AVANT-PROPOS
L'ingénierie des collectivités territoriales est un sujet d'intérêt constant de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation4(*). Dans la continuité de ses travaux, dont les plus récents ont porté sur l'ingénierie de l'Agence Nationale de la Cohésion des Territoires (ANCT) et l'ingénierie des petites communes, vos rapporteurs ont souhaité porter un éclairage particulier sur les transformations de l'ingénierie des collectivités en matière de développement économique.
Il n'existe pas de définition précise de l'ingénierie en matière de développement économique. On peut toutefois s'appuyer sur la définition de l'ingénierie territoriale donnée par l'État et ses opérateurs5(*), à savoir « l'ensemble des savoir-faire professionnels dont ont besoin les collectivités publiques et les acteurs locaux pour conduire le développement territorial ou l'aménagement durable des territoires et complété par l'ensemble des concepts, outils et dispositifs mis à la disposition des acteurs du territoire pour accompagner la conception, la réalisation et l'évaluation de leurs projets de territoire ».
S'agissant de la notion de développement économique, l'agence de promotion économique de la région Hauts-de-France, Nord France Invest, convient « qu'il existe plusieurs définitions qui s'accordent toutes pour dire qu'il s'agit d'une combinaison des stratégies, méthodes et outils, qui concourent à accélérer le développement d'un territoire. Il permet de renforcer et de dynamiser la création d'activité et de la création d'emplois. On distingue en général deux types de développement : le développement endogène et le développement exogène. Le développement endogène actionne les leviers internes du territoire par des stratégies de filières, d'entrepreneuriat, d'accompagnement des entreprises déjà présentes, de formation, d'infrastructures, etc. Le développement économique exogène quant à lui consiste à attirer des activités jusque-là absentes sur le territoire, dans une logique de complémentarité avec les écosystèmes existants »6(*).
On le voit, les notions d'ingénierie territoriale et de développement économique apparaissent plurielles, probablement assez éloignées des préoccupations des citoyens, alors même que l'ingénierie est une condition nécessaire au développement économique des territoires et à la conduite de l'action publique locale. On distingue d'ailleurs plusieurs types d'ingénierie selon les besoins et les projets des territoires7(*) : ingénierie de projet, ingénierie technique, ingénierie réglementaire et juridique, ingénierie administrative, ingénierie financière, ingénierie de concertation, ingénierie foncière, etc.
L'ingénierie peut aussi se caractériser par les besoins et étapes du projet qu'elle contribue à mettre en oeuvre : on peut schématiquement distinguer une phase amont/préopérationnelle (observation, prospective, définition du besoin en amont, études préalables, faisabilité technique et financière, préparation de la mise en oeuvre) et une phase de réalisation/opérationnelle (suivi technique du projet, avant-projet, réalisation, suivi et gestion après réalisation).
C'est pourquoi on retiendra une approche large de l'ingénierie du développement économique territorial, sans pour autant prétendre à l'exhaustivité, en partant avant tout des exemples mis en avant lors des auditions réalisées par vos rapporteurs et dans les contributions écrites recueillies.
En raison de la conjoncture économique défavorable (inflation, hausse des tarifs douaniers, taux de chômage, contraintes budgétaire et fiscale), le développement économique apparaît au coeur des préoccupations et des capacités à faire face aux crises - on parlera de résilience - des collectivités territoriales, petites ou grandes, qu'elles soient situées en zone urbaine ou rurale : enjeux fonciers liés au zéro artificialisation nette (ZAN), enjeux d'attractivité commerciale, enjeux de réindustrialisation, enjeux de transition environnementale et de décarbonation de l'économie, etc.
Pour faire face à ces enjeux de plus en plus complexes et accompagner durablement le développement économique des territoires, les besoins d'ingénierie des collectivités territoriales ont évolué. Toutefois, les territoires ne sont pas tous égaux devant l'ingénierie du développement économique : les outils, moyens, effectifs, compétences, expertises et financements ne sont pas équitablement répartis sur le territoire français entre la métropole et l'outre-mer, entre les grandes et les petites collectivités, entre les territoires urbains et les territoires ruraux, alors même que les réalités économiques et sociales ont tendance à se polariser.
Plusieurs questions se posent : quelles ingénieries publiques ou privées peuvent être mobilisées par les collectivités territoriales ? Ces ingénieries sont-elles efficaces ? Se complètent-elles utilement ? Quels sont les angles morts ? Quel rôle joue l'État dans l'accompagnement des collectivités en matière de développement économique ? Quels sont les exemples inspirants à suivre, les freins à lever, les erreurs à éviter ? Quelles sont les conditions à réunir pour améliorer l'efficacité de l'ingénierie en matière de développement économique ? Quelles sont les nouvelles tendances, les perspectives ?
Vos rapporteurs se sont donc attachés à décrire la nouvelle donne de l'ingénierie du développement économique territorial telle que les acteurs auditionnés la vivent, l'accompagnent, l'anticipent souvent, la subissent parfois, en essayant d'en détailler les dynamiques et les enjeux, sans toutefois viser l'exhaustivité.
La mission d'information a organisé 12 auditions et une table ronde, soit 29 personnes entendues - collectivités territoriales, structures de coopération territoriale, associations d'élus, fédérations professionnelles, acteurs privés et associatifs - et reçu 18 contributions écrites. La matière recueillie, riche, a permis de recenser 25 bonnes pratiques, de réaliser 16 focus, et de formuler neuf recommandations, facilement identifiables dans le rapport par des encadrés8(*).
I. LES NOUVEAUX ENJEUX DU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE DES TERRITOIRES ONT CONDUIT À L'ÉMERGENCE D'INGÉNIERIES MULTIFORMES PARFOIS DIFFICILES À ARTICULER ENTRE ELLES
Ces dernières années, le développement économique des territoires a connu de profondes mutations avec l'accélération des transitions économiques, industrielles, écologiques, démographiques, numériques, etc., dans un contexte concurrentiel international de plus en plus exigeant, et à l'aune d'une redéfinition des rôles et compétences des acteurs du développement économique territorial : l'État, ses opérateurs, les collectivités territoriales et leurs satellites, les structures de coopération territoriale, les acteurs privés.
Les « stratégies, méthodes et outils » qui constituent l'ingénierie du développement économique ont été transformés en profondeur pour faire face à ces nouveaux enjeux et accompagner le développement durable des territoires.
L'évolution du métier de développeur économique en est l'exemple.
À partir des 12 auditions, de la table-ronde et des 18 contributions écrites, vos rapporteurs ont cherché à analyser les dynamiques de recomposition des ingénieries du développement économique territorial et à en mesurer l'efficacité et les limites.
A. LES MUTATIONS DU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE TERRITORIAL ET DU MÉTIER DE DÉVELOPPEUR ÉCONOMIQUE LOCAL
1. Les nouveaux enjeux économiques réinterrogent les modèles traditionnels de développement économique des territoires
(1) Les crises, levier de la transformation des modèles de développement économique des territoires
L'association La 27e Région a
lancé en 2023 un programme de recherche-action intitulé Rebonds
sur les nouvelles approches du développement économique local.
L'association explique ainsi la genèse de la recherche-action :
« Les effets des crises écologiques,
géopolitiques, des inégalités croissantes conduisent de
nombreux territoires à rechercher de nouveaux paradigmes de
développement économique... En France et en Europe, de nouvelles
pratiques et approches émergent, qui cherchent à
réorganiser l'économie localement, à la réorienter
vers des besoins fondamentaux, à en relire les objectifs sous le prisme
de la transition écologique. Au-delà de ces territoires
pionniers, l'impératif de conduire
des
transitions écologiques et sociales vient interroger l'approche
traditionnelle du développement économique de nombreuses
collectivités françaises »9(*).
En effet, l'approche traditionnelle du développement économique a longtemps reposé sur le modèle dit CAME pour Compétitivité, Attractivité, Métropolisation, Excellence : la réussite économique d'un territoire dépend de sa capacité à s'insérer dans la mondialisation et à répondre aux exigences de compétitivité, d'innovation et d'excellence. Seules les métropoles seraient en mesure de relever ce défi, au détriment des territoires moins bien dotés.
(2) L'exemple de la raréfaction du foncier
La question de la raréfaction du foncier illustre ces transformations. En témoignent les débats autour de l'objectif du zéro artificialisation nette d'ici 2050 instauré par la loi climat et résilience de 202110(*). Des tensions apparaissent entre :
- d'une part, l'objectif de lutter contre le réchauffement climatique en réduisant l'urbanisation des sols au détriment des terres agricoles ;
- et d'autre part les réalités économiques et sociales qui nécessitent de créer de l'activité, de l'emploi, du logement et des services publics pour développer un territoire.
Focus : la raréfaction du foncier économique Elle résulte d'une combinaison de contraintes réglementaires, environnementales, économiques et politiques. Face à cette raréfaction, les collectivités territoriales doivent innover en matière d'aménagement, de financement et de gestion du foncier pour soutenir le développement économique local tout en respectant les impératifs environnementaux. Les contraintes réglementaires résultent de l'application des décrets ZAN : la loi climat et résilience impose une réduction progressive de l'artificialisation des sols, limitant fortement la création de nouvelles zones d'activités économiques. S'agissant des normes environnementales, les contraintes liées à la biodiversité, la gestion des eaux et la qualité des sols restreignent l'aménagement de nouveaux espaces économiques. En outre, certaines friches industrielles ou commerciales ne peuvent être réhabilitées en raison du coût et de la complexité d'un tel projet. Dans son rapport d'activités 2021-2022, Intercommunalités de France indiquait que « 70 % des intercommunalités jugent leur zones d'activité économique (ZAE) sous-dimensionnée à court et moyen terme et doivent refuser des projets d'implantation ou d'extension »11(*). Face à cette raréfaction des ressources financières, les collectivités deviennent de plus en plus sélectives sur les projets qu'elles accueillent. Elles privilégient les projets qualitatifs, qui génèrent de l'emploi et des retombées économiques durables, et intègrent des critères environnementaux et architecturaux élevés. Elles tentent également d'optimiser les espaces existants en encourageant la réhabilitation des friches industrielles et commerciales, la mutualisation des espaces et la densification des zones d'activités. Certaines régions mettent également en place des entreprises publiques locales (EPL) ou des établissements publics fonciers (EPF), en partenariat avec des institutions financières comme la Banque des territoires, pour acheter et gérer du foncier économique de manière stratégique, notamment en mutualisant les moyens. On observe également le développement de nouvelles formes d'occupation des sols, comme le bail à construction, qui permet de privilégier des projets orientés vers la croissance plutôt que la simple valorisation foncière. |
(3) L'exemple de la transition démographique
La question de la transition démographique est aussi un sujet de nature à bouleverser la conception actuelle du développement économique. D'après l'INSEE, en 2019, 44 % des artisans, commerçants et chefs d'entreprise avaient 50 ans ou plus contre 31 % pour l'ensemble des personnes en emploi. Cette part est plus élevée encore parmi les chefs d'entreprise et les commerçants (48%, contre 40 % parmi les artisans). Plus spécifiquement, 12 % des artisans, commerçants et chefs d'entreprise ont 60 ans ou plus, contre 3 % des personnes en emploi. Ce groupe socioprofessionnel constitue ainsi, juste après les agriculteurs, celui qui comporte proportionnellement le plus de seniors en activité.
Focus : anticiper le vieillissement des chefs d'entreprises Dans son étude quinquennale économique 202212(*), Intercommunalités de France indique que le vieillissement des chefs d'entreprises « induit la nécessité d'anticiper et d'accompagner ces derniers dans la transmission/reprise de leur patrimoine et/ou de leur activité professionnelle au risque de perdre des savoir-faire, des emplois et des outils de production performants ». Il revient dès lors à la puissance publique d'accompagner cette transition en « soutenant la création (et/ou la transmission/reprise d'entreprises [...] puis leur développement avec des solutions foncières et immobilières attractives et flexibles (durée des baux, types de produits différents, de l'incubateur à la pépinière au village artisanal ou hôtel d'entreprises, à la parcelle à aménager ou requalifier) ». Les intercommunalités, compétentes en matière de développement économique, ont pris la mesure de cette transition : « plus d'une intercommunalité sur deux intervient en soutien à la transmission ou à la reprise d'entreprises sur le territoire. Cette mobilisation s'avère nécessaire du fait du vieillissement des artisans et commerçants, et des chefs d'entreprises de TPE/PME et du risque de perte de savoir-faire induit, notamment dans les territoires ruraux et industriels. Sur cette thématique, les communautés de communes sont les plus volontaristes : 60 % agissent en matière d'accompagnement à la reprise et transmission d'entreprises. Ce volontarisme s'explique par l'importance économique, mais aussi sociale et patrimoniale du commerce et de l'artisanat au sein de ces territoires ». |
2. La crise covid, un accélérateur de ces transformations vers un développement économique plus durable
L'après-covid a marqué une accélération des transformations déjà engagées dans plusieurs domaines, notamment la transition numérique, avec le développement de l'e-commerce et l'essor de l'intelligence artificielle ; mais aussi les transitions énergétiques et environnementales, avec la mise en oeuvre de plus en plus systématique de démarches durables et responsables.
La crise covid a également permis une évolution du regard sur le développement économique et du sens qu'on veut lui donner.
La métropole de Toulouse considère qu'elle a constitué l'opportunité de passer « du développement économique au redéveloppement économique, davantage centré sur le mieux vivre ». Le maintien et l'installation de nouvelles activités économiques et de nouveaux emplois à Toulouse ne s'expliquent pas uniquement par les aides économiques : « Pourquoi ce choix de Toulouse ? On a des locaux, des compétences, un process industriel, et en plus il y a du bien vivre qui fait rester les ingénieurs. C'est un plus économique ».
Intercommunalités de France abonde dans ce sens en précisant que la crise covid « a totalement changé le rapport des citoyens à l'industrie et à l'emploi, avec une acceptabilité moindre des nuisances (pollution, bruit) ».
La crise covid a par ailleurs changé le rapport au travail avec le développement du télétravail et le souhait d'un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Elle a aussi aidé à capitaliser sur l'intelligence collective qu'il a fallu déployer pendant la crise. Intercommunalités de France rappelle « la capacité du tissu industriel à trouver des solutions pendant la crise, par exemple la fourniture de masques ou de gel ». La fédération des agences de développement (CNER) ajoute que « la crise covid nous a aidés dans cette intelligence collective : on a gardé cette culture et on a capitalisé dessus », en prenant l'exemple de l'articulation entre les différents acteurs économiques : la région, l'État, les agences, la Banque des territoires, l'Agence de la transition écologique (ex-agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie - Ademe).
La crise a également permis l'émergence d'une nouvelle façon de faire du développement économique, avec l'évolution du métier de développeur économique local. L'association des maires de France (AMF) note « l'émergence, avec le covid, des "managers de centre-ville", une profession qui s'est développée grâce au programme Action coeur de ville, centrée sur le commerce de proximité, la relance des centres-villes et du commerce en milieu rural ».
3. Les transformations du métier de développeur économique local : vers une approche à 360°
(1) La loi Notre, levier de la professionnalisation du métier de développeur économique local
Traditionnellement, les développeurs économiques locaux étaient considérés comme des moutons à cinq pattes en raison de leur polyvalence recherchée.
La loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (loi Notre), en renforçant les compétences des régions et des intercommunalités en matière de développement économique, a entraîné une professionnalisation du métier. En effet, la complexité des enjeux du développement économique nécessite aujourd'hui de constituer des équipes pluridisciplinaires aux compétences davantage spécialisées, mais complémentaires, avec une approche à 360° du développement territorial et de l'accompagnement des entreprises : économie, industrie, agriculture, commerce, tourisme, aménagement, urbanisme, foncier, immobiliser d'entreprises, intelligence économique, numérique, transition écologique et sociale, transition démographique, etc.
Pour tenir compte de ces évolutions, Intercommunalités de France, en lien avec plusieurs fédérations professionnelles, a engagé dès 2015 une démarche visant à mieux connaître les caractéristiques du métier de développeur économique local, qui est exercé par plus de 8 000 personnes en France.
(2) Développeur économique local, un métier en tension
On continue toutefois de noter de nombreuses tensions sur le marché du travail des développeurs économiques locaux, ce qui peut notamment s'expliquer par le manque d'attractivité de la fonction publique territoriale, les différences de rémunérations avec le secteur privé ou encore la concurrence entre territoires. Dans une étude de décembre 2023 du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) sur les métiers territoriaux en tension13(*), le métier de développeur économique apparaît désormais comme l'un des métiers où le déficit entre la demande de recrutement et les candidats est le plus conséquent, ce qui n'était pas le cas auparavant.
Certains territoires comme les petites villes ou les communes rurales, par manque d'attractivité, rencontrent davantage de difficultés à recruter des développeurs économiques que des collectivités de plus grande taille et sont confrontés au turnover des équipes. Ce déficit d'attractivité souligne pourtant en creux le besoin flagrant d'ingénierie de ces collectivités moins dotées. La mutualisation des ressources entre collectivités territoriales apparaît alors comme une piste à suivre.
(3) Structurer la filière professionnelle autour d'un référentiel commun
Il apparaît indispensable de mieux structurer la filière professionnelle des développeurs économiques, autour d'un référentiel commun, en proposant davantage de formations dédiées initiales pour attirer de jeunes talents, mais aussi de formations continues, avec l'exigence que ces formations soient qualifiantes pour accroître la reconnaissance et la valorisation des métiers de la filière.
Intercommunalités de France a publié en 2017 un référentiel de compétences des développeurs économiques territoriaux, en cours d'actualisation14(*). L'objectif de ce référentiel est d'établir une cartographie des compétences, missions types, savoir-faire et connaissances nécessaires à l'exercice du métier de développeur économique. Sept domaines d'activités stratégiques ont été identifiés :
Focus : les sept domaines d'activités stratégiques du métier de développeur économique 1. Analyse socio-économique des entreprises 2. Définition, conduite et évaluation des projets économiques territoriaux/feuille de route 3. Gestion prévisionnelle territoriale des emplois et compétences 4. Promotion économique des territoires/marketing territorial 5. Création d'un environnement favorable à l'implantation, au maintien et au développement des entreprises du territoire 6. Accompagnement des entrepreneurs locaux : appui à la création/développement/reprise-transmission 7. Développement de réseaux d'entreprises et animation de projets collaboratifs Source : Intercommunalités de France, référentiel des compétences des développeurs économiques, 2017 |
À l'avenir, ces domaines d'activités sont appelés à s'étoffer avec les évolutions du développement économique et la nécessité de mieux prendre en compte les enjeux du numérique et de l'intelligence artificielle15(*), de la raréfaction des ressources (foncier, eau, énergie), de la transition écologique (économie circulaire, écologie industrielle, commande publique durable), de l'économie mixte locale (entreprises publiques locales) ou encore de la transition démographique. Les recruteurs attendent également une montée en compétences des développeurs économiques pour répondre non seulement à leur besoin d'expertise, mais aussi et surtout à leur besoin d'animation et de coordination multi-niveaux de l'écosystème économique et des acteurs publics et privés du développement économique territorial.
(4) Structurer la filière professionnelle par des formations dédiées qualifiantes
Dans sa contribution écrite, la métropole
de Chartres résume ainsi cette évolution :
« Le développeur économique n'est plus seulement
un bon commercial (savoir prospecter et vendre du foncier), mais avant tout un
accompagnateur de confiance, en capacité d'offrir un service
"sur mesure" dans une vision à
360°, c'est-à-dire sur tous les aspects du projet
d'investissement (recherche foncière, ingénierie d'appui pour
faciliter et accélérer l'obtention des diverses autorisations,
recherche de financement ...). Facilitateur, médiateur,
relais, le développeur économique d'aujourd'hui
étend son champ d'expertise dans des problématiques nouvelles :
les ressources humaines (aider l'entreprise dans ses
stratégies de recrutement et de fidélisation des
compétences), les possibilités de
financement dans des cadres différents ou plus
complexes que les aides classiques (appels à projets, appels à
manifestation d'intérêt (AMI) avec obligation de constitution de
consortium public-privé ...) et celles liées à
l'écologie industrielle ».
Pour répondre à ces attentes, le CNAM a mis en place en 2024 une formation dédiée certifiante pour les développeurs économiques territoriaux16(*).
La conjonction d'un référentiel commun mieux partagé et du renforcement d'une offre de formation dédiée doit ainsi permettre de structurer une communauté professionnelle, de renforcer les réseaux de compétences, de diffuser une culture commune. Il conviendrait de proposer des formations spécifiques pour les élus locaux, qui sont amenés à piloter les stratégies et les politiques de développement économique de leurs collectivités, en lien avec les développeurs économiques locaux.
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Bonne pratique : l'Université des développeurs de l'agence Dév'up L'agence régionale de développement économique Centre-Val de Loire Dév'up organise depuis 2017 l'Université des développeurs économiques régionaux, qui déploie des sessions de formation pour les élus et techniciens du développement économique. |
Bonne pratique : le dispositif « Ici, je monte ma boîte » de la région Normandie La région Normandie propose Ici, je monte ma boîte, un dispositif d'accompagnement à la création-reprise d'entreprises qui prévoit un parcours d'accompagnement global de la construction du projet, à l'appui au démarrage jusqu'au développement des trois premières années de l'entreprise. En labellisant des conseillers spécialisés « Ici, je monte ma boîte », la région déploie un réseau d'accompagnateurs qualifiés et renforce son engagement auprès des créateurs et/ou repreneurs d'entreprise en Normandie. |
(5) Le débat entre internalisation et externalisation des compétences
Par ailleurs, la spécialisation accrue des compétences attendues des développeurs économiques pose également la question de l'internalisation ou l'externalisation des compétences. Si 91 %17(*) des intercommunalités sont désormais dotées d'un service de développement économique, la complexité des projets, le manque d'effectifs et le manque de temps conduisent souvent à recourir à des prestations externalisées d'assistance à maîtrise d'ouvrage, au risque d'un surcoût financier et d'une perte de contrôle de l'ingénierie. Des solutions existent, par exemple le recours à l'économie mixte locale, en mobilisant les satellites des collectivités territoriales telles que les entreprises publiques locales18(*), qui offrent davantage de souplesse tout en permettant aux élus locaux de contrôler la gouvernance de ces structures (voir ci-dessous).
Recommandation n°1 : renforcer les métiers du développement économique territorial · Mieux partager et diffuser le référentiel de compétences des développeurs économiques territoriaux réalisé par Intercommunalités de France · Renforcer et diversifier l'offre de formation pour les développeurs économiques territoriaux, mais aussi pour les élus locaux, sur le modèle de la formation certifiante mise en place par le CNAM · Développer la mutualisation des ressources et des compétences entre les collectivités territoriales |
* 4 On
pourra se référer au cycle de travaux de la
délégation consacré à l'ingénierie publique,
initié par
le rapport
d'information n°557 (2009-2010) de M. Yves DAUDIGNY
relatif à l'ingénierie publique, prolongé par
les rapports
d'information n°591 (2019-2020) de Mme Josiane COSTES et
M. Charles GUENÉ relatif à l'ingénierie territoriale et
l'Agence Nationale de la Cohésion des Territoires (ANCT),
n°909
(2021-2022) de Mme Agnès CANAYER et M. Éric
KERROUCHE relatif aux services préfectoraux et
déconcentrés de l'État,
n°313
(2022-2023) de Mme Céline BRULIN et M. Charles
GUENÉ relatif à l'ANCT,
n°87
(2023-2024) de MM. Laurent BURGOA, Pascal MARTIN et
Guy
BENARROCHE relatif à la transition environnementale des
collectivités territoriales,
n°693
(2023-2024) de MM. Daniel GUÉRET et Jean-Jacques LOZACH
relatif à l'ingénierie des petites communes,
n°702
(2023-2024) relatif au suivi du rapport du Sénat de
2023 sur l'ANCT (rapport d'étape) et
n°126
(2024-2025) relatif au suivi du rapport du Sénat de
2023 sur l'ANCT de Mmes Sonia de LA PROVÔTÉ et
Céline BRULIN.
* 5 Cf rapport d'information n°591 précité, p.19.
* 6 cf. le site internet de Nord France Invest, en particulier le dossier thématique Comprendre les agences de développement économique - NFI
* 7 Source : Guide des ressources d'ingénierie locale de la Moselle (2024), réalisé par le préfet de la Moselle et l'Agence Nationale de la Cohésion des Territoires (ANCT).
* 8 Encadrés de couleur verte pour les bonnes pratiques, bleue pour les focus et jaune pour les recommandations.
* 9 cf. le site internet consacré au programme Rebonds : https://rebonds.la27eregion.fr/programme/
* 10 Le Sénat a adopté, en première lecture, le 18 mars 2025, la proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux à un rythme compatible avec l'ensemble des stratégies favorisant la transition écologique en France.
* 11 https://www.intercommunalites.fr/publications/rapport-dactivite-2021-2022/
* 12 Source : Étude quinquennale économique 2022, Intercommunalités de France : https://www.intercommunalites.fr/publications/etude-quinquennale-economie/
* 13 Lien vers l'étude du CNFPT : https://www.cnfpt.fr/sites/default/files/document/1701766209/etude-metiers-tension-rapport.pdf
* 14 Lien vers le référentiel d'Intercommunalités de France : https://www.intercommunalites.fr/publications/partager-un-referentiel-de-competences-des-developpeurs-economiques-territoriaux/
* 15 Voir sur ce sujet le rapport d'information n°447 (2024-2025) relatif à l'intelligence artificielle dans l'univers des collectivités territoriales par Mmes Pascale GRUNY et Ghislaine SENÉE.
* 16 cf. présentation et détail du programme de la formation : https://formation.cnam.fr/rechercher-par-discipline/certificat-de-specialisation-cs13800a-developpeur-economique-territorial-1475313.kjsp
* 17 Source : Étude quinquennale économique 2022, Intercommunalités de France : https://www.intercommunalites.fr/publications/etude-quinquennale-economie/
* 18 Sociétés d'économie mixte (SEM), sociétés publiques locales (SPL), sociétés d'économie mixte à opération unique (SEMOP).