ANNEXE - COMMUNICATION DE LA COUR DES COMPTES À LA COMMISSION DES FINANCES DU SÉNAT SUR LA GESTION DU PROGRAMME COPERNIC
COMMUNICATION À LA COMMISSION DES FINANCES, DU CONTROLE BUDGETAIRE ET DES COMPTES ECONOMIQUES DE LA NATION DU SENAT
Article 58-2° de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances
La gestion du programme Copernic
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INTRODUCTION
La modernisation de l'administration des finances publiques est un objectif politique depuis l'année 2000. L'évolution vers un système d'information fiscal partagé, pensé au bénéfice des usagers et des agents, en est l'une des composantes, suivie avec constance au cours de trois législatures, et sous quatre gouvernements. Le programme Copernic, annoncé en janvier 2001, organise la modernisation du système d'information fiscal autour du « compte fiscal simplifié » du contribuable .
Les bénéfices attendus de Copernic étaient dès l'origine au nombre de trois : le renforcement du civisme fiscal des contribuables par l'amélioration du service offert, l'efficacité accrue de l'administration grâce aux gains de productivité, et une contribution à la diffusion des technologies de l'information.
Depuis quelques années, les relations entre l'administration et les contribuables se sont améliorées, et le dispositif mis en place par le programme Copernic y a beaucoup contribué, reflétant le succès de nombreux projets portés dans ce cadre.
Quelques chiffres clés donnent la mesure de l'ambition : le nombre d'utilisateurs directement concernés (35 millions de foyers fiscaux déclarant des revenus, 28 millions de biens soumis aux impôts fonciers et presque autant de taxes d'habitation, 3,9 millions d'entreprises soumises à la TVA 2 ( * ) , gérés par 64 000 agents de l'administration fiscale 3 ( * ) ), le nombre de projets techniques et informatiques à développer et mettre en oeuvre (70 identifiés), la création d'un service spécifique de 360 agents pour en porter le pilotage, le montant financier alloué au développement dès 2001, près d'un milliard d'euros, la durée du programme fixée initialement à neuf ans.
L'un des défis que le programme Copernic devait relever était la coexistence des deux réseaux de la direction générale des impôts (DGI) et de la direction générale de la comptabilité publique (DGCP) ; le programme a donc été placé sous la tutelle conjointe des deux directeurs généraux. Le service à compétence nationale (SCN) Copernic, créé par arrêté en novembre 2001 pour coordonner les actions nécessaires à la mise en place du compte fiscal unique, en assure la maîtrise d'ouvrage. La fusion des deux réseaux en une direction générale des finances publiques (DGFiP) n'a en rien remis en question les objectifs du programme, même si elle a rendu nécessaires des évolutions fonctionnelles. Depuis l'origine, les taxes douanières ont été exclues du champ de Copernic.
(1) Copernic est un programme dont la définition, la forme et les modalités de mise en oeuvre présentent des caractères originaux
Le nom « Copernic » ne désigne pas un système d'information défini précisément par ses fonctionnalités, ni même une liste d'applications, car cette liste, qui n'était pas précisée à l'origine, a varié dans le temps. Copernic, plus qu'un programme de développement informatique, est une démarche de modernisation du système d'information, structurant la gestion fiscale dans tous ses aspects pour faire avancer la nécessaire coopération de deux directions générales. La définition imprécise du programme renvoyait à une adaptation dynamique aux autres composantes de la réforme de l'administration fiscale.
L'élément central et l'emblème de Copernic, le « compte fiscal simplifié », ne désigne pas non plus une application particulière, mais une manière de présenter au contribuable, sur un document unique, le plus souvent un écran d'ordinateur, la synthèse de ses relations avec l'administration fiscale. Les agents des services fiscaux bénéficient des avantages de cette centralisation, qui leur apparaît dans un « portail », c'est-à-dire une interface donnant accès à l'ensemble des informations détaillées. La démarche suivie par Copernic a été de proposer le plus rapidement possible les progrès les plus visibles, tant aux contribuables qu'aux agents, dans le but d'emporter leur adhésion. Le compte fiscal simplifié a donc été organisé dans un premier temps comme une interface entre l'utilisateur et les applications existantes.
La modification en profondeur du système d'information est venue ensuite, avec le développement d'applications nouvelles qui ont permis d'améliorer la fiabilité du compte fiscal et, plus généralement, de presque toute l'information gérée par les administrations fiscales.
Une composante essentielle du projet était, au-delà du compte fiscal simplifié, de refondre en une application unique les différents outils de recouvrement.
Une autre caractéristique originale de Copernic est l'importance de l'investissement consenti d'emblée par l'État. Une enveloppe de 911,5 millions d'euros décidée dès 2001 et votée, par tranches annuelles, avec constance au long des neuf ans du programme est restée jusqu'en 2009 le cadre fixe des travaux de développement et la référence de la communication du ministère. Cette enveloppe invariable et totalement affectée à des projets en cours ne tient pas compte des besoins futurs pour achever le cycle de modernisation engagé par Copernic, qui devront être financés sur les ressources de la DGFiP. De plus, cette enveloppe n'est pas représentative du coût complet du programme, qui n'est pas suivi avec la rigueur qu'impose désormais la Lolf.
(2) Le programme Copernic a atteint une partie substantielle de ses objectifs, mais une part importante des travaux reste à conduire au-delà du terme prévu
Les applications visibles, telles que l'interface et les fonctions proposées aux contribuables, ou encore le portail d'accès destiné aux agents du fisc ont été les premières réalisations du programme, unanimement saluées. Les référentiels nationaux, invisibles mais structurants, regroupent et fiabilisent les informations relatives aux contribuables et permettent aux services de gagner du temps et de l'efficacité.
Le terme du programme était dès l'origine fixé à 2009, mais cette date ne sera pas tenue. À ce jour, plusieurs développements sont encore nécessaires pour tirer tous les bénéfices de l'intégration des applications dans le portail d'accès destiné aux agents des services fiscaux. En outre, la mise en oeuvre de la comptabilité patrimoniale de l'État en 2006, qui aurait dû être prise en compte dans la modernisation du système d'information, a créé des exigences qui ne sont pas encore satisfaites. Elles ne le seront pas avant un délai de plusieurs années dont le terme n'est pas encore défini.
À l'issue de la période de neuf ans qui s'étendait de 2001 à 2009, des questions techniques, méthodologiques et organisationnelles restent posées à la DGFiP, dont la réflexion n'était pas achevée en août 2009, et au ministère du budget. Si les réalisations doivent en tout état de cause se poursuivre, la fusion des partenaires initiaux dans la DGFiP pose la question de la pertinence, dans le cadre d'une direction générale unique, de la reconduction d'une organisation, le service à compétence nationale, qui était adaptée à la dualité des directions générales en charge des impôts et du trésor public, et d'un label, Copernic, qui désigne une partie seulement des applications nécessaires aux services.
Les objectifs, et les réalisations techniques qui ont permis d'atteindre, au moins partiellement, les résultats du programme font l'objet de la première partie de ce document. Le dispositif de pilotage mis en place et son évolution après la fusion de la DGFiP sont présentés en seconde partie. Les moyens consacrés au programme, ainsi que les éléments d'analyse permettant d'en approcher la rentabilité attendue et constatée, sont présentés en troisième partie.
II. LES OBJECTIFS ET LES RÉALISATIONS DU PROGRAMME
A. L'OBJECTIF D'UN SERVICE PUBLIC FISCAL UNIQUE
Après l'échec d'un premier projet de réforme des administrations fiscales en mars 2000, le ministre des finances a annoncé en avril de la même année la « réforme-modernisation du MINEFI » 4 ( * ) . Les objectifs poursuivis sont en partie les mêmes : « Mettre le service public au service du public. Chaque citoyen pourrait effectuer en un seul lieu et en une seule fois toutes les démarches courantes relatives au calcul ou au paiement de ses impôts. Tous les métiers fiscaux seraient regroupés au même endroit sous la même autorité, à proximité et à la disposition des usagers, comme cela se pratique dans d'autres services publics et dans tous les autres pays européens ».
1. Le programme Copernic : moteur technique d'une modernisation ordonnée autour des usagers
La création du « compte fiscal simplifié » ou « compte fiscal du contribuable » était l'une des principales innovations visée par la réforme 5 ( * ) . Le compte fiscal simplifié n'était pas défini par ses spécifications techniques, mais caractérisé par les résultats attendus de sa réalisation. Avec un nouveau système d'information, il s'agissait de permettre aux contribuables de réaliser, même à distance, les opérations courantes :
- visualiser l'ensemble de leur situation fiscale ;
- télédéclarer ou télépayer leurs impôts ;
- introduire leurs requêtes de toute nature et suivre l'avancement de leurs dossiers ;
- bénéficier, grâce à la puissance des nouveaux médias, de services à distance sécurisés, disponibles 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 et adaptés à leurs besoins.
Le programme Copernic a été créé pour coordonner les actions nécessaires à la mise en place de ce compte fiscal unique, et placé sous la responsabilité conjointe du directeur général des impôts et du directeur général de la comptabilité publique. Le service à compétence nationale (SCN) Copernic a été créé par l'arrêté ministériel du 12 novembre 2001.
D'autres expérimentations conçues pour rendre un meilleur service aux usagers avaient également été lancées dans le cadre de la « réforme-modernisation » : l'accueil commun DGI-DGCP, le rapprochement des centres des impôts (CDI) et des recettes des finances, l'intranet commun, le centre d'appel, le centre d'encaissement, les pôles de recouvrement contentieux, les maisons de service public, économique et financier, l'interlocuteur fiscal unique.
(1) La définition des besoins techniques
Les premières réflexions sur la conception et la mise en oeuvre du compte fiscal des contribuables ont été décrites dans deux documents intitulés « Programme Copernic » : vers la mise en place du compte fiscal simplifié , publiés respectivement en janvier 2001 et en février 2002. Le programme s'inspirait des travaux antérieurs (« mission 2003 »), dont il développait le volet consacré aux systèmes d'information.
L'objet de ces premiers travaux était, d'une part, de mettre en place une organisation adaptée à ce chantier d'ampleur et, d'autre part, de préciser les besoins et attentes des usagers, destinataires principaux de la réforme. À cette occasion, l'expression du besoin des agents a été intégrée, afin qu'ils bénéficient de la centralisation des informations. Le besoin des agents portait précisément sur la disponibilité d'une information fiable, mais aussi sur l'accès à une documentation en ligne. Ils revendiquaient une plus grande souplesse d'utilisation et de la suppression des doubles-saisies alors nombreuses.
Ces travaux visaient aussi à décrire la situation du système d'information et à diagnostiquer sa capacité à alimenter le compte fiscal unique. Enfin, ils devaient définir le système d'information « cible » permettant d'atteindre les objectifs et élaborer une stratégie de migration vers ce système cible.
L'ampleur du chantier a conduit à fixer un calendrier du programme étalé sur neuf années, en respectant des « principes d'action ». Tout d'abord, les évolutions devaient se faire sans aucune rupture de service du système d'information. Ensuite, la visibilité du programme devait être assurée par des résultats rapides, qui rythmeraient la progression du programme. Celui-ci serait décomposé en plusieurs projets limités dans leur périmètre et de courte durée. La satisfaction des besoins des contribuables par l'évolution progressive et sans heurt du système d'information fiscal, dans un calendrier long, est une réponse apportée à l'une des causes de l'échec du projet de réforme précédent. Le système d'information vieillissant n'était pas apte à absorber le rapprochement des directions générales dans un calendrier qui avait été ambitieusement limité à trois ans.
(2) L'inaptitude du système à soutenir une gestion fiscale moderne
Le système d'information était morcelé, cloisonné, organisé par métier et les applications qui le composaient étaient pour la plupart assez anciennes. Ainsi, l'application REC (recouvrement) avait été développée au début des années 1970. La modernisation du système était une nécessité, d'une part afin de répondre à l'obsolescence de nombreuses applications en service, d'autre part pour mettre un terme aux cinq limitations majeures dans les échanges de données, qui constituent autant d'obstacles dirimants à un service fiscal centré sur l'utilisateur, usager ou agent :
- rupture des identifiants : le même usager était géré au travers d'une multiplicité d'identifiants ;
- rupture des applications : une même donnée présente dans plusieurs applications pouvait faire l'objet d'une mise à jour sans répercussion automatique sur les autres applications ;
- rupture géographique : les données relatives à un usager étaient dispersées dans les applications implantées dans les services gestionnaires, sans correspondance respective ;
- rupture temporelle : la répercussion d'une information nouvelle obtenue par un service dans l'ensemble du système d'information pouvait prendre un délai important (plusieurs semaines, voire plusieurs mois) ;
- rupture de la chaîne informatique : obstacles à l'automatisation des échanges entre applications.
Ces limitations obligeaient notamment à des saisies d'information redondantes, dans chacune des applications concernées (une par impôt). Le risque pour la qualité des données gérées dans des applications organisées par impôt et non par usager en était accru. Ainsi :
- les données fiscales des redevables étaient dispersées, aucune vue globale et consolidée n'était possible ;
- les usagers étaient gérés avec des identifiants différents selon l'application, les obligeant souvent à de nouvelles démarches et contraignant les agents à des saisies multiples, par exemple pour un changement de nom ou d'adresse ;
- les différences de saisies entre les applications entraînaient parfois des erreurs d'identification (par exemple usage des abréviations dans le nom des sociétés).
Cette absence d'unicité (des identifiants, des applications, géographique) altérait de manière substantielle la qualité des données intégrées dans ces applications, avec des conséquences sur le recouvrement (par exemple en cas de procédure collective au bénéfice d'une entreprise mal identifiée), ou sur la détection des risques de fraude et la programmation des contrôles.
(3) Des progrès attendus dans trois domaines
Le renforcement du civisme fiscal des contribuables ; cette idée repose sur l'hypothèse que l'acceptation de l'impôt croît avec la qualité du service aux contribuables. La nouvelle organisation des services fiscaux participe également à l'atteinte du but.
L'efficacité des services fiscaux : une productivité accrue par un système d'information performant permet aux agents de se concentrer sur le service à l'usager.
L'effet d'entraînement du programme sur l'utilisation et la diffusion des technologies de l'information dans la société française : le nouvel outil fiscal contribue au déploiement des technologies sur l'ensemble de la population, à l'adoption des transactions dématérialisées, et à la facilitation du commerce électronique.
* 2 ) Rapport annuel de performance 2007 de la Direction générale des impôts.
* 3 ) Rapport annuel de performances 2008 du programme 156.
* 4 ) Comité technique paritaire ministériel du 28 avril 2000 : « - améliorer la qualité des services rendus par les modes d'accès habituels au service public (guichet, téléphone, courrier) (...) ; - offrir de nouveaux canaux d'accès en développant les services en ligne et à distance pour rendre la gestion courante des impôts plus facile et moins coûteuse en temps comme en déplacements . »
* 5 ) Cf. : Contrat de performance de la DGI pour la période 2001-2002.