II. UNE ENTORSE AUX PRINCIPES : L'ABSENCE DE COLLECTIF SOCIAL

Examinant, le 13 janvier 2000, la loi relative à la réduction négociée du temps de travail, le Conseil Constitutionnel 8( * ) déclarait contraire à la Constitution la taxation des heures supplémentaires.

La recette correspondant, telle qu'évaluée par le Gouvernement, soit 7 milliards de francs, était inscrite dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, promulguée une quinzaine de jours auparavant, le 29 décembre 1999.

Lors de la réception des conseils économiques et sociaux régionaux le 19 janvier 2000, M. le Président de la République déclarait :

" L'ancrage du dialogue social dans notre démocratie doit être renforcé. Cela n'implique pas, bien sûr, que l'Etat doive se tenir toujours à l'écart du champ social, comme si le législateur n'avait pas pour vocation de poser des principes, d'établir des garanties, de donner l'impulsion aux changements nécessaires pour développer l'activité et pour améliorer les systèmes de protection sociale.

" C'est d'ailleurs dans cet esprit que j'ai voulu en 1996 que le Parlement se prononce chaque année sur l'équilibre de la sécurité sociale. C'est une réforme à mes yeux essentielle et je suis très attentif à ce que les nouveaux droits du Parlement dans ce domaine soient toujours respectés .

" Je promulguerai aujourd'hui, c'est ainsi, en l'état comme la Constitution le prévoit, la loi sur la réduction du temps de travail, dans toutes celles de ses dispositions qui n'ont pas été jugées contraires à la Constitution par la récente décision du Conseil constitutionnel. Mais cette décision juridictionnelle affecte les conditions de l'équilibre financier de la sécurité sociale que le Parlement vient, par ailleurs, de déterminer. Pour que les droits du Parlement, soient pleinement respectés, je souhaite qu'une loi de financement rectificative soit soumise dans les meilleurs délais au Parlement ". 9( * )


La réaction du " ministère de la solidarité " 10( * ) à ce souhait du premier personnage de l'Etat, a pris la forme d'un argumentaire distribué à la presse :

" Loi de financement rectificative

" Après la promulgation par le Président de la République de la loi sur les 35 heures, l'opposition tente de susciter une polémique autour de la suppression de la contribution de 10 %.

" Les 7 milliards de francs de cette contribution sont à mettre en regard des 64 milliards de dépenses du fonds, dont 40 milliards seront financés par une affectation de droits tabac, 7,5 milliards par la contribution sur les bénéfices et la TGAP, 5,6 milliards de droits alcool et 4,3 milliards de contribution de l'Etat, soit 57 milliards de ressources au total.

" Il est possible d'ores et déjà d'indiquer les grandes lignes qui permettront d'équilibrer le fonds.

" Du fait des excellents résultats économiques et sociaux de 1999, les recettes de la contribution sur les bénéfices et de la TGAP seront plus importantes que prévu ; il faut rappeler que la LFSS et la LF ont été construites sur des prévisions qui datent de septembre. Il en va de même pour les droits sur les tabacs, dont 85,5 % sont affectés au fonds d'allégement.

" Au total, cela devrait compenser la majeure partie de la perte de recettes pour le fonds d'allégements de charge.

" De plus, conformément aux dispositions de la loi de financement pour 2000, le fonds doit être équilibré. Il le sera donc. Au cas où des recettes supplémentaires seraient nécessaires, des moyens supplémentaires seront apportés en gestion au cours de l'année 2000 qui n'impacteront pas la sécurité sociale.

" Les recettes 1999 et les nouvelles perspectives pour 2000 sont en cours d'examen. Des éléments plus précis seront communiqués au Parlement dès que cet examen sera achevé.

" Le Gouvernement s'engageant à équilibrer le fonds comme le prévoit la loi, la sécurité sociale sera intégralement remboursée des exonérations de cotisations patronales. Il n'y aura donc aucune perte de recette. Au contraire, les cotisations sur la rémunération des heures supplémentaires viendront abonder les recettes de la sécurité sociale et auront un impact positif sur ses comptes.

" En outre, l'opposition fait une mauvaise lecture de la loi organique. Quand bien même il y aurait un impact sur les comptes, une loi de financement rectificative ne s'imposerait pas pour autant.

" La loi de financement prévoit des recettes et fixe des objectifs de dépenses. Elle ne comporte pas d'articles d'équilibre.

" Ce sont des lois qui tracent un cadre pour l'action des pouvoirs publics. Les lois de financement rectificative n'ont été prévues que pour éviter que des lois ordinaires puissent venir modifier ce cadre.

" Il serait bien évidemment aberrant de débattre d'une loi de financement rectificative dès lors qu'un des paramètres des prévisions est modifié. Nous devrions réunir le Parlement, chaque mois, dès la première grippe. "

" Il est étonnant que ceux qui sont à l'origine de la loi organique de 1996 n'aient pas une connaissance précise du texte qu'ils ont soutenu et voté.

" Nous avons d'ailleurs un précédent éclairant qui démontre l'esprit de ce texte. La loi de financement pour 1997, adoptée fin 1996, prévoyait un déficit de 29 milliards de francs du régime général. Lorsque de nouvelles prévisions ont été établies au cours de 1997, le déficit prévisionnel s'élevait à 37 milliards (il s'est établi définitivement à 34 milliards). Le Gouvernement d'alors n'a pas proposé, au cours du premier semestre 1997, une loi de financement rectificative. L'opposition actuelle ne s'est pas manifestée pour l'exiger lors de l'arrivée du nouveau Gouvernement.

" L'interprétation de la loi organique, c'est donc l'opposition actuelle qui l'a fondée lorsqu'elle était aux affaires. Cela démontre l'aspect dérisoire de la polémique qu'elle tente de susciter.

" Ceux qui sont responsables d'un déficit cumulé du régime général de 240 milliards de francs sur la période 1993-1996 n'ont aucune leçon de gestion et de clarté à nous donner.

" M. Juppé promettait fin 1995 au Parlement 11 milliards d'excédent en 1997, le déficit s'est établi à 34 milliards de francs. Qui se moque du Parlement ? ". 11( * )


Ce sont ces considérations qui ont été reprises, notamment par M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville, lors des questions au Gouvernement au Sénat 12( * ) .

A. TROIS OBSERVATIONS À LA MARGE

Cet argumentaire du ministère appelle de la part de votre commission quelques observations de détail.

Les 7 milliards de francs de la taxation des heures supplémentaires censurée par le Conseil constitutionnel ne représentent certes en 2000 que 11 % des recettes affectées au fonds de financement des trente-cinq heures (64 milliards de francs).

Mais cette recette nouvelle était censée couvrir, toujours en 2000, plus de la moitié des dépenses nouvelles (13,5 milliards de francs) occasionnées par la loi dite " Aubry II ".

Cette perte de recette serait, selon le ministère, compensée par le produit, plus important que prévu, de la contribution sur les bénéfices et de la taxation générale des activités polluantes, voire des droits sur les tabacs.

Cette argumentation -qui relève au demeurant de l'affirmation- en dit long sur la sincérité du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 : le Gouvernement se félicite benoîtement, moins d'un mois après sa promulgation, que ce texte repose sur des prévisions erronées et y voit paradoxalement un argument décisif pour ne pas mettre en chantier une loi rectificative.

Enfin il est réellement injuste de faire grief au Gouvernement de n'avoir pas présenté un projet de loi de financement rectificative pour 1997.

Le Gouvernement de... M. Lionel Jospin n'est entré en effet en fonctions que le 5 juin 1997 à l'issue de la dissolution de l'Assemblée nationale prononcée le 21 avril et des élections qui ont suivi. Il aurait fallu en outre qu'il réunisse avant le 15 juin la Commission des comptes de la sécurité sociale 13( * ) , ce qu'il n'a pas fait.

Ce grief est d'autant moins fondé que, comme le souligne le communiqué du ministère, le déficit de 1997, évalué à 29 milliards de francs par la loi de financement initiale, s'est établi en définitive à 34 milliards de francs, soit un écart de 5 milliards de francs, soit encore nettement moins que la recette de 7 milliards de francs qui fait défaut dès le début de l'exercice 2000.

Mais, au-delà de son ton particulièrement polémique et inutilement discourtois, cet argumentaire révèle en réalité une conception inquiétante des prérogatives du Parlement et une lecture a minima de la réforme constitutionnelle de 1996 créant les lois de financement de la sécurité sociale qui méritent, l'une et l'autre, un examen attentif.

B. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL : UNE " MAUVAISE GRIPPE " ?

Il est d'abord particulièrement fâcheux d'assimiler les conséquences d'une décision du Conseil constitutionnel qui, selon la Constitution 14( * ) , " s'impose aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles " , à la modification " d'un des paramètres de prévision " 15( * ) ou encore aux effets d'une " première grippe ".

Il est certes évident que tout écart apparaissant en cours d'année entre les prévisions de recettes et le rythme des encaissements observés au fil des mois, ou encore entre les objectifs de dépenses arrêtés en loi de financement et l'évolution effective des prestations ou des remboursements ne conduit pas automatiquement au dépôt d'un projet de loi de financement rectificative.

De ce point de vue, les lois de financement de la sécurité sociale sont moins contraignantes pour le Gouvernement que les lois de finances.

Dans les premières, les objectifs de dépenses ne constituent pas un plafond conduisant à interrompre le versement des prestations ou les remboursements. Dans les secondes, les crédits budgétaires sont, en principe (hors crédits évaluatifs, hors décret d'avance...), limitatifs.

En conclure, comme le fait le Gouvernement, qu'au motif qu'elles ne comportent pas d'article d'équilibre, les lois de financement de la sécurité sociale, " vivent leur vie " une fois votées, sans qu'il soit besoin en aucun cas de " réunir le Parlement ", est manifestement abusif.

L'article 34 de la Constitution indique en effet que " les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier ".

Si les mots ont un sens cela veut dire que si " l'équilibre financier de la sécurité sociale " se dégrade massivement voire substantiellement en cours d'année, il est du devoir du Gouvernement -dont c'est une prérogative exclusive- de déposer un " collectif ".

Cela veut dire probablement également que si la consistance de cet équilibre se modifie fortement -par exemple sous la forme d'une grave dérive des dépenses même compensée par des surcroîts importants de recettes- une lecture de la constitution respectueuse de l'esprit de la réforme conduirait là encore à " réunir le Parlement " .

Il ne s'agit donc pas effectivement de réunir le Parlement " chaque mois dès la première grippe " .

Pour les lois de finances elles-mêmes, le Conseil Constitutionnel 16( * ) a réservé l'obligation dans laquelle se trouverait le Gouvernement de déposer un collectif budgétaire au cas où " il apparaît que les grandes lignes de l'équilibre économique et financier définies par la loi de finances de l'année se trouveraient, en cours d'exercice, bouleversées ".

C. IL N'Y A QUE LE PREMIER PAS QUI COÛTE

Dès lors que le Gouvernement se montre soucieux de ne pas réunir inutilement le Parlement 17( * ) pour une simple décision du Conseil constitutionnel, il n'est pas illogique qu'il décide en cours d'année de corriger lui-même la loi de financement de la sécurité sociale.

Fort de sa lecture a minima de la réforme de 1996, il n'est guère étonnant que le Gouvernement ait annoncé des mesures et pris des décisions qui, toutes, modifient les objectifs de dépenses votés par le Parlement.

Si les lois de financement sont " des lois qui tracent un cadre pour l'action des pouvoirs publics " 18( * ) , force est de constater que le Gouvernement ne se sent pas gêné aux entournures.

En effet, dès le début de l'année, le Gouvernement a pris une série de décisions consistant en autant de modifications des objectifs de dépenses figurant aux articles 39 (objectifs de dépenses par branche) et 40 (objectif national de dépenses d'assurance maladie) de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 :

- l'accord donné le 11 février 2000 à la création, à la CNAMTS, de 600 emplois pérennes, dont 500 emplois jeunes, et 2000 mois de contrats à durée déterminée en sus des 1.400 postes décidés fin 1999 ;

- l'accord donné en février 2000 à la création de 900 emplois à la CNAF ;

- le protocole d'accord conclu le 13 mars sur le statut professionnel des praticiens hospitaliers ;

- le protocole d'accord du 14 mars sur la modernisation du service public hospitalier ;

- l'accord signé le 3 mai 2000 avec les représentants des internes des hôpitaux.

Votre rapporteur, chargé des équilibres financiers des lois de financement de la sécurité sociale, a jugé utile, le 21 mars 2000, d'adresser à Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, un questionnaire dont les réponses lui sont parvenues le 19 mai dernier 19( * ) .

Ces questions et réponses figurent ci-après, accompagnées des observations de vos rapporteurs.

Question n° 1 . Analyser les conséquences sur les comptes de la sécurité sociale de la décision de la CJCE du 15 février 2000 concernant l'assujettissement des travailleurs frontaliers à la CSG et à la CRDS :

- champ d'application de cette décision (Suisse, Monaco, ...) ;

- montant des sommes perçues sur les frontaliers depuis la mise en place de ces prélèvements ;

- date et fondement juridique d'une éventuelle suspension de recouvrements ;

- montant des remboursements à effectuer ;

- imputation de ces versements dans les comptes des organismes de sécurité sociale ;

- modalités de remboursement aux intéressés.


Réponse : La réponse fournie, s'agissant des données chiffrées, ne traite que de la CSG, la CRDS frontalier étant recouvrée par voie de rôle par l'administration fiscale.

- Champ d'application de la décision de la CJCE

En première analyse le champ d'application des arrêts rendus le 15 février 2000 par la CJCE est circonscrit aux pays inclus dans le champ d'application matériel du règlement (CE) 1408/71.

Toutefois, compte tenu, tant des accords bilatéraux signés entre l'Union Européenne et la Fédération Helvétique sur l'extension à ce pays du champ d'application du règlement (CE) 1408/71, que des termes de la convention bilatérale franco-monégasque en matière de sécurité sociale, on a considéré que les remboursements qui seront effectués doivent également concerner les travailleurs frontaliers exerçant leur activité dans des Etats non-membres de l'UE, notamment les travailleurs frontaliers exerçant leur activité en Suisse et à Monaco.

- Montant des sommes perçues sur les frontaliers, depuis la mise en place de ces prélèvements

Dès 1994, les pouvoirs publics ont suspendu la mise en recouvrement de la CSG due par les travailleurs frontaliers (lettre ministérielle du 20 novembre 1994). Aussi, les sommes perçues l'ont été entre 1991 et la fin de l'année 1994.

Des données actuellement communiquées par l'ACOSS, il ressort qu'environ 80 millions de francs ont été encaissés au titre de la CSG frontalier.

- Date et fondement juridique d'une éventuelle suspension du recouvrement

L'arrêt de la CJCE a pour effet de priver rétroactivement de toute base légale les prélèvements opérés au titre de la CSG, aussi les contributions indûment versées doivent être remboursées.

- Imputation de ces versements dans les comptes des organismes de sécurité sociale

Les sommes qui devront être versées seront inscrites comptablement dans un compte de charges exceptionnelles de l'exercice au cours duquel elles seront versées. Le montant de ces charges viendra diminuer d'autant le résultat de l'exercice de l'organisme concerné.

- Modalités de remboursement aux intéressés

La procédure suivie est le remboursement spontané de la part des URSSAF aux personnes qui auraient acquitté la CSG jusqu'en 1994, de la totalité des sommes versées, la prescription biennale ne s'appliquant, en l'espèce, qu'à compter du jour de la décision juridictionnelle qui donne naissance à l'obligation de remboursement, et non à compter du versement de la CSG par les intéressés. Des instructions en ce sens sont, actuellement, données aux URSSAF concernées.


Observations : La procédure suivie étant " le remboursement spontané de la part des URSSAF ", il est souhaitable et probable que cette opération sera achevée en 2000. Pèse donc sur cet exercice une charge exceptionnelle de 80 millions de francs au titre du remboursement de CSG prélevée entre 1991 et 1994.

S'agissant de la CRDS, il est étonnant que le ministre chargé de présenter la loi de financement au nom du Gouvernement ne dispose pas d'éléments chiffrés au motif que cet impôt est " recouvré par voie de rôle par l'administration fiscale ".

En tout état de cause, le produit de la CRDS, affecté à la CADES, ne figure pas dans les prévisions de recettes de la loi de financement dès lors que la CADES elle-même n'a pas été considérée comme un organisme concourant au financement de la sécurité sociale.

Question n°2 . Chiffrer, pour les années 2000, 2001 et 2002, le coût pour la branche maladie du " protocole d'accord sur la modernisation du service public hospitalier " négocié par le Gouvernement (protocole ratifié le 14 mars) et du " protocole d'accord sur le statut professionnel des praticiens hospitaliers " (notamment prime accordée aux praticiens n'exerçant aucune activité privée).

Détailler pour 2000 leur impact sur :

- l'objectif de dépenses de la branche maladie maternité invalidité décès (article 39 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000) ;

- l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) (article 40 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000) ;

- la répartition régionale de l'enveloppe hospitalière.


Réponse : Le tableau ci-joint présente l'impact des protocoles des 13 et 14 mars 2000 sur les dépenses d'assurance maladie pour les exercices 2000 à 2002.

Les montants sont en millions de francs

MESURES

Mesures nouvelles 2000

Mesures nouvelles 2001

Mesures nouvelles 2002

Praticiens hospitaliers - protocole du 13/03/2000

627,3

1.013,2

135,0

Modernisation du service public hospitalier - protocole du 14/03/2000

1.289,1

437,2

305,1

Impact sur les dépenses hospitalières encadrées

1.116,4

1.150,4

140,1

Impact sur l'ONDAM

1.038,3

1.069,9

130,3

Impact total sur les dépenses de la branche maladie

1.838,3

1.369,9

430,3

1) Effet sur l'ONDAM et hors ONDAM

a) Effet sur l'ONDAM (art. 40) : + 1.038,3 MF

Pour 2000, le montant total des dépenses supplémentaires induites par les protocoles s'élève à 1.116,4 millions de francs en dépenses des établissements hospitaliers et à 1.038,3 millions de francs en ONDAM des établissements sanitaires sous dotation globale. Ce surcoût de 1.038,3 millions de francs n'a pas été pris en compte dans la détermination de l'ONDAM 2000 fixé à 658,3 milliards de francs (article 40 de la LFSS 2000).

Les chiffrages présentés ne comprennent toutefois pas l'impact de certaines des mesures inscrites dans les protocoles dont le contenu doit être précisé à l'issue de travaux complémentaires tels que les réflexions sur les filières professionnelles ou la psychiatrie qui pourraient se traduire par la mise en oeuvre de mesures supplémentaires en 2001 ou 2002.

b) Effet hors ONDAM : + 800 millions de francs

Conformément aux termes du protocole entre le Gouvernement et les représentants des personnels et des médecins, un budget d'un milliard de francs est affecté en 2000 au fonds de modernisation des établissements de santé (FMES) pour financer les contrats locaux d'amélioration des conditions de travail (400 millions de francs), les actions de modernisation figurant dans le volet social des contrats d'objectifs et de moyens (400 millions de francs) et les aides individuelles en faveur de la formation, la mobilité et la reconversion, liées à des opérations de recomposition (200 millions de francs).

Le FMES sera créé par la loi de modernisation sociale. Il remplacera le FASMO, les dotations financières de ce dernier lui seront transférées.

Compte tenu de l'engagement pris de doter les hôpitaux d'un milliard de francs sur l'exercice 2000 et des montants actuellement disponibles au sein du FASMO (200 millions de francs), une dotation complémentaire de 800 millions de francs est nécessaire pour atteindre 1 milliard de francs.

2) Effet sur les dépenses de la branche maladie : + 1.838,3 millions de francs (1.038,3 + 800 millions de francs)

L'impact sur les dépenses de la branche maladie s'élève donc au total à 1.838,3 millions de francs, soit 1.083,3 millions de francs en ONDAM des établissements sanitaires sous dotation globale et 800 millions de francs hors ONDAM, correspondant au surcoût prévu en 2000 au titre des dépenses du Fonds de modernisation des établissements de santé (FMES).

3) Détail répartition régionale

La répartition régionale des financements de l'assurance maladie correspondant aux mesures inscrites dans les deux protocoles est actuellement en cours. Elle s'effectuera mesure par mesure, selon des critères appropriés aux objectifs poursuivis.


Observations : Les réponses de la ministre de l'emploi et de la solidarité font apparaître sans fard que le Gouvernement a bien modifié, par voie réglementaire, l'objectif de dépense de la branche maladie (article 39 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000) et l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (article 40).

Au total, au titre des protocoles des 13 et 14 mars 2000, la modification de l'objectif de dépenses de la branche maladie porte sur près de 2 milliards de francs (1.838,3 millions de francs) et celle affectant l'ONDAM, sur plus d'un milliard de francs (1.038,3 millions de francs).

La Commission des comptes de la sécurité sociale, qui s'est tenue le 22 mai dernier, indique dans son rapport 20( * ) : " Du fait de la tendance des derniers mois, l'objectif national d'assurance maladie (ONDAM) fixé pour 2000 paraît difficile à tenir. L'hypothèse retenue dans ce compte est celle d'un dépassement de 3,5 milliards de francs sur le champ du régime général ".

Elle précise que " l'enveloppe " hôpitaux publics " tous régimes pour l'année 2000 prend en compte l'ensemble des mesures prévues au 31 décembre 1999 " .

Il semble résulter du développement qui suit dans le rapport que l'impact des " protocoles signés en mars 2000 " soit seulement évoqué mais non pris en compte.

Ainsi, au moment où l'ONDAM 2000, déjà " rebasé " par rapport à la dérive observée en 1999, dérive à son tour, le Gouvernement accentue cette évolution pour des montants plus que significatifs.

Le dépassement " volontaire " de l'ONDAM par voie réglementaire représente près du tiers de sa dérive " spontanée " mesurée pour le régime général.

Sachant en outre que le Gouvernement entend désormais afficher, en loi de financement, le taux de progression de l'ONDAM de l'année n, non par rapport à l'ONDAM voté par le Parlement en n-1, mais par rapport à l'ONDAM effectivement constaté, la progression de l'ONDAM " législatif " 2001 sera calculée par rapport à un ONDAM 2000 ainsi majoré par voie réglementaire.

Question n° 3 . Préciser pour 2000, 2001 et 2002 le montant des crédits budgétaires prévus dans le cadre du protocole du 14 mars susmentionné et les chapitres budgétaires concernés.

Réponse : Le protocole signé le 14 mars avec les organisations syndicales représentatives des personnels de la fonction publique hospitalière prévoit des mesures financées sur crédits d'Etat.

En premier lieu, le protocole prévoit au titre des années 2000, 2001 et 2002 des crédits à hauteur de 2 milliards de francs pour financer dans les établissements de santé les remplacements de personnels. Ce dispositif exceptionnel est intégré dans le projet de loi de finances rectificative pour 2000 présenté au Conseil des ministres le 28 avril 2000, à travers une dotation à due concurrence inscrite sur le chapitre 47-20 " Aides exceptionnelles au service public hospitalier ". Ce dispositif sera également reconduit en 2001 et 2002 pour un même montant.

En second lieu, le protocole prévoit un effort accru en faveur de l'investissement hospitalier, grâce à une dotation complémentaire sur le FIMHO (chapitre 66-12, Fonds d'aide à l'adaptation des établissements hospitaliers) de 600 millions de francs d'AP. Ce montant complémentaire portera ainsi le total des autorisations de programme pour 2000 à 800 millions de francs. En outre, une dotation de 500 millions de francs d'AP est également prévue pour 2001.

Enfin, le protocole prévoit également, dans le cadre de l'augmentation des quotas d'entrée dans les instituts supérieurs de formation des infirmiers (IFSI) une augmentation des crédits d'Etat prévus sur le chapitre 43-32 (" professions médicales et paramédicales ; formation, recyclage, bourses ") à hauteur de 96 millions de francs en 2001. L'augmentation de ces moyens sera incluse dans le PLF 2001.

Question n° 4 . Décrire le traitement dans les comptes sociaux pour 2000 de ces contributions budgétaires (notamment les 2 milliards de francs destinés à " améliorer les remplacements des agents absents ").

Réponse : La prise en charge par le budget de l'Etat des crédits destinés à améliorer les remplacements des agents absents, sous réserve du vote par le Parlement de la loi de finances rectificative, consistera en une dotation de 2 milliards de francs inscrite au chapitre 47-20 qui sera ensuite répartie aux établissements de santé publics ou privés, financés par dotation globale, par le biais d'arrêtés.

En pratique, pour les établissements de santé, ceux-ci vont être conduits dans les prochains jours, en fonction des notifications de moyens effectués par les agences régionales de l'hospitalisation, à préparer des décisions modificatives de crédits présentées à leur instance délibérante. Ces décisions modificatives viseront à majorer les dépenses autorisées du groupe 1 (dépenses de personnel) par une augmentation à due concurrence des recettes du groupe 3 (recettes subsidiaires). Par la suite, au cours de l'été, les arrêtés d'attributions des crédits permettront aux établissements de disposer de sommes correspondantes.

Au total, les 2 milliards supplémentaires pérennes accordés aux établissements de santé ne viennent pas majorer les dépenses hospitalières encadrées (c'est-à-dire financées par la dotation globale ou les produits et tarifs) et ne pèsent donc pas sur les charges de l'assurance maladie.


Observations : On saluera, à leur juste mesure, les scrupules dont fait preuve la ministre de l'emploi et de la solidarité dans sa réponse s'agissant de la prise en charge par l'Etat d'une partie de la " nouvelle étape " hospitalière : cette prise en charge s'entend " sous réserve du vote par le Parlement de la loi de finances rectificative " .

En revanche, la part relevant de la loi de financement est acquise dès lors que le Gouvernement l'a décidé.

De fait, le débat -ou plus exactement le débat tronqué, voire le non-débat- sur la politique hospitalière aura lieu lors de la discussion du collectif budgétaire.

Question n° 5 . Indiquer les autorisations de création d'emploi accordées à la CNAMTS et à la CNAF et chiffrer leur coût en année pleine. Préciser pour 2000 l'impact de ces créations sur les objectifs de dépenses par branche (article 39 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000).

Réponse : CNAMTS : la commission de gestion administrative de la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) s'est prononcée le 18 octobre 1999 en faveur de 1.400 embauches. L'Etat a donné son accord à ces embauches. Par ailleurs, au vu des premières charges de travail liées au démarrage effectif de la CMU, cette commission a donné, le 1 er février 2000, un avis favorable à l'attribution de moyens supplémentaires aux caisses pour la mise en oeuvre de la CMU et permettre ainsi la résorption du solde de dossiers en instance dans les caisses. Par lettre du 11 février 2000, l'Etat a approuvé cette décision qui prévoit la création de 600 emplois pérennes, dont environ 500 emplois jeunes et 2.000 mois de contrats à durée déterminée (CDD).

La CNAMTS prévoit que l'impact financier en 2000 sera de l'ordre de 360 millions de francs.

CNAF : La branche famille a demandé que ses moyens soient renforcés. L'Etat a autorisé l'attribution de moyens supplémentaires aux caisses à hauteur de 900 emplois pérennes. Ces emplois répondent à un double objectif : redresser l'équilibre charges/moyens des caisses, notamment pour les plus fragiles d'entre elles, et anticiper dans de bonnes conditions la mise en place de la réduction du temps de travail.

Le coût de ces emplois en année pleine s'élève à 210 millions de francs. Le besoin de financement se trouve ramené à 165 millions de francs en 2000 dans la mesure où les recrutements n'interviendront au mieux qu'à compter du mois d'avril.

Les moyens supplémentaires n'affectent pas les objectifs de dépenses 2000 ; les prévisions de gestion administrative ne seront pas modifiées, car elles avaient pris en compte diverses anticipations.


Observations : Les réponses apportées le 19 mai dernier sont incomplètes et, compte tenu de leur caractère très tardif, n'ont pu faire l'objet d'une demande complémentaire de votre Commission.

En effet, l'impact financier en 2000 des créations d'emplois à la CNAMTS est évalué à 320 millions de francs sans que soient distinguées les créations d'octobre 1999 qui, a priori , auraient dû être prises en compte dans le projet de loi de financement, et celles de février 2000 qui, toujours a priori, ne pouvaient pas l'être.

En réalité, ce point apparaît d'un intérêt relatif puisque l'ensemble des dépenses correspondantes en 2000, soit 525 millions de francs, n'affecterait pas les objectifs de dépenses de cet exercice au motif que les prévisions de gestion administrative " avaient pris en compte diverses anticipations " . En quelque sorte, comme M. Jourdain, le Parlement avait anticipé sans le savoir.

Question n° 7 . A l'instar de ce qui a été fait pour le budget de l'Etat, la direction de la sécurité sociale a-t-elle procédé à une actualisation des prévisions de recettes figurant en loi de financement pour la sécurité sociale pour 2000 au regard des recettes effectivement perçues en 1999 et de la révision des perspectives de croissance pour 2000 ? Si oui, la communiquer. 21( * )

Réponse : Une actualisation de recettes du seul régime général sera présentée à la Commission des comptes de la sécurité sociale de mai.

Observations : Cette réponse traduit bien la difficulté qui existe à prendre en compte tous les effets de l'instauration des lois de financement de la sécurité sociale. L'Administration, sous l'autorité du Gouvernement, n'entend divulguer aucune information sur les nouvelles évaluations des comptes sociaux avant la " grand-messe " de la Commission des comptes de la sécurité sociale. De fait, les réunions de cette commission, au printemps et à l'automne, étaient, avant la réforme de 1996 instituant les lois de financement de la sécurité sociale, les seuls rendez-vous des finances sociales.

Le Gouvernement entend, semble-t-il, que les choses restent en l'état. Ainsi, le Parlement, ses commissions des Affaires sociales et ses rapporteurs chargés de suivre les lois de financement et de contrôler leur application, doivent patienter jusqu'au moment où le Gouvernement se déclare prêt à réunir la Commission des comptes de la sécurité sociale. De septembre 1999 à mai 2000, aucune information nouvelle ne peut être fournie au Parlement tant sur l'exécution 1999 que sur l'actualisation de l'exercice 2000.

Au demeurant, la Commission des comptes de la sécurité sociale n'aborde au printemps que le régime général et non les recettes inscrites en loi de financement sous forme de prévisions sur lesquelles se prononce le Parlement.

*

* *

Les décisions prises par le Gouvernement en février-mars 2000 posent donc un problème de principe extrêmement préoccupant.

En effet, si l'on conçoit bien que les objectifs de dépenses votés par le Parlement ne constituent pas des crédits limitatifs (cf. B ci-dessus) et peuvent donc donner lieu à dépassement en cours d'année, ces dépassements, ne sauraient résulter de décisions du Gouvernement mais d'évolutions " spontanées ".

En quelque sorte, les objectifs fixés par le Parlement peuvent ne pas être atteints pour des raisons tenant, par exemple, à l'évolution de la conjoncture, aux comportements tant des assurés que des prescripteurs ou encore à l'état des pathologies et notamment aux épidémies de grippe, chères au ministre délégué 22( * ) .

Encore faut-il que le Gouvernement s'efforce de faire respecter les objectifs votés par le Parlement et que les dépassements constatés ne soient pas d'une telle ampleur que les conditions générales de l'équilibres soient gravement affectées ou, pour reprendre la jurisprudence du Conseil constitutionnel précitée (cf. plus haut), bouleversées.

Mais, dans le cas présent, les modifications des objectifs de dépenses résultent de décisions explicites du Gouvernement.

Ce dernier n'hésite pas à annoncer qu'elles traduisent une " nouvelle étape pour l'hôpital " 23( * ) dont il n'est guère douteux qu'elle aurait dû être débattue par le Parlement dans le cadre, soit du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, soit, en cas d'urgence, d'un collectif social faisant le point à mi-parcours sur les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale.

On rappellera que la loi organique dispose que " seules des lois de financement peuvent modifier les dispositions prises en vertu des 1° à 5° du I " et que le 3° du I, ainsi visé, concerne précisément la fixation des objectifs de dépenses.

Art. L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale - I. Chaque année, la loi de financement de la sécurité sociale :

1° Approuve les orientations de la politique de santé et de sécurité sociale et les objectifs qui déterminent les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale ;

2° Prévoit, par catégorie, les recettes de l'ensemble des régimes obligatoires de base et des organismes créés pour concourir à leur financement ;

3° Fixe, par branche, les objectifs de dépenses de l'ensemble des régimes obligatoires de base comptant plus de vingt mille cotisants actifs ou retraités titulaires de droits propres ;

4° Fixe, pour l'ensemble des régimes obligatoires de base visés au 3° ou des organismes ayant pour mission de concourir à leur financement qui peuvent légalement recourir à des ressources non permanentes , les limites dans lesquelles ses besoins de trésorerie peuvent être couverts par de telles ressources

5° Fixe, pour chacun des régimes obligatoires de base visés au 3° ou des organismes ayant pour mission de concourir à leur financement qui peuvent légalement recourir à des ressources non permanentes, les limites dans lesquelles ses besoins de trésorerie peuvent être couverts par de telles ressources.

II. La loi de financement de l'année et les lois de financement rectificatives ont le caractère de lois de financement de la sécurité sociale.

Seules des lois de financement peuvent modifier les dispositions prises en vertu des 1° à 5° du I.

Ce point n'a, semble-t-il, pas effleuré l'esprit du Gouvernement qui donc, à la fois considère que :

- les lois de financement ne comportant pas d'article d'équilibre, les recettes peuvent disparaître, les dépenses dériver, les déficits se creuser sans que le Parlement ait à en connaître ;

- les objectifs de dépenses eux-mêmes peuvent être modifiés par voie réglementaire et de façon volontariste.

Que reste-t-il alors, dans l'esprit du Gouvernement, de la loi de financement de la sécurité sociale dès lors qu'une telle loi ne serait contrainte ni par la notion d'équilibre, qui pourtant la sous-tend constitutionnellement, ni par les objectifs qu'elle comporte et qu'il est demandé au Parlement de voter solennellement ?

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