CHAPITRE III TER
DISPOSITIONS INSTAURANT UN RECOURS
EN MATIÈRE
CRIMINELLE
L'instauration d'un recours en matière criminelle a
été la décision la plus importante prise par le
Sénat à propos du présent projet de loi lors de la
première lecture
. Votre rapporteur, lors de la première
lecture, avait en effet estimé que "
le législateur peut
bien renforcer les droits de la défense à l'instruction,
prévoir un contrôle des gardes à vue, mieux encadrer la
détention provisoire, mais tout cela est vain si notre procédure
pénale demeure marquée par cette anomalie si lourde de
conséquences qu'est l'absence de recours en matière
criminelle
".
Votre commission se félicite que le Sénat ait été
entendu et suivi sur cette question. L'Assemblée nationale a en effet
approuvé la proposition du Sénat d'instaurer un recours contre
une décision de cour d'assises devant une autre cour d'assises,
s'attachant à en préciser utilement les modalités.
Article 21 octies
(art. 231, 296, 298, 359, 360, 362
du
code de procédure pénale)
Composition de la cour
d'assises
L'Assemblée nationale, tout en approuvant le principe du
recours contre les décisions des cours d'assises a adopté
plusieurs articles sur ce sujet.
Le présent article tend pour l'essentiel à différencier de
la composition de la cour d'assises statuant en première instance et
celle de la cour d'assises statuant en appel.
• Le
premier paragraphe
tend à modifier
l'article 231 du code de procédure pénale, qui
prévoit que la cour d'assises a plénitude de juridiction pour
juger les individus renvoyés devant elle par l'arrêt de mise en
accusation. Il s'agit de prévoir que la cour d'assises a
plénitude de juridiction en premier ressort ou en appel pour juger les
personnes renvoyées devant elle par la décision de mise en
accusation.
• Le
deuxième paragraphe
tend à modifier
l'article 236 du code de procédure pénale, qui fixe à
neuf le nombre de jurés et définit les règles de
remplacement des jurés.
Le texte proposé prévoit que le jury est composé de
sept jurés
lorsque la cour d'assises statue en premier ressort et
de
neuf jurés
lorsqu'elle statue en appel. Cette modification,
que le Sénat n'avait pas proposée en première lecture, a
pour objet de répondre à certaines critiques formulées
contre le système de renvoi de l'affaire devant une autre cour d'assises
composée de la même manière que la
précédente. Il paraissait difficile à certains qu'un jury
populaire voit sa décision remise en cause par un autre jury populaire
comportant le même nombre de personnes.
Par ailleurs, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
entré en vigueur à l'égard de la France en 1981,
prévoit que "
toute personne déclarée coupable
d'une infraction a le droit de faire examiner par une juridiction
supérieure la déclaration de culpabilité et la
condamnation, conformément à la loi
".
• Le
troisième paragraphe
tend à modifier
l'article 268 du code de procédure pénale, relatif aux
récusations de jurés. Actuellement, l'accusé ne peut
récuser plus de cinq jurés et le ministère public plus de
quatre. Ces règles seraient maintenues en appel où le nombre de
jurés serait de neuf comme actuellement. En revanche, le texte
prévoit que lorsque la cour d'assises statue en premier ressort et
qu'elle ne comporte donc que sept jurés, l'accusé ne peut en
récuser plus de trois et le ministère public plus de deux.
• Le
quatrième paragraphe
tend à modifier
l'article 359 du code de procédure pénale, relatif aux
règles de majorité applicables pour les
délibérations de la cour d'assises. Actuellement, les
décisions défavorables à l'accusé doivent
être prises à la majorité de huit voix sur douze. Cette
règle serait maintenue lorsque la cour d'assises statue en appel. En
premier ressort, la majorité requise pour prendre une décision
défavorable à l'accusé serait de sept voix sur dix.
• Le
cinquième paragraphe
tend à opérer
une coordination dans l'article 360 du code de procédure
pénale, qui prévoit que la déclaration de la cour,
lorsqu'elle est affirmative, doit constater que la majorité requise a
été atteinte.
• Le
sixième paragraphe
tend à modifier
l'article 362 du code de procédure pénale, qui
prévoit notamment les règles de majorité applicables
lorsque la cour d'assises statue sur la peine. Le texte prévoit
notamment que le maximum de la peine privative de liberté encourue ne
peut être prononcé qu'à la
majorité de huit voix
sur douze
au moins. Cette règle serait conservée lorsque la
cour d'assises statue en appel ; en revanche, la majorité
nécessaire serait de
sept voix sur dix
lorsque la cour d'assises
statue en premier ressort.
Votre commission, après en avoir longuement
délibéré, a décidé
d'écarter la
fixation d'un nombre de jurés différent en premier ressort et en
appel
. Certes, cette proposition peut paraître juridiquement plus
solide que le maintien du nombre actuel de jurés dans tous les cas. En
effet, si une décision d'appel devait être très
différente de la décision prise en premier ressort, il
paraîtrait souhaitable que la cour d'assises d'appel soit composée
de telle manière que sa décision ait une autorité
supérieure à la décision de la cour d'assises de premier
ressort.
Cependant, l'abaissement du nombre de jurés lorsque la cour d'assises
statue en premier ressort aurait pour effet de diminuer le " poids "
du jury populaire au sein de la cour d'assises. Votre commission n'a pas
souhaité une telle évolution. Elle proposera, dans l'article
suivant, que la supériorité de la juridiction d'appel soit
obtenue en prévoyant que la cour d'assises d'appel sera
nécessairement présidée par un président de chambre
de la cour d'appel.
Votre commission vous propose donc, par un
amendement
, la suppression
des paragraphes II à VI de cet article, relatifs au changement du
nombre de jurés.
Elle vous propose d'adopter cet article
ainsi modifié
.
Article additionnel après l'article 21
octies
(art.
244 du code de procédure pénale)
Présidence de la
cour d'assises statuant en appel
Votre commission ayant décidé de ne pas modifier le nombre de jurés au sein de la cour d'assises, que celle-ci statue en premier ressort ou en appel, elle vous propose, par un article additionnel, afin de donner à la décision de la cour d'assises statuant en appel une autorité supérieure à la décision de la cour d'assises appelée à statuer en premier ressort, que la cour d'assises d'appel soit nécessairement présidée par un président de chambre de la cour d'appel. Actuellement, en effet, aux termes de l'article 244 du code de procédure pénale, la cour d'assises est présidée par un président de chambre ou par un conseiller de la cour d'appel.
Article 21 nonies A
(art. 349-1 nouveau, 356, 361-1
nouveau
du code de procédure pénale)
Questions relatives
à l'irresponsabilité pénale de l'accusé
Cet
article tend à préciser les conditions dans lesquelles la cour
d'assises est conduite à se prononcer sur l'irresponsabilité
pénale d'un accusé.
• Le
premier paragraphe
tend à insérer dans le
code de procédure pénale un article 349-1. Le texte
proposé pour cet article prévoit que lorsque l'existence d'une
cause d'irresponsabilité (trouble psychique, personne sous l'empire
d'une contrainte à laquelle elle n'a pu résister, acte prescrit
par la loi, légitime défense...) est invoquée comme moyen
de défense, chaque fait spécifié dans le dispositif de la
décision de mise en accusation fait l'objet de deux questions distinctes.
La première a pour objet de
savoir si l'accusé a commis le
fait
en question. La seconde a pour objet de
savoir s'il
bénéficie pour ce fait d'une cause d'irresponsabilité
pénale
. Avec l'accord des parties, le président pourrait ne
poser qu'une seule question concernant la cause d'irresponsabilité
prévue pour l'ensemble des faits reprochés à
l'accusé.
Ce dispositif doit permettre d'améliorer la situation actuelle. En
effet, aucune question n'est actuellement posée en ce qui concerne la
reconnaissance d'une cause d'irresponsabilité.
Dans ces conditions, lorsqu'une cour d'assises estime qu'il existe une cause
d'irresponsabilité de l'accusé, elle se contente de
répondre "
non
" à la question sur la
culpabilité, ce qui est pour le moins réducteur. Il est
souhaitable que la cour réponde d'abord à la question de la
commission des faits pour se prononcer ensuite sur l'irresponsabilité
éventuelle.
• Le
deuxième paragraphe
tend à opérer une
coordination dans l'article 365 du code de procédure pénale,
relatif au vote de la cour et du jury.
• Le
troisième paragraphe
tend à
insérer dans le code de procédure pénale un
article 361-1, pour prévoir que, en cas de réponse positive
aux questions posées sur l'éventuelle irresponsabilité
pénale de l'accusé, la cour d'assises déclare celui-ci non
coupable.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification.
Article 21 nonies B
(art. 380-1 à 380-14
nouveaux
du code de procédure pénale)
Recours contre les
décisions rendues par la cour d'assises
Cet
article tend à instaurer un recours contre les décisions rendues
par les cours d'assises. Il s'agit d'insérer un chapitre VIII
relatif à
l'appel des décisions rendues par la cour d'assises
en premier ressort
dans le titre premier (De la cour d'assises) du livre
deuxième (Des juridictions de jugement) du code de procédure
pénale. Ce chapitre comporterait quatorze articles
numérotés 380-1 à 380-14.
La première section de ce chapitre comporte des
dispositions
générales
.
• Le texte proposé pour l'
article 380-1 du code de
procédure pénale
pose le principe de l'appel contre les
arrêts de condamnation
rendus par la cour d'assises. Il
prévoit que l'affaire est portée devant une autre cour d'assises
désignée par le président de la chambre criminelle de la
cour de cassation.
Les principes définis par le Sénat en première lecture
ont donc été approuvés par l'Assemblée nationale.
Seuls les arrêts de condamnation peuvent donner lieu à appel, les
décisions d'acquittement étant insusceptibles de recours.
• Le texte proposé pour l'
article 380-2 du code de
procédure pénale
pose un principe selon lequel la
faculté d'appeler n'appartiendrait qu'à l'accusé. En cas
d'appel de l'accusé la faculté d'appeler appartiendrait
également :
- au procureur de la République ou au procureur
général près la cour d'appel ;
- à la personne civilement responsable quant aux
intérêts civils seulement ;
- à la partie civile, quant à ses intérêts
civils seulement ;
- aux administrations publiques, dans le cas où celles-ci exercent
l'action publique.
Votre commission vous propose, par un
amendement
, d'apporter des
modifications importantes au texte proposé. Votre commission estime
nécessaire de prévoir une possibilité d'appel du
ministère public.
Autant il paraît souhaitable qu'une décision d'acquittement
prononcée par un jury populaire ne puisse être remise en cause,
autant il peut paraître logique que la contestation relative au quantum
de la peine appartienne au ministère public dès lors qu'elle
appartient à l'accusé.
Dans certaines situations, l'appel du procureur pourrait s'avérer
indispensable.
Ainsi, dans un procès comportant plusieurs
accusés, si certains d'entre eux seulement font appel, il peut
paraître souhaitable que le procureur fasse appel, afin que l'ensemble de
l'affaire puisse être réexaminée. Dans le cas contraire,
les débats d'appel risqueraient d'être tronqués, ne
permettant pas dans ces conditions l'émergence de la
vérité
. Il est en effet tout à fait imaginable qu'un
coaccusé n'ayant pas fait appel, entendu comme témoin par la cour
d'assises d'appel, fasse des déclarations très différentes
de celles qu'il avait faites devant la première cour d'assises.
Par ailleurs, votre commission a estimé nécessaire que la
victime
puisse faire appel de la décision sur l'action civile, en
l'absence même de tout appel de l'accusé ou du ministère
public. En première lecture, le Sénat a certes proposé que
l'appel de la partie civile ne soit qu'incident. Il lui apparaît,
à la réflexion, que, dès lors qu'est instauré un
appel en matière criminelle, la victime doit pouvoir en
bénéficier.
• Le texte proposé pour l'
article 380-3 du code de
procédure pénale
prévoit que la cour d'assises
statuant en appel ne peut aggraver, sur son seul appel, le sort de
l'accusé. Il s'agit d'un principe général,
déjà posé par l'article 515 du code de
procédure pénale en matière correctionnelle.
• Le texte proposé pour l'
article 380-4 du code de
procédure pénale
prévoit qu'il est sursis à
l'exécution de l'arrêt sur l'action publique pendant les
délais d'appel et durant l'instance d'appel. L'ordonnance de prise en
corps continuerait cependant à produire ses effets à l'encontre
d'une personne condamnée à une peine privative de liberté.
Votre commission vous propose, par un
amendement
, d'insérer un
article additionnel après l'article 380-4 du code de procédure
pénale, pour prévoir qu'en cas d'appel portant exclusivement sur
l'action civile, l'appel est examiné par la chambre des appels
correctionnels. Cette disposition, qui figurait dans le projet de loi portant
réforme de la procédure criminelle, présenté en
1996 par M. Jacques Toubon, alors garde des sceaux, permettra d'éviter
l'organisation d'un nouveau procès d'assises lorsque seuls les
intérêts civils font l'objet d'un appel.
• Le texte proposé pour l'
article 380-5 du code de
procédure pénale
prévoit que le sort de l'appelant ne
peut, sur le seul appel de l'accusé, du civilement responsable ou de la
partie civile, être aggravé. Le même principe est
posé en matière correctionnelle par l'article 515 du code de
procédure pénale.
Le texte proposé prévoit en outre que la partie civile ne peut,
en cause d'appel, former aucune demande nouvelle, mais qu'elle peut demander
une augmentation des dommages et intérêts pour le préjudice
souffert depuis la première décision.
Votre commission vous propose, par un
amendement
, qu'il soit
précisé dans cet article que la partie civile, même en
l'absence d'appel de la décision sur l'action civile, peut exercer
devant la cour d'assises statuant en appel les droits reconnus à la
partie civile. Elle pourrait en outre demander des dommages et
intérêts pour le préjudice souffert depuis la
première décision ainsi que le remboursement des frais d'avocat.
Il paraît normal que la partie civile puisse présenter ses
observations au cours du procès d'appel.
• Le texte proposé pour l'
article 380-6 du code de
procédure pénale
prévoit qu'il est sursis à
l'exécution de l'arrêt sur l'action civile pendant les
délais d'appel et durant l'instance d'appel. Néanmoins, la cour
pourrait ordonner l'exécution provisoire de sa décision selon le
texte proposé à l'article 21 decies du projet de loi
pour l'article 374 du code de procédure pénale.
• Le texte proposé pour l'
article 380-7 du code de
procédure pénale
prévoit que lorsque la cour d'assises
statuant en premier ressort sur l'action civile a ordonné le versement
provisoire, en tout ou en partie, des dommages-intérêts
alloués, l'exécution provisoire peut être
arrêtée par le premier président de la cour d'appel
statuant en référé si elle risque d'entraîner des
conséquences manifestement excessives. Le président de la cour
d'appel pourrait subordonner la suspension de l'exécution provisoire
à la constitution d'une garantie.
Par ailleurs, le président de la cour d'appel, en cas d'appel contre la
décision de la cour d'assises, pourrait, en statuant en
référé, accorder l'exécution provisoire lorsque
celle-ci a été refusée par la cour d'assises statuant en
premier ressort sur l'action civile ou lorsque l'exécution provisoire
n'a pas été demandée à la cour d'assises ou
celle-ci a omis de statuer. Ce régime est celui, actuellement
prévu en matière correctionnelle par l'article 515-1 du code
de procédure pénale.
Pour l'application de cet article, serait compétent le premier
président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle siège la
cour d'assises désignée pour connaître de l'affaire en
appel. Votre commission soumet un
amendement
tendant à rectifier
une erreur matérielle.
La seconde section du nouveau chapitre du code de procédure
pénale que tend à insérer le présent article
concerne les
délais et formes de l'appel
.
• Le texte proposé pour l'
article 380-8 du code de
procédure pénale
prévoit que l'appel est
interjeté dans le délai de dix jours à compter du
prononcé de l'arrêt.
Le texte prévoit également que le délai ne court
qu'à compter de la signification de l'arrêt pour la partie qui
n'était pas présente ou représentée à
l'audience où le jugement a été prononcé, mais
seulement dans le cas où elle-même ou son représentant
n'auraient pas été informés du jour où
l'arrêt serait prononcé.
• Le texte proposé pour l'
article 380-9 du code de
procédure pénale
donne un délai supplémentaire
de cinq jours aux autres parties lorsque l'accusé a fait appel pendant
le délai de dix jours prévu dans le texte proposé pour
l'article 380-8 du code de procédure pénale.
Votre commission vous soumet un
amendement
destiné à
prendre en compte le fait que le ministère public et la victime
pourront, hors les cas d'acquittement, interjeter appel.
• Le texte proposé pour l'
article 380-10 du code de
procédure pénale
permet à l'accusé de se
désister de son appel jusqu'à son interrogatoire par le
président lors du procès d'appel. Ce désistement rendrait
caducs les appels incidents formés par le ministère public ou les
autres parties.
Votre commission vous propose, par un
amendement
, d'apporter dans cet
article une précision indispensable. Il est souhaitable que l'appel
puisse être considéré caduc si l'accusé prend la
fuite entre la décision de première instance et le procès
d'appel. Dans le cas contraire, la personne ne pourrait jamais être
jugée définitivement.
• Le texte proposé pour l'
article 380-11 du code de
procédure pénale
concerne les formes de l'appel. La
déclaration devrait être faite au greffe de la cour d'assises
ayant rendu la décision attaquée. Elle devrait être
signée par le greffier et par l'appelant lui-même, par un avocat,
par un avoué près la cour d'appel ou par un fondé de
pouvoir spécial. Ces formalités sont les mêmes que celles
prévues en matière correctionnelle par l'article 502 du code
de procédure pénale.
• Le texte proposé pour l'
article 380-12 du code de
procédure pénale
prévoit que l'appel peut être
fait au moyen d'une déclaration auprès du chef de
l'administration pénitentiaire lorsque l'appelant est détenu.
La troisième section du nouveau chapitre du code de procédure
pénale serait consacrée à la
désignation de la
cour d'assises statuant en appel
.
• Le texte proposé pour l'
article 380-13 du code de
procédure pénale
prévoit que, dès
l'enregistrement de l'appel, la décision attaquée et, le cas
échéant, le dossier de la procédure sont adressés
au greffe de la chambre criminelle de la cour de cassation par le
ministère public, avec ses observations éventuelles. Le
président de la chambre criminelle de la cour de cassation devrait
désigner dans le mois suivant la réception de l'appel la cour
d'assises chargée de statuer en appel.
Votre commission vous soumet un
amendement
tendant à
prévoir que la décision sera prise par la chambre criminelle
elle-même, après qu'elle aura recueilli les observations
écrites du ministère public et des parties ou de leurs avocats.
Il convient d'éviter que la décision de désignation de la
cour d'assises d'appel puisse être critiquée comme émanant
d'une personne seule.
Votre commission vous soumet en outre un
amendement
destiné
à prendre en compte la situation particulière des
départements d'outre-mer, de la Nouvelle-Calédonie et de la
Polynésie française. Ces territoires ne comptent qu'une cour
d'assises et il est souhaitable de prévoir que la même cour
d'assises, composée différemment, pourra juger les affaires en
appel, faute de quoi le procès devrait se tenir dans un autre
territoire, ce qui impliquerait des modalités d'organisation très
complexes. Le même régime doit naturellement être
prévu pour Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon, qui disposent d'une
juridiction spécifique, la cour criminelle à Mayotte et le
tribunal criminel à Saint-Pierre-et-Miquelon.
• Le texte proposé pour l'
article 380-14 du code de
procédure pénale
prévoit que le président de la
chambre criminelle de la cour de cassation dit qu'il n'y a pas lieu à la
désignation d'une cour d'assises d'appel lorsque l'appel n'a pas
été formé dans les délais prévus par la loi
ou porte sur un arrêt qui n'est pas susceptible d'appel. Votre commission
vous soumet un
amendement
de coordination.
Elle vous propose d'adopter cet article
ainsi modifié
.
Article 21 nonies
(art. 181, 186, 186-2 nouveau, 214,
215,
215-1,
272, 272-1 nouveau du code de procédure
pénale)
Mise en accusation
Cet
article, inséré dans le projet de loi par le Sénat en
première lecture, tend à mettre fin à l'examen obligatoire
du dossier par la chambre d'accusation en matière criminelle. Cet examen
obligatoire du dossier par la chambre d'accusation, seule compétente
pour ordonner la mise en accusation d'une personne devant la cour d'assises,
présente en effet moins d'intérêt dès lors qu'est
instauré un double degré de juridiction.
Le texte a été modifié par l'Assemblée nationale,
qui n'en a cependant pas changé l'esprit.
• Le
premier paragraphe
tend à modifier
l'article 181 du code de procédure pénale, qui
prévoit, dans sa rédaction actuelle, que le juge d'instruction,
lorsqu'il estime que les faits constituent un crime, ordonne la transmission du
dossier de la procédure au procureur général près
la cour d'appel, lequel doit saisir la chambre d'accusation.
Le texte proposé pour l'article 181 donne au
juge
d'instruction
le pouvoir d'
ordonner lui-même la mise en accusation
devant la cour d'assises
lorsqu'il estime que les faits retenus à la
charge des personnes mises en examen constituent des crimes.
L'ordonnance de mise en accusation devrait contenir l'exposé et la
qualification légale des faits et préciser l'identité de
l'accusé. Une fois définitive, cette ordonnance couvrirait les
vices de la procédure.
Le texte prévoit que le mandat d'arrêt ou de dépôt
délivré contre l'accusé au cours de l'information conserve
sa force exécutoire jusqu'à la comparution devant la cour
d'assises, sous réserve des délais d'audiencement que le
présent projet de loi tend à instituer dans son
article 21 quinquies.
Votre commission vous soumet un
amendement
de supression de cette
précision. En effet, le texte proposé prévoit que
l'ordonnance de mise en accusation ordonne prise de corps contre
l'accusé. Dans ces conditions, l'ordonnance de prise de corps se
substituera au mandat d'arrêt ou de dépôt qui n'a donc pas
à organiser sa force exécutoire.
Le texte prévoit également que l'ordonnance de mise en accusation
met fin à la détention provisoire ou au contrôle judiciaire
des personnes renvoyées devant la cour d'assises pour des délits
connexes aux faits reprochés aux accusés. Tel est
déjà le cas de l'arrêt de mise en accusation de la chambre
d'accusation. Néanmoins, le juge d'instruction pourrait maintenir en
détention ou sous contrôle judiciaire les personnes
concernées, notamment pour éviter une pression sur les
témoins, conformément aux règles posées par
l'article 179 du code de procédure pénale.
L'ordonnance serait transmise avec le dossier au procureur de la
République, qui serait tenu de l'envoyer sans retard au greffe de la
cour d'assises.
• Le
deuxième paragraphe
tend à faire figurer
l'ordonnance de mise en accusation parmi celles dont la personne mise en examen
peut faire appel devant la chambre d'accusation.
• Le
troisième paragraphe
tend à
insérer, dans le code de procédure pénale, un
article 186-2 pour prévoir que la chambre d'accusation doit statuer
dans les quatre mois en cas d'appel contre une ordonnance de mise en
accusation, faute de quoi la personne, si elle est détenue, est remise
en liberté.
• Le
quatrième paragraphe
tend à modifier
l'article 214 du code de procédure pénale qui prévoit
que la chambre d'accusation prononce la mise en accusation devant la cour
d'assises lorsque les faits retenus à la charge des personnes
constituent une infraction qualifiée crime par la loi. Il s'agit de
supprimer la disposition de cet article qui prévoit que la chambre
d'accusation statue par un arrêt rendu dans les deux mois de l'ordonnance
de transmission des pièces. Dorénavant, la chambre d'accusation
statuera en cas d'appel de l'ordonnance de mise en accusation du juge
d'instruction et disposera d'un délai de quatre mois pour se prononcer,
conformément au texte proposé pour le nouvel article 186-2.
• Le
cinquième paragraphe
concerne le contenu de
l'arrêt de mise en accusation que pourrait prendre la chambre
d'accusation saisie d'un appel contre l'ordonnance de mise en accusation du
juge d'instruction. Cet arrêt devrait contenir l'exposé et la
qualification légale des faits. Il décernerait ordonnance de
prise de corps contre l'accusé et contre les personnes renvoyées
pour délit connexe devant la cour d'assises.
• Le
sixième paragraphe
tend à supprimer,
conformément à la décision prise par le Sénat en
première lecture, l'article 215-1 du code de procédure
pénale, qui prévoit l'obligation pour l'accusé de se
constituer prisonnier au plus tard la veille de l'audience de la cour d'assises.
• Le
septième paragraphe
tend à
opérer une coordination dans l'article 272 du code de
procédure pénale relatif à l'interrogatoire que fait subir
le président de la cour d'assises à l'accusé dans le plus
bref délai après l'arrivée de ce dernier à la
maison d'arrêt. Il s'agit de tenir compte du fait que l'accusé ne
serait plus tenu de se constituer prisonnier la veille de l'audience.
• Le
huitième paragraphe
tend à insérer
dans le code de procédure pénale un article 272-1 pour tenir
compte du fait que l'accusé ne sera plus contraint de se constituer
prisonnier la veille de l'audience. Le texte proposé prévoit que
le président de la cour d'assises fixe un jour pour interroger
l'accusé. Si l'accusé ne se présentait pas, le
président pourrait mettre à exécution l'ordonnance de
prise de corps.
Il en irait de même, y compris pendant le déroulement de
l'audience de la cour d'assises, si l'accusé se soustrayait aux
obligations du contrôle judiciaire ou s'il apparaissait que sa
détention était l'unique moyen d'assurer sa présence lors
des débats ou du prononcé de l'arrêt. La personne pourrait,
à tout moment, demander sa mise en liberté devant la cour.
Votre commission vous propose, par un
amendement
, de préciser
que, au cours de l'audience, la mise à exécution de l'ordonnance
de prise de corps est décidée par la cour et non par le seul
président. Il convient en outre que cette décision, soit prise
sur réquisitions du procureur ;. Il ne paraît en effet pas
souhaitable que le président prenne cette décision de sa propre
initiative. Enfin, il paraît nécessaire que l'incarcération
puisse être ordonnée non seulement en cas de violation du
contrôle judiciaire ou de risque de fuite, mais aussi en cas de pression
sur les témoins ou les victimes. L'amendement tend également
à permettre à la cour d'ordonner, si nécessaire, le
placement de l'accusé sous contrôle judiciaire au début de
l'audience.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi modifié.
Article 21 decies A
Transformation de la chambre
d'accusation
en chambre d'appel de l'instruction
Pour
tenir compte du fait que la mise en accusation relèvera, après
l'adoption du présent projet de loi, de la compétence du juge
d'instruction et non plus de celle de la chambre d'accusation,
l'Assemblée nationale a décidé de donner à cette
dernière l'appellation de
chambre d'appel de l'instruction
.
En 1995, la mission d'information de votre commission des Lois sur la
présomption d'innocence et le secret de l'enquête et de
l'instruction avait formulé de nombreuses propositions destinées
à renforcer le rôle de la chambre d'accusation en particulier
l'ouverture de fenêtres de publicité au cours de
l'instruction
6(
*
)
. Elle avait
souhaité que ce nouveau rôle de la chambre d'accusation
appelée à devenir "
une véritable chambre
régulatrice et un organe de transparence de l'instruction
"
s'accompagne d'une modification de son appellation et avait proposé de
l'appeler chambre de l'instruction.
La chambre d'accusation est davantage qu'une chambre d'appel. Elle est la
juridiction de contrôle de l'instruction, notamment par
l'intermédiaire de son président. Elle est appelée
à intervenir lorsque le juge d'instruction ne répond pas à
des demandes des parties, elle peut dans certains cas évoquer l'affaire
elle-même.
Surtout, elle est appelée à examiner les requêtes
concernant les nullités éventuelles de la procédure et ne
statue pas, dans ce cas, en tant que chambre d'appel.
Dans ces conditions, votre commission vous propose, par un
amendement
,
de retenir la dénomination de
chambre de l'instruction
.
Elle vous propose d'adopter cet article
ainsi modifié
.
Article 21 decies B
(art. 183 du code de
procédure
pénale)
Notification
L'article 183 du code de procédure pénale
concerne les règles de notification de certains actes, en particulier
les ordonnances de règlement et les ordonnances de renvoi ou de
transmission des pièces au procureur général. Le
présent article, inséré dans le projet de loi par
l'Assemblée nationale, a pour objet de remplacer la
référence à l'ordonnance de transmission des pièces
au procureur général par une référence à
l'ordonnance de mise en accusation conformément aux décisions
prises à l'article 21 nonies.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 21 decies
(art. 367 et 374 du code de
procédure pénale)
Mandat de dépôt
décerné par une cour d'assises
En
première lecture, le Sénat, sur proposition de notre
collègue M. Michel Dreyfus-Schmidt, a adopté un amendement
modifiant l'article 362 du code de procédure pénale pour
permettre à la cour d'assises, s'il a été fait droit
à une demande de mise en liberté formée par un
accusé, de décerner contre lui mandat de dépôt
lorsqu'elle prononce à son encontre une peine d'emprisonnement sans
sursis.
L'Assemblée nationale a adopté un dispositif différent.
• Le
premier paragraphe
tend à modifier
l'article 367 du code de procédure pénale. Dans sa
rédaction actuelle, cet article prévoit que si l'accusé
est exempté de peine ou acquitté, il est immédiatement
remis en liberté s'il n'est retenu pour autre cause. L'Assemblée
nationale a complété ce dispositif pour prévoir que
l'accusé doit également être remis en liberté
lorsqu'il est condamné à une peine ferme autre qu'une peine
privative de liberté ou lorsqu'il est condamné à une peine
ferme privative de liberté couverte par la détention provisoire.
L'Assemblée nationale a complété l'article 367 par
trois nouveaux alinéas.
Le texte prévoit ainsi que, dans les autres cas que ceux visés
précédemment, l'ordonnance de prise de corps est mise à
exécution ou continue de produire ses effets jusqu'à ce que la
durée de détention ait atteint celle de la peine prononcée.
L'Assemblée nationale a en outre prévu que l'accusé doit
être
remis en liberté si la cour d'assises saisie en appel n'a
pas commencé à examiner l'affaire à l'expiration d'un
délai d'un an à compter de la date à laquelle a
été interjeté l'appel
. Votre commission
considère qu'une telle disposition n'est guère prudente. Les
cours d'assises sont actuellement surchargées et il ne paraît
guère raisonnable de prévoir que les appels devront être
examinés dans le délai d'un an. En outre, des précautions
sont prises par le projet de loi : l'accusé sera
libéré si la peine prononcée est couverte par la
durée de détention provisoire déjà accomplie, aucun
appel ne sera possible en cas d'acquittement. Dans ces conditions, votre
commission vous propose, par un
amendement
, que la chambre d'accusation
puisse prolonger à deux reprises, pendant six mois, le délai
d'un an prévu par le présent article. Un
dispositif identique
a déjà été adopté dans les mêmes
termes par les deux assemblées en ce qui concerne les délais
d'audiencement devant la cour d'assises statuant en premier ressort
. Votre
commission propose en outre que le délai d'un an parte à compter
de la désignation de la cour d'assises d'appel et non à compter
de la décision de la première cour d'assises.
Le texte proposé pour l'article 367 prévoit la
possibilité pour la cour d'assises de décider la mise à
exécution de l'ordonnance de prise de corps contre la personne
renvoyée pour délit connexe qui n'est pas détenue au
moment où l'arrêt est rendu, si la peine prononcée est
supérieure ou égale à un an d'emprisonnement et que les
circonstances de l'espèce justifient une mesure particulière de
sûreté.
Enfin, le texte proposé permet à la cour d'assises de
déclarer exécutoires par provision certaines sanctions
pénales telles que la suspension de permis de conduire, la confiscation
des armes, le travail d'intérêt général.
• Le
second paragraphe
tend à rétablir
l'article 374 du code de procédure pénale pour
prévoir que la cour d'assises peut ordonner l'exécution
provisoire de sa décision, si celle-ci a été
demandée.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi modifié.
Article 21 undecies A
(art. 9 et 24 de l'ordonnance
n° 45-174 du 2 février 1945)
Application aux
mineurs du recours en matière criminelle
Cet
article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée
nationale au cours de la deuxième lecture, tend à opérer
des coordinations dans l'ordonnance n° 45-174 du
2 février 1945 relative à l'enfance délinquante pour
tenir compte de l'instauration d'un recours en matière criminelle.
Il s'agit principalement de compléter l'article 24 de l'ordonnance,
qui énumère les dispositions du code de procédure
pénale applicables aux mineurs pour prévoir que l'ensemble des
règles sur l'appel résultant des dispositions du code de
procédure pénale sont applicables aux jugements du juge des
enfants et du tribunal pour enfants et aux arrêts de la cour d'assises
des mineurs rendus en premier ressort.
Il s'agit en outre de tenir compte, dans l'article 9 de l'ordonnance de
1945, du fait que le juge d'instruction exercera à l'avenir les
compétences de la chambre d'accusation en matière de mise en
accusation.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.