II. OBJECTIFS ET MÉTHODE POUR UNE NOUVELLE PÉRÉQUATION
A. LES OBJECTIFS
1. Un objectif constitutionnel : l'égalité
Cinquième principe constitutionnel de financement des collectivités locales, la péréquation doit avoir pour but de « favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales », aux termes de l'article 72-2 de la Constitution.
L'objectif constitutionnel est clair : c'est l'égalité .
Le Sénat a souhaité que cette conception de l'égalité soit la plus large possible, c'est pourquoi il ne l'a affublée d'aucun attribut ni épithète, alors que le gouvernement prévoyait dans la rédaction initiale du projet de loi constitutionnelle que les dispositifs de péréquation étaient destinés à « corriger les inégalités de ressources entre les collectivités territoriales ». La version du Sénat figure aujourd'hui dans la Constitution. Elle invite à prendre plusieurs facteurs en considération :
Le facteur des ressources . Son indicateur traditionnel principal est le potentiel fiscal. Il doit en effet s'agir d'un potentiel de ressources et non des recettes réellement perçues par chaque département, dont le niveau peut dépendre du taux des impôts locaux, c'est-à-dire de la politique fiscale discrétionnaire de chaque conseil général.
Le principal facteur nouveau est celui des charges . Les départements sont, et vont être, de plus en plus, investis de lourdes charges obligatoires de service public, notamment sociales. Là encore, il convient de corriger les inégalités de charges en partant des seules obligations légales pesant sur les départements, à niveau égal de prestations , sur l'ensemble du territoire.
La rédaction souhaitée par le Sénat pour la Constitution invite à prendre en considération d'autres facteurs d'inégalité, qui peuvent être physiques ou socio-économiques, et qui peuvent influer, immédiatement ou à terme, sur les recettes et dépenses des conseils généraux.
Jusqu'où doit aller la correction des inégalités ? La réponse de principe est assez simple : elle doit tendre à ce que les citoyens soient égaux devant les charges et les services publics. Pour leurs prestations obligatoires, les départements doivent pouvoir rendre le même niveau de service sur l'ensemble du territoire national, avec une pression fiscale identique sur l'ensemble du territoire . Ceci ne signifie pas que les départements doivent engager la même politique ni fixer le même niveau global d'impôts, mais ces différences doivent rester discrétionnaires, être laissées au choix des conseils généraux et de leurs électeurs.
Bien entendu, il s'agit d'une égalité relative : les départements sont placés dans des situations différentes, ils ne doivent donc pas être traités de façon identique. C'est pourquoi il est nécessaire de tenir compte aussi finement que possible de leurs niveaux de richesse et de charges respectifs.
2. Un objectif intermédiaire urgent : permettre à tous les départements de faire face à leurs obligations
Avant d'égaliser la situation des départements, les dispositifs de péréquation doivent s'attacher à résoudre un problème immédiat et inquiétant, mis en évidence par les travaux du groupe de travail, corroborés en cela par d'autres études : l'impossibilité pour plusieurs conseils généraux de faire face à leurs charges obligatoires dans des conditions de pression fiscale et de niveau de prestations acceptables . Cette impossibilité se constate actuellement, mais sera plus manifeste encore dans un très proche avenir.
Il apparaît que plusieurs départements ne parviennent pas à assumer leurs charges obligatoires après versement de la DGF s'ils exercent leurs compétences au même niveau que la moyenne nationale pour une pression fiscale se situant dans la moyenne nationale. Ceci signifie qu'ils n'atteignent l'équilibre qu'au prix, soit d'une pression élevée sur les contribuables, soit d'un niveau moindre de service public, soit des deux.
Les départements les moins bien placés au regard de l'indice synthétique élargi (variante 2 - annexe n° 23 de l'étude) à l'exception de la Lozère, sont en risque de ne pas pouvoir couvrir leurs charges à court-moyen terme.
Cette situation est corroborée par d'autres études qui indiquent que ces départements sont dans une situation de danger financier à moyen terme du fait d'une structure financière fragile et d'indicateurs de risque dégradés : taux d'autofinancement faible, recul démographique, population vieillissante avec une perspective accrue de dépendance, taux de chômage élevé, substrat fiscal mince. Ces départements vont subir de plein fouet l'aggravation des risques financiers les plus forts : l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), les services d'incendie et de secours (SDIS), les retraites de leurs agents, l'impact du transfert du revenu minimum d' insertion -revenu minimum d' activité (RMI-RMA).
La première urgence est donc de permettre à tous les départements de faire face à leurs obligations légales de façon homogène sur le territoire national.
Le traitement de cette difficulté est essentiel, pour ne pas donner raison aux détracteurs de la décentralisation, qui considèrent que celle-ci risque d'entraîner de graves inégalités entre les citoyens devant les services publics.
Le traitement ne paraît pas hors de portée. En tenant compte du plus grand nombre de recettes, le groupe de travail estime à 17 millions d'euros par an le déficit à combler pour permettre à tous les départements de couvrir leurs charges 1 ( * ) .
Mais aussi urgente que soit la solution du problème, le groupe de travail ne préconise pas la pratique du coup par coup telle que celle qui a prévalu dernièrement pour l'allocation personnalisée d'autonomie. Il faut en effet résoudre ces difficultés de façon structurelle et donc durable.
* 1 Voir Annexe II, 4 e partie « Enveloppe nouvelle à répartir ».