F. UNE VOLONTÉ RÉCENTE DE SIMPLIFIER LE RECOURS À CET OUTIL CONFORMÉMENT AUX SOUHAITS DE NOTRE DÉLÉGATION

Lors de sa déclaration de politique générale devant le Parlement, le 1er octobre 2024, Michel Barnier, alors Premier ministre, s'était engagé à « signer rapidement une instruction pour permettre [aux préfets] de déroger davantage au cadre national, à chaque fois que cela est utile ».

Dans le cadre d'une audition à l'Assemblée nationale, le 2 octobre 2024, Bruno Retailleau, ministre de l'intérieur, avait, quant à lui, souligné les vertus de ce droit de dérogation, largement issu des travaux du Sénat : « Comme facteur de simplification, je crois profondément au pouvoir de dérogation, que j'avais encouragé au Sénat dans le cadre d'une expérimentation (...). Avec un vrai pouvoir de dérogation - lequel a certes été élargi, mais reste très peu utilisé -, les préfets pourraient adapter les normes au terrain. Tout en étant attaché, par tradition politique, à l'unicité de notre nation, je pense que nous avons besoin actuellement d'un peu de souplesse ».29(*)

La circulaire Barnier du 28 octobre 202430(*) a simplifié la procédure de mise en oeuvre du pouvoir de dérogation en supprimant une double obligation : l'information préalable des préfets de région et la saisine préalable de l'administration centrale.

Le second point mérite que l'on s'y arrête : en effet, en application de la précédente circulaire de 2020, chaque arrêté préfectoral de dérogation devait faire l'objet d'une analyse de l'administration centrale : les préfets devaient ainsi saisir la direction de la modernisation et de l'administration territoriale (DMATES) du ministère de l'Intérieur de leur projet d'arrêté afin que celle-ci saisisse la direction d'administration centrale concernée.

Or, dans environ 40 % des cas, l'avis des administrations centrales est défavorable, ce qui conduit presque toujours le préfet, dans cette situation, à écarter le recours au droit de dérogation, quand bien même le préfet n'est pourtant pas lié par l'avis négatif que pourraient délivrer des services centraux. Cette proportion élevée d'avis défavorables résulte de freins culturels que M. Jean-Gabriel Delacroy, alors sous-directeur de l'administration territoriale à la DMATES, avait expliqué à notre délégation le 21 juillet 2022 : « Nous avons observé pendant longtemps une frilosité des ministères sur le sujet. Ils ont eu un sentiment de déprise et de perte de contrôle. Ils considéraient que l'administration centrale constitue la source unique de la norme réglementaire et que les préfets doivent être réduits à un rôle d'exécution ».31(*)

Soucieux de faire davantage confiance à l'État territorial, vos rapporteurs se réjouissent que la circulaire de 2024 ait supprimé l'obligation de saisine préalable de l'administration centrale par le préfet. Ils relèvent d'ailleurs qu'un tel régime ne prévalait pas au moment de l'expérimentation : en effet, la saisine préalable (comme l'information du préfet de région) relevait d'une simple faculté, et non d'une obligation. Le caractère obligatoire ne datait donc que de la circulaire de 2020.

La circulaire du 28 octobre 2024 s'inscrit dans une double logique de déconcentration et de différenciation, principes auxquels notre assemblée est attachée, dans le respect de l'unité de la République.

Au-delà de la simplification procédurale qu'elle opère, elle porte, plus généralement, une ambition et une méthode que notre délégation ne peut que saluer dans leur principe.

L'ambition concerne la simplification de l'action publique et l'accompagnement des projets locaux, trop souvent entravés par les normes.

La méthode consiste, elle, à faire remonter du terrain des projets locaux enlisés afin d'identifier les points de blocage. Ces projets (3 à 5 par département) doivent ensuite être instruits par la Direction interministérielle de la transformation publique (DITP), chargée de proposer des solutions. Ces dernières peuvent consister à utiliser les possibilités prévues par le droit commun telles que, précisément, le droit de dérogation, ou à modifier des dispositions réglementaires ou proposer la modification de dispositions législatives, si cette modification s'avère pertinente au-delà du cas d'espèce.

Il en ressort que le précédent Gouvernement a initié une démarche globale que notre délégation approuve mais qui mérite d'être renforcée.

Tel est l'objet des recommandations qui suivent.


* 29  https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cion_lois/l17cion_lois2425002_compte-rendu#

* 30 Circulaire du Premier ministre du 28 octobre 2024 relative à la simplification de l'action publique et l'accompagnement des projets locaux.

* 31 https://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20220718/dct_bulletin_2022-07-18.html

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