C. DÉPENSES D'AUTONOMIE
1. Selon les projections de la Drees de 2017, à droit constant de 2014 à 2060 les dépenses publiques en faveur de l'autonomie augmenteraient d'un point de PIB (environ 30 milliards d'euros sur la base du PIB actuel)
Les travaux de projection réalisés par l'administration française n'ont pas été actualisés depuis 2017.
Réalisés par la Drees pour le rapport du HCFiPS de juin 2017447(*), ils ont aussi fait l'objet d'une publication indépendante par la Drees448(*).
Leur périmètre correspond aux comptes de la dépendance, c'est-à-dire aux seules personnes âgées dépendantes.
Dans le scénario de référence, les dépenses publiques449(*) de prise en charge des personnes âgées dépendantes, estimées à 1,11 point de PIB en 2014, atteindraient en 2060 un niveau de 2,07 points de PIB, ce qui représente un quasi doublement et une augmentation de près de 1 point de PIB (environ 30 milliards d'euros sur la base du PIB actuel). L'augmentation serait la plus forte entre 2030 et 2045, pour des raisons démographiques.
Les dépenses publiques de prise en charge des personnes âgées dépendantes, selon la Drees (2017) : scénario de référence
Scénario de référence : productivité réelle 1,3 % - chômage 7 %, effectifs de personnes âgées dépendantes intermédiaires (GIR 1 à 4, tous modes d'hébergement confondus, France entière) et indexations « mi-prix, mi-salaires ».
Source : D'après Romain Roussel, « Personnes âgées dépendantes : les dépenses de prise en charge pourraient doubler en part de PIB d'ici à 2060 », Drees, Etudes et résultats, n° 1032, octobre 2017
Ce scénario de référence suppose une croissance de la productivité élevée, de 1,3 %450(*). Le scénario de croissance de la productivité à 1 % conduit à des dépenses un peu plus faibles en 2060 (en points de PIB et en milliards d'euros), vraisemblablement du fait de l'hypothèse d'indexation (pour moitié sur les prix et pour moitié sur les salaires).
Les deux principaux aléas concernent :
- l'indexation des prestations. Actuellement, le droit prévoit généralement que les prestations monétaires sont indexées sur les prix. Le scénario de référence suppose que les prestations, considérées globalement, sont indexées pour moitié sur les prix et pour moitié sur les salaires. Une indexation seulement sur les prix conduirait à des dépenses moins élevées (1,96 point de PIB en 2060), et une indexation seulement sur les salaires à des dépenses plus élevées (2,18 points de PIB en 2060) ;
- surtout, les effectifs de personnes dépendantes, qui dépendent notamment du partage plus ou moins équilibré des gains d'espérance de vie entre années avec ou sans incapacités. Dans un scénario plus favorable les dépenses seraient de seulement 1,85 point de PIB en 2060, alors que dans un scénario moins favorable elles seraient de 2,25 points de PIB.
Les dépenses publiques de prise en charge des personnes âgées dépendantes, selon la Drees (2017) : comparaison des différents scénarios
Scénario de référence : productivité réelle 1,3 % - chômage 7 %, effectifs de personnes âgées dépendantes intermédiaires (GIR 1 à 4, tous modes d'hébergement confondus, France entière) et indexations « mi-prix, mi-salaires ».
Source : D'après Romain Roussel, « Personnes âgées dépendantes : les dépenses de prise en charge pourraient doubler en part de PIB d'ici à 2060 », Drees, Etudes et résultats, n° 1032, octobre 2017
Ces projections sont à politiques inchangées. Elles ne prennent pas en compte, par exemple, une possible augmentation de la proportion de personnes dépendantes prises en charge, ou des prestations par personne prise en charge (au-delà de l'indexation sur les prix et/ou les salaires).
Projections par la Drees d'effectifs des personnes en Ehpad (2020)
Projection du nombre de seniors entre les trois
lieux de vie entre 2019 et 2050,
à politique publique
de maintien à domicile inchangée
Source : Albane Miron de l'Espinay et Delphine Roy, « Perte d'autonomie : à pratiques inchangées, 108 000 seniors de plus seraient attendus en Ehpad d'ici à 2030 », Drees, Etudes et résultats, n° 1172, décembre 2020
2. Les projections de 2024 de la Commission européenne supposent une augmentation spontanée légèrement inférieure à celle de la Drees, mais soulignent un risque de forte augmentation des dépenses si le système était rendu plus favorable
a) Selon les projections de la Commission européenne (2024), à droit constant de 2022 à 2070 les dépenses publiques en faveur de l'autonomie augmenteraient de 0,7 point de PIB (environ 20 milliards d'euros sur la base du PIB actuel)
Le rapport précité de 2024 de la Commission européenne sur le vieillissement présente des projections des dépenses publiques en faveur de l'autonomie (qu'elles concernent ou non des personnes âgées dépendantes).
La prévision à long terme des dépenses en faveur de l'autonomie est moins évidente qu'on pourrait le penser de prime abord. En effet, elle ne dépend pas mécaniquement de l'augmentation du nombre de personnes âgées, mais aussi, notamment, de l'évolution des profils de dépenses ou de dépendance en fonction de l'âge (l'allongement de l'espérance de vie peut en effet amener certaines personnes à devenir dépendantes plus tard451(*)), de l'évolution de la probabilité de prise en charge (selon la Commission européenne, en France moins de la moitié des personnes dépendantes seraient actuellement prises en charge) et de l'hypothèse retenue d'évolution du coût des prestations452(*).
Ces considérations ont amené la Commission européenne à distinguer six scénarios.
Projections de dépenses publiques de
« soins de long terme »
(c'est-à-dire en faveur
de l'autonomie)
de la France par la Commission européenne
(en points de PIB)
Droit constant |
Projection de population |
Profil de dépendance lié à l'âge |
Profil de dépenses lié à l'âge |
Probabilité de prise en charge |
Coût unitaire |
Elasticité de la demande au revenu |
|
Scénario de base |
× |
Eurostat |
Profil 2022 |
Profil 2022 |
Probabilité de 2022 |
Prest. en nature : prix* Prest. monétaires : PIB/tête |
Quartile supérieur : 1 Autres : 1,1 en 2022, convergeant vers en 2070 |
Scénario de risque |
Si coût/tranche d'âge < moyenne européenne, il l'atteint en 2070 |
Si taux de prise en charge < moyenne européenne, il l'atteint en 2070 |
|||||
Convergence de la couverture |
Si taux de prise en charge < moyenne européenne, il l'atteint en 2070 |
||||||
Convergence des coûts |
Si coût/tranche d'âge < moyenne européenne, il l'atteint en 2070 |
||||||
Vieillissement en bonne santé |
× |
Toutes les années d'augmentation de l'espérance de vie sont sans handicap |
|||||
Pas de vieillissement en bonne santé |
× |
Taux de déoendance 2019-2021 par tranche d'âge constants |
Pour faciliter la lecture, pour les scénarios autres que le scénario de base, seules sont indiquées les différences par rapport au scénario de base.
* Pour prendre en compte la spécificité française, selon laquelle juridiquement les prestations monétaires sont indexées sur l'inflation (pour les autres pays l'hypothèse est celle d'une indexation sur le PIB/tête). Aux arrondis près, cela ne modifie pas la projection pour 2070 en points de PIB (2,6 points de PIB dans le scénario de base dans les deux cas).
Source : D'après Commission européenne, 2024 Ageing Report - Economic & Budgetary Projections for the EU Member States (2022-2070), Institutional Paper 279, avril 2024
Selon le scénario de base, à droit constant et qui suppose que la moitié des gains d'espérance de vie sont sans dépendance (en rouge sur le graphique), les dépenses en faveur de l'autonomie, actuellement de 1,9 point de PIB, passeraient de 2 points de PIB en 2030 à 2,3 points de PIB en 2040, puis augmenteraient de 0,1 point de PIB par an pour atteindre 2,6 points de PIB en 2070. Les dépenses augmenteraient donc de 2022 à 2050 de 0,7 point de PIB (soit actuellement environ 20 milliards d'euros).
Ce scénario de base prévoit des dépenses inférieures à celles des projections précitées de 2017 de la Drees. En effet, dans ce scénario, l'augmentation des dépenses de 2019 à 2060 (échéance des projections de la Drees) serait de 0,6 point de PIB, contre environ 1 point de PIB selon les projections de la Drees de 2014 à 2060. Toutefois le périmètre de dépenses prises en compte par la Commission européenne est plus large.
b) Un risque de forte augmentation des dépenses si le système était rendu plus favorable
Les coûts pourraient être considérablement plus élevés s'il était décidé d'améliorer la prise en charge. Le scénario projetant les dépenses les plus élevées est le « scénario de risque », qui suppose que pour chaque tranche d'âge les dépenses par bénéficiaire et la proportion de personnes prises en charge sont portées à la moyenne européenne (quand elles lui sont actuellement inférieures).
Dans ce scénario, le principal déterminant des dépenses ne serait plus la démographie, et les dépenses augmenteraient de manière linéaire jusqu'à atteindre 4,8 points de PIB en 2070, ce qui correspond à une augmentation de près de 3 points de PIB (soit actuellement environ 90 milliards d'euros).
* 447 HCFiPS, Rapport sur les perspectives de financement à moyen-long terme des régimes de protection sociale, juin 2017.
* 448 Romain Roussel, « Personnes âgées dépendantes : les dépenses de prise en charge pourraient doubler en part de PIB d'ici à 2060 », Drees, Études et résultats, n° 1032, octobre 2017.
* 449 Les dépenses privées de prise en charge de la dépendance (hors aide informelle) auraient été de 0,29 point de PIB en 2014.
* 450 Dans le scénario de référence du COR de juin 2025, cette croissance est de 0,7 %, conformément aux tendances passées et comme le préconise la Cour des comptes dans son rapport de février 2025 sur les retraites.
* 451 Le vieillissement de la population entraîne mécaniquement une augmentation du nombre de personnes atteintes de certaines pathologies, comme la démence. Toutefois, selon certaines études, les progrès médicaux, mais aussi le recours accru à des technologies d'assistance et l'amélioration de l'accessibilité des locaux, repoussent dans le temps l'apparition du handicap (cf. Bjorn Lindgren, The Rise in Life Expectancy, Health Trends among the Elderly, and the Demand for Care - A Selected Literature Review, NBER Working Paper No. 22521, août 2016).
* 452 Bien qu'en France les prestations monétaires soient juridiquement indexées sur les prix, sur le long terme il est plus probable que des revalorisations conduisent à ce qu'elles évoluent comme le PIB par habitant. Les prestations en nature devraient quant à elles voir leur prix augmenter comme le coût du travail. Toutefois ces hypothèses sont en partie conventionnelles.