V. COMMENT RENDRE LE CONTRÔLE PARLEMENTAIRE DE LA
POLITIQUE EUROPÉENNE PLUS EFFICACE ? AVANTAGES ET
INCONVÉNIENTS DU SYSTÈME DANOIS
Mme Lotte
Rickers Olesen, Représentante du Parlement danois auprès des
institutions européennes
Cette contribution porte sur le contrôle parlementaire de la politique européenne au Danemark, son fonctionnement, ses avantages et ses inconvénients.
Depuis le début, ce contrôle repose sur un système de mandat. En théorie, c'est un système qui donne un rôle important au Parlement, parce que - et c'est très important de le savoir - le Danemark a habituellement des gouvernements minoritaires. C'est à dire que le gouvernement n'a pas de majorité au Parlement. La Constitution dit qu'un gouvernement ne peut pas rester au pouvoir s'il y a une majorité contre lui, mais il n'a pas besoin d'avoir une majorité.
Depuis 1973, le Danemark a connu un gouvernement majoritaire pendant seulement 8 mois. De fait, les gouvernements de droite ont souvent le soutien de l'extrême droite pour les questions nationales, et les gouvernements de gauche celui de l'extrême gauche. Ni l'extrême droite, ni l'extrême gauche ne soutiennent l'Union Européenne, et très souvent ils s'opposent à ses propositions législatives. Alors, les différents gouvernements danois sont toujours obligés de trouver une majorité au sein du parlement.
En 1973, un mois seulement après l'adhésion du Danemark à la Communauté économique européenne, une crise politique a éclaté. Un ministre danois avait mené une négociation au Conseil à Bruxelles et à son retour au Danemark, les résultats de cette négociation n'ont pas été acceptés par une majorité des partis au Parlement danois. Ce désaccord concernait les prix du porc, et le porc représentait un poste d'exportation très important pour le Danemark à l'époque.
Au Conseil, il est impératif que tous les gouvernements des États membres engagent leur pays à appliquer les législations européennes.
Il est donc apparu clair qu'il fallait développer un système pour assurer que le Parlement danois ne rejette pas les résultats de la législation négociés par le gouvernement danois avec les autres huit États membres.
Le système de mandat est donc ainsi en place depuis 1973. Il fonctionne ainsi : le gouvernement (c'est à dire le ministère compétent) fait une évaluation de chaque nouvelle proposition de loi européenne. Si celle-ci est importante, le gouvernement est obligé d'en informer le Parlement. Si elle a un grand impact sur le Danemark, le gouvernement est obligé de présenter sa position dans les négociations au Parlement pour s'assurer qu'il n'y a pas de majorité contre sa position : c'est le mandat. Si les partis ne s'expriment pas contre la position du gouvernement, ils acceptent en même temps de soutenir cette législation (si c'est une directive qui prime sur la loi danoise).
En pratique, les ministres qui iront aux réunions du Conseil la semaine prochaine à Bruxelles ou à Luxembourg se présentent d'abord devant la commission parlementaire des affaires européenne le jeudi. Ils l'informent sur les propositions de lois et sur d'autres points qui sont à l'agenda. Et si y figure une proposition de loi européenne avec un grand impact sur le Danemark, le ministre doit à un moment présenter sa position pour obtenir le mandat du Parlement. C'est le gouvernement qui évalue quand présenter sa position, en tout état de cause avant que la position du Conseil soit adoptée, normalement avant que le Coreper ait adopté sa position.
Le mandat est toujours présenté oralement. Mais le gouvernement fournit des notes sur la proposition de loi en avance, y compris la position générale du gouvernement.
Puis les députés, membres de la commission parlementaire des affaires européennes, posent leurs questions au ministre, et s'ensuit une discussion.
Pendant la réunion, les partis indiquent s'ils sont d'accord avec le ministre ou pas. Les réunions sont ouvertes au public, diffusées à la télévision et retransmises en ligne. Souvent, les partis sont consultés par le ministre avant la réunion pour savoir s'il y a une majorité pour ou contre.
Le Parlement danois assure aussi le contrôle du principe de subsidiarité sur environ 5 à 10 propositions par an. D'abord, les commissions parlementaires appropriées discutent les propositions, puis c'est au tour de la commission parlementaire des affaires européennes. Cet exercice ne suscite pas beaucoup d'intérêt parmi les députés car cette procédure de subsidiarité peut seulement bloquer la législation (et c'est très rare), mais pas en influer le contenu.
Il existe aussi un contrôle parlementaire du Conseil européen. Avant chacune de ses réunions, le premier ministre participe à une réunion de la commission parlementaire des affaires européennes pour expliquer et discuter les sujets sur l'agenda. Après le Conseil européen, le premier ministre revient pour rendre compte de la réunion. En revanche, le premier ministre ne demande jamais de mandat, car le Conseil européen n'adopte pas de législation.
En théorie, c'est un système qui donne beaucoup de pouvoir au Parlement. En pratique il présente des inconvénients :
1) Les mandats sont présentés trop tard pour la commission parlementaire des affaires européennes.
Quand le Coreper va adopter sa position, les négociations ont duré longtemps, elles sont presque finies, et il est difficile de changer quelque chose. Donc, l'influence du Parlement sur les affaires européennes est restreinte.
2) Le nombre de personnes engagées dans les affaires européennes est très limité. La commission parlementaire des affaires européennes compte 29 membres, mais en pratique il n'y a qu'une personne de chaque parti qui participe aux réunions et s'occupe de tout, ce qui représente beaucoup de travail, beaucoup d'informations, beaucoup de documents. Les autres commissions parlementaires ne s'occupent que rarement des affaires européennes, les présidents des partis non plus.
3) Il existe d'autres possibilités pour le Parlement de s'engager au niveau européen qui ne sont pas utilisées : le dialogue politique avec la Commission européenne, par exemple, surtout avant que les propositions de lois soient présentées par la Commission européenne, parce que c'est à ce moment-là qu'on a le plus de chance d'avoir de l'influence. Avant, le Parlement danois donnait sa position sur les livres verts, mais maintenant la Commission européenne utilise d'autres formes de consultation, et le Parlement danois ne participe plus. Il est également possible d'avoir une influence sur les affaires européennes par exemple en s'engageant directement avec le Parlement européen.
Il y a un an et demi, la commission parlementaire des affaires européennes a décidé de former un groupe de personnes très expérimentées pour donner des idées pour réfléchir à comment améliorer la façon de travailler avec les sujets européens au Parlement danois.
Dans le groupe, il y avait un ancien ministre des affaires étrangères, une professeure de droit, un ancien commissaire européen, etc.
En octobre dernier, le groupe a rendu ses recommandations, notamment :
• Les autres commissions du Parlement devraient s'engager et donner un mandat général 7 semaines après la présentation d'une proposition de loi européenne
• Le gouvernement devrait présenter ses positions plus tôt à la commission parlementaire des affaires européennes (environ 3 mois après la présentation d'une proposition de loi européenne) pour un mandat plus spécifique.
• Les présidents des partis politiques devraient discuter des sujets européens et décider des priorités les plus importantes pour le Danemark
• Il faudrait collaborer davantage avec les organisations et la société civile
• Il faudrait mettre en oeuvre un système avec des rapporteurs dans les commissions du Parlement. Un rapporteur peut s'engager au niveau national et au niveau européen - avec le Parlement européen, les autres parlements nationaux, la Commission européenne - très tôt, même avant que la proposition soit présentée.
On ne sait pas encore s'il existe une majorité pour ces recommandations au parlement.