II. CONTRIBUTION DU GROUPE UNION DES DÉMOCRATES ET INDÉPENDANTS - UNION CENTRISTE (UDI-UC)

Le groupe UDI-UC a souhaité profiter de l'opportunité offerte par la commission des Finances du Sénat afin de faire connaitre sa position sur les orientations présentées dans le présent programme de stabilité.

Les sénateurs centristes regrettent vivement que le programme de stabilité pour les années 2015 à 2017 n'ait pu donner lieu à un véritable débat en séance publique dont l'opportunité est pourtant rendue possible par les dispositions de l'article 50-1 de la Constitution.

Au-delà des considérations liées à un ordre du jour particulièrement dense à l'Assemblée nationale et au Sénat, il semble que l'absence, exceptionnelle, de présentation du programme de stabilité devant la représentation nationale, s'explique davantage par des problèmes politiques propres à la majorité gouvernementale à l'Assemblée nationale et au parti socialiste en particulier.

Au-delà des questions liées aux modalités de présentation du programme de stabilité devant le Parlement, le programme de stabilité pour les années 2015 à 2017 est paradoxal sur plusieurs points. En effet, en dépit d'avoir été construit sur des hypothèses prudentes, le présent programme est fondé sur l'espoir de la prolongation d'une conjoncture internationale favorable et cela au détriment d'un programme de réformes structurelles et d'une véritable stratégie de réduction équitable de la dépense publique.

LE CADRE MACRO-ÉCONOMIQUE ET L'HEUREUX « ALIGNEMENT CONJONCTUREL DES PLANÈTES »

La conjoncture économique nationale se caractérise depuis le début de l'année 2015 par l'agrégation de plusieurs facteurs encourageants en perspective d'une reprise rapide de l'activité.

La politique monétaire accommodante de la BCE, la baisse du prix du baril de pétrole, le maintien de taux d'intérêts faibles en dépit de la hausse continue de l'endettement public semblent effectivement dénoter l'amorce d'une reprise économique via deux canaux :

- Le canal extérieur des exportations : la baisse de l'euro cumulée à la baisse des prix du pétrole permettrait aux entreprises de développer des gains à l'export par un effet sur la compétitivité-prix ;

- Le canal intérieur de la consommation des ménages : les mêmes facteurs permettraient de dynamiser le pouvoir d'achat des ménages et donc de réduire la croissance tendancielle de leur taux d'épargne.

Ce scénario conjoncturel porterait la croissance du PIB pour l'année 2015 à 1%, puis à 1,5% en 2016 et en 2017 et enfin à 1,75% à l'horizon 2018.

Ces prévisions, proches des analyses des principaux centres d'analyses de la conjoncture sont qualifiées de prudentes par le Haut Conseil des Finances Publiques après un avis particulièrement sceptique sur des hypothèses jugées trop « optimistes » à l'automne dernier lors de la présentation du projet de loi de Finances pour 2015 et de la loi de programmation pluriannuelle pour les années 2014 à 2019.

Le groupe UDI-UC reconnait ainsi l'effort de sérieux du Gouvernement en matière de prévision conjoncturelle. Après plusieurs années de prévisions particulièrement optimistes, cet effort est le bienvenu. Cet effort pourrait permettre, conformément aux voeux formulés à plusieurs reprises par les sénateurs centristes, de concourir à l'obtention de meilleurs résultats en matière de gestion de l'exécution annuelle des lois de Finances. Il faudra cependant encore attendre la prochaine loi de Règlement pour mesurer la portée réelle de cet effort gouvernemental.

DÉFICIT STRUCTUREL ET CONJONCTUREL : DES CONCEPTS PEU OPÉRATIONNELS

Le programme de stabilité souffre des mêmes carences conceptuelles que celles qui affligent le cadre européen de coordination de nos Finances publiques : la substitution progressive d'une cible de déficit structurel au déficit nominal qui devrait en réalité retenir notre attention .

Il est vain de distinguer le bon du mauvais déficit au regard de notre niveau d'endettement . La France, avec 95% de PIB de dette publique est l'un des huit pays de la zone euro dont l'endettement dépasse la barre des 90%. Cet endettement, en plus d'être massif est dynamique et haussier. Cette dette fait peser un risque permanent sur les conditions de financement de nos politiques publiques.

En effet, les taux d'intérêts avantageux dont nous bénéficions semblent être le produit d'une anomalie sur les marchés financiers . Nos créanciers ne nous font pas supporter la prime de risque liée à notre niveau d'endettement. Cela est peut-être lié à la déconsidération des notations souveraines ou à la qualité du travail fourni par l'agence France Trésor, toujours est-il que cette situation n'est pas pérenne et que nos taux d'intérêts ont vocation à augmenter à moyen terme.

Dès lors, viser le solde structurel plutôt que le solde nominal n'est pas opérationnel . Cette distinction reviendrait à distinguer l'endettement légitime de l'illégitime, distinction qui n'est pas opérée par nos créanciers .

De plus, la définition du solde conjoncturel pose problème en soit. Un solde conjoncturel permanent, ou du moins maintenu depuis plusieurs années à un tel niveau est-il encore véritablement conjoncturel ?

Ne témoigne-t-il pas plutôt d'une addiction à la dépense publique et des carences gestionnaires de gouvernements successifs incapables d'équilibrer leurs recettes et leurs dépenses même hors période de ralentissement ou de récession économique ?

UNE HAUSSE ARTIFICIELLE DE LA CROISSANCE POTENTIELLE POUR SOUTENIR L'OBJECTIF DE SOLDE STRUCTUREL

Enfin, concernant plus particulièrement le solde structurel , ce dernier procède des prévisions de croissance potentielle .

La croissance potentielle est définie classiquement comme le taux de croissance réalisable avec un emploi optimal des facteurs de production (travail, capital, ressources) sans prise en compte de l'effet de l'inflation. Or, il apparait dans le présent programme de stabilité que les nouvelles encourageantes au plan conjoncturel se traduiraient entre 2016 et 2018 en gains conséquents en matière de croissance potentielle .

Cette projection ne semble pas réaliste si l'on prend séparément les termes de l'équation :

- Concernant le facteur travail : l'INSEE comme l'UNEDIC prévoient une hausse du nombre de chômeurs de près de 100 000 personnes en 2015. Cela confirme que le chômage a vocation à se maintenir à un niveau élevé sur une longue durée, ce qui pénalise l'employabilité des personnes à long terme.

- Concernant le facteur capital : le taux d'investissement est atone et le Gouvernement, après avoir refusé plusieurs initiatives de la majorité sénatoriale lors du débat budgétaire de l'automne dernier, vient tout juste d'annoncer une série de mesures en faveur de l'investissement des entreprises.

D'un trait, rien ne justifie les prévisions du Gouvernement en la matière. Toutefois, cet optimisme quant à notre capacité de rebond économique n'est pas sans conséquence sur le calcul de l'objectif de solde structure l.

En effet, plus la croissance potentielle est élevée, plus il est facile de réduire son effort structurel. Ainsi, la hausse injustifiée de la croissance potentielle en 2016 et en 2017 doit permettre de maintenir la cible de 0,5 qui est le plancher en dessous duquel la procédure de déficit excessif nous interdit de descendre . Fort heureusement, une manipulation statistique aussi visible ne saurait échapper au regard de la Commission européenne.

LE DÉFICIT NOMINAL ET L'ARLÉSIENNE DU RETOUR À 3%

Concernant le déficit nominal, le programme de stabilité entérine l'abandon des engagements passés du Président de la République et du Gouvernement.

En effet, dans la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques pour les années 2012 à 2017, l'exercice 2017 devait être celui du retour à l'équilibre budgétaire. Il s'avère maintenant qu'il ne sera, éventuellement, que celui de la sortie du déficit excessif.

La réalisation de nos engagements budgétaires européens attendra donc encore, sauf à ce qu'un nouveau délai ne soit accordé, auquel cas il faudra toujours attendre.

DES ÉCONOMIES BUDGÉTAIRES À GÉOMÉTRIE VARIABLE SELON LE TYPE D'ADMINISTRATIONS PUBLIQUES

Le présent programme de stabilité prend acte de la nécessité de l'effort de 4 milliards d'euros supplémentaires pour l'année 2015 mais ne les documente pas suffisamment .

En effet, outre les économies liées à la baisse de la charge de gestion de la dette (1,2 milliard d'euros), les perspectives avancées par le Gouvernement sont particulièrement incertaines , notamment celles portant sur les dépenses de fonctionnement de l'Etat à hauteur de 1,2 milliard d'euros ou encore celles sur l'ONDAM qui sont incertaines par nature.

Au-delà, les perspectives d'économies budgétaires annoncées pour l'ensemble de l'exercice 2015 sont toutes aussi incertaines . En effet, une certaine injustice semble présider aux arbitrages en matière d'économies budgétaires. Les économies de l'Etat sont calculées en moindre dépense par rapport à une tendance haussière alors que celles des collectivités sont réelles et cumulées dans le temps . Ainsi la réduction de la DGF portera à 28 milliards d'euros en 2017 la perte financière pour les collectivités, hors hausse des recettes fiscales locales. Inversement, les 18 milliards d'euros d'économies annoncées du coté de l'Etat souffrent pour l'heure de n'être pas plus documentées et détaillées à défaut d'exister.

Sur la période 2015 à 2017, ce défaut de documentation a ainsi conduit la Commission à regretter que le Gouvernement ne puisse clairement justifier que 25 milliards d'euros d'économies sur les 85 milliards induits par le présent programme de stabilité. En outre, sur les 50 milliards d'euros d'économies annoncées l'année dernière par le Gouvernement, 30 milliards ont vocation à financer les mesures de baisse du coût du travail . Il s'agit donc plus d'une transformation de la destination de la dépense publique que d'une réduction à proprement parler. Là encore, la transparence et la documentation font encore défaut.

Enfin, le Gouvernement ne détaille pas non plus comment seront financées les mesures en faveur de l'investissement des entreprises.

LE PROGRAMME DE RÉFORMES ET L'ABSENCE DE RÉSULTATS DES POLITIQUES PUBLIQUES NATIONALES SUR L'ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE DEPUIS PRÈS DE TROIS ANS

Le programme de stabilité ne saurait présenter qu'une pure trajectoire de réduction budgétaire sans mettre en avant dans le même mouvement un véritable programme de réformes structurelles.

A ce titre , le présent programme surprend en tant qu'il semble reconnaitre implicitement l'absence totale d'effets sur l'activité des actions menées par le Gouvernement jusqu'en avril 2014 . C'est d'autant plus patent lorsque le Gouvernement regrette l'atonie du secteur de la construction à peine plus d'une année après le vote de la loi « ALUR ».

Le présent programme surestime également les effets liés au CICE et au Pacte de responsabilité. En effet, le taux de croissance de l'investissement en 2015 ne devrait pas dépasser les 0,3% après deux années de mise en oeuvre du CICE.

Concernant le Pacte de responsabilité, ce dernier n'est pas encore pleinement déployé dans son volet de réduction du coût du travail de telle sorte qu'il semble encore imprudent de fonder des projections sur ses effets supposés dans l'avenir.

Au demeurant, le présent programme ne met en avant aucune réforme structurelle majeure à venir . Aussi, il semble induire que la stratégie budgétaire du Gouvernement à moyen terme est en réalité fondée sur le bénéfice que la France pourrait retirer d'une conjoncture internationale plus favorable que ces deux dernières années et du soutien de la politique monétaire de la BCE et non pas sur un programme de réformes ou sur des leviers internes à l'économie française.

Cela est d'autant plus inquiétant que cette dynamique conjoncturelle est fragile et ne profitera pas nécessairement à la France à la hauteur des espérances du Gouvernement.

En effet, la baisse du prix du pétrole bénéficiera à tous les pays importateurs et ne sera donc pas un élément de positionnement concurrentiel en matière de coûts de production à l'export. La baisse de l'euro améliore les termes de l'échange pour la France mais aussi pour de nombreux partenaires commerciaux européens qui sont aussi nos concurrents à l'instar de l'Espagne ou de l'Italie.

Inversement, le chômage, maintenu à un niveau élevé et sur une durée chaque jour plus longue obère l'employabilité des personnes. Le coût du travail demeure élevé face à un Pacte de responsabilité encore en phase de mise en oeuvre. Le secteur de la construction, riche en main d'oeuvre non qualifiée est pénalisé, tant par l'incertitude des agents économiques après la loi ALUR que du fait de l'amputation financière subie par les collectivités territoriales.

Il ressort de cette situation paradoxale que si l'activité doit reprendre un rythme croissant dans les prochains mois, cette croissance sera à la fois précaire dans sa durée et insuffisante à politique économique constante pour permettre une décrue du nombre de chômeurs, une reprise solide de l'investissement et donc pour soutenir la croissance potentielle et au final la croissance économique réelle.

RETROUVER UNE SITUATION ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE SAINE AVEC DES RÉFORMES STRUCTURELLES

Le présent programme manque donc cruellement de vision et de perspectives pour doter la France de leviers internes de stimulation de l'activité économique.

Pour sa part, le groupe UDI-UC fait la promotion de six réformes structurelles fondamentales qui restent à mener à cette fin :

- La réforme de la flexibilisation du marché du travail ;

- La réforme des retraites, pour tendre à la convergence du public et du privé et instituer la retraite à points ;

- La réforme de l' État et de la carte administrative territoriale ;

- La réforme du statut de la fonction publique afin de permettre plus d'équité entre nos concitoyens mais aussi plus de souplesse dans la gestion des ressources humaines de nos services publics ;

- La réforme de la formation, de l'enseignement et de la recherche , pour adapter nos savoirs à l'évolution d'une économie mondialisée ;

- La réforme fiscale , pour des impôts lisibles , simples, à assiette large et à taux faibles, prélevés à la source.

A ces cinq réformes de structures doit se rajouter un effort d'équité réelle dans l'entreprise de réduction de la dépense publique entre les différentes formes d'administrations publiques : Etat, collectivités territoriales, administrations de sécurité sociale. Il n'est plus soutenable de voir les uns subir des réductions réelles lorsque les autres ne connaissent que des moindres hausses tendancielles de dépenses.

RESTAURER LA DIGNITÉ ET LE RESPECT DES PROCÉDURES DE COORDINATION BUDGÉTAIRE AU SEIN DE L'UNION EUROPÉENNE

La France, après avoir bénéficié de deux délais pour assainir ses comptes, après avoir rejeté le principe d'une règle d'or constitutionnelle contraignante sur les déficits publics et après avoir contourné ses propres règles de procédures de programmation pluriannuelle va renvoyer un programme de stabilité dont l'esprit est finalement de considérer qu'une meilleure fortune conjoncturelle peut autoriser l'immobilisme et reporter une nouvelle fois les réformes dont nous avons besoin.

Cette politique du déni et du contournement ne fait pas honneur à la signature de notre pays au bas des Traités européens. Cette politique ne fait pas honneur à la France mais surtout, elle porte finalement préjudice aux pouvoirs publics européens .

En effet, la France dispose d'un poids économique et politique qui la rend incontournable à l'échelle européenne. Toutefois, ces atouts sont mis à profit d'une sempiternelle lutte d'influence entre le Gouvernement et la Commission européenne autour du respect du cadre budgétaire commun.

Jusqu'ici, la France a toujours eu gain de cause et à toujours obtenu des pouvoirs publics européens des délais ou une bienveillance particulière dont aucun autre pays européen ne peut se prévaloir.

Ce rapport de force permanent n'est pas admissible plus longtemps. Il décrédibilise les pouvoirs publics européens et fragilise l'édifice de la coordination des politiques économiques et budgétaires au sein de l'Union Européen. Faut-il rappeler que ce cadre a été justement conçu, en partie, pour soutenir la France lorsqu'elle craignait de voir sa prime de risque s'envoler sur les marchés financiers ?

CONCLUSION SUR L'ABSENCE DE DÉBAT DEVANT LES ASSEMBLÉES PARLEMENTAIRES EN SÉANCE PUBLIQUE

En conclusion, le Groupe UDI-UC estime que le présent programme de stabilité n'est pas à la hauteur des exigences de la Commission européenne . Il ne propose aucune piste d'économies sérieuse et sa trajectoire de sortie du déficit excessif repose finalement sur l'espoir de la prolongation pendant trois ans d'une conjoncture internationale favorable.

Au demeurant, ce programme achève de prouver que le Gouvernement ne compte pas sur sa propre politique économique pour soutenir l'activité mais sur l'espoir de lendemains meilleurs.

Cela n'est pas nouveau mais c'est tout à fait regrettable. Les regrets sont redoublés dès lors que le présent programme, s'il a été présenté et analysé en commission des Finances au Sénat, n'a pu donner lieu à un véritable débat en séance publique . Nos concitoyens en resteront donc là.

La politique économique et financière du pays ne saurait se dessiner en l'absence du Parlement qui, faut-il le rappeler, consent à l'impôt, contrôle le Gouvernement et évalue les politiques publiques. Dès lors, le Groupe UDI-UC affirme qu'en l'absence d'une véritable présentation en séance publique, le présent programme ne saurait engager réellement la France au regard de ce qui se présente comme une volonté manifeste du Gouvernement de se soustraire à ses responsabilités politiques.

Enfin, si débat il y avait eu, et si, prêtons-nous à rêver, le Gouvernement avait sollicité un vote, le groupe UDI-UC, au regard des motifs exposés ci-dessus, aurait voté contre le présent programme de stabilité .

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