B. PLUSIEURS SCÉNARIOS SONT ENVISAGEABLES
1. Un scénario envisageable à court terme : répartir différemment cotisations et impositions de toutes natures pour que les premières financent davantage la branche vieillesse
a) Les propositions du HCFiPS en 2013 consistaient essentiellement à effectuer le transfert de cotisations depuis la branche famille
Dans un rapport424(*) de 2013 commandé par le Premier ministre, le HCFiPS propose trois scénarios425(*) tendant à répartir différemment les cotisations et les prélèvements de toutes natures, de manière à ce qu'ils financent davantage, respectivement, des mesures contributives ou universelles :
- le scénario n° 1 « échange » 11,9 milliards d'euros d'impôts de la branche vieillesse et de cotisations de la branche famille ;
- le scénario n° 2 « échange » également 11,9 milliards d'euros d'impôts de la branche vieillesse et de cotisations patronales de la branche famille, tout en réaffectant différemment les contributions et impôts entre les branches famille et maladie ;
- le scénario n° 3 « échange » quant à lui 20 milliards d'euros de CSG de la branche famille et 20 milliards d'euros de cotisations patronales de la branche vieillesse.
Ces scénarios tendent essentiellement à rééquilibrer les cotisations et les autres prélèvements entre les branches famille et vieillesse, sans chercher à concentrer toutes les contributions au niveau des branches vieillesse état-MP.
Comme le souligne le HCFiPS, ces scénarios impliquaient de surmonter certaines difficultés. En particulier, certains régimes de retraites ne disposaient pas de ressources fiscales suffisantes pour compenser le transfert de cotisations depuis la branche famille. Toutefois ces difficultés ne semblaient pas insurmontables.
b) Une proposition « maximaliste » : transférer la totalité des cotisations vers la branche vieillesse
Un scénario plus ambitieux consisterait à concentrer toutes les cotisations au niveau de la branche vieillesse.
En chiffres arrondis, les dépenses contributives et les cotisations sociales sont d'environ 300 milliards d'euros, ce qui correspond également aux recettes de la branche vieillesse (correspondant pour un peu plus de la moitié à des cotisations).
Un consentement plus faible pour l'impôt que pour les cotisations sociales pourrait toutefois fragiliser les autres branches.
2. Une possibilité à plus long terme : remplacer la distinction cotisations patronales/cotisations salarié par une distinction prélèvement fiscal progressif/prélèvement contributif
a) Une proposition du « rapport Bozio-Wasmer »
Le « rapport Bozio-Wasmer » propose non seulement de financer totalement la branche vieillesse par des cotisations, mais aussi de remplacer la distinction cotisations patronales/cotisations salarié par une distinction cotisations non progressives (finançant des prestations contributives)/ prélèvement fiscal progressif (finançant des prestations non contributives).
Cette mesure, déjà proposée en 2017 par une note du Trésor426(*), implique de remplacer l'actuel salaire brut, servant de base au calcul des cotisations patronales et salariales, par un salaire « complet » (salaire brut et cotisations contributives), servant de base de calcul aux différents prélèvements.
Si l'on se contentait de transférer à la branche vieillesse la totalité des cotisations, sans prendre de telle mesure, les cotisations apparaîtraient comme finançant la retraite (et le cas échéant la branche AT-MP). Pourtant, bien que les dépenses de retraite soient en quasi-totalité contributives, ce n'est pas le cas pour le minimum vieillesse. Par ailleurs, cela ne permettrait pas de flécher les cotisations vers les autres prestations contributives (indemnités journalières, pensions d'invalidité).
La mesure préconisée par le « rapport Bozio-Wasmer » permettrait en revanche de faire apparaître clairement tout cela sur la fiche de paie, permettant au salarié de mieux comprendre à quoi servent les différents prélèvements.
b) Une mesure non consensuelle
Comme le « rapport Bozio-Wasmer » le souligne, une telle réforme serait techniquement très complexe à mettre en oeuvre. En particulier, le remplacement des divers allégements de cotisations patronales (allégements généraux, régimes en faveur de la ville, des zones rurales, de l'outre-mer...) par un prélèvement fiscal progressif impliquerait d'harmoniser les nombreux régimes actuels, ce qui serait complexe techniquement427(*) et politiquement.
Plus fondamentalement, si la mesure serait neutre d'un point de vue comptable et économique, elle aurait pour effet de remplacer juridiquement un prélèvement sur l'employeur par un prélèvement sur le salarié, ce dont le principe pourrait être contesté.
Il faudrait également vérifier la compatibilité d'une telle mesure avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel428(*).
On peut en outre s'interroger sur la manière dont évoluerait, sur la durée, le consentement à l'impôt des assurés aux revenus les plus élevés, qui contribueraient le plus au titre de l'impôt progressif. Le financement des branches non contributrices par ce seul impôt pourrait affaiblir celles-ci.
* 424 Haut Conseil du financement de la protection sociale, Rapport d'étape sur la clarification et la diversification du financement des régimes de protection sociale, 7 juin 2013.
* 425 On ne présente pas ici leurs variantes, ni les combinaisons envisagées par le HCFiPS.
* 426 Antoine Herlin, « Pour une clarification de la contributivité de la protection sociale », Trésor-Eco n° 200, juin 2017.
* 427 Lors de son audition par la commission le 22 octobre 2024, Antoine Bozio a indiqué qu'il existait 1,7 milliard de combinaisons de barèmes possibles, résultant en particulier de 3 066 définitions différentes de l'assiette des cotisations sociales et de 18 barèmes d'allègements de cotisations sociales. Le « rapport Bozio-Wasmer » préconise de s'en tenir à deux barèmes, un barème « normal » et un barème « renforcé ».
* 428 Selon le « rapport Bozio-Wasmer », si la jurisprudence du Conseil constitutionnel « a validé la progressivité des cotisations employeur, elle a censuré la mise en progressivité de la CSG au motif qu'elle ne respecterait pas la prise en compte des facultés contributives. Pour respecter cette jurisprudence, il faudrait ainsi modifier le prélèvement non-contributif pour prendre en compte les revenus du foyer fiscal et les charges de famille. Une telle contrainte n'est pas dirimante, rien n'imposant l'usage de la technique du quotient conjugal et familial, mais complique singulièrement toute tentative de clarification ».