B. UNE COOPÉRATION ÉTROITE AVEC LES AUTRES ADMINISTRATIONS À L'ÉCHELLE NATIONALE ET EUROPÉENNE, MAIS QUI POURRAIT ÊTRE ENCORE RATIONALISÉE ET FLUIDIFIÉE

1. L'Arcom s'est affirmée comme l'autorité de référence dans les domaines audiovisuel et numérique, assurant la coordination de nombreux services administratifs

Comme présenté plus haut, l'action de l'Arcom se déploie aujourd'hui dans un champ large de domaines, couvrant l'ensemble des sujets relevant de la communication audiovisuelle et numérique : attribution de fréquences, protection des publics, information et pluralisme, enjeux sociétaux, soutien à la création. Cette place centrale de l'Arcom a été confortée par les textes récents, au plan national ou au plan européen.

En particulier, la création de l'Arcom par la loi du 25 octobre 2021 s'est traduite par :

- une compétence unifiée sur l'ensemble du champ des contenus audiovisuels et numériques : lutte contre le piratage, protection des mineurs, lutte contre la désinformation et la haine en ligne ;

- une coordination renforcée entre la gestion des fréquences audiovisuelles, le contrôle des contenus et la protection des droits d'auteur ;

- des procédures rationalisées, avec un interlocuteur unique pour l'ensemble des obligations réglementaires ;

- le renforcement de la protection des droits des créateurs : mécanisme de « listes noires », dispositif de blocage ou de déréférencement des sites miroirs, mécanisme ad hoc de référé pour lutter contre les sites de streaming sportif ;

- de nouveaux pouvoirs en matière de conciliation et d'enquête.

Suivant l'analyse d'un groupe audiovisuel privé de premier plan, interrogé par le rapporteur, « la création de l'ARCOM est surtout venue modifier le rapport du grand public à l'institution au travers d'une plus grande publicité et meilleure identification du régulateur (...), entraînant donc une plus grande mobilisation des outils du régulateur et certainement une charge augmentée pour les services ».

Ainsi, la fusion entre le CSA et l'Hadopi représente une réussite, en ce qu'elle a permis de créer un régulateur unique aux prérogatives renforcées, identifié et reconnu par les acteurs régulés.

a) Les relations avec l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse : une coopération renforcée par la création d'un pôle numérique commun, une solution plus pertinente qu'une fusion des deux régulateurs sectoriels

Auditionné par la commission d'enquête du Sénat sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l'État, en avril dernier, M. Roch-Olivier Maistre a indiqué que la piste d'un rapprochement ou d'une fusion entre l'Arcom et l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) avait été envisagée, avant d'être écartée au profit de la signature d'une convention entre les deux autorités.

De fait, la fusion des deux autorités de régulation sectorielle, sur le modèle de régulation globale regroupant l'audiovisuel et les télécommunications, prévalant au Royaume-Uni, en Italie ou en Espagne, n'est pas apparu opportune pour plusieurs motifs :

l'examen des compétences respectives des deux autorités (régulation des infrastructures et des réseaux pour l'Arcep, régulation des contenus audiovisuels et numériques pour l'Arcom), comme de leurs évolutions possibles au regard des textes en cours de préparation, ne laissait apparaître ni recoupements ou chevauchements de compétences, ni à l'inverse de secteurs ou de problématiques non couverts ;

son coût administratif aurait été élevé à court terme et son impact en termes de rationalisation de l'action publique sans doute marginal à moyen terme ;

un tel rapprochement aurait pu s'opérer, s'agissant de l'Arcom, aux dépens de la montée en puissance sur les nombreuses nouvelles missions qui ont élargi sa compétence à de nouveaux acteurs du numérique (services de médias audiovisuels à la demande, plateformes numériques de partage de contenus - réseaux sociaux, moteurs de recherche) et à d'autres types ou technologies de piratage (streaming, piratage des retransmissions sportives) ;

la plupart des opérateurs « traditionnels » régulés par les deux autorités (éditeurs de services de médias audiovisuels et opérateurs télécoms) y étaient opposés, dans un contexte où la convergence effective des activités médias et télécoms au sein des groupes intégrés demeurait largement inaboutie ;

une approche unifiée aurait par ailleurs risqué de mettre au second plan certains enjeux liés à la régulation de ces acteurs traditionnels, qui répondent à des logiques et des corpus juridiques très différents.

D'après les éléments d'analyse comparée communiqués par l'Arcom, « si l'on a pu observer dans plusieurs pays européens un certain mouvement de fusion de régulateurs audiovisuels et télécom à la fin des années 90 (...) et au début des années 2000 (...), à l'époque où l'on parlait beaucoup de « la convergence entre les tuyaux et les contenus », en revanche, depuis plusieurs années, on n'observe plus un tel mouvement et nous n'avons pas connaissance de telles fusions en projet ou en cours au sein de l'UE. »55(*)

La question de la coopération a été résolue avec l'Arcep de manière adaptée, par le biais de :

- la conclusion d'une convention entre les deux autorités ;

- la réunion semestrielle des deux collèges pour traiter des sujets d'intérêt commun ;

- la création d'un service commun, le Pôle numérique, dont la direction est affectée, chaque semestre, en alternance, à l'Arcep ou à l'Arcom, notamment pour conduire des études en commun, par exemple sur les enjeux liés à la distribution des services audiovisuels ou à l'empreinte environnementale des usages audiovisuels.

Comme le souligne l'Arcom, les deux champs de régulation restent assez différents : « dans les télécommunications, la régulation a une nature technique et économique, tandis qu'elle a aussi et peut-être davantage trait aux contenus dans le champ audiovisuel »56(*). Cette analyse est partagée par l'Arcep, qui confirme que les compétences respectives des deux autorités sont « distinctes et clairement délimitées »57(*).

À cet égard, les autorités des États voisins ayant adopté le modèle de régulation globale audiovisuel-télécommunications conservent une organisation en silo distinguant nettement les deux domaines de compétences. De surcroît, en considérant l'ensemble des États membres de l'Union européenne, la régulation de l'audiovisuel et celle des télécommunications sont le plus souvent prises en charge par des autorités séparées. Pour autant, ainsi que le relève l'Arcep, « cette séparation nette des compétences peut (...) s'accompagner d'une forte coopération institutionnalisée, comme dans le cas de la France ».

Enfin, les nouvelles missions confiées à l'Arcom (ou qui vont lui être confiées) en application des textes européens58(*) devraient ancrer davantage l'Arcom dans la régulation des contenus et la supervision des plateformes numériques et n'induisent aucune interaction avec les compétences de l'Arcep et les corpus juridiques qu'elle applique.

Cette appréciation est corroborée par l'analyse d'un groupe audiovisuel privé de premier plan, qui observe qu'une fusion entre les deux autorités « ne semble pas essentielle pour répondre aux difficultés structurelles et conjoncturelles - davantage liées au cadre normatif national qu'à son régulateur ». En particulier, « face à l'émergence de certains combats portés par les opérateurs de télécommunications, en ce compris la rémunération de la bande passante par les services de vidéo (dit « fair share »), il semblerait en outre difficile de pouvoir demander à un régulateur unique de se positionner face à un tel hiatus » opposant acteurs de l'audiovisuel et acteurs des télécommunications.

De même, Radio France relève qu'un tel rapprochement soulèverait des difficultés importantes « au regard du temps que prendrait la mise en oeuvre concrète de la fusion entre tous les régulateurs (problèmes administratifs, immobiliers, de personnel), au moment même où des sujets de fond demandent toute l'attention de l'Arcom »59(*).

Les opérateurs de télécommunications soutiennent également la solution adoptée pour la coopération entre les deux autorités de régulation. Ainsi, Iliad-Free note que « l'Arcep et l'Arcom ont des champs d'intervention distincts et complémentaires (...). Ces logiques relèvent de champs d'intervention distincts et parfois difficilement conciliables et une fusion risquerait d'affaiblir la régulation sectorielle, notamment au détriment du financement et de la spécificité du secteur culturel »60(*). De même, Bouygues Telecom indique accueillir « très favorablement » le travail concerté de l'Arcom et de l'Arcep « qui permet d'adresser un certain nombre de sujets transversaux pour les marchés qu'elles régulent. C'est le cas notamment des problématiques liées à la réduction de l'empreinte environnementale du numérique »61(*).

b) Les relations avec l'Autorité de la concurrence : une articulation fluide des contrôles tant en matière de concentrations que de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles

S'agissant des aspects relatifs à la concurrence, l'Arcom entretient également des relations fluides avec l'Autorité de la concurrence, que ce soit en matière de contrôle des concentrations ou en matière de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles.

Comme le relève le rapport de la commission d'enquête du Sénat sur la concentration dans les médias62(*), « l'Autorité de la concurrence et l'Arcom interviennent dans deux champs de compétences distincts et complémentaires ». Alors que l'Autorité de la concurrence poursuit une approche économique, appliquant les règles de concurrence du code du commerce, l'examen de l'Arcom se fonde en effet sur des critères de pluralisme et d'intérêt du public.

Cadre applicable au contrôle des concentrations
dans le domaine des médias audiovisuels

Le contrôle des concentrations de droit commun exercé par l'Autorité de la concurrence

Toutes les opérations qui dépassent un certain seuil de chiffre d'affaires sont soumises à l'examen de l'Autorité de la concurrence. Ce contrôle s'applique à tous les secteurs de l'économie, y compris au secteur des médias. L'objectif poursuivi est de veiller à ce que les opérations de concentration ne réduisent pas la concurrence sur les marchés concernés. En d'autres termes, les opérations ne doivent pas engendrer pour le consommateur une hausse de prix ou encore une dégradation de la qualité ou de la diversité des services et produits concernés par l'opération.

Le contrôle sectoriel des concentrations (ou dispositif dit « anti-concentration ») exercé par l'Arcom

Le contrôle sectoriel exercé par l'Arcom vise pour sa part à favoriser le pluralisme des médias (audiovisuel, radio et presse écrite), par le biais du maintien d'une dispersion suffisante du capital des éditeurs de chaînes de télévision, garantie par une triple série de restrictions apportées à la croissance interne et externe des groupes audiovisuels : des restrictions concernant la composition du capital social des services de télévision , la limitation du nombre d'autorisations de diffusions pour des services de radio et de télévision , et des restrictions concernant la concentration multimédia, matérialisée par la règle dite des « deux sur trois ». La loi de 1986 modifiée prévoit ainsi, à son article 42-3, que tout changement de contrôle direct ou indirect d'un titulaire d'une autorisation de diffusion (radio ou télévision) est soumis à une procédure d'agrément devant l'Arcom.

Source : commission des finances, d'après les réponses de l'Autorité de la concurrence au questionnaire du rapporteur

Ainsi que le souligne l'Autorité de la concurrence, « l'objectif de maintien de la concurrence (diversité de l'offre, des acteurs et des contenus) poursuivi par l'Autorité de la concurrence et celui de protection du pluralisme poursuivi par l'Arcom sont complémentaires mais ne se confondent pas »63(*), ce qui justifie qu'une même opération puisse être contrôlée par les deux autorités, chacune sur la base de ses propres critères d'analyse.

La coopération entre les deux autorités est prévue à l'article 41-4 de la loi du 30 septembre 1986, lequel dispose que l'Autorité de la concurrence recueille l'avis de l'Arcom avant de se prononcer sur un cas d'opération de concentration ou de pratiques anticoncurrentielles relevant du secteur audiovisuel.

En matière de contrôle des concentrations64(*), la saisine de l'Arcom par le régulateur concurrentiel est :

facultative pour l'instruction d'opérations de concentration en phase 1 (première phase d'instruction par l'Autorité de la concurrence).

obligatoire pour l'instruction d'opérations de concentration en phase 2 (seconde phase d'instruction par l'Autorité de la concurrence, réservée aux opérations les plus complexes).

Comme le souligne l'Autorité de la concurrence, « dans de nombreux cas de figure, la coopération entre les deux autorités se met en place de manière informelle dès les premières phases d'examen de l'opération (pré-notification / phase 1), soit avant que l'obligation légale (...) ne soit applicable ».

Symétriquement, l'Arcom peut saisir pour avis l'Autorité de la concurrence des questions de concurrence et de concentration dont elle a connaissance dans le secteur de la radio, de la télévision et des services de médias audiovisuels à la demande65(*). Comme le relève l'Autorité de la concurrence, « les exemples de saisine formelle par l'Arcom de l'Autorité de la concurrence dans ce cadre ne sont pas nombreux ». Cette situation peut s'expliquer par le fait que la majorité des opérations contrôlées par l'Arcom sont également contrôlées par l'Autorité, et la coopération s'insère alors dans le cadre légal précédemment décrit.

Ainsi, la coopération entre les deux autorités en matière de contrôle des concentrations « s'avère satisfaisante et aucune difficulté particulière à cet égard ne semble devoir être signalée »66(*).

Exemples de coopération entre l'Arcom et l'Autorité de la concurrence
en matière de contrôle des concentrations

La prise de contrôle d'OCS et d'Orange Studio par le groupe Canal + (2024)

Dans le cadre de la prise de contrôle exclusif des sociétés OCS et Orange Studio par le groupe Canal +, autorisée par l'Autorité de la concurrence en janvier 2024 (décision de phase 1 avec engagements), des échanges informels ont eu lieu en phase 1 entre l'équipe d'instruction de l'Autorité de la concurrence et l'Arcom pour faire état de la procédure en cours. Une note d'observation adoptée par le collège de l'Arcom a également été envoyée à l'Autorité de la concurrence en cours de phase 1. Si cette acquisition n'a pas fait l'objet d'un contrôle de la part de l'Arcom, l'Autorité de la concurrence a pris en compte, dans le cadre de la négociation des engagements de Canal +, l'avis exprimé par l'Arcom dans sa note d'observation, notamment s'agissant des risques identifiés pour la diversité du cinéma français et l'accès au catalogue de films de la nouvelle entité.

La prise de contrôle d'Altice Média par le groupe CMA CGM (2024)

Dans le cadre de la prise de contrôle exclusif de la société Altice Média (groupe RMC/BFM) par le groupe CMA CGM, autorisée par l'Autorité de la concurrence en juin 2024 (décision de phase 1 avec engagements), la coopération entre les deux institutions s'est déroulée à deux niveaux : d'une part, une coopération sur des questions de coordination de calendrier entre la procédure devant l'Autorité de la concurrence et celle devant l'Arcom ; d'autre part, une coopération sur le fond du dossier, afin que l'Arcom puisse éclairer l'Autorité de la concurrence, aux fins de l'instruction, sur certains aspects de la réglementation sectorielle applicable, ou encore sur les engagements en discussion devant l'Autorité, dans la mesure où la décision de l'Arcom était elle aussi assortie d'engagements. L'Arcom a donné son agrément le même jour, assorti d'engagements relatifs à certaines obligations déontologiques pesant sur le groupe CMA CGM.

Le projet de prise de contrôle du groupe Métropole Télévision par le groupe Bouygues (2022)

Dans le cadre de l'examen du projet de fusion TF1/M6, dernière opération dans le secteur audiovisuel ayant fait l'objet d'un examen approfondi de phase 2 par l'Autorité de la concurrence, la coopération entre les deux autorités de régulation a été soutenue tout au long du dossier, notamment à travers : des contacts précoces dès la phase de pré-notification et des échanges réguliers par la suite ; une demande d'observations envoyée par l'Autorité de la concurrence au CSA dès la phase de pré-notification, en l'absence d'obligation légale à ce stade (en novembre 2021) ; une saisine formelle de l'Arcom pour avis au moment du passage de la phase 1 à la phase 2 (en mars 2022), et une réception de l'avis de l'Arcom dans le délai légal d'un mois (en avril 2022).

Source : commission des finances, d'après les réponses de l'Arcom et de l'Autorité de la concurrence aux questionnaires du rapporteur

En matière de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles dans le secteur audiovisuel, l'Autorité de la concurrence peut solliciter l'avis de l'Arcom sur le fondement de l'article 41-4, alinéa 2, de la loi du 30 septembre 1986 et de l'article R. 463-9 du code de commerce. De fait, l'avis de l'Arcom a été demandé à plusieurs reprises par le régulateur concurrentiel au cours des dernières années.

Symétriquement, l'Arcom peut solliciter l'avis de l'Autorité de la concurrence sur le fondement de l'article 41-4, alinéas 3 et 4, de la loi du 30 septembre 1986.

Exemples de coopérations récentes entre l'Arcom (ex-CSA) et l'Autorité de la concurrence en matière de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles

Une série d'affaires concernant les droits de diffusion des compétitions de football a été portée devant l'Autorité de la concurrence et a impliqué la consultation de l'Arcom :

par une décision du 11 juin 2021, l'Autorité de la concurrence a rejeté pour défaut d'éléments probants une demande de Canal +, qui contestait les modalités de l'appel d'offres par lequel la Ligue de football professionnelle (LFP) avait remis en jeu les droits de diffusion précédemment attribués à Mediapro. Cet appel d'offres était resté infructueux et, avant même adjudication, Canal + avait saisi l'Autorité de la concurrence en reprochant à la LFP un abus de position dominante pour n'avoir remis sur le marché que les seuls droits restitués par Mediapro, sans inclure les droits correspondant à un précédent lot, alors attribué pour un prix élevé à beIN Sports, qui les avait ensuite sous-licenciés à Canal +. Le CSA a été consulté dans ce cadre ;

parallèlement, l'Autorité de la concurrence a été saisie par Mediapro d'une plainte assortie d'une demande de mesures conservatoires (demande accessoire par la suite abandonnée) pour abus de position dominante, reprochant à Canal + les conditions de distribution de sa chaîne spécialisée dans le football, qui lui auraient été défavorables et lui auraient interdit de pénétrer le marché. L'Arcom a rendu un avis dans ce cadre. Par une décision du 4 octobre 2023, l'Autorité de la concurrence a rejeté la plainte pour défaut de priorité dans la mesure où, notamment, les griefs contre Canal + obéissaient davantage à une logique indemnitaire et un même contentieux avait été introduit devant le Tribunal de commerce ;

par ailleurs, l'Autorité de la concurrence a été saisie des plaintes respectives de beIN et de Canal + contre la LFP, qui lui reprochaient le contrat de gré à gré consenti à Amazon, et arguaient d'un traitement discriminatoire à leur endroit. L'Arcom a rendu un avis dans ce cadre et, par une décision du 30 novembre 2022, l'Autorité de la concurrence a rejeté les plaintes pour défaut d'éléments suffisamment probants.

Source : commission des finances d'après les réponses de l'Autorité de la concurrence au questionnaire du rapporteur

Au regard des cas de coopérations récentes en matière de pratiques anticoncurrentielles, l'Autorité de la concurrence a ainsi indiqué ne pas identifier de marges de progression particulières dans ce domaine.

Enfin, au-delà des coopérations prévues par la loi, les deux autorités organisent, depuis 2023 et de façon annuelle et biannuelle, des séminaires communs, destinés à l'échange entre services et à la présentation d'éventuels sujets/enjeux d'intérêts commun.

c) Les relations avec la Commission nationale de l'informatique et des libertés et la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes : une coopération accentuée dans le cadre de la mise en oeuvre du règlement européen sur les services numériques

La loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique (SREN), adaptant le droit français au règlement européen sur les services numériques (RSN), a confié la mise en oeuvre de nouvelles missions de régulation à l'Arcom, à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) et à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).

La loi SREN a désigné l'Arcom comme coordinateur des services numériques, soit l'Autorité de référence pour l'application du RSN. Elle dispose ainsi d'une compétence de principe sur l'ensemble du RSN, à l'exception des compétences personnelles et matérielles limitées qui sont attribuées à la CNIL et à la DGCCRF.

Compétences de la CNIL et de la DGCCRF au titre de la mise en oeuvre du RSN

Compétences de la CNIL

Le législateur a fait évoluer les missions de la CNIL en modifiant la loi « Informatique et Libertés » (n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés). Le nouvel article 124-5 de la loi prévoit ainsi que la CNIL veille au respect, par les fournisseurs de plateformes en ligne qui ont leur établissement principal en France ou dont le représentant légal réside ou est établi en France, des obligations relatives :

- à l'information des personnes concernant la publicité présentée sur leurs interfaces en ligne (article 26-1-d du RSN) ;

- à l'interdiction de présentation de publicités fondées sur le profilage sur la base de données dites « sensibles » (données de santé, relative aux opinions politiques, notamment) (article 26-3 du RSN) ;

- à l'interdiction de la présentation aux mineurs de publicités fondées sur le profilage (article 28-2 du RSN).

Compétences de la DGCCRF

La DGCCRF intervient pour s'assurer du respect, par les fournisseurs de places de marché en ligne établis sur le territoire national, des obligations relatives :

- à la sécurité : les plateformes doivent réaliser des contrôles aléatoires automatisés visant à identifier et retirer les annonces présentant des produits illicites ou dangereux (article 31 du RSN). En cas de signalement d'un produit non conforme, elles sont tenues d'informer tous les consommateurs ayant acquis ce produit au cours des six derniers mois (article 32 du RSN) ;

- à la transparence : les plateformes doivent garantir l'identification claire des vendeurs présents sur leur place de marché (article 30 du RSN) ainsi que la complétude des informations précontractuelles communiquées aux consommateurs (prix, délais de livraison, modalités de paiement, étiquetage, notamment), afin de permettre un consentement éclairé (article 31 du RSN) ;

- à la loyauté : les plateformes sont tenues de ne pas recourir à des pratiques dites de « dark patterns » (article 25 du RSN), c'est-à-dire des procédés susceptibles de manipuler le consentement ou le comportement des utilisateurs.

Source : commission des finances, d'après les réponses de la CNIL et de la DGCCRF aux questionnaires du rapporteur

L'application du nouveau cadre de régulation des services numériques nécessitant une articulation efficace entre les trois autorités compétentes, prévue par l'article 7-2 de la loi pour la confiance dans l'économie numérique, une convention de coopération tripartite a été signée le 27 juin 2024. Cette convention :

organise la coopération entre autorités compétentes pour la mise en oeuvre du RSN concernant les modalités de partage d'informations entre autorités, de coopération aux enquêtes nationales et européennes et de participation à la coopération européenne, ainsi que de coopération dans le cadre du traitement des plaintes ;

prévoit des mesures de coopération volontaires entre autorités compétentes (par exemple, la mise en place de groupes de travail thématiques) ;

fixe des mesures de coopération spécifiques entre l'Arcom et la CNIL dans le cadre du processus d'agrément permettant l'accès des chercheurs aux données des plateformes dans le cadre de l'article 40 du RSN.

Par ailleurs, l'article 51 de la loi SREN a institué un réseau national de coordination de la régulation des services du numérique composé de six autorités ou agences (Arcom, CNIL, Arcep, Autorité de la concurrence, Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information, Autorité des relations sociales des plateformes d'emploi) et six représentants des administrations centrales. Il est présidé pour une durée de 18 mois alternativement par les ministres chargés du numérique et de la culture. Son secrétariat est assuré par la Direction générale des entreprises (DGE).

Le réseau s'est réuni une première fois en début d'année 2025 pour élaborer un programme de travail qui repose sur trois thèmes :

la protection des mineurs en ligne ;

l'intégrité des élections ;

la simplification et les boites à outils.

D'après le retour d'expérience de la DGCCRF, le partage d'informations entre les trois autorités « s'effectue de manière régulière, fluide et confiante, dans un esprit de coopération étroite et dans le respect des prérogatives de chacun »67(*). Ce dialogue interadministratif est structuré par des échanges continus, ainsi que par l'organisation formalisée d'une réunion tripartite trimestrielle. Cette instance de coordination permet d'assurer un suivi approfondi des plaintes des utilisateurs de plateformes numériques, ainsi que des enquêtes menées à l'encontre des opérateurs régulés au titre du RSN. De même, s'agissant de la collaboration bilatérale entre la DGCCRF et l'Arcom, les modalités de coordination « sont particulièrement opérationnelles pour le lancement et la réalisation des enquêtes »68(*).

2. Alors que la multiplication des missions exercées par l'autorité crée un risque de dispersion de ses moyens, celle-ci doit pouvoir mieux s'appuyer sur les autres administrations

De fait, l'extension croissante des missions confiées à l'Arcom peut, à terme, induire une dispersion des moyens du régulateur, en l'absence de priorisation claire par le législateur.

Dans ce contexte, la coopération avec les autres autorités et administrations intervenant dans le domaine des médias audiovisuels et numériques pourrait bénéficier d'une mutualisation accrue des expertises entre services. De fait, il s'agirait de poursuivre l'initiative engagée à travers le pôle numérique commun Arcep-Arcom, en déployant des actions analogues avec les autres autorités et administrations.

Recommandation n° 6. Renforcer la mutualisation des expertises avec les autres autorités et administrations intervenant dans des domaines connexes (Arcom, Autorité de la concurrence, Arcep, CNIL, DGMIC, DGCCRF).

Par ailleurs, le transfert de certaines compétences spécifiques pourrait être envisagé, afin de décharger l'Arcom de missions qui pourraient être traitées aussi efficacement par d'autres institutions, notamment en matière de contentieux.

Dans une note récente69(*), M. Roch-Olivier Maistre recommande ainsi, pour les incriminations prévues par la loi de 1881 sur la liberté de la presse (injure, diffamation, etc.), d'aligner les médias audiovisuels sur le même régime juridique que celui applicable à la presse écrite, en confiant au juge la compétence actuellement détenue par l'Arcom.

D'après l'ancien président de l'Arcom, « rien ne semble plus justifier aujourd'hui la spécificité du régime juridique applicable aux médias audiovisuels dans ce domaine, tant pour des raisons de principe que d'articulation juridique entre les deux corpus juridiques et de lourdeur des procédures mises en oeuvre par l'autorité de régulation »70(*).

En revanche, l'Arcom, en tant qu'autorité de régulation sectorielle, devrait conserver « certaines de ses prérogatives propres liées au régime d'autorisation des éditeurs à émettre sur des fréquences appartenant à l'État : sauvegarde de l'ordre public, protection de la jeunesse, lutte contre les discriminations, honnêteté et indépendance de l'information, respect du droit à la vie privée et de la dignité de la personne humaine »71(*).

Interrogé par le rapporteur, M. Maistre a confirmé qu'une telle mesure de transfert au juge judiciaire (en l'occurrence, la dix-septième chambre du tribunal judiciaire de Paris) du contentieux relatif aux incriminations prévues par la loi de 1881 actuellement traité par l'Arcom s'inscrivait dans le cadre d'une évolution globale de la régulation des médias.

Si cette question dépasse assurément le champ du présent rapport de contrôle budgétaire, le rapporteur considère qu'un transfert de contentieux mériterait d'être envisagé, car il permettrait non seulement d'unifier le régime juridique applicable aux différents médias (médias audiovisuels et presse écrite), mais également d'alléger les missions du régulateur, lequel pourra ainsi se concentrer sur le coeur de ses prérogatives.


* 55 Réponses de l'Arcom au questionnaire général du rapporteur.

* 56 Ibid.

* 57 Réponses de l'Arcep au questionnaire du rapporteur.

* 58 Règlement sur les services numériques, règlement sur la liberté des médias, règlement sur la publicité politique, règlement sur l'intelligence artificielle.

* 59 Réponses de Radio France au questionnaire du rapporteur.

* 60 Réponses d'Iliad-Free au questionnaire du rapporteur.

* 61 Réponses de Bouygues Telecom au questionnaire du rapporteur.

* 62 Rapport n° 593 (2021-2022) de M. David Assouline, au nom de la commission d'enquête afin de mettre en lumière les processus ayant permis ou pouvant aboutir à une concentration dans les médias en France et d'évaluer l'impact de cette concentration dans une démocratie, mars 2022.

* 63 Réponses de l'Autorité de la concurrence au questionnaire du rapporteur.

* 64 Article 41-4, alinéa 1, de la loi du 30 septembre 1986.

* 65 Article 41-4, alinéa 4, de la loi du 30 septembre 1986.

* 66 Réponses de l'Autorité de la concurrence au questionnaire du rapporteur.

* 67 Réponses de la DGCCRF au questionnaire du rapporteur.

* 68 Ibid.

* 69 Roch-Olivier Maistre, « Médias audiovisuels et numérique : pour une nouvelle donne », octobre 2025, Haut-commissariat à la Stratégie et au Plan, La Collection du Plan, n° 7.

* 70 Obligation de mise en demeure préalable avant toute sanction, réitération du manquement ayant fait l'objet d'une mise en demeure avant tout engagement d'une procédure de sanction, opportunité des poursuites et instruction confiée à un rapporteur indépendant.

* 71 Roch-Olivier Maistre, « Médias audiovisuels et numérique : pour une nouvelle donne », octobre 2025, Haut-commissariat à la Stratégie et au Plan, La Collection du Plan, n° 7.

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