transmission aux avocats des parties
des arrêts
de la chambre d'accusation
Dans sa
rédaction actuelle, l'article 217 du code de procédure
pénale prévoit notamment que les dispositifs des arrêts des
chambres d'accusation sont portés, dans les trois jours, à la
connaissance des avocats des parties. Il dispose également que les
dispositifs des arrêts de non-lieu sont portés à la
connaissance des personnes mises en examen et que les dispositifs des
arrêts de renvoi devant le tribunal correctionnel ou de police sont
portés à la connaissance des parties. Les arrêts complets
ne sont transmis aux parties que lorsqu'elles peuvent former un pourvoi en
cassation.
Le présent article, inséré dans le projet de loi par
l'Assemblée nationale lors de la deuxième lecture, prévoit
la transmission, dans tous les cas, des arrêts eux-mêmes et non des
dispositifs. Les avocats des parties pourront ainsi avoir connaissance de
l'intégralité des arrêts, ce qui paraît être
une évolution utile, qui ne devrait pas entraîner de contrainte
importante pour les chambres d'accusation.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 5 bis
(art. 89-1, 116, 173 et 173-1 nouveau du
code de procédure pénale)
Délai de
recevabilité de certaines requêtes en nullité
Cet
article, introduit dans le projet de loi par le Sénat lors de la
première lecture, tend à insérer un article 173-1
dans le code de procédure pénale fixant aux parties
un
délai pour faire état de la nullité de certains actes
.
La personne mise en examen devrait faire état des moyens pris de la
nullité des actes accomplis avant son interrogatoire de première
comparution ou de cet interrogatoire lui-même dans un délai de six
mois à compter de la notification de sa mise en examen. Il en irait de
même pour la partie civile en ce qui concerne sa première audition.
L'Assemblée nationale a accepté cet article, tout en supprimant
une référence appelée à figurer dans
l'article 116 du code de procédure pénale.
L'Assemblée a intégré cette référence
à l'article 4 quater A du projet de loi.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 5 ter A
(art. 174-1 nouveau du code de
procédure pénal)
Conséquence de la nullité de
la mise en examen
A
l'article 3 bis du projet de loi, l'Assemblée nationale a
prévu, lors de la deuxième lecture du projet de loi, que,
"
à peine de nullité
", le juge d'instruction ne
pourra mettre en examen que les personnes à l'encontre desquelles il
existe des indices "
précis, graves ou concordants rendant
vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteur ou comme complice,
à la commission des infractions dont il est saisi
".
Le présent article a été introduit dans le projet de loi
par l'Assemblée nationale à la demande du Gouvernement, afin de
prévoir les conséquences de l'annulation d'une mise en examen par
la chambre d'accusation. Il prévoit l'insertion d'un article 174-1
dans le code de procédure pénale, disposant qu'en cas
d'annulation d'une mise en examen,
la personne est considérée
comme témoin assisté à compter de son interrogatoire de
première comparution et pour l'ensemble de ses interrogatoires
ultérieurs
, jusqu'à l'issue de l'information. Naturellement,
cette disposition ne s'appliquerait pas si la personne demandait
elle-même à être mise en examen. Le juge d'instruction
pourrait procéder à une nouvelle mise en examen si les conditions
prévues par l'article 80-1 du code de procédure
pénale étaient réunies.
L'Assemblée nationale a décidé, dans le cadre des
dispositions relatives à la réforme de la procédure
criminelle, qui figurent aux articles 21 octies et suivants du
projet, de qualifier la chambre d'accusation de chambre d'appel de
l'instruction. Elle n'a cependant pas prévu l'application de ce
changement de nom dans le projet de loi lui-même. Votre commission vous
soumet un
amendement
tendant à réparer cet oubli. Pour des
raisons qui seront expliquées à
l'article 21 decies A, elle vous propose que la chambre
d'accusation devienne la
chambre de l'instruction
.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi
modifié
.
SECTION 3 bis
Dispositions relatives à la
responsabilité pénale des élus
En
première lecture, le Sénat a adopté plusieurs amendements
destinés à mettre l'accent sur une question alors totalement
absente des réflexions du Gouvernement, à savoir la situation des
élus locaux et singulièrement des maires, de plus en plus souvent
mis en cause pour des faits non intentionnels. Le Sénat a adopté
plusieurs dispositions tendant en particulier à prévoir la
saisine d'un tribunal administratif en cas de plainte contre un élu
local, afin de déterminer le caractère détachable ou non
de la faute reprochée à l'élu.
Le débat ouvert par le Sénat a permis à chacun et en
particulier au Gouvernement de prendre enfin conscience de l'importance de
cette question. En octobre dernier, notre excellent collègue,
M. Pierre Fauchon, a déposé une proposition de loi
tendant à préciser la définition des délits non
intentionnels, qui a été adoptée par le Sénat le
27 janvier et doit être discutée prochainement par
l'Assemblée nationale.
L'Assemblée nationale a supprimé l'ensemble des dispositions
concernant la situation des élus locaux que le Sénat avait
inscrites dans le projet de loi. La rapporteuse de la commission des Lois,
Mme Christine Lazerges, a estimé que "
l'ensemble de
ces dispositions n'avaient qu'un lointain rapport avec l'objet du
texte
".
Votre commission ne partage par cette appréciation. En effet, la
présomption d'innocence a vocation à s'appliquer à tous.
Or, les élus locaux, de même que d'autres décideurs publics
sont parfois mis en cause à la suite d'accidents qu'ils n'avaient aucun
moyen d'éviter.
Le problème de la responsabilité pour des faits non intentionnels
faisant désormais l'objet d'un texte spécifique en cours de
discussion par les assemblées, votre commission ne propose pas de
rétablir des dispositions concernant les élus locaux dans le
présent projet de loi.
Articles 5 ter et 5 quater
(art. 11 de la loi
n° 83-634 du 13 juillet 1983,
art. L. 2123-34, L. 3123-28, L.
4135-28
du code général des collectivités
territoriales)
Saisine d'un tribunal administratif en cas de mise en
cause pénale
d'un élu local ou d'un fonctionnaire
L'article 5 quater du projet de loi, introduit dans
le
texte par le Sénat au cours de la première lecture à
l'initiative de notre excellent collègue M. Alain Vasselle, tendait
à modifier le code général des collectivités
territoriales pour prévoir, en cas de mise en cause d'un maire, d'un
président de conseil général ou d'un président de
conseil régional, la saisine, par le procureur de la République,
du Conseil d'Etat, afin qu'il désigne un tribunal administratif
appelé à déterminer si l'élu a commis une faute
détachable de l'exercice de ses fonctions. Si le tribunal concluait
à l'existence d'une faute détachable, l'élu pourrait
être mis en cause pénalement dans les conditions de droit commun.
Dans le cas contraire, le tribunal administratif serait seul compétent
pour connaître de la faute commise.
L'article 5 ter, également inséré dans le projet
de loi à l'initiative de M. Alain Vasselle, tendait à appliquer
ce dispositif aux fonctionnaires, aux agents non titulaires de droit public et
aux anciens fonctionnaires. L'Assemblée nationale a supprimé ce
dispositif, en rappelant que le Sénat avait adopté une
proposition de loi destinée à résoudre le problème
posé sans pour autant créer un régime spécifique de
responsabilité pour les élus.
De fait, le Sénat a adopté, le 27 janvier dernier, la
proposition de loi de notre collègue, M. Pierre Fauchon, qui
vise à mieux préciser la définition des délits non
intentionnels. Actuellement, une personne peut être mise en cause pour
homicide ou blessures involontaires à la suite de la moindre imprudence
ou négligence. La proposition adoptée par le Sénat
prévoit que la responsabilité pénale peut être
engagée pour la moindre imprudence lorsque le lien entre la faute et le
dommage est direct, mais que, lorsque le lien entre la faute et le dommage
n'est qu'indirect, la responsabilité pénale d'une personne
physique ne peut être engagée qu'en cas de violation manifestement
délibérée d'une obligation particulière de
sécurité ou de prudence.
Compte tenu de la discussion en cours de cette proposition de loi, qui pourrait
apporter une solution aux difficultés rencontrées par les
élus locaux mis en cause pénalement pour des faits non
intentionnels, votre commission vous propose de
maintenir la suppression
de ces articles.
Article 5 quinquies
(art. 11 de la loi
n° 83-634
du 13 juillet 1983)
Protection accordée aux maires
agissant
en qualité d'agents de l'Etat
Cet
article, inséré dans le projet de loi par le Sénat au
cours de la première lecture à l'initiative de notre excellent
collègue M. Michel Charasse, tend à compléter
l'article 11 de la loi n° 83-634 du
13 juillet 1983 portant statut des fonctionnaires.
Actuellement, en cas de poursuite d'un agent public devant la juridiction
judiciaire, lorsqu'il n'y a pas de faute personnelle détachable de la
fonction exercée et que le conflit d'attribution n'a pas
été élevé, la collectivité publique doit
couvrir les amendes prononcées. Elle doit, de plus, protéger les
agents publics contre les menaces, violences, voies de fait, injures,
diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à
l'occasion de leurs fonctions et de réparer le préjudice subi.
La collectivité publique est tenue d'accorder sa protection au
fonctionnaire ou à l'ancien fonctionnaire dans le cas où il fait
l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas
le caractère d'une faute personnelle.
Enfin, la collectivité est subrogée aux droits de la victime pour
obtenir des auteurs des menaces ou attaques la restitution des sommes
versées au fonctionnaire intéressé.
A l'initiative de notre excellent collègue,
M. Michel Charasse, le Sénat a décidé, lors de
la première lecture du projet de loi, de prévoir l'obligation
pour l'Etat d'accorder aux maires une protection identique à celle
prévue pour les fonctionnaires lorsqu'ils agissent en qualité
d'agents de l'Etat. Cet amendement a été adopté avec
l'accord du Gouvernement.
L'Assemblée nationale a décidé de supprimer cet article.
De fait, il paraît avoir davantage sa place dans la proposition de loi
tendant à préciser la définition des délits non
intentionnels. Celle-ci contient d'ores et déjà les dispositions
relatives à la protection des élus locaux par leurs
collectivités respectives. Par ailleurs, il semble que la jurisprudence
admette d'ores et déjà que les élus locaux sont des agents
publics auxquels la collectivité doit une protection au titre de
l'article 11 du statut des fonctionnaires
2(
*
)
.
En conséquence, votre commission vous propose de
maintenir la
suppression
de cet article.
SECTION 4
Dispositions relatives au
témoin
et
au témoin assisté
Article 6 bis
(art. 109 du code de procédure
pénale,
art. 434-15-1 nouveau du code pénal)
Sanction du
refus de comparaître des témoins
En
première lecture, le Sénat, sur proposition des membres du groupe
socialiste et apparentés, a décidé de supprimer la
possibilité pour le juge d'instruction de prononcer lui-même une
amende contre les témoins refusant de comparaître devant lui. Il a
en conséquence prévu l'insertion dans le code pénal d'un
délit de non-comparution de témoin passible de 25.000 F
d'amende.
L'Assemblée nationale a supprimé ce dispositif. A la
réflexion, votre commission estime qu'il n'est pas sain que le juge
d'instruction condamne lui-même les témoins qui refuseraient de
comparaître.
Votre commission propose en conséquence, par
un amendement
de
rétablir cet article, afin que le refus de comparaître d'un
témoin soit sanctionné par le tribunal plutôt que par un
juge d'instruction, nécessairement partial à l'égard dudit
témoin.
Votre commission vous soumet cet article
ainsi modifié
.
Article 7
(art. 113-1 à 113-8 nouveaux du code
de
procédure pénale)
Témoin assisté
Rappelons qu'actuellement le régime du témoin
assisté peut être accordé aux
personnes faisant l'objet
d'une plainte avec constitution de partie civile
et aux
personnes
nommément visées par un réquisitoire du procureur de la
République
. Dans le premier cas, elles bénéficient de
tous les droits reconnus à la personne mise en examen. Dans le second
cas, elle bénéficient du droit d'avoir un avocat ayant
accès au dossier.
Le présent article tend à prévoir un véritable
statut de témoin assisté
et à faciliter le recours
à cette procédure. La mission d'information de votre commission
des Lois sur la présomption d'innocence avait formulé cette
proposition dès 1995
3(
*
)
.
Le texte initial proposé par le Gouvernement prévoyait un
régime assez timide en ce qui concerne le champ d'application du statut
de témoin assisté.
• Le texte proposé pour les
articles 113-1 et 113-2
nouveaux du code de procédure pénale
prévoyait que les
personnes visées par un réquisitoire ne pourraient qu'être
entendues comme témoins assistés ou mises en examen,
conformément au droit actuel. Le texte prévoyait également
que les personnes visées par une plainte avec constitution de partie
civile pourraient être entendues comme témoin assisté et
bénéficieraient obligatoirement de ce régime si elles en
faisaient la demande. Enfin, le projet de loi initial prévoyait qu'une
personne nommément visée par une plainte ou une
dénonciation, non mise en examen, pourrait également être
entendue comme témoin assisté, sur décision du juge
d'instruction.
En première lecture, le Sénat a complété ce
dispositif. Il a en effet proposé que le statut de témoin
assisté puisse être accordé à
toute personne mise
en cause par un témoin ou par la victime
au cours de l'instruction
ainsi qu'aux
personnes à l'encontre desquelles il existe des indices
laissant présumer qu'elles ont pu commettre une infraction
. Il a en
outre souhaité que le statut de témoin assisté soit
automatiquement reconnu à ces personnes si elles en faisaient la demande.
Examinant le projet de loi en deuxième lecture, l'Assemblée
nationale, qui n'avait pas modifié cette partie du texte en
première lecture, a tenté de concilier le projet de loi initial
et les propositions du Sénat. Le texte qu'elle a adopté
prévoit qu'une personne nommément visée par une plainte ou
mise en cause par la victime pourra être entendue comme témoin
assisté et le sera obligatoirement à sa demande. Par ailleurs,
une personne mise en cause par un témoin ou contre laquelle il existe
des indices rendant vraisemblable qu'elle ait pu participer à la
commission d'infractions, pourrait être entendue comme témoin
assisté, mais ne le serait pas obligatoirement à sa demande.
De fait, il paraît difficile de permettre à toute personne
prétendant qu'il existe des indices contre elle dans une affaire de
bénéficier des droits du témoin assisté, et
notamment d'avoir accès au dossier.
Dans ces conditions, l'équilibre issu des travaux de l'Assemblée
nationale paraît pouvoir être retenu.
• Le texte proposé pour l'
article 113-3 nouveau du
code de procédure pénale
prévoyait, dans le projet de
loi initial, que le témoin assisté bénéficiait de
tous les droits reconnus à la personne mise en examen. En
première lecture, le Sénat, sur proposition de notre excellent
collègue M. Robert Badinter, a souhaité,
pour que
les statuts de témoin assisté et de mis en examen soient bien
distingués
, que les droits du témoin assisté soit
limités au droit d'être assisté par un avocat et à
l'accès au dossier.
Cette proposition a été entendue par l'Assemblée
nationale, qui a accepté que les droits du témoin assisté
ne soient pas identiques à ceux de la personne mise en examen tout en
souhaitant que le témoin assisté ait non seulement le droit
d'être assisté par un avocat ayant accès au dossier de la
procédure, mais également le droit de demander à
être confronté avec la ou les personnes qui le mettent en cause.
Cette demande pourrait être refusée par le juge d'instruction.
L'équilibre atteint en ce qui concerne les droits du témoin
assisté paraît satisfaisant.
Votre commission vous soumet
un amendement
pour prévoir que le
témoin assisté pourra choisir un avocat ou demander qu'il lui en
soit commis un d'office.
• Le texte proposé pour les
articles 113-4 et 113-5
nouveaux du code de procédure pénale
concerne le
déroulement de la première audition du témoin
assisté et prévoit que le témoin assisté ne peut
être placé sous contrôle judiciaire ou en détention.
Ces dispositions ont été approuvées par les deux
assemblées.
• Le texte proposé pour l'
article 113-6 nouveau du
code de procédure pénale
prévoyait, dans le projet de
loi initial, que les dispositions de l'article 105 du code de
procédure pénale, qui prévoit qu'une personne contre
laquelle existent des indices graves et concordants d'avoir commis une
infraction ne peut être entendue comme témoin, ne s'appliquaient
pas au témoin assisté. Sur proposition de notre collègue
M. Robert Badinter, le Sénat a supprimé cette
disposition.
Au cours du débat, notre collègue avait notamment avancé
les arguments suivants : " (...)
il est un principe fondamental de
la procédure pénale qui veut que, lorsque se trouvent
réunis contre une personne des indices graves et concordants, le juge
d'instruction doit l'inculper ou, selon la nouvelle terminologie, le mettre en
examen.
"
Il s'agit précisément de faire en sorte que cette
personne bénéficie de tous les droits de la défense. C'est
pourquoi on a toujours considéré que devaient être
frappés de nullité les actes de procédure pris à
l'encontre d'un justiciable qui, au lieu d'être mis en examen comme il
aurait dû l'être, a continué à être
traité en simple témoin.
"
Dans la mesure où nous voulons que le témoin
assisté n'ait droit qu'à l'assistance d'un avocat et à la
connaissance du dossier (...) il n'est pas possible au juge d'instruction,
même si cela l'arrange, de laisser dans la situation de témoin
assisté celui contre lequel il existe des charges suffisamment graves
pour qu'il soit mis en examen et accède ainsi à la
totalité des droits de la défense (...)
".
L'application de l'article 105 du code de procédure
pénale au témoin assisté est une question difficile.
Obliger le magistrat instructeur à mettre en examen un témoin
assisté dès qu'il existe des indices graves et concordants contre
lui risque d'empêcher l'utilisation du statut de témoin
assisté et de conduire le juge à procéder le plus
tôt possible à la mise en examen, malgré les dispositions
du projet de loi en cette matière.
A l'inverse, si l'on permet au juge d'instruction de continuer à
entendre comme témoin assisté une personne contre laquelle il
existe des charges importantes, cette personne ne bénéficiera pas
de l'ensemble des droits reconnus à la personne mise en examen, ce qui
pourrait l'empêcher d'assurer sa défense dans de bonnes
conditions.
Le Gouvernement a proposé à l'Assemblée nationale, qui a
accepté cette solution, qu'un témoin assisté puisse
conserver ce statut même lorsqu'il existe contre lui des indices graves
et concordants tout en prévoyant que ce témoin pourra le demander
à tout moment de la procédure, lors de son audition ou par lettre
recommandée. Dans un tel cas, la personne serait
considérée comme mise en examen dès sa demande ou l'envoi
de la lettre recommandée.
L'équilibre atteint avec cette rédaction paraît concilier
la nécessité d'encourager le juge d'instruction à utiliser
le statut de témoin assisté et la préservation
indispensable des droits de la défense. Votre commission vous soumet un
amendement
rédactionnel.
• Le texte proposé pour l'
article 113-7 nouveau du
code de procédure pénale
prévoit que le témoin
assisté ne prête pas serment. Il n'a pas été
modifié au cours de la discussion parlementaire.
• Le texte proposé pour l'
article 113-8 nouveau du
code de procédure pénale
prévoyait, dans le projet de
loi initial, que le juge d'instruction pourrait, à tout moment, mettre
en examen le témoin assisté dans les conditions prévues
par l'article 80-1 du code de procédure pénale, notamment
par lettre recommandée. Pour tenir compte des modifications
apportées au régime de la mise en examen, l'Assemblée
nationale a modifié le texte proposé pour cet article. Il
prévoit désormais que le juge, lorsqu'il envisage de mettre en
examen un témoin assisté doit, au préalable, informer la
personne de son intention, le cas échéant par lettre
recommandée, et la mettre en mesure de faire connaître ses
observations au cours d'un interrogatoire de première comparution. Le
juge pourrait également procéder à la mise en examen en
adressant à la personne, en même temps que l'avis de fin
d'information, une lettre recommandée précisant les faits
reprochés et leur qualification juridique. La personne serait
informée que, si elle demandait à être à nouveau
entendue par le juge, celui-ci serait tenu de procéder à son
interrogatoire.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi
modifié
.
Article 8 bis
(art. 652 du code de procédure
pénale)
Membres du Gouvernement entendus comme témoins
Dans sa
rédaction actuelle, l'article 652 du code de procédure
pénale prévoit que le Premier ministre et les autres membres du
Gouvernement ne peuvent comparaître comme témoins qu'après
autorisation du conseil des ministres sur le rapport du garde des sceaux.
L'Assemblée nationale, sur proposition de la rapporteuse de la
commission des Lois, Mme Christine Lazerges, a décidé
que cette disposition ne s'appliquerait pas aux membres du Gouvernement
entendus comme témoin assisté.
Cet amendement mérite d'être approuvé. Il convient en effet
de distinguer deux situations très différentes. Bien souvent, des
ministres sont cités comme témoins devant un tribunal pour des
affaires qui ne les concernent pas directement, la juridiction souhaitant les
entendre au titre des fonctions qu'ils exercent. Dans de tels cas, il est
parfaitement normal que le Conseil des ministres donne son accord, pour
éviter que des ministres soient continuellement appelés à
témoigner dans des procédures judiciaires.
En revanche, dans certaines situations, la demande d'audition peut porter sur
une affaire concernant directement le ministre en tant que personne. Dans un
tel cas, actuellement, le ministre ne peut être entendu comme
témoin sans l'accord du Conseil des ministres, mais il peut parfaitement
être mis en examen sans que le juge d'instruction ait besoin d'un
quelconque accord. Il serait donc utile que les membres du Gouvernement
puissent bénéficier, comme les autres citoyens, des droits du
témoin assisté sans que le Conseil des ministres soit
appelé à donner son autorisation.
Faute d'une telle
disposition, les magistrats instructeurs recourront de manière
prématurée à la mise en examen.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 9 ter A
(art. 429 du code de procédure
pénale)
Contenu des procès-verbaux d'interrogatoire
Au cours
de la première lecture, le Sénat a inséré dans le
projet de loi, sur proposition de notre excellent collègue
M. Michel Charasse, un article 21 septies modifiant
l'article 419 du code de procédure pénale pour
prévoir que tout procès-verbal d'interrogatoire doit comporter
les
questions auxquelles il est répondu
.
L'Assemblée nationale a, à juste titre, supprimé
l'article 21 septies pour introduire cette disposition parmi les
articles du projet de loi relatifs aux droits des parties. Elle a
proposé que les procès-verbaux d'interrogatoire ne comportent les
questions auxquelles il est répondu que lorsque les parties ou leurs
avocats en font la demande.
Votre commission estime préférable que, dans tous les cas et
à tous les stades de la procédure, les procès-verbaux
comportent les questions auxquelles il est répondu. Elle vous soumet
donc un
amendement
en ce sens.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi
modifié
.
Article 9 ter
(art. 500-1 nouveau du code de
procédure pénale)
Appel en matière
correctionnelle
En
première lecture, le Sénat, sur proposition de notre excellent
collègue M. Pierre Fauchon, a adopté un amendement
modifiant l'article 498 du code de procédure pénale pour
porter de dix jours à un mois le délai d'appel en
matière correctionnelle
. Notre collègue avait notamment
exposé que le délai de dix jours ne laissait guère la
place à la réflexion et que les parties faisaient souvent appel
à titre conservatoire, enclenchant ainsi une mécanique impossible
à arrêter par la suite, le parquet faisant souvent un appel
incident.
Les députés ont estimé que la disposition adoptée
par le Sénat risquait d'accroître l'incertitude juridique des
parties. Sur proposition de la rapporteuse de la commission des Lois,
Mme Christine Lazerges, ils ont inséré un
article 500-1 dans le code de procédure pénale pour
faciliter le désistement
. Ainsi, le désistement par le
prévenu ou la partie civile de son appel principal dans le délai
d'un mois à compter de l'appel entraînerait la
caducité
des appels incidents
, y compris celui du ministère public. Le texte
prévoit également que le ministère public peut toujours se
désister de son appel formé après celui du prévenu
en cas de désistement de celui-ci.
La solution proposée par l'Assemblée nationale paraissant
répondre aux objectifs poursuivis par le Sénat en première
lecture, votre commission vous propose d'adopter cet article
sans
modification
.
Article 9 quater
(art. 513 du code de procédure
pénale)
Ordre des interventions lors de l'audience d'appel
L'article 460 du code de procédure pénale
définit l'ordre des interventions devant le tribunal correctionnel. Il
prévoit que la partie civile est d'abord entendue, que le
ministère public prend ses réquisitions, que le prévenu
et, s'il y a lieu, la personne civilement responsable, présentent leur
défense ; la partie civile et le ministère public peuvent
alors répliquer, le prévenu ou son avocat ayant toujours la
parole en dernier.
Devant la chambre des appels correctionnels, l'ordre des interventions est
différent : les parties appelantes interviennent d'abord, puis les
parties intimées, dans l'ordre fixé par le président, le
prévenu ou son avocat reprenant toujours la parole en dernier.
En première lecture, le Sénat a adopté, sur proposition de
notre excellent collègue M. Michel Dreyfus-Schmidt, un amendement
modifiant l'ordre des interventions devant la chambre des appels
correctionnels. Notre collègue avait fait valoir que le prévenu
faisant appel intervenait le premier, de sorte qu'il était rare qu'il
reprenne la parole après le ministère public et la partie civile.
Le Sénat a donc modifié l'article 513 du code de
procédure pénale pour prévoir que l'ordre des
interventions devant la chambre des appels correctionnels est le même que
devant le tribunal correctionnel, l'appelant ou son représentant devant
au préalable sommairement indiquer les motifs de son appel.
Cette modification a été approuvée par l'Assemblée
nationale. Celle-ci a complété cet article par un nouveau
paragraphe (paragraphe I) qui modifie lui aussi l'article 513 pour
prévoir que les témoins à décharge cités par
le prévenu peuvent être entendus par la chambre des appels
correctionnels. Le ministère public pourrait s'opposer à ces
auditions dans le cas où ces témoins auraient déjà
été entendus par le tribunal correctionnel. La cour devrait
trancher avant tout débat au fond. Actuellement, l'article 513
prévoit seulement que les témoins ne sont entendus que si la cour
a ordonné leur audition. Lors du débat à
l'Assemblée nationale, Mme Christine Lazerges, rapporteuse de la
commission des Lois, a fait valoir qu'il s'agissait "
de permettre
à la défense de présenter les mêmes moyens de
défense en appel qu'en première instance
".
Votre commission approuve cette modification. Elle vous soumet toutefois
un
amendement
, tendant à supprimer la référence aux
témoins " à décharge ". Elle estime que les
témoins ne peuvent être qualifiés ainsi dans notre
procédure.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi
modifié
.
Article 9 quinquies
(art. 652 du code de
procédure
pénale)
Ministres entendus comme témoin
Dans sa
rédaction actuelle, l'article 652 du code de procédure
pénale prévoit que les membres du Gouvernement ne peuvent
comparaître comme témoins qu'après autorisation du conseil
des ministres. Au cours de la première lecture, sur proposition de notre
collègue M. Michel Charasse, le Sénat a profondément
modifié cet article pour prévoir que les membres et anciens
membres du Gouvernement ne pourraient plus comparaître comme
témoins que sur des faits détachables de leurs fonctions, sauf
dans les cas de procédures ouvertes devant la cour de justice de la
République.
L'Assemblée nationale a supprimé cette disposition, tout en
prévoyant à l'article 8 bis que les membres du
Gouvernement pourront être entendus comme témoins assistés
sans autorisation du conseil des ministres. Au cours du débat devant le
Sénat, Mme le garde des sceaux a rappelé que la cour de justice
n'était compétente que pour les
actes commis par les
ministres
et non, par exemple, pour les faits commis par leurs
collaborateurs. Elle en a déduit que l'amendement interdirait toute
audition d'un ministre en qualité de témoin sur le comportement
de ses collaborateurs.
Votre commission vous propose de
maintenir la suppression
de cet
article.
Article 9 sexies
(art. 665 du code de procédure
pénale)
Renvoi d'une juridiction à une autre
Cet
article, introduit par le Sénat en première lecture sur
proposition de notre collègue M. Michel Dreyfus-Schmidt, tendait
à modifier les dispositions de l'article 665 du code de
procédure pénale relatives au renvoi d'une affaire d'une
juridiction à une autre dans l'intérêt d'une bonne
administration de la justice. Actuellement, le renvoi peut être
ordonné par la chambre criminelle de la Cour de cassation, soit sur
requête du procureur général près la Cour de
cassation, soit sur requête du procureur général
près la cour d'appel dans le ressort de laquelle la juridiction saisie a
son siège, de sa propre initiative ou à la demande des parties.
L'amendement adopté par le Sénat permettait aux parties de saisir
elles-mêmes la chambre criminelle de la Cour de cassation.
L'Assemblée nationale a supprimé cette disposition. Devant le
Sénat, Mme le garde des sceaux avait souligné que le renvoi
dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice a
"
pour finalité la justice elle-même, la manière
dont elle est rendue, et donc sa crédibilité et la confiance que
les citoyens ont en elle
". Il s'agit d'un cas de renvoi très
différent du renvoi pour suspicion légitime qui, lui, peut
être demandé par les parties. La bonne administration de la
justice, contrairement à la suspicion légitime, ne paraît
pas devoir relever de l'appréciation des parties. En outre, la
modification du système actuel pourrait conduire à une
multiplication des saisines de la chambre criminelle de la Cour de cassation,
ce qui ne manquerait pas de nuire à la bonne administration de la
justice.
Votre commission vous propose de
maintenir la suppression
de cet
article.
Article 9 septies
(art. 679 à 686 du code de
procédure pénale,
art. L. 341-3 du code
forestier)
Délocalisation de certaines affaires
Cet
article, introduit dans le projet de loi par le Sénat au cours de la
première lecture à l'initiative de notre excellent
collègue M. Michel Charasse, tendait à rétablir les
articles 679 à 686 du code de procédure pénale,
abrogés en 1993, qui prévoyaient l'
obligation de saisir la
chambre criminelle de la Cour de cassation pour qu'elle désigne la
juridiction d'instruction et de jugement
lorsque certaines personnes
étaient pénalement mises en cause. Ces dispositions concernaient
notamment les membres du Conseil d'Etat, de la Cour de cassation et de la Cour
des comptes, les préfets, les magistrats, pour tous les crimes et
délits commis dans l'exercice des fonctions ou hors de l'exercice des
fonctions. Elles concernaient également les maires, adjoints ou
présidents de communautés urbaines pour les crimes et
délits commis dans l'exercice des fonctions. Le Sénat, lors de la
première lecture du présent projet de loi, a prévu
l'application de ces dispositions aux présidents de conseils
généraux et de conseils régionaux.
Les articles 679 à 686 du code de procédure pénale ne
prévoyaient pas seulement le renvoi d'une juridiction à une autre
pour certaines personnes, mais instauraient une procédure d'instruction
particulière confiée à une chambre d'accusation.
L'Assemblée nationale a supprimé cet article.
En pratique, ces dispositions complexes ont entraîné, avant leur
abrogation, de nombreuses annulations de procédure et peuvent
difficilement être rétablies en l'état. Pour autant, votre
rapporteur s'élève contre le qualificatif de
"
privilèges de juridictions
" attribué à
ces dispositions. Il ne s'agissait en rien d'un privilège de
juridiction. Ces dispositions devaient permettre d'éviter que des
notables soient jugés par la juridiction de leur lieu de
résidence.
Une telle précaution n'avait pas vocation à protéger ces
notables, mais à éviter que leur position soit prise en
considération, que ce soit en leur faveur ou en leur défaveur.
Votre commission vous propose de
maintenir la suppression
de cet
article.
SECTION 6
Dispositions assurant l'exercice des
droits
de la défense par les avocats
Article 9 octies
(art. 56-1 du code de procédure
pénale)
Perquisitions dans les cabinets d'avocat
En
première lecture, le Sénat a adopté, à la suite de
propositions émanant de nos excellents collègues MM. Robert
Badinter et Hubert Haenel, un amendement modifiant l'article 97 du code de
procédure pénale pour préciser les conditions des
perquisitions dans les cabinets d'avocat. Logiquement, l'Assemblée
nationale a déplacé cette disposition en créant une
nouvelle section dans le projet de loi, relative à l'exercice des droits
de la défense par les avocats.
L'Assemblée nationale a en outre préféré modifier
l'article 56-1 du code de procédure pénale, relatif aux
perquisitions dans les cabinets d'avocats et dans les cabinets de
médecins, de notaires, d'avoués ou d'huissiers, plutôt que
l'article 97, qui concerne les perquisitions en général. Le
texte adopté par l'Assemblée nationale est, pour le reste,
très proche de celui proposé par le Sénat et s'inspire des
propositions formulées dans ce domaine par un groupe de travail
présidé par M. Guy Canivet, alors premier
président de la cour d'appel de Paris sur les conditions de la
perquisition dans les cabinets d'avocats.
Les conditions de perquisition dans les cabinets d'avocats et l'étendue
du secret professionnel de l'avocat ont en effet donné lieu à de
nombreux débats. Rappelons que l'article 66-5 de la loi du
31 décembre 1971 relative à la profession d'avocats,
modifié en 1997, précise actuellement : "
en toutes
matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la
défense, les consultations adressées par un avocat à son
client ou destinées à celui-ci, les correspondances
échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses
confrères, les notes d'entretien et, plus généralement,
toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret
professionnel
".
Toutefois, la Cour de cassation estime que le juge d'instruction tient de
l'article 97 du code de procédure pénale le pouvoir de
saisir des documents couverts par le secret professionnel. Elle a
récemment considéré qu' "
il résulte
des articles 97 et 99 du code de procédure pénale et de
l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de
l'homme que le juge d'instruction peut s'opposer à la restitution de
documents saisis dans le cabinet d'un avocat et couverts par le secret
professionnel, dès lors que leur maintien sous la main de la justice en
vue de déterminer l'existence d'infractions pénales est
nécessaire à la manifestation de la vérité et qu'il
ne porte pas atteinte aux droits de la défense
"
4(
*
)
.
En revanche, la Cour de cassation considère que les documents couverts
par le secret professionnel sont insaisissables dès lors qu'ils
concernent les droits de la défense.
Il paraissait donc utile de préciser les conditions dans lesquelles se
déroulent les perquisitions ainsi que les règles applicables pour
la saisie de documents.
Le texte proposé prévoit tout d'abord que les perquisitions dans
le cabinet d'un avocat ou à son domicile ne peuvent être
effectuées que
par un magistrat et en présence du
bâtonnier ou de son délégué
. Ces dispositions
résultent déjà du droit actuel. Le nouveau texte
précise que seuls le magistrat et le bâtonnier ont le droit de
prendre connaissance des documents découverts préalablement
à leur saisie éventuelle.
Surtout, le bâtonnier ou son délégué pourrait
s'opposer à la saisie d'un document
si celle-ci lui paraissait
irrégulière. Dans un tel cas, le document devrait être
placé sous scellé fermé. Ces opérations feraient
l'objet d'un procès-verbal mentionnant les objections du
bâtonnier. Le procès-verbal et le document placé sous
scellé devraient être transmis au président du tribunal de
grande instance ou au magistrat le remplaçant.
Dans les cinq jours, le président du tribunal devrait statuer sur la
contestation par ordonnance motivée non susceptible d'appel. Pour ce
faire, il entendrait le magistrat ayant procédé à la
perquisition, le procureur de la République, l'avocat au cabinet duquel
a eu lieu la perquisition, enfin le bâtonnier ou son représentant.
Le président du tribunal pourrait ordonner, s'il estimait qu'il n'y
avait pas lieu à saisir le document, sa restitution immédiate
ainsi que la destruction du procès-verbal et la cancellation de toute
référence à ce document ou à son contenu qui
figurait dans le dossier.
Au contraire, s'il estimait que la saisie était justifiée, le
président pourrait ordonner le versement du scellé et du
procès-verbal au dossier. Le texte proposé dans cet article
prévoit
in fine
que les dispositions relatives aux perquisitions
dans les cabinets de médecins, d'avoués, de notaires et
d'huissiers sont insérées dans un article 56-3 nouveau du
code de procédure pénale. Enfin, l'article 96 du code de
procédure pénale, spécifiquement relatif aux perquisitions
effectuées par le juge d'instruction, serait complété pour
prévoir que les nouvelles dispositions de l'article 56-1 seraient
applicables à ces perquisitions.
Ces dispositions, très proches du texte voté par le Sénat
en première lecture, clarifient donc les règles applicables et
méritent d'être approuvées.
Votre commission, qui souhaite l'émergence d'un véritable juge
des libertés, qui ne serait pas simplement chargé du contentieux
de la détention provisoire, vous soumet
un amendement
visant
à confier à ce juge ce contentieux. L'Assemblée nationale
a prévu cette possibilité, mais seulement à titre
facultatif et par délégation du président du tribunal.
Votre commission vous propose de franchir un pas supplémentaire dans la
mise en oeuvre d'un juge des libertés.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi
modifié
.
Article 9 nonies
(art. 139-1 nouveau du code de
procédure pénale)
Contrôle judiciaire des avocats
Lors de
la première lecture du projet de loi, l'Assemblée nationale a,
dans l'article 31 ter du projet de loi, modifié l'article 138
du code de procédure pénale relatif au contrôle judiciaire
pour préciser que seul le conseil de l'ordre des avocats est
habilité à statuer en ce qui concerne l'interdiction pour un
avocat d'exercer sa profession.
Actuellement, l'article 138 précise simplement que "
le
juge d'instruction doit saisir le conseil de l'ordre qui statue
(...)
". La Cour de cassation a, à plusieurs reprises,
estimé que cette disposition ne retirait pas au juge d'instruction le
pouvoir d'interdire à un avocat d'exercer sa profession.
L'Assemblée nationale a donc souhaité qu'il soit clairement
précisé que le juge d'instruction ne pouvait en aucun cas
interdire à un avocat d'exercer sa profession.
Le Sénat a adopté cette disposition, tout en la
déplaçant à l'article 33 bis, afin qu'elle ne
figure pas dans le chapitre du projet de loi relatif aux victimes.
L'Assemblée nationale a une nouvelle fois modifié l'emplacement
de cette disposition, pour la faire figurer dans une nouvelle section relative
à l'exercice des droits de la défense par les avocats. Surtout,
elle a, sur proposition du Gouvernement, profondément modifié
cette disposition à la suite d'un long débat.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, a contesté en ces termes la
solution consistant à retirer purement et simplement au juge
d'instruction le droit d'interdire à un avocat d'exercer sa profession
dans le cadre d'un contrôle judiciaire :
"
Même si la profession d'avocat justifie des garanties
particulières pour éviter de porter atteinte aux droits de la
défense, une telle règle est contraire au principe
d'égalité des citoyens devant la loi. Un ordre professionnel,
aussi estimable qu'il puisse être, ne peut pas se substituer à
l'autorité judiciaire en matière pénale.
"
Cette solution présente également de graves effets
pervers en risquant d'inciter les autorités judiciaires à placer
un avocat en détention provisoire, si cette détention
paraît la seule solution possible pour éviter le renouvellement
d'une infraction, du moins tant qu'une interdiction d'exercer n'aura pas
été prononcée par le conseil de l'ordre
".
L'Assemblée nationale a alors accepté un amendement
insérant dans le code de procédure pénale un
article 139-1 prévoyant que, lorsque le juge d'instruction prononce
une interdiction d'exercer sa profession à l'encontre d'un avocat dans
le cadre d'un contrôle judiciaire, l'avocat peut, dans le jour suivant
cette décision, la contester devant le président du tribunal de
grande instance, qui se verrait transmettre le dossier de la procédure.
La contestation suspendrait l'exécution de l'interdiction d'exercice.
Dans les cinq jours, le président statuerait par ordonnance
motivée non susceptible d'appel après avoir entendu, au cours
d'un débat contradictoire, les observations du procureur de la
République et de l'avocat. Le bâtonnier de l'ordre pourrait
présenter des observations devant le président.
Ce recours devant le président du tribunal n'empêcherait en rien
que l'ordonnance de placement sous contrôle judiciaire prise par le juge
d'instruction fasse elle-même l'objet d'un recours devant la chambre
d'accusation, qui suspendrait elle aussi l'exécution de l'interdiction
d'exercice.
Ainsi, la décision du juge d'instruction pourrait être
annulée par le président du tribunal, sans que cette
décision soit susceptible de recours. En l'absence d'une telle
annulation, la décision pourrait également être remise en
cause par la chambre d'accusation statuant sur l'ordonnance de placement sous
contrôle judiciaire.
Votre commission estime que le système retenu en première lecture
par l'Assemblée nationale et accepté par le Sénat
était plus simple, puisqu'il confiait au Conseil de l'ordre des avocats
le soin de prendre la décision, celle-ci étant susceptible
d'appel devant la Cour d'appel. Elle vous propose, par un
amendement
, de
revenir à ce mécanisme accepté par les deux
assemblées en première lecture. Afin d'éviter tout risque
de blocage, elle vous propose que le Conseil de l'Ordre statue dans les quinze
jours.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi modifié
.