ANNEXES DE LA PARTIE IV

Annexe 1 : Les métropoles financent-elles le reste des territoires ?

Que le dynamisme économique des métropoles finance le bien-être des autres territoires est passé au rang des évidences. Mais, en fait, personne n'en sait rien et apparemment cherche à le savoir. Nous ne disposons, en tous cas, d'aucune étude sérieuse française retraçant les flux financiers et humains complexes entre ces deux catégories de territoires.

Les études menées par la GERI (Groupe d'étude et de réflexion interrégional), sous l'impulsion de Jacques Voisard, dans les années 1990 et non poursuivies depuis sa cessation d'activité, ont même montré, non seulement que la concentration urbaine avait un coût mais que c'était là, tout particulièrement en Île-de-France qui concentrait 40 % des cadres supérieurs français, que les financements de l'État allaient prioritairement, ce qui d'ailleurs avait permis aux collectivités locales, à l'époque, d'investir proportionnellement moins que dans le reste de l'hexagone, laissant ainsi la situation se dégrader :

« L'Île-de-France, coeur du centralisme français (...) vit de plus en plus, sur le compte de la collectivité nationale et, de moins en moins, de ses propres ressources. Ceci pose évidemment le problème de la prise en charge des coûts collectifs croissants, liés à un modèle de développement qui profite de moins en moins à ceux qui en sont les instruments. » (Jacques Voisard et Franck de Bondt : Territoire et démocratie, notes de la fondation Saint-Simon, mai 1998). Il y a fort à parier que les choses n'ont fait qu'empirer depuis 1998, mais, très opportunément, aucune étude approfondie ne permet de trancher dans un sens ou un autre.

En tous cas, constatons, s'agissant des finances des collectivités territoriales que les dernières réformes n'ont pas été une mauvaise affaire pour l'Île-de-France. Ainsi, note Charles Guené dans son Rapport sur les conséquences pour les collectivités territoriales, l'État et les entreprises de la suppression de la taxe professionnelle et de son remplacement par la contribution économique territoriale (Sénat, juin 2012) :

« Il apparaît par exemple que la CVAE est concentrée, à hauteur de 32,8 %, au sein de la région Île-de-France, alors que cette région représentait « seulement » 13,3 % de l'ancienne taxe professionnelle. Certes, la région Île-de-France est la seule qui contribuera au FNGIR des régions. Elle reversera donc (...) l'équivalent d'environ 55 % de son produit de CVAE, soit 669 millions d'euros, aux autres régions, et ne conservera que l'équivalent de 45 % de ce produit. Toutefois, à compter de l'année 2011, la région Île-de-France bénéficiera pleinement de la croissance de 100 % du produit de CVAE présent sur son territoire puisque le montant reversé aux autres régions demeurera figé. »

Et voici comment on peut tirer profit d'une réforme visant à réduire la fiscalité économique et censée améliorer la compétitivité des entreprises françaises, en en faisant porter le coût sur les autres et en donnant l'impression de faire acte de solidarité !

L'étude des effets de la création de l'APA, du RSA et des transferts de compétences dans le cadre de l'acte II de la décentralisation, selon les départements reste, elle aussi, à faire.

Annexe 2 : Quand on n'entend plus siffler le train (Intervention de Jacques Mézard au Sénat le 4 janvier 2013)

« Dans nos territoires ruraux, notre rêve est d'entendre à nouveau siffler le train, ce train qui, ces dernières années, s'est retiré peu à peu de tant de nos communes, ce train qui ne roule plus au rythme de l'égalité des territoires...

Aurillac est la préfecture la plus enclavée de France, c'est connu ! En 2003, pourtant, avec un Premier ministre de grande qualité nous avons subi la suppression du train de nuit vers Paris. En 2004, ce fut la suppression du dernier train direct. Depuis, nous avons connu un programme de réfection des voies ferrées grâce au plan rail État-région-RFF. Pour autant, le trajet Aurillac-Paris dure, selon les jours, entre six heures deux minutes et dix heures trente ! Parfois, une partie du trajet s'effectue en bus : c'est le progrès ! C'est en tout état de cause une demi-heure de plus, dans le meilleur des cas, que voilà vingt-cinq ans !

Ce n'est pas simplement par humour, monsieur le ministre, que j'ai déjà, dans cette enceinte, remis à deux de vos prédécesseurs les horaires de train Aurillac-Paris de 1905, que j'avais consultés et que je vais tout à l'heure vous remettre en main propre. En 1905, sous le gouvernement de Maurice Rouvier (...), le train de nuit partait à 20 heures 47 de Paris pour arriver à 8 heures 05 à Aurillac. En 2012 et en 2013, il faut aller chercher un train de nuit en autocar pour, ensuite, à partir de Figeac, rejoindre Paris. La durée du trajet de nuit est de neuf heures quarante minutes ! C'est en effet un magnifique progrès en deux Républiques et 105 ans (...) La dissociation SNCF-RFF n'a pas arrangé la situation - je crois que nous en sommes tous convenus - et, pour nous, la réunification s'impose.

Quant à l'ouverture à la concurrence, nous ne la voyons pas d'un bon oeil, car elle présente un risque certain d'élargissement de la fracture territoriale. Il est particulièrement justifié que la France, dans le débat européen, s'oppose au quatrième paquet ferroviaire ».

Annexe 3 : Un jacobinisme bien tempéré

Même avant les lois Defferre de 1982-1985, le rôle des représentants de l'État sur le terrain ne se limitait pas à celui de simples courroies de transmission.

Pierre Grémion l'a bien montré, il n'y avait pas, d'un côté, l'administration de l'État et, de l'autre, les représentants de la population mais une « consonance entre l'administration et son environnement (qui) dépasse de beaucoup un simple accord de climat. De manière plus ou moins consciente l'administration intériorise progressivement les aspirations et les valeurs de la société qu'il est chargé d'administrer. » L'administration préfectorale est autant porte-parole de l'État auprès du terrain que l'inverse, du terrain auprès du pouvoir central. De plus et surtout, sur la plus grande partie du territoire, il est d'abord présent par ses ingénieurs des ponts et chaussées ou des eaux et forêts. Une présence bénéfique très appréciée qui fait oublier ce que peuvent avoir d'urticantes les tracasseries de la bureaucratie régalienne . À travers ses ingénieurs, l'État devient partenaire et parfois acteur, du développement local. Son désengagement progressif pour laisser la place au marché sera donc ressenti comme un abandon.

Pour Pierre Grémion cette relation antagonistique, faite d'oppositions et de connivences entre fonctionnaires d'État et élus locaux constitue un véritable « pouvoir périphérique ». Les tutelles de l'État les plus insupportables aux élus sont celles qui ne s'accompagnent pas d'un retour en forme de service dans le cadre d'une relation coopérative. Ainsi, la plus détestée est-elle celle du ministère des finances alors que « les services préfectoraux ou les services techniques qui exercent à la fois une tutelle juridique et une tutelle organique organisationnelle [comme les fonctionnaires de l'Equipement ou de l'Agriculture], donc un contrôle pesant sur les communes, ne suscite pas de récriminations chez les maires... C'est que les relations de tutelle sont plus complexes que les relations de contrôle unilatéral auxquelles les réduit le droit administratif français. Elles sont caractérisées par une interaction constante du segment bureaucratique contrôleur et du segment social contrôlé. Le produit de cette interaction s'exprime dans une institutionnalisation des relations entre l'organisation administrative et son environnement à travers laquelle l'organisation intériorise en partie les valeurs du groupe placé sous son contrôle. La tutelle, à l'origine fonction de contraintes, s'enrichit d'une fonction latente de défense : fonction qui se développe à partir de la première car elle représente un moyen d'adaptation destiné à supprimer les frictions sociales que suscite la contrainte. »

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