D. DES NICHES SOCIALES NON COMPENSÉES DE 35 MILLIARDS D'EUROS ?
Les allégements de recettes de la sécurité sociale - qu'il est usuel d'appeler « niches sociales » - ont fortement augmenté en 2022 et 2023 (cf. graphique ci-après).
Les niches sociales
(en milliards d'euros)
Source : Annexes relatives aux projets de loi de financement de la sécurité sociale aux niches sociale
Le montant total des niches est de plus de 100 milliards d'euros, dont, selon les estimations de la Mecss, environ 35 milliards d'euros ne sont pas compensés.
La « loi Veil » de 1994 prévoit un principe de compensation des nouvelles niches. Une loi postérieure peut bien entendu y déroger.
Comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale (Ralfss) de mai 2024, la non-compensation depuis 2019 de l'exonération de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat (Pepa) puis de la prime de partage de la valeur (1,1 milliard d'euros en 2023) n'est pas conforme à la loi.
La compensation des niches sociales à la
sécurité sociale (2024) :
synthèse des
estimations disponibles
(en milliards d'euros)
DFS : déduction forfaitaire spécifique. PPV : exonération de la prime de partage de la valeur.
Source : Mecss, d'après l'annexe 2 au projet de loi d'approbation des comptes 2024, la direction de la sécurité sociale et la Cour des comptes
Pour ce qui concerne les allégements généraux de cotisations patronales, le Ralfss souligne que la compensation du bandeau maladie est inférieure de 5,5 milliards d'euros à son coût. Cela provient de la part de TVA affectée par la loi en 2019 à la sécurité sociale, qui selon la Cour a été mal calculée.
De même, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 prévoit la non-compensation de l'exonération de cotisations salariales sur les heures supplémentaires.
Dans la quasi-totalité des cas, les autres niches sont antérieures à la loi Veil de 1994, et ne sont donc pas compensées. Elles marquent une forte dynamique ces dernières années.
E. POURQUOI RÉDUIRE LE DÉFICIT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE ?
1. Un déficit dépendant du périmètre retenu et des conventions juridiques de rattachement des recettes
Les débats sur la nécessaire réduction du déficit de la sécurité sociale sont complexifiés par la coexistence de plusieurs périmètres relatifs aux finances sociales.
Le graphique ci-dessous compare le solde de la sécurité sociale avec d'autres périmètres plus larges. Si on ajoute la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), qui est par nature excédentaire de 15 à 20 milliards d'euros chaque année, la sécurité sociale est à l'équilibre en 2024 et ne devient déficitaire qu'en 2025.
Comparaison du solde de la sécurité
sociale
avec celui de divers périmètres plus
larges
(en milliards d'euros)
Source : D'après les LFSS et l'Insee
La situation est analogue si l'on retient le périmètre des administrations de sécurité sociale, qui inclut en plus des organismes comme les régimes complémentaires de retraite ou l'assurance chômage.
Par ailleurs, si les dépenses de la sécurité sociale correspondent à une réalité « physique », une recette de la sécurité sociale résulte d'une convention juridique. Cela peut conduire soit à minorer le déficit de la sécurité sociale, soit, au contraire, à affirmer qu'il serait sous-estimé (comme le montre la polémique récurrente sur un « déficit caché » du système de retraites).
2. La nécessité de ramener la sécurité sociale à l'équilibre
Le retour de la sécurité sociale à l'équilibre est une nécessité. En effet, la sécurité sociale n'a pas vocation à être durablement en déséquilibre, ce qui reviendrait à instaurer une solidarité des générations futures en faveur des générations actuelles. Par ailleurs, son déficit actuel empêcherait la sécurité sociale de jouer son rôle d'amortisseur en cas de nouvelle crise. À cela s'ajoute un risque de crise de liquidité, la dette ne pouvant s'accumuler indéfiniment à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss, également connue sous le nom d'Urssaf Caisse nationale).
Ramener la sécurité sociale à
l'équilibre, un objectif mobilisateur
et protecteur pour la
sécurité sociale
PSMT : plan budgétaire et structurel national à moyen terme
Source : Mecss, d'après le PSMT, le Resf 2025, le rapport à la CCSS de juin 2025
Surtout, le déficit actuel des administrations publiques considérées dans leur ensemble n'est pas soutenable, et la sécurité sociale doit contribuer à l'effort global de réduction du déficit par son retour à l'équilibre.
Il résulte notamment du plan budgétaire et structurel national à moyen terme (PSMT), qui remplace les programmes de stabilité, que les mesures de réduction du déficit de 2026 à 2029 pour l'ensemble des administrations publiques seraient de 170 milliards d'euros.
À titre de comparaison, ramener la sécurité sociale à l'équilibre en 2029, comme le prévoyait le précédent gouvernement, impliquerait des mesures de 40 milliards d'euros.
Cet effort peut sembler raisonnable.