C. LE CONSTAT DU MORCELLEMENT ET DE L'HÉTÉROGÉNÉITÉ DES ACTEURS DU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE TERRITORIAL

L'ingénierie du développement économique fait l'objet d'un double mouvement : d'une part, une recomposition de l'ingénierie de l'État, qui se caractérise par le désengagement de l'ingénierie historique de l'État local vers une ingénierie plus technique et financière de ses opérateurs, même si la figure du préfet et du sous-préfet reste importante, notamment dans les territoires ruraux ; d'autre part, une montée en puissance de l'ingénierie des collectivités territoriales et de leurs satellites, des structures de coopération territoriale, mais aussi des acteurs parapublics et privés.

Ce constat du morcellement et de l'hétérogénéité des opérateurs publics et privés de l'ingénierie du développement économique territorial rend difficile la lecture du « qui fait quoi », même si les acteurs se sont davantage spécialisés et professionnalisés, disposent de leur propre expertise, et essaient malgré tout de coopérer et créer des synergies.

1. L'ingénierie territoriale de l'État : un équilibre qui reste à trouver pour mieux articuler l'action des services déconcentrés et des opérateurs de l'État avec les besoins d'ingénierie publique de long terme des territoires
a) Le repli de l'ingénierie de l'État à partir de 2015

L'article 7-1 de la loi n° 92-125 du 6 février 1992 d'orientation relative à l'administration territoriale de la République37(*), modifié par l'article 1 de la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier (MURCEF)38(*), et précisé par le décret d'application n°2002-1209 du 27 septembre 2002 relatif à l'assistance technique fournie par les services de l'État au bénéfice des communes39(*) prévoit que :

« Les communes et leurs groupements qui ne disposent pas, du fait de leur taille et de leurs ressources, des moyens humains et financiers nécessaires à l'exercice de leurs compétences dans les domaines de la voirie, de l'aménagement et de l'habitat bénéficient, à leur demande, pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire, d'une assistance technique fournie par les services de l'État, dans des conditions définies par une convention passée entre le représentant de l'État et, selon le cas, le maire ou le président du groupement ».

Cette ingénierie technique locale, appelée assistance technique pour raisons de solidarité et d'aménagement du territoire (ATESAT), et ne relevant pas du droit de la commande publique, était fournie par les services de l'État, notamment le ministère en charge de l'équipement, selon des critères de population et de ressources, au bénéfice de nombreuses communes : « sur la période 2010-2012, 80 % des communes et 34 % des EPCI éligibles, correspondant à environ 27 000 collectivités, ont bénéficié des prestations »40(*).

La loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 a pourtant mis fin au dispositif de l'ATESAT au 1er janvier 2014, avec une période de transition pour permettre l'achèvement des missions en cours. Le ministre de la décentralisation et de la fonction publique en justifiait ainsi la suppression dans sa réponse du 5 mars 2013 à la question écrite de notre collègue Louis Pinton du 5 décembre 2013 :

« Ces prestations réalisées au bénéfice des petites communes et intercommunalités ont progressivement cessé d'être en adéquation avec la réalité de l'organisation locale : la montée en puissance des intercommunalités offrant un cadre nouveau à l'action locale, le renforcement des compétences des collectivités, la structuration de dispositifs d'ingénierie technique et financière au niveau intercommunal ou départemental ont modifié le partage des tâches entre l'État et les collectivités territoriales. La prise en compte de cette répartition nouvelle, conjuguée aux exigences de la modernisation de l'action publique, ont légitimement conduit l'État à se réinterroger sur le bien-fondé de poursuivre à l'identique les prestations qu'il assurait, même si son rôle doit demeurer important, en tant que régulateur, conseiller et garant de l'équilibre des territoires ».

b) Le repositionnement de l'État dans son appui au développement économique des territoires

On constate donc à partir de 2015 un repositionnement du rôle de l'État dans son appui au développement économique de territoires.

L'État s'est recentré sur son rôle d'État stratège, en mobilisant par exemple les compétences de la direction générale des entreprises (DGE). Elle porte des missions à la fois sectorielles (politique industrielle, régulation du numérique, déploiement d'infrastructures, soutien à l'artisanat, au commerce, aux services et au tourisme), transverses (simplification réglementaire, politique d'innovation) et relatives à la transformation numérique et écologique de l'économie41(*). Elle s'appuie au niveau local sur un réseau de services déconcentrés, les services économiques de l'État en région (SEER), placés sous l'autorité des préfets de régions et des directions régionales de l'économie, de l'emploi du travail et des solidarités (DREETS).

L'État déconcentré s'appuie également sur l'ingénierie technique en matière de développement durable du réseau des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL). Elles sont issues de la fusion des anciennes directions régionales de l'environnement (DIREN), directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE) et directions régionales de l'équipement
(DRE). Elles assurent, sous l'autorité du préfet de région, et sous la tutelle fonctionnelle du préfet de département, la coordination des politiques de développement durable au niveau régional : environnement, prévention des risques naturels et technologiques, développement et aménagement durables, transport, logement, appui aux autorités compétentes en matière de plans, projets et programmes relatifs à l'environnement, promotion de la participation citoyenne dans l'élaboration des projets ayant une incidence sur l'environnement ou l'aménagement du territoire, etc.

c) Une technostructure déconcentrée affaiblie, mais qui conserve un « pouvoir de blocage des projets »

Toutefois, les auditions ont mis en avant le constat paradoxal selon lequel la technostructure de l'État déconcentré s'est certes affaiblie, mais peut apparaître contraignante, voire bloquante, dans la mise en oeuvre des projets par les élus locaux.

L'AMF relève « l'affaiblissement de la technostructure de l'État déconcentré ces dernières années ». En effet, « avant, on pouvait s'appuyer sur la "subdi" de la DDE42(*) pour réviser les POS, rédiger les appels d'offres, etc., c'était une réelle ingénierie de l'État au service des territoires ». Aujourd'hui, on constate « une réduction du nombre des agents de l'État et de leur niveau de compétences : il faut remettre des ingénieurs et des administrateurs. L'État se défausse sur les initiatives locales, alors que l'État déconcentré doit être un acteur central de l'ingénierie du développement économique ». L'AMRF regrette de son côté qu'« à chaque réforme, on augmente les distances, c'est terrible »

L'association des petites villes de France (APVF) estime qu'« on n'a pas à se plaine des agences (Ademe), mais plutôt des services déconcentrés (ex : directions départementales). Les agences donnent des coups de pouce, sont des leviers, mais ce ne sont pas elles qui donnent les autorisations, ce sont les préfectures. Par exemple, une DREAL a bloqué un projet de barrage en demandant des études complémentaires, alors qu'il y avait des enjeux de sécurité pour les habitants ».

d) L'État et ses opérateurs savent toutefois être présents auprès des territoires les moins dotés

L'État s'appuie sur ses opérateurs pour proposer aux collectivités territoriales une ingénierie à la fois technique et financière. Parmi les nombreux opérateurs de l'État qui interviennent en matière de développement économique territorial au sens large, on peut noter : le centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA), l'agence de la transition écologique, l'ANCT, l'agence nationale de l'habitat (ANAH), l'agence nationale de la rénovation urbaine (ANRU), etc.

L'action de l'État ou de ses opérateurs complète une ingénierie parfois manquante ou défaillante au niveau des territoires les moins dotés. Dans son étude économique quinquennale précitée, Intercommunalités de France indique que : « L'Agence nationale de la cohésion des territoires et les régions apportent souvent une ingénierie complémentaire aux collectivités plus rurales ou les moins dotées, notamment dans le cadre de programmes tels que Territoires d'industrie ou Petites Villes de demain ».

Localement, les préfets ou les sous-préfets et en particulier les sous-préfets à la ruralité jouent un rôle important pour faciliter le développement économique ou coordonner les projets. L'AMRF relève que « le sous-préfet est présent sur le terrain ; quand il y a des soucis particuliers, il joue le rôle de facilitateur : c'est une forme d'ingénierie ». L'AMF regrette toutefois les « moyens trop faibles » dont disposent les sous-préfets.

e) Des interventions qui restent toutefois trop verticales, ponctuelles et insuffisamment concertées

Les auditions de vos rapporteurs ont aussi permis de faire le constat d'une trop grande verticalité dans l'intervention économique de l'État alors qu'il y aurait davantage besoin d'horizontalité pour coordonner et faciliter le développement économique en lien avec les acteurs du territoire, sur le temps long. L'APVF regrette « la profusion et le flou des normes » qui « profitent à des agents de l'État militants, souvent dans les préfectures, qui imposent leur vision du monde et retardent ou bloquent les projets, ce qui désespère les élus ».

L'association nationale des pôles territoriaux et des pays (ANPP) regrette les prestations « one shot » du CEREMA ou de l'agence de la transition écologique : « ce n'est pas continu. On défend une ingénierie publique territoriale du long terme, continue, du développement local, des transitions, qui nécessite une connaissance des réseaux, de la culture politique locale, sachant animer, avec une vision à long terme et pas des contrats de deux ans ».

C'est aussi l'avis de la fédération nationale des agences d'urbanisme (FNAU) : « on regrette que dans les politiques d'ingénierie de l'État, il y ait la tentation du " one shot ", par exemple une intervention ponctuelle dans le cadre d'un marché à bons de commande. Il faut de la continuité, de l'enracinement, un soutien de l'État aux ingénieries locales, et éviter des concurrences d'ingénierie qui peut être provoquée par cette ingénierie ponctuelle, même si les programmes Coeur de ville et Territoires d'industrie sont intéressants ».

L'AMF abonde dans ce sens en regrettant que « l'ANCT achète sur étagère des prestations à des prestataires privés : il faudrait plutôt remettre des agents ANCT sur le terrain, qui co-prennent en charge la politique de développement ».

Régions de France note de son côté que « les relations entre les régions et les services déconcentrés de l'État sont globalement satisfaisantes », mais relève qu'« en revanche, la difficulté d'articulation vient plutôt du déploiement non concerté des dispositifs de l'État dans les territoires par l'intermédiaire des agences d'État. Les régions observent la multiplication des dispositifs de soutien aux entreprises proposés par l'intermédiaire des opérateurs et agences d'État, sans concertation préalable avec les Régions à un niveau national », citant l'exemple de « la DGE et l'ANCT qui co-organisent les politiques de soutien à l'économie de proximité (Territoires d'industrie, Action Coeur de Ville, etc.) ».

Comme le constatait le rapport du Sénat consacré au suivi du rapport du Sénat de 2023 sur l'ANCT43(*), on assiste à une « dispersion des compétences entre les opérateurs d'État », voire à des situations « de doublons et de concurrence potentielle ».

2. L'ingénierie propre aux collectivités territoriales et à leurs satellites et agences : à la recherche d'une plus grande efficacité sans perte de contrôle

Si les collectivités territoriales ont progressivement structuré en interne des services en capacité d'assurer une ingénierie du développement économique, notamment au sein des régions et des intercommunalités44(*), en mobilisant les compétences des développeurs économiques locaux (voir plus haut), elles peuvent aussi s'appuyer sur des satellites ou agences, qu'il s'agisse des agences de développement, des agences d'urbanisme ou des entreprises publiques locales, qui leur permettent de disposer d'une expertise accrue, d'une plus grande souplesse d'action, tout en permettant aux élus d'en définir la stratégie et d'en contrôler la gouvernance.

(1) Les agences d'urbanisme
 

Focus : les agences d'urbanisme

L'article L. 132-6 du code de l'urbanisme dispose que les collectivités territoriales peuvent créer avec l'État ou d'autres acteurs publics des agences d'urbanisme, qui sont des agences d'ingénierie partenariale qui peuvent prendre la forme d'association ou de groupement d'intérêt public, et qui ont pour mission :

· de suivre les évolutions urbaines et de développer l'observation territoriale ;

· de participer à la définition des politiques d'aménagement et de développement et à l'élaboration des documents d'urbanisme et de planification qui leur sont liés, notamment les schémas de cohérence territoriale et les plans locaux d'urbanisme intercommunaux ;

· de préparer les projets d'agglomération métropolitains et territoriaux, dans un souci d'approche intégrée et d'harmonisation des politiques publiques ;

· de contribuer à diffuser l'innovation, les démarches et les outils du développement territorial durable et la qualité paysagère et urbaine ;

· d'accompagner les coopérations transfrontalières et les coopérations décentralisées liées aux stratégies urbaines ;

· de contribuer à la mise en place des observatoires de l'habitat et du foncier ;

· d'apporter ponctuellement une ingénierie, dans le cadre d'un contrat de projet partenarial d'aménagement ou d'une convention d'opération de revitalisation de territoire, dans les territoires qui sont situés à proximité de leur périmètre d'action.

On compte en France 51 agences d'urbanisme, dont cinq en outre-mer. Elles couvrent 47 millions d'habitants et 400 intercommunalités.

Les agences d'urbanisme sont rassemblées au sein de la FNAU, une association qui est à la fois un réseau d'élus et un réseau des 1 700 professionnels qui travaillent au sein des agences. Ce travail en réseau actif favorise l'échange d'expérience, la mise en commun d'expertises, le traitement des sujets d'actualités, l'analyse de signaux émergents, par exemple au sein de clubs thématiques. La FNAU se distingue aussi par son activité de publication de ses travaux.

La FNAU résume ainsi tout l'intérêt de recourir à l'ingénierie développée par les agences d'urbanisme : « les agences d'urbanisme sont des plateformes partenariales. Ce sont des tiers de confiance. Elles font le lien entre tous les acteurs : elles sont facilitatrices. C'est ce que recherchent les entreprises, qui ont des besoins, par exemple sur les questions foncières et immobilières, les aides publiques, l'emploi, la formation, etc. ».

(2) Les agences de développement

S'agissant des agences de développement, elles sont créées à l'initiative des collectivités territoriales ou de leurs groupements et ont pour la plupart le statut d'association. Le CNER précise qu'« elles ont pour mission de favoriser la création d'emplois, l'implantation d'activités, l'innovation et la compétitivité. Leurs missions incluent l'appui aux entreprises dans leurs projets d'investissement, le soutien à l'entrepreneuriat, la mise en réseau des acteurs économiques et la valorisation des filières stratégiques du territoire »45(*). Elles constituent pour les collectivités « un outil professionnel, souple, réactif et partenarial ».

 

Focus : les agences de développement

Il existe 128 agences de développement en France métropolitaine et en
outre-mer : 23 agences régionales (dont l'outre-mer), 38 agences départementales (agences d'attractivité résidentielles, médicales, touristiques) et 67 agences locales qui peuvent être intercommunales ou émaner d'un groupement d'intercommunalités.

Depuis la loi Notre, on observe un mouvement de fusion entre les anciennes agences départementales et les agences régionales, qui deviennent des agences d'attractivité.

S'agissant du statut des agences de développement, la plupart sont des associations (71%), mais on compte aussi des sociétés publiques locales (12 %), des établissements publics à caractère industriel et commercial (7 %) et d'autres types de structures (sociétés d'économie mixte, groupements d'intérêt économique ou d'intérêt public, établissements publics administratifs).

Les financements dont bénéficient les agences de développement sont
divers : subventions attribuées par les collectivités, adhésions d'entreprises locales, adhésions de partenaires privés, financements européens, financements issus des chambres consulaires locales, et parfois même fonds propres grâce à la vente de certaines prestations.

Les agences de développement ont pour mission d'accompagner les entreprises dans leur recherche de foncier, d'ingénierie financière, etc.

Les agences de développement sont regroupées au sein du CNER, qui a un rôle d'animation de son réseau d'experts, d'accompagnement des territoires qui ont besoin d'expertise sur des sujets précis ou thématiques, de formation - notamment des développeurs économiques locaux - et de publication.

La raréfaction des ressources et des moyens des collectivités territoriales les a contraintes à réduire les budgets affectés aux agences de développement, avec une diminution de 6 % en moyenne pour 2025. On a même pu observer certaines suppressions d'agences, par exemple à Reims où l'agence Invest in Reims a été reprise en régie fin 2021 par le Grand Reims, qui souhaitait mettre l'accent sur le développement endogène plutôt que le développement exogène. Toutefois, le CNER constate 3 ans après la suppression des baisses d'implantations d'entreprises, une diminution des emplois exogènes, une baisse du nombre d'habitants, etc. Par ailleurs, la suppression d'une agence entraîne nécessairement des coûts de réinternalisation des missions.

(3) Les entreprises publiques locales, « couteaux suisses » du développement économique local

Enfin, les collectivités territoriales s'appuient de plus en plus sur les entreprises publiques locales - SPL, SPLA, SEM, SEMOP - en raison de leurs atouts, que la Fédération des EPL résume ainsi : 1 /contrôle et
transparence
 : il s'agit d'outils pilotés par les collectivités territoriales, qui en sont actionnaires ; 2/ proximité : les EPL permettent un maillage territorial fin et une proximité avec les acteurs du développement économique ; 3/ agilité : le statut de droit privé des EPL leur permet d'avoir des facilités de financement (dette) et de mener de front plusieurs opérations complexes en créant des filiales spécialisées le cas échéant.

 

Focus : les entreprises publiques locales

En quête de moyens d'action alliant maîtrise politique, efficacité économique et utilité sociale pour mener leurs missions de service public dans les meilleures conditions, les collectivités locales ont recours aux entreprises publiques locales. On distingue quatre formes d'EPL :

- les sociétés d'économie mixte locale (SEML)46(*) : les communes, les départements, les régions et leurs groupements peuvent, dans le cadre des compétences qui leur sont reconnues par la loi, créer des sociétés d'économie mixte locales qui les associent à une ou plusieurs personnes privées et, éventuellement, à d'autres personnes publiques pour réaliser des opérations d'aménagement, de construction, pour exploiter des services publics à caractère industriel ou commercial, ou pour toute autre activité d'intérêt général. La SEML revêt la forme d'une société anonyme. Les collectivités territoriales et leurs groupements détiennent plus de la moitié du capital social et des voix dans les organes délibérants ;

- les sociétés d'économie mixte à opération unique (SEMOP)47(*) : à la différence de la SEML, la SEMOP est constituée pour une durée limitée et à titre exclusif en vue de la conclusion et de l'exécution d'un contrat avec la collectivité territoriale ou le groupement de collectivités territoriales dont l'objet unique est : la réalisation d'une opération de construction, de développement du logement ou d'aménagement ; la gestion d'un service public pouvant inclure la construction des ouvrages ou l'acquisition des biens nécessaires au service ; toute autre opération d'intérêt général relevant de la compétence de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales ;

- les sociétés publiques locales (SPL)48(*) : les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent créer, dans le cadre des compétences qui leur sont attribuées par la loi, des sociétés publiques locales dont ils détiennent la totalité du capital. Les SPL sont compétentes pour réaliser des opérations d'aménagement, des opérations de construction ou pour exploiter des services publics à caractère industriel ou commercial ou toutes autres activités d'intérêt général. Elles exercent leurs activités exclusivement pour le compte de leurs actionnaires et sur le territoire des collectivités territoriales et des groupements de collectivités territoriales qui en sont membres. Elles revêtent la forme de société anonyme et sont composées d'au moins deux actionnaires ;

- les sociétés publiques locales d'aménagement49(*), qui présentent les mêmes caractéristiques que les SPL à quelques précisions près : l'une des collectivités territoriales ou un des groupements de collectivités territoriales participant au groupement détient au moins la majorité des droits de vote. Les SPLA sont compétentes pour réaliser toute opération d'aménagement, réaliser des études préalables, procéder à toute acquisition et cession d'immeubles, toute opération de construction ou de réhabilitation immobilière, toute acquisition



et cession de baux commerciaux, de fonds de commerce ou de fonds artisanaux. Les SPLA peuvent exercer, par délégation, les droits de préemption et de priorité et agir par voie d'expropriation.

Le capital des EPL est majoritairement ou exclusivement détenu par les collectivités territoriales. Une telle maîtrise est, pour ces dernières, l'assurance que les EPL intégreront pleinement leurs orientations stratégiques et politiques.

Les 1 254 EPL réalisent plus de 13 Md€ de chiffre d'affaires. En plein essor, les EPL suscitent l'intérêt croissant des élus locaux. Près de 200 EPL exercent des activités de développement économique au bénéfice des territoires et des populations en tant qu'entreprises ancrées localement.

Ces sociétés interviennent sur un spectre large allant du soutien pour la création d'entreprise, à la gestion d'immobilier d'entreprise, en passant par l'appui aux filières métiers. Pour ce faire, les EPL développent des foncières de redynamisation commerciale et des sociétés de projets.

Ces sociétés gèrent près de 3 millions de m² de foncier répartis sur 630 sites, et 2 800 locaux aménagés qu'elles mettent à disposition de 6 000 entreprises.

Résumant l'intérêt de recourir à une entreprise publique locale, la fédération des EPL indique que « notre approche hybride structure publique/immersion dans le domaine privé fait qu'on développe des outils très polyvalents et pertinents par rapport aux attentes des chefs d'entreprises, des décideurs. Les outils qu'on représente sont des couteaux suisses sur l'ensemble des territoires qui permettent d'accompagner des projets auprès des décideurs locaux, avec une agilité sur le domaine juridique. Mais on est dans la traduction d'orientations et de projets politiques, à la différence de structures exclusivement privées, donc dans la confiance vis-à-vis des territoires et vecteurs d'efficacité par rapport aux projets mis en place ».

 

Focus : l'exemple de la transformation économique du territoire de Chartres grâce aux entreprises publiques locales

La communauté d'agglomération Chartres Métropole regroupe 66 communes et une population de près de 140 000 habitants, la ville de Chartres comprenant elle-même près de 40 000 habitants.

Depuis une vingtaine d'années, plusieurs entreprises publiques locales ont été déployées sur le territoire de l'agglomération, avec des objets
déterminés : historiquement des SEM, puis des SPL et plus récemment des SEMOP. Ces entreprises publiques locales ont aidé à la transformation économique du territoire.

C'est par exemple le cas en matière d'aménagement des friches ferroviaires en plein centre-ville. Le coût de l'acquisition du foncier auprès de la SNCF et du déplacement des activités a été évalué à près de 50 millions d'euros. Le recours aux concessions d'aménagement pilotées par une SPL dédiée a permis d'assurer ce portage foncier en lissant dans le temps le montant des participations et des équipements publics nécessaires pour la collectivité, qui aurait été sinon trop élevé.

C'est aussi le cas en matière d'aménagement des réseaux secs et humides ou en matière d'acquisitions immobilières, avec la création de SEM dédiées.

C'est enfin le cas en matière d'attractivité industrielle, avec la décision de la société pharmaceutique danoise Novo Nordisk, implantée à Chartres depuis plus de 60 ans, d'investir plus de deux milliards d'euros sur le territoire pour doubler sa taille et développer ses capacités de production, notamment pour fabriquer un nouveau médicament labellisé permettant le traitement de l'obésité par
l'insuline. Le territoire de Chartres était pourtant en compétition internationale avec d'autres territoires pour l'extension de l'entreprise, notamment l'Irlande et l'Allemagne.

La fédération des EPL précise que « ce n'est pas notre fiscalité nationale qui a permis à l'usine de se développer sur le territoire. Il a fallu développer d'autres entreprises, faire des acquisitions, déplacer le centre technique municipal, assurer une certaine quantité et qualité d'eau pour la production du médicament, avec donc une prise de risque de la collectivité. Il a fallu se mettre en marche pour obtenir les déplacements des entreprises et des équipements publics concernés. Cela a été fait de concert avec Chartres Métropole et ses satellites spécialisés dans l'aménagement (Chartres aménagement), le développement immobilier (SEM), une SEMOP sur la partie eau et assainissement. Il a fallu aussi créer de nouvelles lignes de transport pour desservir la future zone, créer un réseau de chaleur, etc. » Ainsi, la mobilisation efficace des ressources et de l'ingénierie des satellites de l'agglomération a permis d'assurer cet investissement. Certes, il y avait un risque d'investissement initial pour la collectivité et ses satellites, mais le retour sur investissement permet aujourd'hui 5 millions d'euros de fiscalité supplémentaires par an pour la ville et l'agglomération.

La fédération des EPL ajoute qu'aujourd'hui, « Chartres métropole contrôle étroitement et agilement, particulièrement par une galaxie de satellites (près de 15 EPL) qui fait référence, les politiques publiques qui impactent l'écosystème économique ou qui sont nécessaires pour accompagner le développement économique (aménagement ZAE, habitat, réseaux...) ».

Ce modèle d'économie mixte « est capital dans l'harmonisation de ces équipements, car nous avions à notre main ces sociétés. Nous avons agi de concert. Tous les acteurs étaient à une même table. On a levé tous les problèmes grâce à l'agilité reconnue de cette économie mixte ».

3. L'ingénierie de projet et de planification des structures de coopérations intercommunales

L'ingénierie du développement économique local peut aussi être portée par des structures de coopération intercommunales ou des documents stratégiques, créés à l'initiative des collectivités territoriales, par exemple les schémas de cohérence territoriale (SCoT) ou les pays et pôles d'équilibre territorial et rural (PETR).

(1) Les schémas de cohérence territoriale

La fédération nationale des SCoT (Fédé SCoT) indique qu'un SCoT « est en lui-même un service d'ingénierie, qui casse la logique de silo, au profit d'une cohérence avec l'ensemble des politiques publiques ».

 

Focus : les schémas de cohérente territoriale (SCoT)

Créés par la loi n°2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), et actualisés par l'ordonnance n° 2020-744 du 17 juin 2020 relative à la modernisation des schémas de cohérence territoriale, les SCoT sont des documents de planification stratégique à long terme.

Un SCoT comprend un projet d'aménagement stratégique (PAS), un document d'orientation et d'objectifs (DOO) et des annexes.

Le PAS « définit les objectifs de développement et d'aménagement du territoire à un horizon de vingt ans sur la base d'une synthèse du diagnostic territorial et des enjeux qui s'en dégagent. Ces objectifs peuvent être représentés graphiquement. Ils concourent à la coordination des politiques publiques sur les territoires, en favorisant un équilibre et une complémentarité des polarités urbaines et rurales, une gestion économe de l'espace limitant l'artificialisation des sols, notamment en tenant compte de l'existence de friches, les transitions écologique, énergétique et climatique, une offre d'habitat, de services et de mobilités adaptés aux nouveaux modes de vie, une agriculture contribuant notamment à la satisfaction des besoins alimentaires locaux, ainsi qu'en respectant et mettant en valeur la qualité des espaces urbains comme naturels et des paysages.

Le projet d'aménagement stratégique fixe en outre, par tranches de dix années, un objectif de réduction du rythme de l'artificialisation ».

Le DOO définit les conditions d'application du PAS, en posant des orientations qui s'inscrivent « dans un objectif de développement équilibré du territoire et des différents espaces, urbains et ruraux, qui le composent ». Il repose sur la complémentarité entre :

1° les activités économiques, artisanales, commerciales, agricoles et forestières ;

2° une offre de logement et d'habitat renouvelée, l'implantation des grands équipements et services qui structurent le territoire, ainsi que l'organisation des mobilités assurant le lien et la desserte de celui-ci ;

3° les transitions écologique et énergétique, qui impliquent la lutte contre l'étalement urbain et le réchauffement climatique, l'adaptation et l'atténuation des effets de ce dernier, le développement des énergies renouvelables, ainsi que la prévention des risques naturels, technologiques et miniers, la préservation et la valorisation de la biodiversité, des ressources naturelles, des espaces naturels, agricoles et forestiers ainsi que des paysages, dans un objectif d'insertion et de qualité paysagères des différentes activités humaines, notamment des installations de production et de transport des énergies renouvelables.

Selon la fédération des SCoT, « un SCoT est aussi appelé à mobiliser une ingénierie collective (public, privé, entreprises, élus, territoires, aménageurs), pour répondre ensemble au contexte de transition. Ce n'est pas qu'un document écrit, il doit aussi répondre aux besoins des entreprises, etc., pour être applicable : le SCoT est un outil de dialogue, de concertation ».

Elle regrette toutefois la suppression de la conférence régionale des SCoT, instaurée par la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, mais supprimée par la loi n° 2023-630 du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en oeuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols et à renforcer l'accompagnement des élus locaux, et remplacée par une « conférence régionale de gouvernance de la politique de rédaction de l'artificialisation des sols », présidée par le président du conseil régional, avec une composition et un rôle
élargis. La conférence régionale permettait pourtant « de contribuer à l'élaboration du SRADDET par l'expression des bassins de vie et des élus qui portent les stratégies territoriales. C'était pertinent. Cela rappelle à la région qu'il est important de prendre en compte l'échelle infra, de même qu'il est important de prendre en compte l'échelon EPCI et communes quand on élabore un SCoT
(ex : conférence des maires) »
.

 

(2) Les pays et pôles d'équilibre territorial et rural

Par ailleurs, les intercommunalités peuvent faire le choix volontaire de se structurer en pays ou en pôle d'équilibre territorial et rural, sur la base d'un projet de territoire qui s'inscrit dans un temps long (à horizon 20 ou 30 ans), pour faire converger les politiques publiques locales. La mutualisation à l'échelle d'un pays ou d'un PETR regroupe en moyenne quatre intercommunalités.

Sans exercer de compétences à proprement parler, les pays et les PETR sont porteurs de missions sur cinq grands champs thématiques : la transition écologique, l'attractivité économique, le cadre de vie, les services à la population, le portage des contractualisations. L'ingénierie du développement économique territorial portée par les PETR est importante : animation de réseaux, ingénierie financière, conseil aux élus, etc.

 

Focus : les PETR et les pays

La loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire (dite LOADT) a instauré la notion de pays : « Lorsqu'un territoire présente une cohésion géographique, culturelle, économique ou sociale, la commission départementale de la coopération intercommunale constate qu'il peut former un pays ».

Les pays ont ensuite été renforcés par la loi n°99-533 du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire (dite LOADDT), qui dispose que : « le développement local, organisé dans le cadre des bassins d'emploi et fondé sur la complémentarité et la solidarité des territoires ruraux et urbains. Il favorise au sein de pays présentant une cohésion géographique, historique, culturelle, économique et sociale la mise en valeur des potentialités du territoire en s'appuyant sur une forte coopération intercommunale et sur l'initiative et la participation des acteurs locaux ».

Si la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales a supprimé la possibilité de créer de nouveaux pays, la structure et la philosophie des pays ont été réhabilitées à travers les pôles d'équilibre territorial et rural, créés par la loi Maptam de 2014.

En effet, l'article L. 5741-1 du CGCT, créé par la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (Maptam), institue une nouvelle catégorie d'établissement public, les pôles d'équilibre territorial et rural.

Constitué par accord entre plusieurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre au sein d'un périmètre d'un seul tenant et sans enclave, il élabore un projet de territoire qui définit les conditions du développement économique, écologique, culturel et social dans le périmètre du pôle. Le projet de territoire doit être compatible avec les schémas de cohérence territoriale applicables dans le périmètre du pôle.

Les pays et pôles d'équilibre territorial et rural sont regroupés sous l'appellation « territoires de projet ».

 

Bonne pratique : le pôle territorial du Perche (Eure-et-Loir)

Situé entre les villes de Chartres et du Mans, le pôle territorial du Perche regroupe trois communautés de communes (Perche, Terres de Perche et Forêts du Perche) qui rassemblent 61 communes et 42 500 habitants.

Héritier de la coopération menée dans le cadre du Pays du Perche d'Eure-et-Loir depuis la fin des années 1970, le pôle territorial, créé en 2016, a pour objectif le développement harmonieux du territoire en cherchant à concilier le soutien aux activités industrielles, artisanales, commerciales, agricoles, touristiques, des services et de loisirs, tout en respectant l'environnement naturel et social du Perche.

Le pôle territorial a la particularité de disposer de nombreuses compétences transférées par les trois communautés de communes. Pour l'exercice de ces compétences transférées, il dispose de moyens mutualisés mis à disposition par les communautés de communes membres.

En matière d'animation du développement économique (hors investissement), il accompagne les acteurs  économiques du Perche en leur apportant conseils, aide au montage de dossiers de demande de subvention et en assurant la coordination, l'élaboration et la diffusion des actions et la création d'outils de promotion économique du territoire. Il accompagne aussi les entreprises du territoire dans leur installation et leur développement et apporte une ingénierie aux communes sur les questions foncières, immobilières, d'attractivité du territoire, de transition démographique, de formation et de recrutement, de transition écologique, de décarbonation.

Par ailleurs, le Groupe d'Actions Locales Perche 2.850(*), avec son programme dédié aux usages numériques, accompagne les porteurs de projet publics ou privés afin de soutenir les projets innovants, numériques et collaboratifs sur notre territoire.

Le pôle assure la coordination des démarches d'élaboration, d'approbation, de mise en oeuvre, de suivi, d'évaluation et de révision du SCoT des trois communautés de communes.

Il réalise l'instruction des autorisations d'urbanisme pour les communes en faisant la demande et accompagne les communautés de communes et les communes du territoire pour la mise en oeuvre d'actions mutualisées en matière d'urbanisme et d'habitat, par exemple la coordination des plans locaux d'urbanisme intercommunaux).

Il met en place des actions de promotion de la transition écologique et énergétique, notamment la mise en oeuvre du Plan Climat Air Énergie (PCAET).

Il coordonne les actions des 3 offices de tourisme du territoire et accompagne les entreprises dans leur développement, notamment en matière de qualification et de visibilité de l'offre.

Il coordonne également un plan de mobilité rurale dans le Perche d'Eure-et-Loir visant à améliorer les mobilités via des solutions optimisées nouvelles et durables.

Source : http://perche28.fr/

Structures peu connues, les pôles d'équilibre territorial et rural permettent de mutualiser des moyens et des ressources à l'échelle d'un bassin de vie. L'article L. 5741-3 du CGCT dispose d'ailleurs que « le pôle d'équilibre territorial et rural peut constituer le cadre de contractualisation infrarégionale et infradépartementale des politiques de développement, d'aménagement et de solidarité entre les territoires ».

4. Les chambres consulaires, une ingénierie en manque de moyens qui s'est technicisée

L'ingénierie du développement économique territorial est aussi proposée par les chambres consulaires : les chambres de commerce et d'industrie, les chambres de métiers et d'artisanat, les chambres d'agriculture, qui sont des établissements publics économiques présidés par des élus et qui accompagnent dans leurs projets les entreprises, les artisans, les agriculteurs en leur proposant différents services et notamment de la formation. Représentées au niveau national, les chambres consulaires sont aussi présentes au niveau régional et au niveau local.

Plusieurs réformes des chambres consulaires, notamment la loi
n° 2010-853 du 23 juillet 2010, ont conduit à un mouvement de rationalisation des réseaux consulaires, en particulier des mutualisations à l'échelon régional et une baisse des ressources affectées.

 

Focus : les chambres locales de commerce et d'industrie

Le réseau des chambres de Commerce et d'Industrie (CCI) représente la plus grande force d'accompagnement et de service public à l'entreprise en France. Regroupant 121 établissements publics administratifs, de niveau régional et territorial, il est composé de 9 000 chefs d'entreprises bénévoles et 14 000 collaborateurs qui agissent au quotidien pour accélérer la croissance des entreprises et l'attractivité des territoires.

Le réseau des CCI a trois principales missions :

- Appui aux entreprises et porteurs de projets ;

- Formation : 515 000 personnes formées en 2023 dans les 131 centres de formation des apprentis, 143 centres de formations professionnelle et continue, 8 écoles de gestion et de commerce, 16 de management et 9 d'ingénieur du réseau ;

- Gestion des infrastructures : 575 infrastructures gérées (aéroports, ports, zones d'activité...).

Les auditions ont mis en avant une certaine perte de vitesse des chambres consulaires, en particulier du fait d'une baisse des moyens depuis les années 2010, avec un recentrage sur la formation. Intercommunalités de France fait le constat du « retrait des chambres consulaires sur un certain nombre de sujets : elles se posent plutôt comme un prestataire de services, font beaucoup de formation, apportent du soutien aux territoires sur des sujets précis ».

CCI France note toutefois que « l'ingénierie des chambres de commerce et d'industrie s'est technicisée en dépit d'un contexte de diminution des moyens financiers afin :

- d'accompagner les mutations du droit de l'urbanisme, du droit commercial ou du droit de l'environnement : rôle du Centre de formation du développement durable et de l'environnement de CCI France, pour la montée en compétence et l'appui à l'État et aux collectivités en matière d'économie circulaire, de dépollution, de gestion des risques industriels, etc. ;

- de contribuer, dans le cadre du Fonds européen de développement régional (FEDER), à des projets soutenant le développement économique, l'innovation, la transition écologique et l'internationalisation des entreprises, en partenariat avec des acteurs publics locaux. Actuellement, dans le cadre de la programmation 2021-2027, les CCI participent à 94 projets, pour un cofinancement total de 34 millions d'euros ;

- d'accompagner les acteurs économiques et en particulier les commerçants dans leur digitalisation et dans l'usage de technologies comme l'IA ;

- de gérer des conventions de revitalisation dans de nombreux départements, ce qui permet de faire bénéficier de la vision 360° dont dispose la chambre au territoire et aux salariés concernés ».

 

Bonne pratique - la complémentarité entre l'ingénierie déployée par la CCI du Grand Hainaut et celle mise en oeuvre par la ville de Valenciennes en matière de foncier commercial

L'exemple de la CCI du Grand Hainaut, dans les Hauts-de-France, illustre parfaitement cette complémentarité : « pour répondre à la demande de la ville de Valenciennes, la CCI a répondu à un appel d'offres pour exploiter une foncière commerciale, qu'elle a remporté. La foncière est possédée par une société par actions simplifiée (SAS) au capital de 600k€, créée par la CCI, qui a donc investi dans la foncière. Les achats de locaux commerciaux (une vingtaine) ont été réalisés par de l'emprunt bancaire (60 %) et un co-financement de la collectivité (40 %). La SAS et la CCI s'occupent ensuite de tout le processus visant à redynamiser certaines rues préidentifiées en amont par la collectivité : repérer les locaux, acheter/préempter (la collectivité leur a délégué ce droit pour certaines rues), installer les commerçants et les accompagner ensuite si besoin. Sur la base des résultats positifs, la commune de Maubeuge vient de confier la gestion de sa foncière à la CCI. D'autres communes du territoire sont également intéressées, mais, compte tenu de la quantité des projets, la CCI aura besoin de partenaires pour rentrer au capital. Le soutien d'acteurs comme la Banque des Territoires s'avère alors crucial pour permettre à ces foncières d'augmenter le volume d'actifs géré ».

5. La montée en puissance des acteurs privés de l'ingénierie territoriale, au détriment de l'ingénierie publique ?

Confrontées à la complexification croissante des enjeux du développement économique, au déficit de compétences ou d'expertise en interne, aux problèmes de recrutement et de turnover des équipes, au manque de temps, à la raréfaction des moyens, etc., les collectivités territoriales ont de plus en plus tendance à recourir à des prestations de conseil externalisées auprès de différentes structures : cabinets de conseils, cabinets d'audit, assistance à maîtrise d'ouvrage, maîtres d'oeuvre, cabinets d'architectes, urbanistes, économistes de la construction, etc.

Le cabinet de conseil et d'audit EY51(*) indique qu'en matière d'ingénierie locale, l'objectif est d'« apporter une réponse aux besoins des collectivités pour concrétiser leurs projets. Ces projets peuvent concerner l'exercice de plusieurs de leurs compétences. C'est toutefois sur le champ du développement économique que nous sommes le plus actifs. Cette réponse doit pouvoir être apportée à toutes les échelles territoriales qui sont diversement dotées en termes d'expertises et de ressources humaines ».

Les collectivités sollicitent généralement le cabinet EY pour son ingénierie du développement économique, qui peut alors mobiliser ses experts économiques, techniques, juridiques et financiers en fonction du niveau d'expertise attendu ou de la phase du projet, par exemple :

- animation de collectifs d'acteurs ;

- une expertise stratégique pour construire des feuilles de route stratégique ;

- une expertise de concertation pour coconstruire avec toutes les parties prenantes des politiques publiques ;

- une expertise financière ;

- une expertise foncière et immobilière pour construire une offre adaptée aux besoins des territoires ;

- une expertise de maîtrise d'ouvrage pour piloter la concrétisation de projets d'investissement ;

- une expertise de maîtrise d'oeuvre pour réaliser certains projets en direct.

L'ingénierie apportée par le cabinet EY aux collectivités territoriales qu'il a accompagnées a permis de structurer différents outils, par exemple : des agences économiques, des fonds d'investissement régionaux, des sociétés de tiers financement, une agence d'énergie, un incubateur d'entreprises, des foncières publiques et privées.

 

Bonne pratique : l'accompagnement de la région Sud-PACA par le cabinet EY

« Parmi nos références les plus marquantes et les plus structurantes, notre action auprès de la région SUD PACA pourrait être citée. En effet, la région a structuré et concentré son action économique autour des Opérations d'intérêt régional (OIR) qui intègrent, sur 8 filières stratégiques, toute sa chaîne de soutien au développement économique : aides aux entreprises, animation des filières, appui en ingénierie pour les projets structurants de chaque OIR, recherche de financements alternatifs et privés et organisation de comités d'ingénierie financière tous les 6 mois pour mobiliser toute la place financière. Depuis 2016, cette dynamique a permis d'accompagner 177 projets structurants, sécuriser près de 1 milliard d'euros de financements publics et privés, dont 6 % de financement régional.

Pour réaliser ses objectifs, la région a mis en place une offre d'ingénierie économique, juridique et financière à destination des porteurs de projets afin d'accélérer la concrétisation de leur projet dès qu'ils sont jugés stratégiques par une gouvernance de filière. Cet appui est délivré par un consortium intégrant son agence de développement économique Rising Sud et un groupement de conseils dont nous sommes mandataires.

Ce modèle a démontré son efficacité tant par ses indicateurs de performance économique que par le transfert de compétences et d'expertises réussi entre les divers conseils, les agents de la région et son agence Rising SUD ».

Néanmoins, certains acteurs comme CCI France font le constat « d'un recours croissant à l'ingénierie privée au détriment de l'ingénierie
publique »
. Paradoxalement, « c'est notamment le cas de l'ingénierie mise à disposition par les acteurs nationaux comme l'ANCT et la Banque des Territoires, qui n'ont pas nécessairement référencé l'offre d'ingénierie de certains acteurs, comme les CCI, au profit de cabinets privés », ce qui peut notamment s'expliquer par la logique des « appels d'offres nationaux, qui privilégient des acteurs centralisés comme les cabinets privés au détriment de la diversité de l'offre d'ingénierie publique au niveau local ». Pour CCI France, « cette ingénierie privée nationale soulève toutefois plusieurs questions : elle peut être localisée hors du territoire et ne pas connaître les acteurs locaux, ce qui les amène à s'appuyer sur les acteurs publics existants comme les CCI, et elle n'entraîne pas une dynamique territoriale de long court. Lorsque les missions d'appui en ingénierie prennent fin [...], les cabinets privés ne restent pas sur le territoire et les liens et l'expertise acquise ne bénéficient pas sur le long terme au territoire, contrairement à des missions confiées à des acteurs du territoire ».

Certains cabinets de conseil essaient de répondre au besoin de sur-mesure et d'accompagnement sur le long terme des collectivités territoriales. C'est par exemple le cas du cabinet Rouge vifs territoires, qui « accompagne les collectivités locales dans la définition et la mise en oeuvre de leurs stratégies de développement. Son expertise s'étend à l'ingénierie territoriale, intégrant des solutions innovantes et collaboratives pour répondre aux enjeux contemporains des territoires, tels que la transition écologique, l'attractivité économique, et la concertation citoyenne ». Le cabinet veille en particulier à proposer aux collectivités territoriales « un travail sur mesure permettant d'accompagner les élus et les techniciens dans la définition, la structuration, et la mise en oeuvre de leurs projets, tout en impliquant les acteurs locaux et en assurant leur durabilité économique, sociale, et environnementale ».

6. Les acteurs de l'ingénierie financière territoriale

Les collectivités territoriales sont amenées à solliciter de l'ingénierie financière et technique auprès d'organismes bancaires et financiers, publics ou privés, pour permettre le financement et le développement de leurs projets économiques.

Parmi les acteurs concernés, on peut citer : la Caisse des dépôts, la Banque des territoires, l'Agence France locale, la Banque publique d'investissement, la Banque postale, Business France, etc.

 

Focus : l'ingénierie territoriale de la Banque des territoires

La Banque des territoires (BDT) est issue de la fusion de plusieurs directions de la Caisse des dépôts et consignation (CDC) en 2018, sans être une filiale de la
CDC. Cette logique de mutualisation des moyens et des ressources, appuyée par une logique de réseau (37 implantations territoriales), a été pensée pour répondre aux transformations du paysage institutionnel et aux exigences nouvelles des collectivités territoriales en matière de développement économique territorial suite à la loi Notre.

En matière d'ingénierie territoriale, la Banque des territoires propose différents services comme le cofinancement d'études ou de diagnostics, des analyses comparées, de l'assistance à maîtrise d'ouvrages, par exemple en matière de revitalisation des centres-villes, d'accélération de la transition écologique ou de développement du tourisme.

Elle accompagne les collectivités territoriales dans le cadre des programmes nationaux Action coeur de ville, Petites villes de demain, Territoires d'industrie, Avenir montagnes, France ruralités, en lien avec l'ANCT.

Dans son rapport de 2022 consacré à la Banque de territoires52(*), la Cour des comptes constate toutefois « des synergies limitées entre les différents métiers de la BDT » et relève que « la diversification des investissements fait apparaître des risques de chevauchement avec Bpifrance53(*) et le groupe La Poste ».

On le voit, la multiplicité et l'hétérogénéité des acteurs publics et privés de l'ingénierie du développement territorial rend difficile la compréhension du « qui fait quoi » et peut désorienter les entreprises en recherche d'accompagnement, qui ne savent plus vers quel interlocuteur se tourner et quel dispositif mobiliser. Il est pour cela préconisé de systématiser la structuration des administrations déconcentrées de l'État, des collectivités territoriales, et de leurs opérateurs, en guichets et/ou réseaux pour permettre d'orienter les entreprises vers l'interlocuteur compétent. L'élaboration de guides ou de cartographie des ressources d'ingénierie territoriales, sur le modèle des guides élaborés par département sous l'impulsion de l'ANCT, listant les structures, missions, ressources, financements, contacts utiles, etc., aurait une valeur ajoutée.

 

Recommandation n°5 : orienter les entreprises vers l'interlocuteur compétent

· Systématiser la structuration des administrations déconcentrées de l'État, des collectivités territoriales, et de leurs opérateurs, en guichets et/ou réseaux pour permettre d'orienter les entreprises vers le bon niveau de collectivité territoriale ou vers l'opérateur compétent en matière de développement économique.

· Généraliser l'élaboration de guides ou cartographies des ressources d'ingénierie territoriale en matière de développement économique, sur le modèle des guides élaborés par département sous l'impulsion de l'ANCT (listant les structures, missions, ressources, financements, contacts utiles, etc.).

Au-delà des constats sur le développement de ces ingénieries multiformes, il convient de regarder comment les collectivités territoriales s'efforcent de mobiliser efficacement leurs ressources d'ingénierie au service d'un développement économique plus durable des territoires.


* 37 https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000722113

* 38 https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000722113

* 39 https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000593625

* 40 https://medias.amf.asso.fr/docs/DOCUMENTS/AMF_12602_FIN_ATESAT.pdf

* 41 https://www.entreprises.gouv.fr/la-dge/qui-sommes-nous

* 42 Les subdivisions des directions départementales de l'équipement ont fait l'objet de regroupements voire de suppressions dans le cadre de la réforme de l'organisation territoriale des services de l'État.

* 43 Rapport d'information n°126 (2024-2025), par Mmes Sonia de la PROVÔTÉ et Céline BRULIN, déposé le 7 novembre 2024.

* 44 91 % des intercommunalités, selon l'étude précitée : Source : Étude quinquennale économique 2022, Intercommunalités de France : https://www.intercommunalites.fr/publications/etude-quinquennale-economie/

* 45 https://cner-france.com/quest-ce-quune-agence/

* 46 Articles L. 1521-1 à 1525-3 du code général des collectivités territoriales.

* 47 Articles L. 1541-1 à 1541-3 du code général des collectivités territoriales.

* 48 Article L. 1531-1 du code général des collectivités territoriales.

* 49 Article L. 327-1 du code de l'urbanisme.

* 50 Le GAL Perche 2.8. est porté par le Pôle territorial du Perche d'Eure-et-Loir (28).

* 51 Anciennement cabinet Ernst&Young.

* 52 https://www.ccomptes.fr/fr/documents/62397

* 53 Banque publique d'investissement française.

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