II. AMÉLIORER LE FONCTIONNEMENT DES INSTANCES REPRÉSENTATIVES DES FRANÇAIS DE L'ÉTRANGER ET VALORISER LEUR RÔLE

A. VALORISER LE RÔLE DES CONSEILS CONSULAIRES ET CONFORTER LA PLACE DES ÉLUS EN LEUR SEIN

1. Les conseils consulaires : plusieurs formations, un rôle essentiellement consultatif

Chargés de « formuler des avis sur les questions consulaires d'intérêt général, notamment culturel, éducatif, économique et social concernant les Français établis dans la circonscription »88(*), les conseils consulaires exercent une mission essentiellement consultative.

Ils peuvent être consultés sur « toute question concernant les Français établis dans la circonscription et relative à la protection sociale et à l'action sociale, à l'emploi, à la formation professionnelle et à l'apprentissage, à l'enseignement français à l'étranger et à la sécurité ». Depuis la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019, ils peuvent également être consultés sur « les conditions d'exercice du mandat de conseiller des Français de l'étranger ».

Selon les sujets et les attributions, le conseil consulaire se réunit selon une composition différente ; dans tous les cas, les conseillers des Français de l'étranger en sont membres de droit89(*).

a) Protection sociale et action sociale

Le décret n° 2014-144 du 18 février 2014 prévoit que le conseil consulaire exerce les attributions confiées aux commissions locales prévues à l'article D. 766-3 du code de la sécurité sociale, et qu'il est saisi pour avis des demandes et projets de subvention aux organismes locaux d'entraide et de solidarité, d'une part, et d'attribution d'allocations ou de secours aux Français âgés, handicapés ou indigents, régulièrement inscrits au registre des Français établis hors de France, d'autre part.

C'est ensuite la commission permanente pour la protection sociale des Français à l'étranger (CPPSFE), placée auprès du ministre chargé des affaires étrangères90(*), qui valide l'attribution des aides proposées par les conseils consulaires en format protection et aides sociales.

Les aides sociales au bénéfice des Français de l'étranger sont gérées par le programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » de la mission « Action extérieure de l'État » ; en 2022, elles ont atteint un montant de 15,4 millions d'euros91(*), répartis entre 4 218 allocataires92(*).

La composition du conseil consulaire en formation « protection et action sociale » (CCPAS)

Conformément à l'article 7 du décret n° 2014-144 du 18 février 2014, le conseil consulaire comprend, pour l'exercice de ses attributions relatives à la protection et à l'action sociales en faveur des Français résidant dans la ou les circonscriptions consulaires relevant de sa compétence, outre les conseillers des Français de l'étranger :

- le conseiller social du poste, ou son représentant ;

- le médecin-conseil du poste ;

- le ou les administrateurs de la Caisse des Français de l'étranger résidant dans la circonscription consulaire ;

- des représentants des institutions ou associations françaises exerçant localement des activités à caractère social en faveur des ressortissants français ;

- le représentant de chacune des associations nationales représentatives des Français établis hors de France reconnues d'utilité publique présentes dans la circonscription.

Au sein du CCPAS, seuls les conseillers des Français de l'étranger ont voix délibérative.

b) Enseignement français et bourses scolaires

Par ailleurs, le décret n° 2014-144 du 18 février 2014 précise également93(*) que le conseil consulaire exerce les attributions confiées aux commissions locales prévues à l'article D. 531-45 du code de l'éducation.

En conséquence, le conseil consulaire dans sa formation « enseignement français à l'étranger et bourses scolaires », propose l'attribution des bourses scolaires, qui sont accordées par l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE)94(*) et attribuées après avis de la commission nationale des bourses, instituée auprès du directeur de l'AEFE.

Le même programme 151 porte une dotation spécifique pour permettre à l'AEFE de verser ces bourses. En 2021, les bourses scolaires versées par l'AEFE ont bénéficié à 24 864 élèves répartis dans 137 pays, soit 21 % des élèves français scolarisés dans le réseau, pour un montant total de 102,6 millions d'euros95(*).

La composition du conseil consulaire en formation « enseignement français à l'étranger - bourses scolaires » (CCB)

Conformément à l'article 7 du décret n° 2014-144 du 18 février 2014, le conseil consulaire comprend, pour l'exercice de ses attributions relatives à l'enseignement français à l'étranger dans la ou les circonscriptions consulaires relevant de sa compétence, outre les conseillers des Français de l'étranger :

- le conseiller ou l'attaché de coopération et d'action culturelle du poste, ou son représentant ;

- le chef de chaque établissement d'enseignement concerné, ou son représentant ;

- des représentants des organisations syndicales représentatives, dans un au moins des établissements concernés, des personnels enseignants ;

- des représentants des associations représentatives, dans un au moins des établissements concernés, des parents d'élèves ;

- et le représentant de chacune des associations nationales représentatives des Français établis hors de France reconnues d'utilité publique présentes dans la circonscription.

Hormis le conseiller ou l'attaché de coopération et d'action culturelle du poste, l'intégralité des membres cités ont voix délibérative96(*).

c) Travail, emploi, formation professionnelle et apprentissage

En matière économique, l'article 3 du décret n° 2014-144 du 18 février 2014 prévoit que le conseil consulaire :

- reçoit périodiquement des informations concernant l'implantation locale des entreprises françaises ou de leurs filiales et leur activité, et est informé des dispositifs d'aide prévus par la législation et la réglementation françaises ;

- émet toute proposition tendant à améliorer la situation professionnelle des Français établis dans la ou les circonscriptions consulaires relevant de sa compétence et leur réinsertion en France ;

- et est saisi pour avis des projets de répartition des crédits et moyens destinés à favoriser l'emploi et la formation professionnelle des Français de la circonscription.

d) Sécurité

Aux termes de l'article 5 du décret n° 2014-144 du 18 février 2014, « sous réserve des informations dont la divulgation porterait atteinte au secret de la défense nationale, à la conduite de la politique extérieure de la France, à la sûreté de l'État, à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes », le conseil consulaire est informé de « la situation locale et des risques spécifiques auxquels pourrait être exposée la communauté française ainsi que du plan de sécurité de l'ambassade ou du poste consulaire »97(*).

e) Soutien au tissu associatif des Français à l'étranger

Enfin, depuis 2018 existe une formation du conseil consulaire compétente en matière de soutien au tissu associatif des Français à l'étranger, dite « STAFE »98(*), non prévue par le décret n° 2014-144 du 18 février 2014.

Le conseil consulaire examine les dossiers reçus, émet un avis sur chaque dossier et peut proposer jusqu'à 6 projets par poste99(*), qu'il classe par ordre de priorité. Les projets validés et transmis par les postes consulaires après avis du conseil consulaire sont ensuite étudiés par la commission nationale consultative du STAFE, présidée par le directeur des Français à l'étranger et de l'administration consulaire. Celle-ci rend un avis sur la recevabilité des projets et peut augmenter ou diminuer les montants proposés par les conseils consulaires, à la condition de respecter l'enveloppe limitative100(*). En dernier lieu, la direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire décide de l'octroi des subventions aux associations candidates.

2. Renforcer les attributions consultatives des conseils consulaires, clarifier les responsabilités des élus et de l'administration, et donner plus de poids aux élus

À titre liminaire, les rapporteurs soulignent la nécessité de garantir la visibilité des postes consulaires. Parce que le premier réflexe d'un concitoyen expatrié à la recherche d'informations sur une modalité administrative relative à la vie à l'étranger est de se tourner vers internet, il importe que les sites internet des ambassades et consulats généraux, comme leurs comptes twitter, soient non seulement correctement référencés, de manière à apparaître systématiquement en tête des résultats, mais aussi et surtout qu'ils soient uniformes dans leur adresse101(*), leur aspect (charte graphique, structure) et leur contenu, afin que les informations génériques apportées aux Français expatriés soient identiques quel que soit le pays.

Proposition : Uniformiser les sites internet et les comptes twitter des postes consulaires (adresse, charte graphique, structure, contenu).

a) Renforcer les attributions consultatives des conseils consulaires

S'agissant du rôle effectif joué par les conseils consulaires, il semble que l'exercice de la présidence par un élu depuis 2021 et, en conséquence, la fixation de l'ordre du jour de façon autonome par rapport à l'administration aient permis aux conseils consulaires d'exercer davantage leur mission de veille, d'alerte et de conseil auprès des ambassades et des consulats dans les domaines identifiés par la loi du 22 juillet 2013.

Les rapporteurs soulignent toutefois que l'exercice effectif de cette mission est largement tributaire de la qualité et de la quantité des informations relayées par l'administration consulaire à l'attention des conseillers des Français de l'étranger.

Par ailleurs, et de manière fondamentale, ils ne voient pas de motif à la limitation du champ dans lequel les conseils consulaires sont consultés. L'expérience des conseillers des Français de l'étranger, qui sont souvent proches des citoyens en raison du mode de suffrage et bons connaisseurs des situations locales concrètes, les rend légitimes à donner un avis sur toute question concernant directement ou indirectement les Français établis dans la circonscription consulaire dépendant du conseil consulaire considéré.

Proposition : Élargir le champ consultatif des conseils consulaires à toute question concernant directement ou indirectement les Français établis dans la circonscription consulaire.

b) Clarifier les responsabilités des élus et de l'administration

Pour les rapporteurs, l'élargissement du champ consultatif des conseils consulaires va de pair avec une nécessaire clarification des responsabilités revenant aux élus, d'une part, et à l'administration, d'autre part.

À cet égard, les modalités de notification aux familles des propositions du conseil consulaire en formation « bourses scolaires » mériteraient d'être précisées, afin de lever l'ambiguïté qui existe actuellement. Comme indiqué par Jean-Yves Leconte dans sa question écrite au ministre de l'Europe et des affaires étrangères en date du 1er juin 2023, les types de notification sont variées, « les familles pouv[ant] recevoir un courrier à en-tête du poste diplomatique et consulaire, notifiant de la décision du conseil consulaire [...], signé par le chef de section consulaire, accompagné de la mention : "pour le président du conseil consulaire des bourses scolaires" »102(*). Une telle modalité est susceptible d'engendrer une confusion, aux yeux des citoyens, dans les responsabilités et compétences respectives des conseils consulaires et de l'administration, alors que la loi confie à la seule administration le pouvoir de décision.

Proposition : Clarifier les règles en matière de notification des propositions du conseil consulaire des bourses scolaires.

Par ailleurs, les rapporteurs s'étonnent que la composition et le rôle de la commission nationale consultative pour le soutien au tissu associatif des Français à l'étranger, à qui revient pourtant la décision de l'attribution des subventions, soient aujourd'hui dépourvus de base réglementaire. Ils estiment insuffisante la réponse apportée en 2019 par le ministère des affaires étrangères à la question écrite d'un membre de l'AFE demandant notamment de préciser le texte régissant le fonctionnement de la commission nationale consultative pour le STAFE.

Il lui a en effet été seulement répondu que « lors de la création du dispositif STAFE, au regard de la visibilité limitée des services de l'État sur le dispositif et sur l'instance consultative, le choix a été fait de ne pas soumettre le dispositif à une pré-évaluation et à la promulgation d'un décret en Conseil d'État. La commission nationale consultative STAFE n'en est pas moins assujettie aux principes généraux de fonctionnement des commissions à caractère consultatif qui figurent dans le code des relations du public avec l'administration [aux] articles R. 133-3 et suivants » 103(*).

Les rapporteurs relèvent d'ailleurs que la question posée par Olivier Cadic sur le même sujet, le 24 novembre 2022, est toujours en attente de réponse de la part du ministre délégué auprès de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger104(*).

Afin de renforcer les garanties apportées aux administrés, asseoir la responsabilité de l'administration sur une base identifiée et, plus généralement, assurer la sécurité juridique du dispositif, les rapporteurs invitent à préciser par un décret en Conseil d'État la composition et le rôle de la commission nationale consultative de soutien au tissu associatif des Français à l'étranger.

Proposition : Préciser par un décret en Conseil d'État la composition et le rôle de la commission nationale consultative de soutien au tissu associatif des Français à l'étranger.

c) Donner plus de poids aux élus au sein des conseils consulaires

Comme le rappelaient déjà les rapporteurs en 2015, le choix avait été fait par le législateur de 2013 de ne pas réserver la voix délibérative aux membres élus du conseil consulaire. Le décret n° 2014-144 du 18 février 2014 attribue une voix délibérative aux membres non-élus du conseil consulaire uniquement dans sa formation « bourses scolaires »105(*).

Cette situation continue de faire l'objet de critiques de la part des conseillers des Français de l'étranger, qui, comme souligné en 2015, « ont l'impression d'être "noyés" parmi des membres non élus, en étant mis sur le même plan, alors que leur présence résulte du suffrage universel tandis que la désignation d'autres participants relève de décisions administratives »106(*).

Afin de préserver la voix des élus au sein du conseil consulaire dans sa formation « bourses scolaires », les rapporteurs proposent par conséquence de réduire la composition de celui-ci. Seuls pourraient ainsi participer aux travaux du conseil consulaire ceux, parmi les membres listés aux 1° à 5° de l'article 7 du décret n° 2014-144 du 18 février 2014, qui seraient concernés directement par les dossiers étudiés par le conseil consulaire.

Proposition : Réduire la composition du conseil consulaire dans sa formation « bourses scolaires ».

Enfin, s'agissant des questions relatives à la sécurité, les rapporteurs sont conscients de la nécessaire limitation des informations qui peuvent être transmises au conseil consulaire, en raison des impératifs de la défense nationale, de la sûreté de l'État et de la sécurité publique.

Il conviendrait toutefois, à leurs yeux, que les conseillers des Français de l'étranger soient conviés aux réunions que le chef de poste diplomatique ou consulaire pourrait tenir sur les questions de sécurité avec les chefs d'îlots de sa zone de responsabilité.

En outre, ils estiment souhaitable d'aller plus loin que les dispositions actuelles de l'article 5 du décret n° 2014-144 du 18 février 2014, qui prévoient la simple information des conseillers des Français de l'étranger de la tenue des journées défense et citoyenneté dans la ou les circonscriptions relevant de leur compétence, et proposent d'associer pleinement les conseillers des Français de l'étranger à ces journées ; ces derniers pourraient également être associés aux cérémonies d'entrée dans la nationalité des nouveaux Français. En étant présents lors de ces moments importants dans le parcours de citoyenneté des jeunes ou nouveaux Français, les conseillers des Français de l'étranger bénéficieraient ainsi d'une visibilité accrue auprès des concitoyens expatriés.

Proposition : Mieux associer les conseillers des Français de l'étranger aux cérémonies d'entrée dans la nationalité des nouveaux Français, ainsi qu'aux journées défense et citoyenneté.


* 88 1er alinéa de l'article 3 de la loi du 22 juillet 2013.

* 89 En vertu de l'article 3 de la loi du 22 juillet 2013.

* 90 Voir le décret n° 92-437 du 19 mai 1992 portant création d'une commission permanente pour la protection sociale des Français de l'étranger.

* 91 Ce montant ne comprend pas le dispositif exceptionnel « SOS covid ».

* 92 Source : Avis n° 117 (2022-2023) de Bruno Sido et Guillaume Gontard, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 17 novembre 2022.

* 93 Article 4 du décret.

* 94 En application des dispositions du 5° de l'article L. 452-2 du code de l'éducation.

* 95 Source : Avis n° 117 (2022-2023) de Bruno Sido et Guillaume Gontard, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat.

* 96 En application de l'article 6 du décret n° 2014-144 du 18 février 2014.

* 97 Article 5 du décret n° 2014-144 du 18 février 2014.

* 98 Instauré en 2018 à la suite de la suppression de la réserve parlementaire, le dispositif de STAFE permet l'octroi de subventions à des projets portés par des associations dont l'objet est de nature éducative, caritative, culturelle ou d'insertion socio-économique et qui contribuent au soutien des Français à l'étranger.

* 99 Il peut proposer 10 projets dans les postes dénombrant plus de 30 000 Français inscrits au registre des Français établis hors de France.

* 100 2 millions d'euros en 2023, comme chaque année depuis 2018.

* 101 Pour le site internet, si l'adresse sur le modèle « https://indicateur du pays.ambafrance.org » est le modèle prédominant, des variations subsistent, comme pour le site de l'Ambassade de France à Washington, D.C., dont l'adresse est https://fr.franceintheus.org/. Les noms des comptes twitter sont pour leur part très hétérogènes (@ambafrancealger pour l'Ambassade de France en Algérie, mais @FranzBotschaft pour l'Ambassade de France en Allemagne).

* 102 Question écrite n° 07001 publiée dans le JO Sénat du 01/06/2023 - page 3462, consultable à l'adresse : https://www.senat.fr/questions/base/2023/qSEQ230607001.html

* 103 Question écrite de Mme Anne BOULO, conseillère consulaire (Ho Chi Minh-Ville), et conseillère à l'AFE, consultable à l'adresse : https://www.assemblee-afe.fr/stafe-fonctionnement-de-la-commission-nationale-consultative-pour-une-plus-grande-transparence.html

* 104 Question écrite n° 03940, publiée dans le JO Sénat du 24 novembre 2022, page 5805, consultable à l'adresse : https://www.senat.fr/questions/base/2022/qSEQ221103940.html#question

* 105 Article 6 du décret n° 2014-144 du 18 février 2014.

* 106 Rapport n° 481 (2014-2015), p. 13.