SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. Bernard Angels
1. Procès-verbal (p. 1).
2. Loi de finances pour 2004. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 2).
Budgets annexes de la Légion d'honneur
et de l'ordre de la Libération (p. 3)
MM. Jean-Pierre Demerliat, rapporteur spécial de la commission des finances ; Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice.
Adoption des crédits figurant aux articles 48 et 49.
Justice (p. 4)
MM. Hubert Haenel, rapporteur spécial de la commission des finances ; Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice.
MM. Christian Cointat, rapporteur pour avis de la commission des lois pour les services généraux ; Georges Othily, rapporteur pour avis de la commission des lois pour l'administration pénitentiaire ; Patrice Gélard, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la protection judiciaire de la jeunesse ; le garde des sceaux, Pierre Bédier, secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice.
MM. Paul Girod, le garde des sceaux.
Mme Nicole Borvo, M. le garde des sceaux.
MM. Georges Othily, le garde des sceaux.
MM. Jacques Mahéas, le garde des sceaux.
MM. Yves Détraigne, le garde des sceaux.
MM. Laurent Béteille, le garde des sceaux.
MM. Jean-Pierre Sueur, le garde des sceaux.
MM. Jean-Pierre Fourcade, le garde des sceaux.
MM. Bernard Plasait, le garde des sceaux.
MM. Christian Demuynck, le garde des sceaux.
Crédits du titre III (p. 5)
Mmes Michèle André, Nicole Borvo.
Adoption des crédits.
Crédits des titres IV à VI. - Adoption (p. 6)
Article 79. - Adoption (p. 7)
Suspension et reprise de la séance (p. 8)
PRÉSIDENCE DE M. Daniel Hoeffel
3. Décès d'un ancien sénateur (p. 9).
4. Modification de l'ordre du jour (p. 10).
5. Rappel au règlement (p. 11).
MM. Jean-Yves Autexier, le président.
6. Loi de finances pour 2004. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 12).
Articles de totalisation (p. 13)
Articles 43, 44 et état B, 45 et état C, 48, 49, 57 et état F,
58 et état G et 59 et état H. - Adoption (p. 14)
Articles non rattachés (p. 15)
Articles additionnels avant l'article 60 A (p. 16)
Amendement n° II-59 rectifié de la commission. - MM. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire ; Thierry Foucaud. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendements n°s II-144 et II-145 de M. Paul Girod. - MM. Paul Girod, le rapporteur général, le ministre délégué. - Retrait des deux amendements.
Article 60 A (p. 17)
Amendements identiques n°s II-14 rectifié de M. Gaston Flosse et II-89 de M. Gérard Miquel. - MM. Gaston Flosse, Gérard Miquel, le rapporteur général, le ministre délégué, Jean Arthuis, président de la commission des finances ; Christian Cointat. - Adoption, par scrutin public, des deux amendements supprimant l'article.
Articles additionnels avant l'article 60 (p. 18)
Amendement n° II-172 de M. Thierry Foucaud. - MM. Thierry Foucaud, le rapporteur général, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement n° II-173 de M. Thierry Foucaud. - MM. Thierry Foucaud, le rapporteur général, le ministre délégué, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Denis Badré. - Irrecevabilité.
Article 60 (p. 19)
M. le rapporteur général, Mme Marie-Claude Beaudeau.
Amendements identiques n°s II-94 de M. Gérard Miquel et II-162 de M. Thierry Foucaud ; amendements n°s II-88 rectifié de M. Gérard Miquel, II-60, II-61 rectifié, II-62 à II-64 rectifié, II-65, II-66 rectifié, II-67 à II-69 rectifié de la commission, II-111, II-112 de M. Denis Badré, II-107 rectifié bis de M. Adrien Gouteyron ; amendement n° II-70 de la commission et sous-amendement n° II-185 du Gouvernement ; amendements n°s II-71 à II-75 rectifié, II-178 de la commission, II-113 et II-142 rectifié de M. Denis Badré. - M. Gérard Miquel, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Claude Haut, le rapporteur général, Denis Badré, François Trucy, le ministre délégué, Max Marest. - Retrait des amendements n°s II-111, II-113, II-60, II-112, II-73, II-74, II-142 rectifié et II-178 ; rejet des amendements n°s II-94, II-162, II-88 rectifié ; adoption des amendements n°s II-61 rectifié, II-62, II-107 rectifié bis, II-63 à II-69 rectifié, du sous-amendement n° II-185 et de l'amendement n° II-70 modifié, des amendements n°s II-71, II-72 et II-75 rectifié.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 60
ou après l'article 60 bis (p. 20)
Amendement n° II-78 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur général, le ministre délégué. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel après l'article 60 bis.
Articles additionnels après l'article 60 (p. 21)
Amendement n° II-76 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur général, le ministre délégué. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° II-77 rectifié de la commission. - M. le rapporteur général, le ministre délégué. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article 60 bis (p. 22)
Amendement n° II-163 de M. Thierry Foucaud. - MM. Thierry Foucaud, le rapporteur général, le ministre délégué. - Rejet.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 60 bis (p. 23)
Amendement n° II-132 de M. Denis Badré. - MM. Joseph Kerguéris, le rapporteur général, le ministre délégué. - Retrait.
Article 61 (p. 24)
Amendement n° II-160 rectifié bis de M. Serge Lepeltier. - MM. Max Marest, le rapporteur général, le ministre délégué, le président de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 62 (p. 25)
Amendement n° II-105 de M. Philippe Adnot. - MM. Jean-Philippe Lachenaud, le rapporteur général, le ministre délégué. - Retrait.
Amendements n°s II-95 de M. Pierre Laffitte et II-181 de la commission. - MM. Pierre Laffitte, le rapporteur général, le ministre délégué. - Retrait de l'amendement n° II-95 ; adoption de l'amendement n° II-181.
Amendements identiques n°s II-137 rectifié de M. Roland du Luart et II-147 de M. Denis Badré. - MM. Max Marest, Joseph Kerguéris, le rapporteur général, le ministre délégué, Denis Badré. - Retrait des deux amendements.
Amendement n° II-106 de M. Philippe Adnot. - MM. Jean-Philippe Lachenaud, le rapporteur général, le ministre délégué. - Retrait.
Amendements n°s II-133 de M. Marcel Deneux et II-146 de M. Philippe Adnot. - MM. Denis Badré, Jean-Philippe Lachenaud, le rapporteur général, le ministre délégué. - Retrait des deux amendements.
Amendement n° II-102 de M. Pierre Laffitte. - MM. Pierre Laffitte, le rapporteur général, le ministre délégué. - Retrait.
Amendements n°s II-108 de M. Denis Badré et II-136 rectifié de M. Roland du Luart. - MM. Denis Badré, Max Marest, le rapporteur général, le ministre délégué. - Retrait des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.
Suspension et reprise de la séance (p. 26)
Articles additionnels après l'article 62 (p. 27)
Amendement n° II-96 rectifié de M. Pierre Laffitte. - MM. Pierre Laffitte, le rapporteur général, le ministre délégué. - Retrait.
Amendement n° II-99 de M. Pierre Laffitte. - MM. Pierre Laffitte, le rapporteur général, le ministre délégué. - Retrait.
Amendement n° II-100 rectifié de M. Pierre Laffitte. - MM. Pierre Laffitte, le rapporteur général, le ministre délégué. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° II-97 de M. Pierre Laffitte. - MM. Pierre Laffitte, le rapporteur général, le ministre délégué. - Retrait.
Amendement n° II-98 de M. Pierre Laffitte. - MM. Pierre Laffitte, le rapporteur général, le ministre délégué. - Retrait.
Article 62 bis (p. 28)
M. le président de la commission.
Amendements n°s II-55 et II-54 rectifié de M. Yann Gaillard. - MM. Yann Gaillard, le rapporteur général, le ministre délégué, Jack Ralite. - Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.
Article 63 (p. 29)
Amendements identiques n°s II-90 de M. Gérard Miquel et II-165 de M. Thierry Foucaud ; amendement n° II-79 de la commission. - MM. Claude Haut, Thierry Foucaud, le rapporteur général, le ministre délégué, le président de la commission. - Rejet des amendements n°s II-90 et II-165 ; retrait de l'amendement n° II-79.
Adoption de l'article.
Article 63 bis. - Adoption (p. 30)
Article 64 (p. 31)
MM. le rapporteur général, le ministre délégué.
Amendements identiques n°s II-91 de M. Gérard Miquel et II-166 de M. Thierry Foucaud. - MM. Claude Haut, Thierry Foucaud, le rapporteur général, le ministre délégué. - Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Article 65. - Adoption (p. 32)
Article 66 (p. 33)
M. le ministre délégué.
Amendements identiques n°s II-179 de la commission, II-92 de M. Gérard Miquel et II-167 de M. Thierry Foucaud ; amendements n°s II-168 à II-170 de M. Thierry Foucaud et II-177 rectifié bis de M. Bernard Plasait, repris par la commission. - MM. le rapporteur général, Gérard Miquel, Thierry Foucaud, le ministre délégué, le président de la commission.
Suspension et reprise de la séance (p. 34)
M. le rapporteur général. - Retrait de l'amendement n° II-179 ; modification de l'amendement n° II-177 rectifié bis ; demande de priorité de l'amendement n° II-177 rectifié ter.
MM. le ministre délégué, le président de la commission. - Adoption de l'amendement n° II-177 rectifié ter, les amendements n°s II-92, II-167 et II-170 devenant sans objet ; rejet des amendements n°s II-168 et II-169.
Adoption de l'article modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.
7. Texte soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 35).
8. Ordre du jour (p. 36).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ANGELS
vice-président
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
LOI DE FINANCES POUR 2004
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2004 (n° 72, 2003-2004), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 73 (2003-2004).]
Budgets annexes de la Légion d'honneur
et de l'ordre de la Libération
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant les budgets annexes de la Légion d'honneur et de l'ordre de la Libération.
Je suis heureux de saluer, au nom du Sénat, la présence, au côté de M. le ministre, du général Douin, grand chancelier de l'ordre national de la Légion d'honneur, et du général de Boissieu, chancelier de l'ordre de la Libération.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Pierre Demerliat, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le grand chancelier, monsieur le chancelier, mes chers collègues, le projet de budget annexe de la Légion d'honneur retrace les moyens affectés à la grande chancellerie et aux maisons d'éducation recevant les descendantes des légionnaires et des membres de l'ordre national du Mérite.
En 2004, le montant des recettes et des dépenses de ce budget annexe s'établira à 17,894 millions d'euros, en diminution de 4,12 % par rapport à 2003, soit de 769 364 euros. Cette évolution des crédits pour 2004 résulte essentiellement de la baisse des crédits de paiement afférents aux opérations en capital des maisons d'éducation, notamment la fin des travaux de restauration du cloître de la maison d'éducation de Saint-Denis.
J'approuve la réduction des prévisions de dépenses concernant les traitements des légionnaires et des médaillés militaires. On ne peut en effet qu'encourager les administrations à ajuster leurs demandes aux besoins constatés.
Un décret du mois d'avril 1991 limitait l'octroi des traitements aux acteurs d'événements générateurs se fondant sur un fait de guerre - blessure ou citation - ou sur un acte de courage ou de dévouement. Ce texte ayant été mal perçu, un décret du mois de décembre 1995 a rétabli ce traitement pour tous les médaillés militaires et pour les promotions dans l'ordre de la Légion d'honneur soit en qualité de militaire d'active, soit en considération de faits de guerre tels que les blessures de guerre ou les citations.
Il reste qu'un grand nombre d'ayants droit de la Légion d'honneur ne demandent pas leur traitement et qu'une part importante de ceux qui le font décide de son reversement à la société d'entraide des membres de la Légion d'honneur. Cela entraîne un surcroît dans la gestion des traitements, qui est difficilement quantifiable pour la part assumée par l'Ordre. En effet, si un agent de catégorie C est bien affecté à cette tâche, la quasi-totalité de la gestion est assurée par les services du Trésor public.
Je relève avec satisfaction que sa dotation permettra à l'Ordre d'assurer tant son bon fonctionnement que la poursuite des travaux de restauration et d'entretien des bâtiments relevant de sa responsabilité, entrepris depuis déjà plusieurs années.
Si j'apprécie que les travaux rendus nécessaires par l'état de vétusté du musée national de la Légion d'honneur aient enfin été engagés, je regrette qu'il ait fallu deux bonnes années de démarches et d'études avant la mise en chantier.
Le recrutement des élèves des maisons d'éducation a été élargi aux arrière-petites-filles des membres de l'ordre de la Légion d'honneur, ainsi qu'aux petites-filles et arrière-petites-filles des membres de l'ordre national du Mérite. J'approuve cette initiative qui permet à ces établissements de conserver la dimension nécessaire au maintien de la qualité de leur enseignement attestée par l'excellence des résultats obtenus : 96,5 % de réussite au baccalauréat.
Je me félicite de l'importance accordée en 2002 à la célébration du bicentenaire de la création de l'Ordre, le 21 mai 1802, par Napoléon Bonaparte, avec pour point d'orgue le choix de la Légion d'honneur comme thème central du défilé militaire traditionnel du 14-Juillet, ainsi que du bon déroulement de ces manifestations.
J'apprécie également que, ces dernières années, la proportion de femmes nommées ait souvent dépassé 20 % pour l'ordre de la Légion d'honneur et 30 % pour l'ordre national du Mérite. Il conviendra cependant de maintenir l'effort engagé en ce sens, car, pour les tout derniers contingents, ces pourcentages sont en diminution.
L'ordre de la Libération, dont la chancellerie est chargée d'assurer la gestion et d'apporter éventuellement des secours aux compagnons et à leurs familles, ne compte plus à ce jour que 114 compagnons de la Libération et 5 000 médaillés de la Résistance, dont 2 000 cotisants. Qu'il me soit permis d'avoir ici une pensée émue pour le général Jean Simon, chancelier de l'Ordre pendant près d'un quart de siècle et décédé le 28 septembre, un an après avoir quitté ses fonctions.
La subvention du budget général, seule ressource du budget annexe, s'établit pour 2004 à 678 727 euros. Elle connaît une hausse de 41 091 euros, soit de 6,44 % par rapport à 2003, au titre notamment des dépenses en matériel de transport et en informatique.
J'espère que la réfection totale de la distribution électrique de la chancellerie, retardée pour prendre en compte des obligations de sécurité incendie, verra son aboutissement en 2004.
Je me dois, pour terminer, d'évoquer l'avenir de ces deux budgets annexes, menacés par l'application de l'article 18 de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, limitant le recours à des budgets annexes et qui entrera en vigueur pour la loi de finances initiale de 2006.
La transformation en établissement public administratif de l'ordre de la Libération est déjà prévue par la loi de 1999, créant le Conseil national des communes « compagnons de la Libération », lorsque l'Ordre ne comptera plus un nombre suffisant de compagnons. Même si une solution transitoire devait être appliquée en 2006 - M. le ministre pourra peut-être nous éclairer sur ce sujet -, la mémoire et les traditions de l'Ordre seront sauvegardées.
En revanche, s'agissant de l'ordre de la Légion d'honneur, monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser si la suppression du budget annexe est confirmée et quelles solutions sont envisagées ? Dans l'hypothèse où il conviendrait de s'orienter vers sa transformation en établissement public ou vers son intégration dans les structures prévues par la LOLF, le problème du rattachement des crédits se poserait également.
J'espère que, dans le respect de la volonté du législateur, sera trouvée une solution satisfaisante pour l'Ordre au problème posé par la disparition, programmée dans la loi organique de 2001, de son budget annexe.
Ces observations étant faites, la commission des finances, suivant la proposition de son rapporteur spécial et selon la tradition parlementaire, propose au Sénat d'adopter ces deux projets de budget annexe.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, monsieur le grand chancelier, monsieur le chancelier, mesdames, messieurs les sénateurs, nous ressentons tous un attachement particulier à l'égard des institutions de la Légion d'honneur et de l'ordre de la Libération qui traduisent la reconnaissance de la nation envers ceux qui l'ont défendue et honorée à travers les générations. L'examen de leurs projets de budget revêt donc une forte dimension symbolique, puisqu'il est l'expression de notre respect et de notre considération.
Les recettes des budgets annexes de la Légion d'honneur et de l'ordre de la Libération sont constituées, pour l'essentiel, par la subvention versée par le ministère de la justice et, pour ce qui concerne la Légion d'honneur, par des recettes propres, issues principalement de la perception des droits de chancellerie, ainsi que des pensions et trousseaux des élèves des maisons d'éducation.
Je ne reviendrai pas sur les données chiffrées, que M. le rapporteur spécial vient d'exposer très précisément. Je me bornerai à rappeler que les missions dévolues à la grande chancellerie sont principalement de deux ordres.
Il s'agit, tout d'abord, des nominations et promotions dans la Légion d'honneur et l'ordre national du Mérite. En 2002, 13 600 citoyens français, de toutes origines, de tous statuts, de toutes conditions sociales et professionnelles ont été distingués par notre premier ordre national, ainsi que 500 ressortissants étrangers que la France a voulu honorer.
J'ajoute que le décret du Président de la République du 14 février 2003 fixant les contingents de croix de la Légion d'honneur et du Mérite pour la période 2003-2005 tend à la poursuite de l'effort consenti en faveur des activités civiles, permettant de consolider l'universalité des ordres nationaux et de refléter, d'année en année, une image fidèle de la société française.
L'autre mission de la Légion d'honneur est la mission d'éducation. M. le rapporteur spécial a souligné l'excellence des résultats obtenus par les élèves des maisons d'éducation de Saint-Denis et de Saint-Germain-en-Laye, tant au baccalauréat qu'au brevet des collèges et au brevet de technicien supérieur. Nous ne pouvons que féliciter les responsables de ces établissements.
C'est à l'entretien de ces maisons d'éducation que sera consacré l'essentiel des dépenses en capital prévues pour 2004, soit 1,46 million d'euros en autorisations de programme et 1 million d'euros en crédits de paiement.
Enfin, c'est parce que ceux qu'elle honore méritent la reconnaissance de la nation que la Légion d'honneur apporte une aide sociale aux membres des ordres nationaux se trouvant dans une situation difficile. Un budget de 52 730 euros est reconduit cette année dans cet objectif. L'ordre de la Libération fait de même et consacrera à cette fin 62 352 euros en 2004.
Le projet de budget annexe qui vous est présenté pour l'ordre de la Libération s'élève globalement à 678 727 euros, soit une progression de 6,44 %. Cette évolution résulte tant de la revalorisation des rémunérations publiques que d'investissements nécessaires à l'ordre, en l'occurrence l'acquisition d'un véhicule de service et celle d'un logiciel de comptabilité.
L'ordre de la Libération compte aujourd'hui, comme M. le rapporteur l'a rappelé, plus d'une centaine de membres, dont cinq communes, Nantes, Grenoble, Paris, Vassieux-en-Vercors et l'Ile-de-Sein, qui, par leur bravoure, contribuèrent à la libération de la patrie et permirent à la France de compter au nombre des combattants et des vainqueurs de la barbarie.
L'Ordre sera perpétué au travers du Conseil national des communes compagnons de la Libération, établissement public administratif qui verra le jour lorsque le nombre des compagnons survivants ne permettra plus de réunir le conseil de l'Ordre. Un établissement public administratif transitoire devrait être créé à compter du 1er janvier 2005, entraînant de facto la disparition du présent budget annexe.
S'agissant de la Légion d'honneur, il faudra aussi tirer les leçons de l'entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances, qui ne permettra pas de conserver le statut budgétaire actuel de budget annexe. Je crois qu'il existe désormais un consensus sur ce point. Je m'engage donc, en accord avec le ministre chargé du budget, à mettre en oeuvre une réforme permettant de garantir la compatibilité du statut de la Légion d'honneur avec la loi organique, tout en maintenant - nous sommes d'accord sur ce sujet - l'autonomie budgétaire à laquelle l'Ordre est attaché et qui me paraît aller de soi compte tenu des missions de celui-ci.
Pour conclure, permettez-moi de souligner que le prestige de nos ordres nationaux repose aussi sur la célébration de leur histoire. Vous avez évoqué les manifestations qui ont eu lieu en 2002. Ce mois de décembre 2003 voit la célébration du quarantième anniversaire de l'ordre national du Mérite, en attendant que, en 2004, soient rappelées solennellement les premières remises d'insignes par Napoléon aux Invalides, le 15 juillet 1804, et au camp de Boulogne, le 16 août 1804.
Commémorer de tels événements, ce n'est pas s'enfermer dans le passé, c'est assurer un devoir de mémoire et se projeter ainsi dans l'avenir en soulignant l'importance des vertus que ces deux ordres mettent très opportunément en valeur dans la vie de notre République.
Monsieur le président, au terme de ce propos, je demande au Sénat d'adopter ces deux budgets annexes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant les budgets annexes de la Légion d'honneur et de l'ordre de la Libération, et figurant aux articles 48 et 49.
LÉGION D'HONNEUR
Services votés
M. le président. « Crédits : 17 555 789 euros. »
Je mets aux voix les crédits inscrits à l'article 48.
(Ces crédits sont adoptés.)
Mesures nouvelles
M. le président. « I. - Autorisations de programme : 1 460 000 euros ;
« II. - Crédits : 338 500 euros. »
Je mets aux voix les crédits inscrits à l'article 49.
(Ces crédits sont adoptés.)
ORDRE DE LA LIBÉRATION
Services votés
M. le président. « Crédits : 640 627 euros. »
Je mets aux voix les crédits inscrits à l'article 48.
(Ces crédits sont adoptés.)
Mesures nouvelles
M. le président. « II. - Crédits de paiement : 38 100 euros. »
Je mets aux voix les crédits inscrits à l'article 49.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Je remercie le grand chancelier de l'ordre national de la Légion d'honneur et le chancelier de l'ordre de la Libération de leur présence.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les budgets annexes de la Légion d'honneur et de l'ordre de la Libération.
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant le ministère de la justice.
J'indique au Sénat que, pour cette discussion, la conférence des présidents a opté pour la formule fondée sur le principe d'une réponse immédiate du Gouvernement aux différents intervenants, rapporteurs ou orateurs des groupes.
Ainsi, M. le garde des sceaux, ministre de la justice, répondra immédiatement et successivement au rapporteur spécial, puis aux trois rapporteurs pour avis, et enfin à chaque orateur des groupes.
Ces réponses successives se substitueront à la réponse unique en fin de discussion.
Chacune des questions des orateurs des groupes ne devant pas dépasser cinq minutes, le Gouvernement répondra en trois minutes à chaque orateur, ce dernier disposant d'un droit de réplique de deux minutes maximum.
J'invite chaque intervenant à respecter l'esprit de la procédure, qui repose sur des questions précises et en nombre limité, et les temps de parole impartis.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Hubert Haenel, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je ne sais pas si le président m'accordera une « prime au mérite », comme pour les magistrats, si je respecte mon objectif de ce matin qui est de ne pas parler plus de quinze minutes, mais je vais m'y efforcer. (Sourires.) La solution est bien simple : il suffit de ne pas répéter, de ne pas rabâcher les informations qui figurent dans le rapport écrit. Faute de quoi, on pourrait être taxé de « litanie, liturgie, léthargie », selon le bon mot du regretté président Edgar Faure.
Première remarque : le budget de la justice est un budget atypique au sein du budget de l'Etat.
Il est atypique non pas par rapport aux années précédentes - cela fait longtemps que le budget de la justice constitue une « priorité » des gouvernements successifs - mais au sein du budget général de l'Etat pour 2004. Il augmente de près de 5 % en crédits, alors que le budget général ne progresse que de 1,5 % et de plus de 3 % en emplois, bénéficiant en cela des plus fortes créations d'emplois de tous les fascicules budgétaires. Cela mérite d'être souligné.
Doit-on se réjouir des crédits supplémentaires ainsi dégagés ?
Oui ! pour le service public de la justice qui, nous l'espérons, s'en trouvera amélioré, mais en gardant à l'esprit que ce qui a été obtenu au profit de la justice pour 2004 est financé par un petit nombre de départements ministériels sur lesquels se concentre l'effort de maîtrise des dépenses. C'est pourquoi le ministère de la justice ne doit plus se contenter d'être un ministère régalien, le ministère « du droit », qui planerait au-dessus des impératifs de la gestion publique, il doit être exemplaire en termes de gestion.
S'agissant de gestion, la Cour des comptes, que la commission des finances a interrogée sur les reports de crédits qui, certaines années, semblent se pérenniser dans votre budget, a indiqué que cette situation résultait de « l'organisation propre du ministère ».
Monsieur le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous poserai donc une première question : quelles conséquences sur cette organisation avez-vous tirées des observations de la Cour des comptes ?
Ma deuxième remarque vise à souligner que les promesses de la loi de programmation sont tenues et à en féliciter les ministres.
Si le budget de la justice dégage des moyens aussi importants en 2004, c'est grâce à l'engagement pris par le Gouvernement devant nous lors du vote de la loi d'orientation et de programmation pour la justice, à l'été 2002.
Pour la deuxième année d'application, la loi de programmation devait, en principe, être couverte à hauteur de 40 %. Or, dans les faits, on observe que, pour les emplois, le taux de couverture est de 42 % de même que pour les dépenses ordinaires ; pour les autorisations de programme, il est de 53 % ; pour les crédits de paiement, il n'est que de 14 %, mais, lorsque l'on engage un investissement lourd - construction d'une prison, d'un palais de justice -, les premières années, les paiements effectifs sont toujours faibles.
Troisième remarque : le ministère de la justice s'engage résolument dans la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, qui est un vecteur majeur de la réforme de l'Etat.
La mission est définie, c'est une mission unique qui recouvre l'ensemble de l'actuel budget de la justice.
Les programmes sont presque prêts : ils ressemblent beaucoup aux actuels agrégats et n'ont pas dû être très difficiles à élaborer. Il est prévu, comme dans la plupart des ministères, un programme « supports » mais aussi des actions « support » à l'intérieur de chacun des programmes opérationnels. Il me paraît important à cet égard qu'une mutualisation des moyens « supports » soit bien opérée afin que les différentes directions opérationnelles ne fonctionnent pas trop en vase clos.
Je n'ai malheureusement pas eu connaissance des objectifs ni des indicateurs de résultats, qui, je crois, ne sont pas encore prêts.
Monsieur le garde des sceaux - c'est ma deuxième question -, quand pourrez-vous nous faire connaître vos propositions en matière d'objectifs et d'indicateurs de résultats ?
Des expériences de dotations globalisées vont, semble-t-il, être lancées en 2004.
Ma quatrième remarque est relative à un autre chantier de la réforme de l'Etat dans lequel le ministère de la justice s'est lancé : la « stratégie ministérielle de réforme ».
Comme tous les autres ministères, celui de la justice s'est engagé dans cet exercice imposé par le Premier ministre.
Parmi les trente-trois chantiers identifiés, qui font l'objet de calendriers précis mais malheureusement encore sans objectifs chiffrés, figure notamment le principe de la rémunération au mérite. Monsieur le garde des sceaux, vous vous êtes engagé, lors de votre audition devant les commissions des lois et des finances, à appliquer la rémunération au mérite à 10 000 cadres de votre ministère en 2004. J'avoue que j'ai quelque difficulté à comprendre l'opposition des organisations professionnelles de magistrats. Le système fonctionne à la grande satisfaction générale dans ma maison mère. J'indique que j'ai toujours été très heureux, tous les trimestres, de recevoir ma notification de prime de rendement par le vice-président du Conseil d'Etat. Je ne vois pas pourquoi les magistrats trouvent à redire à ce système alors que les hauts magistrats administratifs le vivent depuis des décennies.
J'en viens à ma cinquième remarque.
La stratégie ministérielle de réforme est particulièrement intéressante et elle rejoint sur de nombreux points des préconisations que j'avais pu faire par le passé. Mais j'ai encore des questions à vous poser, monsieur le garde des sceaux, et des suggestions à vous faire.
S'agissant de l'expérimentation, il est certes prévu de décentraliser la gestion des mesures d'assistance éducative aux conseils généraux dans le projet de loi relatif aux responsabilités locales. Mais pourquoi ne prévoit-on pas une expérimentation en matière de carte judiciaire pour surmonter les blocages actuels ? La question a été maintes et maintes fois posée ici à la tribune à la plupart de vos prédécesseurs, monsieur le garde des sceaux, au moins depuis une dizaine d'années. Or, à ce jour, cette question est restée sans réponse.
Concernant l'évaluation, je me bats pour que les études d'impact avant un projet de loi important soient effectuées par une instance indépendante et pour qu'une évaluation des impacts réels de la loi soit faite après son entrée en vigueur. Vous nous avez dit, lors de votre audition en commission : que le Parlement chargeait la barque ! Mais alors, comment peut-on mesurer l'impact de mesures présentées par voie d'amendements ? Je le regrette pour la commission des lois, mais une solution toute simple consisterait à demander à la commission des finances de donner son avis sur les amendements, au moins sur ceux de la commission des lois et sur ceux d'un certain nombre de nos collègues. C'est ce que je préconise depuis des années. Mais cette suggestion est restée sans réponse.
J'évoquerai un cas pratique, s'agissant de la réforme des retraites votée par le Parlement. Quelles sont les conséquences de cette réforme pour votre ministère ? Envisagez-vous de permettre le recul des limites d'âge dans certains cas : pour les magistrats, ne peut-on envisager de porter la limite d'âge de soixante-cinq ans à soixante-six ans par exemple ?
Ma sixième remarque porte sur les enseignements de mes contrôles budgétaires. Je serai ici d'une prudence de serpent ! (Sourires.)
J'ai mené, comme la plupart de mes collègues de la commission des finances, un contrôle budgétaire en 2003. Il portait sur le financement de la lutte contre le terrorisme au tribunal de grande instance de Paris. Monsieur le garde des sceaux, vous devez avoir eu connaissance de notre souhait exprimé l'an dernier, car dès février, un plan de renforcement des moyens était décidé, et nous ne pouvons que vous en féliciter. Ce plan est bon et il est correctement mis en oeuvre, en tout cas sur le plan immobilier.
En revanche, j'ai pu observer un certain nombre de dysfonctionnements.
Sur le plan des moyens, le tribunal de grande instance de Paris est toujours dans des locaux extrêmement exigus et mal organisés du palais de justice - les magistrats du parquet « antiterroriste » sont à dix minutes à pied de leurs homologues de l'instruction -, l'outil statistique est pauvre et, curieusement, le matériel informatique de scannérisation mis en place à l'instruction serait incompatible avec celui qui a été choisi par le parquet, ce qui signifie que l'on ne peut pas avoir de chaîne pénale !
Quant au parc automobile, il semble que personne n'oserait s'aventurer en dehors de l'agglomération parisienne avec les voitures du parquet ou celles de la cellule antiterroriste de l'instruction. Alors, on a trouvé la bonne solution : c'est le ministère de l'intérieur qui fournit les véhicules, l'excuse étant que l'on a besoin de policiers pour la protection. Il est tout de même assez curieux que ce soit le ministère de l'intérieur qui fournisse les véhicules au ministère de la justice.
Sur le plan du fonctionnement institutionnel, la centralisation des affaires à Paris ne fonctionne pas bien, et c'est souvent la « guéguerre » entre Paris et le parquet local pour savoir qui aura l'affaire. Ces conflits de compétences entraînent des pertes de temps préjudiciables au bon déroulement des enquêtes. Il y donc une mauvaise utilisation des moyens budgétaires. Les crispations entre le parquet et l'instruction sont nombreuses et se traduisent par l'absence de chaîne pénale, par le défaut de réunions de travail communes, par des transmissions aléatoires de procédures, etc.
Autre curiosité, c'est la Chancellerie qui établit les ordres de mission des magistrats instructeurs, ce qui semble quelque peu contradictoire avec le principe de l'indépendance de la magistrature.
Monsieur le ministre, je souhaiterais recueillir votre opinion sur ces constatations. Je me demande s'il n'y aurait pas lieu d'envoyer une inspection générale mixte à la fois au parquet et à l'instruction.
Depuis dix-huit ans que je suis le budget du ministère de la justice, la plupart des présidentes et présidents du TGI de Paris m'ont fait part de leurs interrogations, de leurs réticences concernant le fonctionnement de l'instruction à Paris, en particulier en ce qui concerne l'antiterrorisme. On peut d'ailleurs se poser la question, bien qu'elle soit taboue, de savoir si l'on peut rester aussi longtemps à la tête de cette cellule, même si cette fonction réclame une compétence toute particulière.
Permettez-moi enfin de revenir sur le contrôle précédent que j'ai effectué au nom de la commission des finances sur les moyens de fonctionnement de la justice dans les départements d'Alsace et de Moselle. Je m'étais préoccupé du bon déroulement de l'informatisation du livre foncier. Or, depuis l'an dernier, des retards importants sont pris en raison du manque de greffiers.
En Alsace et en Moselle, vous le savez, monsieur le ministre, nous sommes très attachés au livre foncier, et nous souhaitons que l'informatisation se fasse dans les meilleures conditions. Pouvez-vous nous dire quels moyens vous avez dégagés ou vous allez dégager - momentanément, c'est vrai -, pour pouvoir assurer une bonne informatisation du livre foncier ?
Je constate que j'ai parlé onze minutes cinquante-neuf secondes, monsieur le président ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Je remercie le rapporteur spécial, M. Haenel, pour la qualité de son rapport écrit, mais également pour l'intérêt des questions qu'il a bien voulu me poser.
Pour 2004, ce budget, vous l'avez bien compris les uns et les autres, est la stricte mise en oeuvre de la loi d'orientation et de programmation pour la justice que la majorité du Sénat a votée il y a maintenant un peu plus d'un an. Cela signifie qu'après le budget de 2003, qui était la première année de mise en oeuvre de cette loi, nous attaquons la deuxième année de mise en place des moyens en personnels, en investissements et en fonctionnement pour répondre aux attentes qui avaient été exprimées par nos concitoyens et qui avaient justifié l'élaboration de cette loi d'orientation et de programmation.
S'agissant de la première réflexion de M. Hubert Haenel sur l'organisation du ministère et la gestion des crédits, je voudrais rappeler que, s'agissant des dépenses ordinaires, le taux de consommation globale dépassait 80 % à la fin du mois de novembre. Il est donc très probable que nous atteindrons un taux tout à fait significatif sur l'année : plus de 90 %.
S'agissant des dépenses en capital, sur lesquelles portaient plus particulièrement les remarques de la Cour des comptes, il est exact que le taux de consommation des autorisations de programme est encore faible, pour les raisons que vous avez vous-même avancées, monsieur le rapporteur. Cela concerne essentiellement le stock d'autorisations de programme non mobilisé pour le tribunal de grande instance, le TGI de Paris, et cela provient du lissage des financements du programme pénitentiaire pour éviter les décrochages brutaux d'une année à l'autre au cours de la programmation.
Pour les crédits de paiement, en revanche, comme vous le soulignez dans votre rapport, monsieur Haenel, la situation s'améliore depuis l'année 2002, où le taux de consommation a atteint 90 %. Pour 2003, ce taux est de 80 % au 1er décembre.
Pour ce qui est de l'organisation et du suivi des dépenses, je voudrais rappeler la création, encore récente, de l'Agence de maîtrise d'ouvrage des travaux du ministère, qui est en train de considérablement améliorer les choses. D'ailleurs, la Cour des comptes a commencé à le noter.
Les tableaux de bord émis par l'agence permettent de suivre les consommations mensuelles des différentes conventions de mandat et de disposer de prévisions de consommation pour les mois à venir. L'entrée en vigueur de la LOLF ne remettra pas en cause cet outil, bien au contraire. Cette agence pourra donc continuer de fonctionner au mieux, au service des différents éléments du ministère de la justice.
Je voudrais souligner le fait que l'administration dont j'ai la responsabilité est devenue le premier constructeur de l'Etat. Elle mène un très grand nombre de chantiers dont certains sont considérables. Par conséquent, il a bien entendu fallu adapter les structures de gestion à cette réalité relativement récente.
S'agissant de la mise en oeuvre de la loi organique, comme vous avez bien voulu le souligner, monsieur le rapporteur spécial, nous avons défini la structure à venir de la mise en oeuvre de cette loi et nous travaillons actuellement sur les indicateurs, étant précisé que les expérimentations que nous allons conduire dans un certain nombre de juridictions nous permettront, je pense, de tester ces indicateurs dans des conditions satisfaisantes.
Vous avez également évoqué, monsieur Haenel, la rémunération au mérite, et vous m'avez demandé ce qui se « cache » derrière le chiffre de près de 10 000 cadres concernés. Ce chiffre concerne environ 1 600 personnels de l'administration centrale, environ 826 magistrats administratifs, un peu plus de 7 000 magistrats judiciaires, près de 700 directeurs des services pénitentiaires et de directeurs des services d'insertion et de probation et, enfin, 630 directeurs de la protection judiciaire de la jeunesse. Toutes les personnes ayant des responsabilités de « cadres », comme on le dit dans le monde de l'entreprise, c'est-à-dire de vraies responsabilités, sont concernées par cette modulation partielle des primes, qui sont un élément parmi d'autres de la rémunération.
Vous avez également évoqué, monsieur le rapporteur spécial, la carte judiciaire.
Au moment où nous recherchons l'efficacité, où, à juste titre, le Parlement me demande de mobiliser avec le plus d'efficacité possible les crédits de personnels, d'investissements et de fonctionnement, en particulier dans les juridictions, attention aux conséquences que pourrait avoir une redéfinition très ambitieuse, si elle est possible, de la carte judiciaire.
Je vais prendre un exemple que l'élu local que vous êtes, comme moi, comprendra bien.
Il ne faudrait pas que l'application de la carte judiciaire ait pour conséquence de fermer un établissement dans une commune moyenne où il n'y a aucune pression foncière pour aller chercher des mètres carrés fort coûteux dans une capitale régionale. Il faut tenir compte des conséquences collatérales de la concentration des moyens publics. Il faut agir avec prudence.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur spécial, je me suis engagé dans deux directions pour répondre à vos interrogations sur la carte judiciaire.
La première, c'est une spécialisation d'un certain nombre de juridictions autour du pôle « criminalité organisée ». On aura sans doute l'occasion, au mois de janvier, de reparler de ce sujet. C'est une manière pragmatique de revenir sur la carte judiciaire.
La deuxième, c'est ma volonté de supprimer un certain nombre de tribunaux de commerce là où la dimension de ces tribunaux ne correspond pas aux exigences en matière de bon fonctionnement.
Enfin, nous avons développé, au cours des mouvements de magistrats les plus récents, à la demande de la direction des services judiciaires, mais aussi à la demande de bon nombre de chefs de cour, la pratique des magistrats et des greffiers « placés ». Cela nous donne de la souplesse dans l'affectation des moyens et nous permet de corriger éventuellement les inconvénients de tel ou tel élément de la carte judiciaire.
Sur les retraites et les perspectives pour les personnels du ministère de la justice, je voudrais simplement rappeler l'esprit de la réforme des retraites du printemps dernier. Cette réforme ne modifie pas les dates butoir d'arrivée à la retraite, mais le nouveau dispositif conduit à allonger la durée de cotisation. De ce fait, les magistrats, en particulier, qui commencent leur carrière tardivement, risquent d'atteindre la limite d'âge avant d'avoir acquis la totalité de leurs annuités. Cela nous interpelle les uns et les autres, et il nous faudra peut-être rendre le dispositif plus souple.
Je voudrais simplement rappeler que les magistrats ont d'ores et déjà la possibilité de repousser de soixante-cinq ans à soixante-huit ans leur maintien en activité.
Par ailleurs, il nous faut avoir une juste connaissance des conséquences du supplément que va apporter à la retraite la prise en compte d'une partie des rémunérations accessoires. Il s'agira là d'un correctif intéressant.
S'agissant du renforcement des moyens humains du pôle antiterroriste du tribunal de grande instance de Paris, je rappelle la création d'un sixième poste de magistrat au parquet et, bientôt, d'un septième, celle d'un cinquième poste de juge d'instruction spécialisé, puis - je le souhaite - celle d'un sixième, ainsi que l'affectation de quatre greffiers supplémentaires et de trois agents de catégorie C.
J'ai veillé à ce qu'un effort soit fait, en liaison avec le procureur et le président du tribunal de grande instance de Paris, pour que la mise en place des moyens en bureautique et en informatique soit effective.
Sur le plan immobilier, pour l'instant, nous avons un peu « repoussé les murs », si je puis dire, en gagnant sur quelques bureaux le long de la galerie Saint-Eloi. Il est évident que nous sommes soumis à une double contrainte : d'une part, celle du tribunal de grande instance en général et, d'autre part, celle qui tient au fait qu'il est hors de question de délocaliser du tribunal de grande instance les éléments du pôle antiterroriste, ne serait-ce que pour des raisons de sécurité. C'est impensable, cela soulèverait énormément de difficultés.
Vous avez ensuite évoqué le problème du fonctionnement. Je souhaite, bien entendu, que l'articulation entre le parquet spécialisé et les cabinets des juges d'instruction spécialisés fonctionne bien, que cette articulation soit satisfaisante et que l'on évite certaines difficultés dans le concret, telles que celles qui ont pu être observées à l'occasion d'affaires récentes.
Je souhaite aussi que nous parvenions à déterminer avec plus de pertinence la séparation entre ce qui doit être traité par les tribunaux de droit commun et ce qui doit l'être par le tribunal de grande instance de Paris.
Vous le savez : en cas de conflit, c'est à la direction des affaires criminelles, à la Chancellerie, de trancher. Ce n'est pas exactement comme cela que les choses se passent. En général, il y a une sorte de recherche de consensus, de communication rapide entre les uns et les autres pour arriver à un bon équilibre entre ce qui peut être traité dans les tribunaux de droit commun, dans des régions comme la Corse et le Pays basque, par exemple, et ce qui doit être traité au sens strict de la lutte antiterroriste.
En ce qui concerne les ordres de mission, la règle est que les déplacements à l'étranger soient établis par la Chancellerie pour l'ensemble des magistrats. Ce système très ancien n'a jamais posé de problème d'indépendance pour tel ou tel magistrat.
S'agissant enfin du livre foncier, j'ai découvert l'intérêt de ce dossier très particulier lors de l'un de mes déplacements en Alsace-Moselle. Quelles mesures avons-nous prises pour accélérer l'informatisation de ce livre foncier, pour en faire un outil économique et juridique valable ? Après une inspection des greffes, qui a procédé à l'évaluation de la charge de travail, nous avons affecté quatre greffiers « placés » à la cour d'appel de Colmar. Nous avons également décidé d'en affecter quatre autres dès le 10 décembre 2003. Par ailleurs, douze emplois de catégorie C vont être attribués à la cour de Colmar à partir du mois de janvier prochain. Cela fera partie du contrat d'objectifs que j'envisage de mettre au point avec cette cour.
Avec ce dispositif, en « donnant ce coup de collier », nous devrions arriver à mener à bien ce travail considérable et passionnant afin, monsieur Haenel, que votre région puisse bénéficier de la mise à jour de ce dispositif et de l'informatisation du livre foncier.
Telles sont les réponses que je voulais apporter à M. le rapporteur spécial, que je remercie pour la qualité de son rapport. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, rapporteur pour avis.
M. Christian Cointat, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale pour les services généraux. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, malgré un contexte financier difficile, le projet de budget de la justice pour 2004 connaît une progression sensible dont on peut se réjouir. La deuxième tranche du programme quinquennal est conforme aux engagements pris par le Gouvernement. Des efforts importants sont prévus au niveau des effectifs, de leur formation, de leur statut, avec une incitation à la responsabilité et une récompense du mérite. Les réformes en vue d'une justice plus proche des citoyens, plus rapide et plus accessible sont poursuivies. La modernisation des méthodes de travail comme du fonctionnement des juridictions sont bien engagées, notamment avec un développement des contrats d'objectifs.
M. Jacques Mahéas. Tout va bien dans le meilleur des mondes !
M. Christian Cointat, rapporteur pour avis. En tout cas cela va beaucoup mieux qu'avant. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Les perspectives globales sont encourageantes. Je souhaiterais donc limiter mes observations à deux secteurs qui soulèvent quelques interrogations, à savoir, d'une part, les personnels des greffes et, d'autre part, l'aide juridictionnelle.
En ce qui concerne les greffes, outre les nombreuses créations d'emplois de fonctionnaires prévues par le projet de budget pour 2004 pour les services judiciaires, votre ministère, monsieur le ministre, propose de nouvelles mesures indemnitaires et statutaires en faveur de ces personnels.
Conformément aux engagements pris, vous avez réalisé les réformes statutaires prévues pour les greffiers en chef et les greffiers, afin de leur offrir des déroulements de carrière plus favorables et d'accroître leurs responsabilités, comme en témoignent notamment les postes de « greffiers-assistants du magistrat ».
Le projet du budget pour 2004 n'oublie pas les fonctionnaires de catégorie C, dont le taux indemnitaire moyen s'avérait moins favorable que ceux des fonctionnaires des catégories A et B et sera, désormais, légèrement supérieur à celui de ces derniers : 22 % au lieu de 21 %. En outre, une série de mesures substantielles facilitera leur promotion interne. Toutefois, un décalage important existe entre les primes des magistrats et celles des fonctionnaires : 41 % pour les premiers, 21 % à 22 % pour les seconds.
Ma première question est la suivante : comptez-vous, monsieur le ministre, opérer progressivement un rattrapage en vue d'un meilleur équilibre entre ces primes ?
En effet, en dépit des progrès réalisés, je n'ai pas trouvé, au fil des auditions que j'ai menées pour l'examen de ces crédits, un climat apaisé et serein, comme auraient pu le laisser supposer les efforts budgétaires indéniables qui ont été effectués.
Au contraire, j'ai non seulement ressenti des inquiétudes, mais j'ai pu prendre la mesure de l'amertume et de la déception exprimées par les représentants syndicaux des fonctionnaires des greffes, voire de la tension - pour ne pas dire la distance - qui existe entre ces personnels et les magistrats. Ce constat m'amène à penser que le dialogue social dans les juridictions est en panne ou, à tout le moins, fonctionne mal. Je crois qu'il faut s'en inquiéter, monsieur le ministre.
Ainsi, deux autres questions me viennent à l'esprit.
Tout d'abord, quelle est votre analyse de la situation actuelle des juridictions et comment expliquez-vous qu'en dépit de quelques avancées incontestables, les personnels des greffes demeurent insatisfaits de leur situation matérielle et de leurs conditions de travail ?
Ensuite, comment comptez-vous améliorer le dialogue social afin de réinventer une synergie entre les différents acteurs du service public de la justice ?
En ce qui concerne l'aide juridictionnelle, guidé par le louable souci de favoriser l'accès du plus grand nombre à la justice, vous avez fait le choix respectable de préserver l'esprit du dispositif qui résulte de la loi du 10 juillet 1991, tout en proposant d'y apporter progressivement quelques améliorations. Chacun reconnaît que le système actuel comporte des faiblesses, au premier rang desquelles figurent l'insuffisante rétribution des avocats et la disparité de traitement des demandes d'admission.
Ainsi, prolongeant le mouvement engagé l'année dernière, le projet de budget pour 2004 propose une série de mesures destinées à pallier, ou à tout le moins réduire, les imperfections du dispositif. On peut citer l'augmentation du barème de quinze procédures judiciaires, la majoration de 2 % de l'unité de valeur ou encore l'exclusion des ressources de l'aide personnalisée au logement et de l'allocation de logement social.
Pouvez-vous nous donner l'assurance, monsieur le ministre, qu'une revalorisation des barèmes interviendra chaque année afin qu'ils soient davantage en rapport avec la prestation intellectuelle fournie par l'avocat ?
Les principaux représentants de la profession d'avocat rencontrés au cours de mes auditions ont exprimé leur souhait d'aller encore plus loin, en particulier s'agissant du développement de l'assurance de protection juridique. Cela n'est cependant pas chose aisée. Le barreau de Paris, avec deux associations de consommateurs, a tenté un rapprochement avec les assureurs en lançant, en mai dernier, le prix de « l'accès au droit ». Faute de candidats, cette opération n'a pas rencontré le succès escompté, ce qui illustre fort bien les obstacles à surmonter.
Ces professionnels se sont pourtant déclarés prêts à engager un dialogue avec les sociétés d'assurance sous l'égide du ministère de la justice.
En conséquence, seriez-vous prêt, monsieur le ministre, à mener une étroite concertation en ce sens avec les différents acteurs concernés ?
Que pensez-vous d'une éventuelle extension du champ d'application de l'assurance de protection juridique et quels moyens vous paraissent pouvoir être envisagés pour inciter les sociétés d'assurance à proposer des contrats moins complexes et mieux connus des justiciables ?
Merci, monsieur le ministre, de bien vouloir nous éclairer sur ces quelques points. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Georges Othily, rapporteur pour avis.
M. Georges Othily, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale pour l'administration pénitentiaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2004 soumis au Sénat fixe à 5,283 milliards d'euros le budget du ministère de la justice, ce qui représente une hausse de 4,9 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2003.
Au sein des crédits du ministère de la justice, 1,6 milliard d'euros, soit 30,4 %, sera consacré à l'administration pénitentiaire. Les crédits de cette administration sont donc en hausse de 7,75 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2003.
En deux années, 1 998 emplois auront été créés dans l'administration pénitentiaire, ce qui représente une exécution des objectifs de la loi d'orientation et de programmation à hauteur de 53 %. De même, 736 millions d'euros d'autorisations de programme auront été affectés en deux ans à l'administration pénitentiaire au titre de la loi d'orientation et de programmation, ce qui représente une exécution des objectifs de cette loi à hauteur de 56 %.
Après deux années, la loi d'orientation est exécutée pour plus de la moitié de ses objectifs en ce qui concerne l'administration pénitentiaire, ce qui mérite, monsieur le garde des sceaux, d'être remarqué et salué.
J'en viens à la situation de l'administration pénitentiaire.
Celle-ci est préoccupante. Elle est en effet marquée par une forte augmentation de la population carcérale. Au 1er janvier 2003, 55 407 personnes étaient détenues en France contre 48 594 au 1er janvier 2002. Le nombre de détenus a même atteint 60 963 au 1er juillet 2003. Il était de 58 661 le 1er novembre dernier.
Compte tenu de l'augmentation du nombre de détenus, le taux d'occupation des établissements pénitentiaires atteignait 115,5 % le 1er janvier 2003.
Cette situation pose de multiples difficultés. Elle rend plus difficile le maintien d'un haut niveau de sécurité dans les établissements. Elle contribue à la survenance d'autoagressions telles que les automutilations, les suicides ou d'agressions à l'encontre des personnels. Elle rend largement théorique l'exercice de la mission de réinsertion confiée à l'administration pénitentiaire.
La loi d'orientation et de programmation pour la justice a prévu la création de 13 200 places nouvelles de prison.
Ma première question est la suivante : quel est l'échéancier prévu pour la construction des nouveaux établissements et quand interviendront les premières mises en service ?
Le développement du placement sous surveillance a connu une accélération, conformément aux objectifs fixés par la loi d'orientation et de programmation pour la justice, qui en a prévu la généralisation afin de permettre, à échéance de cinq ans, le placement simultané sous surveillance électronique de 3 000 personnes. Le Sénat, qui est à l'origine de cette réforme, ne peut que se féliciter de cette évolution.
Ma deuxième question est la suivante : les évolutions législatives ne doivent-elles pas s'accompagner d'une politique volontariste en matière de dispositifs d'aménagements de peine ou d'alternatives à l'incarcération ? Quelles mesures avez-vous prises ou prendrez-vous pour développer le nombre de quartiers de semi-liberté ou de chantiers extérieurs ?
La commission d'enquête du Sénat sur la délinquance des mineurs avait proposé d'inciter financièrement les collectivités locales à développer l'offre de travaux d'intérêt général, qui reste insuffisante. Que pensez-vous de cette mesure ?
J'évoquerai brièvement maintenant les suspensions de peines pour causes médicales graves. Je rappelle que la loi sur les droits des malades a prévu, sur l'initiative du Sénat, une suspension de peine pour les détenus dont le pronostic vital est en cause ou dont l'état est incompatible avec le maintien en détention.
Depuis l'adoption de cette loi, le Gouvernement a diffusé deux circulaires destinées à faire connaître cette mesure aux personnes susceptibles d'en bénéficier et à préciser ses conditions d'application.
Lors de ma visite à l'hôpital de Fresnes, j'ai constaté que l'application de cette mesure se heurtait parfois à l'absence de tout lien familial des détenus et à la difficulté de trouver pour eux une place dans des centres de soins palliatifs ou de long séjour. Il arrive ainsi que des personnes dont la peine est suspendue terminent leur existence au service des urgences de l'hôpital le plus proche.
Ma troisième question est la suivante : ne conviendrait-il pas que les ministères de la justice, des affaires sociales et de la santé se concertent pour faire en sorte que cette réforme, qui a constitué un progrès incontestable, puisse être pleinement mise en oeuvre ? D'une manière générale, quelles mesures sont envisagées pour faire face à l'augmentation dans les prisons du nombre de détenus malades ou âgés ?
Dans le cadre de la préparation du présent rapport, j'ai visité deux établissements : la maison d'arrêt de Fresnes et celle de la Santé.
La maison d'arrêt de Fresnes est une maison d'arrêt très particulière, parce qu'elle accueille plus de condamnés que de prévenus. Cette situation s'explique par la présence, au sein de l'établissement, du Centre national d'observation, le CNO, et du Service national de transfèrement.
Tous les condamnés à une peine supérieure à dix ans d'emprisonnement doivent passer au CNO de Fresnes avant d'être affectés dans un établissement pour peines. Pendant six semaines, un bilan de la situation de chaque condamné est dressé grâce à des entretiens avec des psychiatres, des psychologues, des personnels sociaux.
En 2000, la commission d'enquête du Sénat sur les prisons avait souhaité la disparition du CNO au profit d'une gestion régionale de l'affectation des détenus. Après ma visite, je confirme que le système du CNO présente de graves inconvénients.
Ma quatrième question est la suivante : envisagez-vous, monsieur le ministre, de modifier le système du CNO, qui n'est plus efficace et qui retarde, pour de nombreux détenus, la mise en place d'un projet d'exécution de peine ? La construction de nouveaux établissements n'est-elle pas l'occasion de créer des centres régionaux d'observation ?
Et voici ma dernière question : quel est l'échéancier prévu pour la réfection de la prison de la Santé ? Quelles sont les options retenues pour la rénovation de cet établissement, notamment en ce qui concerne le maintien ou non de détenus sur place pendant les travaux ?
En conclusion, la commission des lois vous propose, mes chers collègues, de donner un avis favorable sur les crédits du ministère de la justice consacrés à l'administration pénitentiaire. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste ainsi que sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard, rapporteur pour avis.
M. Patrice Gélard, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale pour la protection judiciaire de la jeunesse. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le budget de la protection judiciaire de la jeunesse, la PJJ, est un budget satisfaisant puisqu'il est en augmentation de 3,8 % et qu'il prévoit la création de 234 postes, ce qui représente quasiment le cinquième de la programmation quinquennale.
Il convient également de noter l'amélioration de la situation des personnels, qui est directement visée par ce budget, ainsi que l'augmentation des crédits de fonctionnement. Ce budget est donc tout à fait conforme aux objectifs de la loi d'orientation et de programmation. Néanmoins, monsieur le garde des sceaux, je me permettrai de vous poser cinq questions.
La première question fait suite aux préconisations du rapport de la Cour des comptes.
En effet, l'état des lieux des contrôles effectués sur les structures associatives apparaît comme insuffisant puisqu'une trentaine de structures seulement ont été contrôlées au cours de l'année sur les 1 213 établissements gérés par 508 associations. Par quels moyens la protection judiciaire de la jeunesse entend-elle renforcer le contrôle du secteur associatif ?
Les deuxième et troisième questions concernent les candidats au concours de recrutement de la protection judiciaire de la jeunesse. Il apparaît aujourd'hui que des candidats motivés par le travail social échouent au concours au profit de candidats surdiplômés. Quelles sont les mesures envisagées pour diversifier les recrutements ? Et comment le ministère entend-il améliorer le déroulement de la carrière des agents ?
La quatrième question concerne les personnels travaillant en hébergement collectif, qui sont principalement de jeunes éducateurs sans expérience, alors qu'il s'agit de postes particulièrement difficiles.
De plus, ces équipes connaissent des mutations très importantes. Comment peut-on remédier à ce mouvement ? Comment pérenniser dans l'hébergement collectif des personnels qualifiés, compétents et ayant de l'expérience ? Les primes prévues sont-elles suffisantes ?
Enfin, ma dernière question a trait au patrimoine de la protection judiciaire de la jeunesse, qui est très souvent ancien, voire vétuste. Quelles sont les mesures prévues pour le rénover et le rendre conforme aux normes de sécurité ?
En conclusion, la commission des lois a émis un avis favorable sur le projet de budget de la protection judiciaire de la jeunesse. Je mentionnerai cependant l'inquiétude que l'on peut éprouver pour l'avenir au vu de l'augmentation de la délinquance et des situations de mise en péril de jeunes, comme en font foi les statistiques. Il faudra sans doute, à l'avenir, prévoir des mesures encore plus importantes pour faire face à cette question cruciale qu'est la réinsertion des jeunes en difficulté dans notre société. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je vais tout d'abord répondre à M. Christian Cointat, rapporteur pour avis, qui m'a interrogé sur deux sujets : le climat social dans les juridictions, d'une part, l'aide juridictionnelle et la relation avec les avocats, d'autre part.
S'agissant du climat social dans les juridictions, il faut prendre en compte plusieurs facteurs.
Le premier concerne les vacances d'emploi.
Au cours des visites que je fais régulièrement dans les juridictions depuis dix-huit mois, j'ai pris conscience que la discussion était très difficile à partir du moment où les magistrats, les greffiers faisaient ressortir que par exemple, sur vingt postes budgétaires prévus, dix-sept postes seulement étaient pourvus. Dès lors, le ministre perdait toute sa crédibilité, notamment dans son discours sur les moyens.
C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité que soit consenti un effort immédiat sur ce point. Ainsi, d'ici à la fin de l'année 2003 et au début de l'année 2004, les vacances de postes seront en passe d'être comblées. Restent, bien sûr, les vacances de postes qui résultent des changements d'affectation, mais on ne les supprimera jamais, et heureusement, car cela signifie que des magistrats connaissent des promotions. En dehors de ces quelques semaines pendant lesquelles un poste peut rester vacant entre deux vagues de nomination, désormais grâce au recrutement nécessaire, les postes vacants seront pourvus.
Par ailleurs, des postes budgétaires supplémentaires vont être créés, grâce aux lois de finances successives : les affectations suivront grâce à la mise à niveau des structures de recrutement et de formation ; je pense, à cet égard, à l'extension des capacités de l'Ecole des greffes de Dijon, qui aujourd'hui tourne à plein.
J'en viens à vos interrogations plus spécifiques sur les greffiers, monsieur le rapporteur pour avis.
Sur ce sujet, nous avons réussi à résoudre un problème difficile. Comme vous le savez, mon prédécesseur avait engagé un projet de réforme statutaire des greffiers qui, pour des raisons de nature interministérielle avait échoué.
Cela a engendré une très grande frustration et créé un très mauvais climat dans les juridictions. J'ai eu conscience, dès mon arrivée au ministère, que ce point était à régler d'urgence.
Nous avons ainsi obtenu, après des discussions au niveau interministériel, l'instauration d'un statut B bis, c'est-à-dire un statut dérogatoire au cadre B, acceptable et par le ministère de la fonction publique et par le ministère du budget. Un certain nombre d'engagements ont été pris sur l'évolution du métier des greffiers, ce qui m'a permis d'obtenir ce statut dérogatoire au cadre B.
Peut-être certains auraient-ils espéré davantage, mais la négociation a abouti à cet équilibre que je crois satisfaisant.
Par ailleurs, nous poursuivons la réévaluation progressive du système indemnitaire, lequel sera passé de 19 % en 2000 à 22 % en 2004 ; bien sûr, il nous faudra continuer.
S'agissant des greffiers en chef, une réforme a également été réalisée au cours de l'année 2003.
J'espère que ces différents éléments permettront d'améliorer le dialogue social.
Enfin, vous avez raison de dire qu'il est nécessaire de développer le dialogue social dans les cours et dans les juridictions. Une approche plus souple, au plus près du terrain, est nécessaire. En effet, les questions posées par les personnels ne doivent pas remonter systématiquement à l'échelon ministériel. J'essaie donc de convaincre les partenaires locaux de traiter les questions à caractère social, chaque fois que cela est possible, au niveau local.
S'agissant de l'aide juridictionnelle, je rappellerai les deux axes de travail dans lesquels je me suis engagé.
Le premier est la restructuration du barème. C'est un élément très important, puisque à chaque acte effectué par un avocat correspond un certain nombre d'unités de valeur. Le barème a donc été restructuré par un décret de septembre 2003.
Ainsi, les assistances de fond devant le tribunal de grande instance ou le tribunal de commerce passent de vingt à vingt-six unités de valeur. L'assistance d'un accusé devant la cour d'assises passe de quarante à cinquante unités de valeur.
Il s'agit donc d'une évolution très importante en nombre d'unités de valeur et donc en rémunération, qui représente dans le projet de budget dont vous débattez, mesdames, messieurs les sénateurs, 11,3 millions d'euros en année pleine.
S'y ajoute une revalorisation de l'unité de valeur de 2 % correspondant à l'inflation.
Par conséquent, cette évolution de l'unité de valeur ajoutée à la modification du contenu du barème pour tenir compte du temps passé sur un certain nombre de dossiers me paraît répondre à l'attente des avocats. Au demeurant, nous poursuivrons les discussions relatives à la revalorisation annuelle, sur laquelle je me suis engagé auprès d'eux.
Enfin, vous avez évoqué le problème de l'assurance juridique. Dans ce domaine, Chancellerie et avocats sont d'accord sur la démarche. Nous avons un travail de conviction à opérer auprès des compagnies d'assurances, car les propositions qui sont faites aujourd'hui aux assurés ne nous paraissent pas, dans la plupart des cas, correspondre à ce à quoi les avocats peuvent prétendre légitimement, y compris en matière déontologique.
Par exemple, la problématique du libre choix de l'avocat par l'assuré, et non par l'assureur, me paraît un élément extrêmement important au regard de notre conception de la profession d'avocat. Nous poursuivons donc sur ce point, avec les représentants des avocats et ceux des assureurs, des discussions qui ne sont pas toujours faciles mais il me paraît essentiel d'avancer sur ce dossier, car il nous faut absolument améliorer le système de l'assurance juridique.
Je laisserai à Pierre Bédier le soin de répondre aux questions de M. Othily concernant l'immobilier judiciaire.
S'agissant des aménagements de peine, monsieur Othily, je ne me résigne pas, sachez-le, à leur baisse relative. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le Parlement est saisi, dans le cadre du texte sur la « grande criminalité », d'un certain nombre de modifications de la procédure susceptibles de provoquer une inversion de la courbe. En effet, depuis quelques années, le nombre des aménagements de peine diminue et, de manière corollaire, celui des « sorties sèches » de prison ne cesse de croître.
Vous avez évoqué, monsieur Othily, les places de semi-liberté. Je suis tout prêt à augmenter le nombre de ces places, et cette mesure figure d'ailleurs dans le programme d'aménagement des locaux de l'administration pénitentiaire. Cependant, il faut savoir que ces places sont inutilisées, ou très partiellement utilisées, ce n'est pas le ministre qui décide de mettre quelqu'un en semi-liberté : mais c'est le rôle des magistrats.
Il est donc incontestablement nécessaire d'améliorer les procédures afin que ces dispositifs, auxquels nous croyons les uns et les autres, fonctionnent mieux.
Il y a trois ou quatre mois, j'ai visité un centre de semi-liberté tout neuf dans l'Est de la France : il ne s'y trouvait personne ! J'ai trouvé cela un peu curieux ! Même en région parisienne, les centres de semi-liberté ne sont pas toujours pleins. Ceux de Lyon et de Marseille sont moitié vides.
En matière de surveillance électronique, on observe le même phénomène. Nous avons, avec Pierre Bédier, mis en place un système de privatisation du contrôle technique de la surveillance électronique, ce qui a permis le développement du dispositif. Nous sommes maintenant capables de placer 500 personnes sous bracelet électronique, contre une trentaine voilà un an et demi. Or il n'y en a que 200. Il reste donc 300 « places », si je puis dire, qui sont inutilisées. Et, dans six mois, la capacité sera sans doute supérieure à 1 000, car nous réalisons un important effort en la matière et l'administration pénitentiaire a suivi très précisément mes instructions. Il faut donc que ce dispositif soit plus largement utilisé, mais cela ne dépend pas de l'échelon administratif.
Là encore, cela passe par une simplification des procédures, et cette question sera l'un des points importants de la deuxième lecture, dans votre assemblée, du texte relatif à l'évolution de la criminalité.
Par ailleurs, je suis, comme vous, monsieur Othily, convaincu de l'intérêt de relancer tout ce qui tourne autour des travaux d'intérêt général.
Sur les suspensions de peine pour maladie grave, je dirai simplement que, constatant le très faible nombre de personnes concernées j'ai demandé à l'administration pénitentiaire de prendre l'initiative du déclenchement de la procédure : l'administration saisit directement le médecin, et cela peut ensuite déboucher sur une décision de libération par le juge.
C'est ainsi que l'on est passé de 21 à 71 bénéficiaires de cette mesure.
Cela étant, comme vous l'avez vous-même souligné, toute la difficulté est de trouver un endroit où envoyer ces personnes, qui n'ont plus d'environnement familial ou social. Il s'agit de trouver un établissement susceptible de les accueillir en tenant compte de leur état de santé et de leur état d'isolement psychologique, qui est en général extrêmement grave.
Votre dernière question portait sur le Centre national d'observation de Fresnes. Nous avons modifié, vous le savez, l'organisation de l'administration pénitentiaire dans ce domaine puisque nous avons très largement déconcentré vers les directions régionales le traitement et le système d'affectation des détenus dans les établissements. Nous ne traitons donc plus au niveau central que les détenus les plus dangereux et ceux dont les peines sont les plus longues. Le résultat ne s'est d'ailleurs pas fait attendre : le nombre de détenus placés au centre national est passé de 541 en 1999 à 279 en 2003.
Quant au délai d'attente, qui constituait à juste titre votre principale préoccupation il est passé d'une durée moyenne comprise entre dix-huit et vingt-quatre mois à moins de trois mois. La déconcentration du plus grand nombre de cas a donc produit les effets que nous en attendions.
Je voudrais maintenant répondre à M. Patrice Gélard.
M. le président. Monsieur le ministre, je me permets de vous signaler que vous risquez d'empiéter sur le temps de parole prévu pour les réponses de M. le secrétaire d'Etat.
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Monsieur le président, je croyais que le temps de parole du Gouvernement n'était pas limité et que, par conséquent, un ministre pouvait parler autant qu'il le souhaitait. La Constitution a dû changer...
Cela étant, si mes réponses n'intéressent pas le Sénat, je peux m'arrêter tout de suite, monsieur le président.
M. le président. Monsieur le ministre, pardonnez-moi, mais la conférence des présidents a décidé que cette séance serait interactive : cela signifie que vous pourrez avoir encore la parole huit fois après cette intervention, afin de répondre à huit orateurs différents.
Je ne fais, en l'espèce, qu'appliquer la décision de la conférence des présidents.
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Dans le cadre de la Constitution, j'imagine...
S'agissant de la protection judiciaire de la jeunesse, je dirai à M. Gélard que, d'une part, nous avons effectivement renforcé, par le décret d'octobre 2002, les possibilités de contrôle qui lui sont confiées et que, d'autre part, nous améliorons matériellement les possibilités de contrôle, notamment avec le recrutement d'un certain nombre de cadres qui est prévu dans le projet de budget pour 2004.
Nous voulons ouvrir ce recrutement à des publics ayant déjà une certaine expérience. C'est la raison pour laquelle le décret de recrutement va être modifié - il est actuellement en cours d'examen - afin de permettre des recrutements extérieurs. Le recours à des contractuels sera parallèlement développé.
En ce qui concerne la motivation des personnels, nous avons déjà amélioré le système des primes. Ce système, comme on l'a vu tout à l'heure, sera très partiellement modulé, ce qui devrait tout de même aller dans le sens d'une motivation des personnels.
Voilà les réponses, aussi rapides que possible, monsieur le président, que je pouvais apporter à M. Gélard. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat, à qui je me permets de demander d'être aussi bref que possible, de manière que nous puissions en terminer avant la suspension avec les crédits de la justice.
M. Pierre Bédier, secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice. Je serai d'une très grande brièveté, monsieur le président, mais je veux répondre à M. Othily sur les délais de construction des établissements pénitentiaires.
En ce qui concerne les établissements pour mineurs, les appels d'offres seront lancés au mois de janvier 2004 et les travaux devraient débuter au premier trimestre de 2005, pour se terminer à la fin de l'année 2006.
S'agissant des établissements pour majeurs, l'appel d'offres interviendra à la fin du premier trimestre de 2004, les travaux commenceront au début de l'année 2006 et s'achèveront au plus tard à la fin de l'année 2008.
Pour ce qui est des maisons centrales, le lancement de l'appel d'offres - deux maisons centrales sont en cause - se fera au début de l'année 2004, les travaux débuteront à la mi-2005 et s'achèveront à la fin de 2007.
J'en viens enfin aux établissements d'outre-mer, auxquels, je le sais, monsieur Othily, vous vous intéressez tout particulièrement.
A la Réunion, la prison Juliette-Dodu, dont chacun s'accorde à juger l'état scandaleux, devrait être remplacée au début de 2008, l'appel d'offres ayant été lancé.
A Tahiti, grâce à l'action du président Flosse, le processus est également amorcé, de même qu'à Basse-Terre.
Restera le problème de la Guyane. Nous en reparlerons.
Par ailleurs, nous sommes en train de travailler sur ce que l'on appelle les « nouveaux concepts ».
S'agissant de la maison d'arrêt de la Santé, la décision de la rénovation est prise, mais le problème est très compliqué. En effet, il n'y a qu'une prison à Paris intra-muros, et le tribunal a des besoins que nous sommes obligés de respecter. Cependant, force est de constater la situation de surpopulation.
L'étude qui avait été réalisée n'était pas satisfaisante parce qu'elle était trop théorique. Il est actuellement procédé à une autre étude, de manière qu'une réhabilitation puisse être engagée dans les plus brefs délais. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous passons aux questions des orateurs des groupes.
La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Monsieur le garde des sceaux, la question de l'évolution des tribunaux de commerce a été posée ces dernières années à vos prédécesseurs, notamment à l'Assemblée nationale, où avaient été lancés quelques anathèmes.
Le Sénat avait adopté une position que je crois courageuse.
Il avait tout d'abord insisté sur la nécessité de réformer le droit de la faillite. Vous nous avez présenté récemment un texte qui me semble aller très exactement dans le sens que tout le monde souhaite.
Le Sénat avait en outre suggéré une réforme de la carte judiciaire, de manière que les différents tribunaux de commerce aient suffisamment d'activité, ce qui supposait de leur part une certaine polyvalence, leur permettant, où qu'ils siègent, de traiter à fond des affaires éventuellement beaucoup plus complexes que celles qui relèvent d'une sous-préfecture de province ; des entreprises relativement importantes peuvent en effet avoir leur siège dans de petites villes.
Il fallait également envisager un certain nombre de mesures concernant, d'une part, les auxiliaires de justice, d'autre part, la qualité même des juges à travers une réforme du système électoral et, surtout, à travers un effort énorme de formation.
Et je ne parle pas de la présence au moins souhaitable des parquets dans les tribunaux de commerce : cette question est en partie liée à la réforme de la carte judiciaire puisque les procureurs ne sont pas pourvus du don d'ubiquité !
Monsieur le ministre, où en êtes-vous de la conception de la réforme de la carte des tribunaux de commerce ?
Quelles mesures envisagez-vous de prendre, à travers le budget, pour faire en sorte que la formation des juges consulaires soit à la fois plus approfondie et plus étendue, et qu'elle ne se déroule pas seulement à l'école de Tours ? De même, envisagez-vous qu'un financement permette à ces juges consulaires, qui sont de purs bénévoles, de ne plus avoir à financer personnellement leur propre formation, alors qu'une bonne partie de notre vie économique repose sur la qualité de leurs prestations ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben, garde des sceaux. A la suite d'une réforme dont on avait beaucoup parlé et qui n'avait pas connu le moindre début de réalisation (M. Paul Girod approuve), mais dont on avait tellement entendu parler qu'on aurait pu croire qu'elle avait eu lieu, la question s'est posée pour moi de savoir comment faire redémarrer le processus d'amélioration de notre justice commerciale, sachant que les choses ne pouvaient, à l'évidence, rester en l'état.
Afin de sortir des combats stériles, j'ai tourné la page de la réforme qui avait été envisagée, sans, du reste, porter de jugement sur son contenu. Je suis convaincu que, si l'on s'y était mieux pris, on aurait pu la faire, mais elle a été présentée de telle façon que le blocage a été général.
J'ai souhaité, dans un premier temps, faire porter tout l'effort sur la formation et la déontologie. J'ai donc demandé au doyen Guinchard de constituer un groupe de travail composé d'un certain nombre de professionnels. Nous avons ainsi pu débattre avec la conférence des présidents de tribunaux de commerce de la réforme complète du système de formation. Cette réforme se met actuellement en place.
La formation sera désormais beaucoup plus large que ce qui se faisait à Tours. Il y aura une formation organisée dans de grands pôles régionaux, avec une mise au point pédagogique effectuée par l'Ecole nationale de la magistrature. Le directeur de l'école, M. Azibert, travaille avec la conférence des présidents de tribunaux de commerce et nous sommes en train de mettre au point un système de financement pour que cette formation, avec un nombre de journées suffisant, soit proposée à l'ensemble des juges, y compris ceux qui assument des responsabilités dans ces tribunaux, car c'est une chose d'être « juge de base » autre et c'en est une d'être président ou d'avoir des responsabilités particulières sur certaines procédures.
Par ailleurs, la loi réformant le statut de certaines professions judiciaires ou juridique a prévu un renforcement des règles déontologiques ainsi que leur contrôle.
Enfin, en ce qui concerne le problème de la carte, je ne doute pas que l'ensemble des sénateurs s'attacheront à me faciliter la tâche consistant à supprimer ceux des tribunaux de commerce qui n'ont pas la taille suffisante pour faire du bon travail.
M. Paul Girod. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Je vous remercie, monsieur le garde des sceaux, de cette réponse qui va dans le sens de ce que j'espérais.
J'insiste sur la formation et surtout sur la possibilité, pour les juges ou les apprentis juges, de ne pas avoir, en plus de leur engagement, à payer de leur poche la totalité de leur formation. Un équilibre doit être trouvé - même si la tâche n'est peut-être pas simple pour vous -, et c'est essentiel pour que des vocations continuent à se manifester dans ce domaine.
Monsieur le garde des sceaux, je vous rappellerai, en guise de conclusion, cette boutade que je vous ai lancée un jour : « Il y a vraiment besoin d'ingénieurs méthode dans le détail de l'élaboration des procédures si l'on veut que notre justice en général fonctionne au mieux. » Passer quelques jours dans un tribunal de grande instance est, à cet égard, extrêmement instructif !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez déjà répondu à des questions relatives aux prisons, mais vos réponses ne m'ont pas satisfaite. Aussi, je me permets d'y revenir.
Ma première question a trait aux priorités que vous affichez pour l'administration pénitentiaire pour 2004, à savoir la sécurité et l'humanisation.
S'agissant de l'humanisation, je me référerai aux chiffres communiqués par le ministère : au cours de l'année 2002, 122 personnes se sont suicidées en prison, soit 18 de plus qu'en 2001, et 73 au cours du premier semestre de 2003 !
Monsieur le secrétaire d'Etat, lors d'un colloque organisé récemment par la conférence des barreaux, vous estimiez que la France n'avait pas la palme en matière carcérale en Europe, sans même parler des Etats-Unis. Eh bien, pour le taux de suicides, elle est en pointe !
Il y a eu parallèlement 1 907 agressions entre détenus, soit pratiquement deux fois et demie de plus que l'année passée.
Le rapporteur spécial de la commission des finances fait état d'un taux d'occupation moyen de 115,5 % - 125,2 % dans les maisons d'arrêt -, lequel cache des réalités très différentes d'un établissement à l'autre, la densité atteignant plus de 200 % dans vingt-cinq établissements.
De nombreuses mesures relatives à la sécurisation des prisons ont été adoptées, la dernière en date étant la décision, discutée - y compris par les personnels pénitentiaires -, de la fermeture des cellules dans les centrales.
Quelles mesures ont été prises, parallèlement, en vue d'une amélioration des conditions de détention ?
Deuxième question : que comptez-vous faire pour encourager la réinsertion des détenus, sujet que je ne trouve pas parmi vos priorités ?
Malgré l'augmentation notable de la population carcérale, l'essentiel des créations de postes concerne les surveillants. Les services d'insertion et de probation sont largement oubliés. Si l'on croise cette donnée avec la diminution des aménagements de peine - libérations conditionnelles, semi-liberté et placement à l'extérieur -, on a de quoi s'inquiéter.
Quant au travail des détenus, il ne concerne plus que 29 % d'entre eux, soit une diminution de six points par rapport à l'année précédente. Dans son excellent rapport, mon collègue Paul Loridant avait souligné combien le travail était essentiel dans un contexte de gonflement du nombre de détenus : « Il reste à déterminer ce que feront ces détenus durant cette période de prison et les conditions dans lesquelles ils feront de nouveau leur entrée dans la société. Il importe que la prison ne soit pas vaine et que la période de détention permette, autant que possible, de préparer une réinsertion ultérieure. »
Le budget consacré à l'administration pénitentiaire traduit une politique que je crois pouvoir résumer comme suit : plus de places, plus de sécurité, pour une population carcérale en augmentation, rejetant dans les oubliettes les conclusions unanimes des rapports parlementaires d'enquête sur les prisons.
Tous les signes de dysfonctionnement sont malheureusement confirmés et amplifiés par l'augmentation de la population carcérale, qui résulte tant des directives aux parquets que de textes créant de nouvelles infractions et optant pour une aggravation généralisée des peines.
L'un des participants au colloque que j'ai évoqué précédemment rappelait que Valéry Giscard d'Estaing avait déclaré, voilà trente ans : « La prison doit être la privation de la liberté et rien d'autre ». Or aujourd'hui, selon nous, la prison c'est la privation de liberté et tout le reste !
Ainsi, souligne le rapport de l'Observatoire international des prisons pour 2003, « dormir et se laver sont devenus difficiles, se soigner et travailler sont, dans bien des cas, impossibles. Réclamer contre de telles carences n'amène aucune amélioration mais provoque l'intervention des CRS. Dans un pareil contexte, n'importe quelle politique de protection des droits et de retour à la vie normale ne pourrait qu'échouer ».
C'est pourquoi il nous semble urgent de poser la question du projet du Gouvernement à l'égard de la population pénale. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, confirmez-vous que la situation des prisons n'est qu'un problème de suroccupation, qui sera résolu par l'augmentation des places de prison, à l'échéance des années 2006, 2007 et 2008 ? Qu'en est-il de la réflexion sur le sens de la peine qui avait été amorcée sous la précédente législature, sur l'ensemble des travées de notre assemblée ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je voudrais indiquer brièvement les grandes lignes de la politique que j'entends mener, avec l'aide de Pierre Bédier, en matière pénitentiaire.
Tout d'abord, je veux rappeler que le nombre de personnes placées en détention ne résulte pas d'une décision de l'administration, il ne faut tout de même pas le perdre de vue.
M. Jacques Mahéas. Posez la question à M. Sarkozy !
M. Dominique Perben, garde des sceaux. La question qui se pose est donc de savoir comment l'administration pénitentiaire répond aux décisions des magistrats dans le cadre de l'application des lois votées par les représentants du peuple, car c'est ainsi que fonctionnent nos institutions.
S'agissant du nombre de détenus en France, il ne faut pas se raconter d'histoires. Par rapport à la population, la France, avec 60 000 détenus aujourd'hui, n'est pas du tout dans une situation aberrante. Lorsque l'on est décideur public, il faut prendre les choses comme elles sont, voir que la France se situe à cet égard au niveau des grandes démocraties européennes comme la Grande-Bretagne et l'Allemagne, et en tirer les conclusions.
En effet, à force de dire qu'il faudrait diminuer le nombre de détenus, on n'augmente pas le nombre de places de prison. Or on a un parc de prisons qui, pour près de la moitié, est vieux de plus de cent ans puisque sa construction remonte au XIXe siècle. Ce n'est pas ainsi que l'on améliore l'humanisation des prisons.
C'est pourquoi l'objectif de construction de ces 13 000 places de prison auquel Pierre Bédier se consacre me paraît indispensable.
Le deuxième objectif de ma politique consiste à sortir les mineurs de toute promiscuité avec les adultes. Nous serons les premiers à créer des établissements pour mineurs construits autour de la salle de classe, de façon à ce que ces jeunes filles et ces garçons, qui sont des êtres en devenir, puissent, même en prison, essayer de se construire une personnalité, apprendre, aller à l'école, pratiquer un sport et sortir de prison avec un meilleur équilibre que celui qu'ils connaissaient avant d'y rentrer. (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)
Au-delà des sept établissements pour mineurs, nous sommes en train de rénover tous les quartiers pour mineurs de l'ensemble de nos établissements.
Le troisième objectif est la mise en place d'une politique permettant de sortir du système « sortie sèche de prison ». Il s'agit, comme vous le souhaitez, madame Borvo, de faire en sorte qu'un travail de réinsertion progressif vers la liberté soit réalisé. Je pense, par exemple, au développement de la semi-liberté, du bracelet électronique et des peines alternatives, autant d'éléments qui seront proposés par le Gouvernement en termes de procédure dans le cadre du texte qui reviendra au Sénat en deuxième lecture au mois de janvier, mais qui, en termes de moyens, sont déjà préparés. Comme je le rappelais tout à l'heure, certains d'entre eux, notamment le bracelet électronique, sont déjà en place avant même la réforme de la procédure.
S'agissant des moyens figurant dans le budget, je prévois effectivement de recruter pendant cinq ans 2 000 surveillants pénitentiaires chaque année. Ce recrutement est indispensable. En outre, les conditions de travail des surveillants, élément déterminant pour la vie des établissements, doivent être améliorées.
A cet égard, je salue le dévouement incroyable dont ont fait preuve les surveillants d'Arles qui ont opéré le transfert des détenus de l'établissement, la semaine dernière, sans dormir pendant deux jours et deux nuits, alors qu'eux-mêmes avaient leur maison ou leur appartement inondé. Je veux souligner, à l'occasion de ce débat, que ces personnels accomplissent remarquablement leur mission et ont, en cas de nécessité, un sens de l'engagement tout à fait exceptionnel.
Je rappelle également, madame Borvo, que, dans le cadre de ce budget, je propose la création de 160 postes dans les services pénitentiaires d'insertion et de probation, les SPIP, lesquels verront leurs moyens augmenter afin de leur permettre de préparer la sortie des détenus dans de meilleures conditions qu'aujourd'hui.
Tels sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les quelques éléments que je souhaitais apporter à la connaissance du Sénat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le garde des sceaux, je vous remercie de vos réponses, mais je ne partage évidemment pas l'orientation générale de vos propos. Les magistrats prononcent les peines, mais c'est le Gouvernement qui définit la politique pénale. Si l'on ne se penche pas sur la question du sens de la peine, je le répète, nous ne parviendrons jamais à nous comprendre.
La France compte moins de prisonniers que le Royaume-Uni, mais plus que l'Allemagne et l'Europe du Nord. Mais comparaison n'est pas raison car, de toute façon, il y aura toujours des pays qui auront plus de prisonniers que nous, et d'autres qui en auront moins.
En ce qui concerne la politique pénale, le développement de la composition pénale, le plaider-coupable, l'ensemble des procédures qui privilégient une appréhension gestionnaire des délits font perdre à la peine son sens éducatif que seule l'individualisation de la peine et la gestion du temps carcéral ou pénal peuvent donner.
Vous avez opposé une fin de non-recevoir à nos amendements relatifs au contrôleur général des prisons, qui étaient la reprise des dispositions votées par la majorité sénatoriale, ou aux droits des détenus au cours de la première lecture du projet de loi « fourre-tout » sur les nouvelles formes de criminalité.
Les propos, scientifiques ou sociologiques, je ne sais, qu'a tenus M. le secrétaire d'Etat sur un nombre incompressible de prisonniers ne reposent sur rien d'autre que sur la volonté de justifier un choix de société qui fait de l'enfermement la panacée.
En vérité, vous privilégiez l'affichage et le court terme. Nous combattons votre politique pénale qui consiste, comme l'a très bien démontré M. Loïc Wacquant, en la mise en scène politique de la sécurité désormais entendue dans sa stricte acception criminelle, après avoir réduit le crime lui-même à la seule délinquance de rue, c'est-à-dire, en bout de chaîne, aux turpitudes des classes populaires.
Selon Loïc Wacquant, votre politique « a pour fonction de permettre aux dirigeants de réaffirmer la capacité d'action de l'Etat au moment où ils prêchent unanimement son impuissance en matière économique et sociale ». (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Christian Cointat. C'est incroyable !
Mme Nicole Borvo. Par conséquent, nous combattons cette politique, et cela justifie notre opposition à un budget de la justice dont l'augmentation notable, il est vrai, ne saurait nullement dissimuler son caractère profondément inefficace et encore plus injuste.
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je souhaite apporter des éléments d'information qui me paraissent intéressants.
Tout d'abord, le retournement de tendance de la population carcérale en France remonte à la fin de l'année 2001. A l'époque, les lois Sarkozy et Perben n'avaient pas été votées !
Ensuite, en 2002, année pleine, le nombre de détenus dans les pays européens a connu une évolution très importante, ce qui montre que le phénomène dépasse largement les orientations de la politique pénale de telle ou telle majorité ou tel ou tel gouvernement. Ainsi, en 2002, au Royaume-Uni, la population carcérale a augmenté de 23,7 %, en Finlande de 13,7 %, au Danemark de 8,8 %, en Autriche de 8,4 %, en Espagne de 7,9 %. Or ces pays possèdent des systèmes judiciaires et des philosophies en matière de politique pénale relativement différents les uns des autres.
Nous sommes donc confrontés à un phénomène qui tient sans doute beaucoup plus au développement d'un certain type de délinquance qu'à des choix aussi caricaturaux que ceux que vous avez décrits tout à l'heure.
M. le président. La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le garde des sceaux, j'ai déjà eu l'occasion, à plusieurs reprises, d'attirer votre attention, comme celle de vos prédécesseurs, sur l'urgente nécessité d'aménager le système judiciaire de la Guyane, qui connaît une situation originale particulière.
Le temps de la réflexion doit maintenant laisser place à celui de l'action, sinon ce territoire ne pourra bénéficier de la volonté du Gouvernement de moderniser la justice. A situation spécifique, mesures spécifiques.
En effet, la Guyane connaît depuis déjà plusieurs années une réelle explosion de son activité judiciaire, confirmée par les chiffres. Le tribunal de grande instance de Cayenne traite actuellement plus de 3 000 affaires civiles et plus de 20 000 procédures pénales avec une seule chambre. Je crois que c'est un record en France.
Mais le problème le plus urgent, monsieur le garde des sceaux, est celui de l'absence d'une cour d'appel de plein exercice sur le sol de la Guyane, seule région française à connaître une telle situation. Le justiciable a perdu, en réalité, le bénéfice d'un véritable second degré de juridiction.
Deux recours ont été introduits devant la Cour européenne des droits de l'homme sur ce sujet.
Vous comprendrez donc, monsieur le garde des sceaux, qu'une telle situation, de plus en plus en marge du droit, ne saurait perdurer encore davantage. C'est pourquoi je vous demande si vous comptez prendre des dispositions pour restaurer une cour d'appel de plein exercice en Guyane. Cette décision s'impose pour rendre optimale en Guyane l'application pratique des mesures prises en vertu de la loi d'orientation et de programmation pour la justice.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, le renforcement des moyens de la justice en Guyane passe effectivement par des créations de postes et par l'octroi d'un certain nombre de moyens.
S'agissant de la cour d'appel, je ne pense pas qu'il faille faire le saut tout de suite. Un certain nombre de mesures sont, vous le savez, en cours de mise au point : la création d'une antenne du service administratif régional et d'un poste supplémentaire de conseiller à Cayenne puisque, comme vous le savez, il y a une autonomie assez large avec la chambre détachée ; le renforcement des effectifs du parquet permettant une délégation permanente du parquet de Fort-de-France sur Cayenne, ce qui est un point important ; enfin, la création d'un tribunal d'instance, ou de grande instance, à Saint-Laurent-du-Maroni.
Il faut incontestablement renforcer les moyens de la justice, mais il faut le faire progressivement. Ces différents éléments de réponse vont dans le sens de ce que vous souhaitez.
M. le président. La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le garde des sceaux, je vous remercie des réponses que vous m'apportez. Cependant, à l'évidence, elle ne peuvent satisfaire la communauté judiciaire en Guyane, car rien ne s'oppose à la création de cette cour d'appel. Certes, vous mettez en place un certain nombre de mesures pour tenter d'améliorer le système judiciaire. Mais la distance de 250 kilomètres séparant Saint-Laurent-du-Maroni de Cayenne justifie la création d'urgence de ce tribunal de grande instance. Nous espérons qu'elle interviendra dans le courant de l'année 2004, ou au plus tard en 2005.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Monsieur le ministre, souffrez la comparaison !
Sous la législature Jospin, le ministère de la justice a connu une augmentation de crédits de 29 % et la création de 7 273 emplois. Les intentions affichées par le gouvernement actuel sont dans la continuité, avec des crédits en hausse de 4,88 % et la création de 709 emplois. Seulement, les réalisations ne sont pas à la hauteur des prévisions, puisque les créations d'emplois marquent déjà un déficit de 371 emplois par rapport à la moyenne que suppose la mise en oeuvre de votre loi d'orientation et de programmation pour la justice, qui a promis 4 450 emplois en cinq ans.
Quant aux juges de proximité, c'est tout simplement une catastrophe ! Les 32 premiers juges - au lieu des 300 annoncés cette année sur les 3 300 promis à terme ! - viennent d'entrer en fonctions, et les problèmes déjà rencontrés sont inquiétants : conflits de compétence avec les tribunaux d'instance, difficultés de recrutement, etc.
Monsieur le ministre, vos explications ne m'ayant pas convaincu, je renouvelle mes questions : vos budgets ne sont-ils que des effets d'annonce ou avez-vous réellement l'intention de mettre en place ce que vous promettez ? Etes-vous en mesure de réaliser un bilan des crédits consommés et de faire le point sur les gels qui, certes, réduisent le déficit, mais entravent gravement l'action de la justice, pourtant affirmée prioritaire ?
En ce qui concerne l'indépendance de la justice, contrairement à la pratique de vos prédécesseurs, vous avez rétabli les instructions individuelles du ministre dans les affaires judiciaires en cours. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Vous avez décidé de ne plus suivre les avis du Conseil supérieur de la magistrature pour la nomination des magistrats.
M. Hubert Haenel, rapporteur spécial. C'est dans la Constitution !
M. Jacques Mahéas. Vous avez tenté de déstabiliser un certain nombre de magistrats qui avaient fait preuve d'indépendance dans les dossiers sensibles des emplois fictifs du RPR, enterrés aujourd'hui.
M. Hubert Haenel, rapporteur spécial. Oh !
M. Jacques Mahéas. En contrepartie, vous avez accordé des promotions à ceux qui, dans le même dossier, avaient montré plus de complaisance !
Après ces pratiques que l'on croyait d'un autre temps, tellement elles sont contraires au souhait des Français, d'une justice impartiale et indépendante, vous annoncez l'instauration de primes au mérite qui moduleraient le salaire des magistrats en fonction d'une efficacité à déterminer. Nous comprenons, dès lors, le malaise diffus qui gagne les magistrats devant la banalisation, voire la marginalisation, de leurs fonctions, aggravées par l'inflation législative !
Comment, monsieur le ministre, comptez-vous restaurer la confiance des magistrats, confrontés aux attentes considérables de l'opinion ?
S'agissant de l'aide juridictionnelle il faut rappeler qu'elle a connu une grave crise en 2000 : les barreaux se sont mis en grève pour protester contre la faiblesse de l'indemnisation versée aux avocats. Cette crise a débouché sur un protocole d'accord, et j'ai pris bonne note de vos informations. La réflexion s'est poursuivie au travers d'une commission, puis d'un avant-projet de loi élaboré par Marylise Lebranchu. Monsieur le ministre, entendez-vous reprendre ce projet ou engager une réforme en profondeur de l'aide juridictionnelle ?
Enfin, je ne peux m'empêcher d'être choqué par les dysfonctionnements récurrents de certains tribunaux, à commencer par celui de Bobigny,...
M. Hubert Haenel, rapporteur spécial. C'est le cas depuis des années !
M. Jacques Mahéas. ... qu'un quotidien a tristement qualifié de « tribunal maudit ».
Lors des débats sur l'immigration, le ministre de l'intérieur nous a promis l'installation d'un tribunal à Roissy. Le 15 octobre dernier, il déclarait dans cet hémicycle : « Puisque la surcharge de travail est telle à Bobigny que l'on est obligé de relâcher des détenus, ce qui est un comble, la création d'un nouveau tribunal à Roissy représentera un grand progrès. »
J'espère que vous nous confirmerez cette annonce, monsieur le ministre, afin que des prévenus ne soient plus relâchés faute d'escorte policière, même si, pour M. Sarkozy, la responsabilité en incombe aux magistrats. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Au-delà de cette guéguerre, il n'est que temps de résoudre la question. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Il est tout de même assez difficile, au vu du projet de budget pour 2004, de dire que la justice ne constitue pas une priorité du Gouvernement. Il est des exercices auxquels j'ai du mal à me livrer même sur le plan intellectuel. Il me paraît évident que la justice est une priorité du Gouvernement !
Par ailleurs, grâce à la loi d'orientation et de programmation pour la justice, nous avons des perspectives sur cinq ans, ce qui nous permet de mettre des moyens en place et d'en assurer un suivi. Il ne suffit pas en effet d'afficher des chiffres et, de ce point de vue, vous avez raison. Il importe ensuite, en termes de recrutement et de formation, de se donner les moyens sur cinq années d'augmenter de 950 le nombre de magistrats et de créer les 10 000 emplois supplémentaires, comme le prévoit la loi d'orientation et de programmation pour la justice.
S'agissant de mon rôle en tant que ministre, j'applique la Constitution. Le débat est ouvert. C'est vrai que mes prédécesseurs avaient fait le choix de s'abstenir d'exercer des attributions qui sont confiées au ministre de la justice.
Pour ma part, je les exerce.
J'ai pu observer que, lorsqu'ils sont confrontés à la montée de l'antisémitisme, aux incendies de forêts dans le Midi, les Français se tournent vers le responsable politique que je suis et me demandent des comptes. Ils veulent savoir ce que je fais, ce que j'ai dit au procureur de la République. Ils veulent connaître les instructions que j'ai données au parquet. Voilà la réalité ! Oui, je le dis clairement, je donne des instructions, et je ne les garde pas confidentielles. S'agissant de la lutte contre l'antisémitisme, j'ai publié la circulaire que j'ai envoyée le 18 novembre à tous les procureurs de la République. C'est cela, le système républicain.
M. Jacques Mahéas. Je vous parle des instructions individuelles !
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Ce sont des instructions individuelles !
Dans l'affaire de Séclin, qui est un dossier complexe, j'ai moi-même donné l'instruction au parquet général du Nord de faire appel contre le maire de Séclin ; c'est une décision que j'assume totalement, car je pense qu'un élu de la République n'a pas à organiser le boycott de produits israéliens. C'est cela aussi le fonctionnement de la démocratie ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Ce que demandent nos concitoyens, c'est que les hommes politiques aient le courage d'assumer leurs fonctions. D'ailleurs, dans le mouvement auquel vous appartenez, monsieur Mahéas, je sais que beaucoup partagent mon point de vue.
S'agissant de l'aide juridictionnelle, il me paraît effectivement très important que celles et ceux qui, pour accéder au droit, ont besoin de l'aide de la solidarité nationale puissent en bénéficier. C'est la raison pour laquelle, d'une part, comme je l'ai dit tout à l'heure, j'ai restructuré le barème et, d'autre part, je me suis engagé, dans le cadre de la loi d'orientation, à améliorer, année après année, la rémunération des avocats.
S'agissant de Bobigny, je suis absolument décidé à renforcer les moyens de cette juridiction qui, de toutes les juridictions de la cour d'appel de Paris, est depuis longtemps la plus maltraitée alors qu'elle est confrontée, en particulier en matière pénale, à une situation extraordinairement difficile.
A la suite de l'inspection qui a eu lieu - une autre est d'ailleurs en cours -, nous allons affecter des moyens budgétaires supplémentaires et créer des postes de magistrats et de greffiers pour renforcer cette juridiction.
Vous avez par ailleurs, monsieur le sénateur, abordé le sujet de Roissy, c'est-à-dire la situation extrêmement pénible sur le plan humanitaire de ces personnes qui doivent passer devant la juridiction compte tenu de leur situation à l'égard des lois sur l'immigration.
Vous vous souvenez que, sur l'initiative de M. Vaillant, a été construite une salle d'audience qui n'est pas conforme aux règles de la procédure judiciaire et que nous allons devoir réaménager et compléter afin qu'elle réponde aux conditions normales d'exercice de la justice que peuvent légitimement attendre les magistrats, les avocats et surtout les justiciables, ces derniers étant aujourd'hui l'objet de transfèrements invraisemblables et inacceptables en termes de conditions humanitaires. Nous allons donc agir le plus rapidement possible. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas.
M. Jacques Mahéas. En somme, monsieur le garde des sceaux, vous plaidez coupable. (M. le rapporteur spécial s'exclame.) Donc, avec la nouvelle loi, la sanction sera plus légère...
En effet, la surpopulation et les mauvaises conditions d'accueil dans vos prisons, ce n'est pas de votre faute ! La mise en place des travaux d'intérêt général, ce n'est pas de votre faute ! Les bracelets électroniques, ce n'est pas de votre faute !
Cependant, quand on entend dans cet hémicycle M. Sarkozy dire, par exemple, qu'il n'y a pas assez de monde en prison, que ce sont non pas 60 000 mais 75 000 personnes qu'il faudrait effectivement placer en détention, n'est-ce pas, de la part d'un ministre de la République, orienter la justice vers la prison ? Il nous dit être très conscient qu'à Bobigny les choses ne se passent pas très bien,...
M. Christian Demuynck. Elles se passent mal !
M. Jacques Mahéas. ...pour autant, on ne sait pas à qui en revient la faute. D'après M. Sarkozy, ce n'est pas du tout la faute de son ministère. Il faudrait peut-être, monsieur le ministre, que vous vous entendiez dans ce domaine, notamment sur le fait de créer un tribunal et non pas une salle d'audience à Roissy.
Vous ne m'avez pas répondu sur les interventions du parquet. Je ne m'attarderai pas sur les difficultés que l'on rencontre à Bobigny avec certains procureurs de la République et leurs substituts, qui sont de vos amis. Mais, très franchement, arrêtez de déplacer les uns, d'influencer les autres et de promouvoir certains. Vous donnez une image de la justice qui n'est pas celle qu'attendent nos concitoyens.
Ainsi, ils ne comprennent pas - dernière nouvelle en date de samedi - que la justice ait enterré le dossier des chargés de mission RPR à la mairie de Paris, ne conçoivent pas que la chambre d'instruction ait suivi les arguments du parquet général, qui a estimé que la plus grande partie du dossier était prescrite, alors que la juge Colette Bismuth-Sauron n'était pas de cet avis.
Monsieur le ministre, je n'ai pas dit tout à l'heure que votre budget n'était pas en évolution, puisque j'ai indiqué qu'il augmenterait de 4,88 %, avec la création d'un peu plus de 4 000 emplois, même si, par rapport aux plus de 7 700 emplois créés par Lionel Jospin, il s'agit quand même d'un effort moindre. J'ai dit que la réalisation ne suivait pas. Alors, dans ce jeu du lièvre et de la tortue, où vous assumez en ce moment le rôle de la tortue, méfiez-vous, car il se pourrait que, cette fois, le lièvre gagne la partie !
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, pour la seconde année consécutive, le budget de la justice met en oeuvre la loi quinquennale d'orientation et de programmation. Il présente une hausse de 4,9 % par rapport à 2003 et ses orientations devraient permettre de réduire les délais de traitement des affaires civiles et pénales. Notre groupe l'approuve donc.
Malgré ces hausses, nous restons en deça de ce à quoi la justice devrait prétendre. Ainsi, dans son rapport sur l'évolution des métiers de la justice, M. Cointat regrette que ne soit plus utilisé le dispositif « magistrats exerçant à titre temporaire » instauré en 1995. C'est également la position de notre groupe. Comme l'indiquait mon collègue Pierre Fauchon, il est regrettable que la compétence de ces magistrats à titre temporaire n'ait pas été revue lors de l'examen de la loi sur les juges de proximité.
S'agissant de l'évaluation des magistrats, je suis personnellement sceptique sur la possibilité de mettre en oeuvre cette disposition d'une manière qui soit réellement objective et non contestable. L'estimation est difficile à faire compte tenu de l'objet même du travail des magistrats. Je souhaite donc, monsieur le ministre, que l'application de cette mesure soit progressive et évaluée.
Appartenant à une famille politique très attachée au développement de la coopération judiciaire européenne, j'interviendrai plus particulièrement sur la règle dite du non bis in idem qui a récemment fait l'objet d'une proposition de résolution émanant de M. Fauchon. La règle selon laquelle une personne ne peut être poursuivie ou punie une seconde fois à raison des mêmes faits est inscrite dans notre code de procédure pénale. Cette disposition doit évidemment être transcrite dans le cadre de nos relations entre membres de l'Union européenne.
Dans le cadre du programme de coopération judiciaire consacré au Conseil européen de Tampere, la présidence grecque a proposé une décision-cadre visant à doter les Etats membres de règles de droit communes concernant le principe non bis in idem afin de garantir l'uniformité de son interprétation. Si la reconnaissance du principe ne pose pas de difficultés majeures, les négociations bloquent toutefois sur la définition des exceptions.
La décision-cadre reprend les exceptions énoncées par la convention de Schengen qui prévoit que les Etats pouvaient faire une déclaration, au moment de sa ratification, pour ne pas être liés par ce principe dans trois cas : premièrement, lorsque les faits visés par le jugement étranger ont eu lieu, en tout ou en partie, sur leur territoire ; deuxièmement, lorsque les faits visés par le jugement étranger constituent une infraction contre la sûreté de l'Etat ou d'autres intérêts également essentiels ; enfin, lorsque les faits visés par le jugement étranger ont été commis par un fonctionnaire en violation des obligations de sa charge.
En l'état actuel des négociations, les avis sont partagés entre le maintien partiel ou total, ou la suppression de ces exceptions.
Succédant à la présidence hellénique, la présidence italienne a proposé un compromis reposant sur trois règles.
Premièrement, les Etats membres, qui sont d'ores et déjà liés par les dispositions de Schengen et qui n'ont pas fait de déclaration pour prévoir des exceptions au principe du non bis in idem, n'auraient plus la possibilité de faire une telle déclaration dans le cadre du nouvel instrument.
Deuxièmement, la liste des exceptions serait limitée, car elle comprendrait la clause territoriale, les exceptions concernant les fonctionnaires et celle qui est relative à la sûreté nationale, mais elle ne concernerait plus l'exception relative aux « autres intérêts également essentiels ».
Troisièmement, un mécanisme automatique de révision des exceptions serait mis en place à l'issue d'une période de cinq ans après l'entrée en vigueur de la décision-cadre.
Plusieurs Etats ont manifesté leur hostilité à ce compromis. Parmi eux, la France s'oppose à l'idée même d'interdire aux membres liés par Schengen qui n'avaient pas fait de déclaration sur les exceptions au principe du non bis in idem de faire une telle déclaration dans le cadre de ce nouvel instrument. De même, elle souhaite conserver l'ensemble des exceptions au principe, y compris celle qui est relative aux « autres intérêts également essentiels ». Enfin, elle refuse d'introduire un mécanisme automatique de révision de ces exceptions.
Nous assistons donc à une opposition totale de la France au compromis proposé par l'Italie. Certaines raisons, telles que le refus de supprimer l'exception relative aux « intérêts également essentiels », me semblent très difficiles à comprendre. Alors que la France a toujours manifesté sa volonté de soutenir et d'accompagner la construction d'un espace judiciaire européen, je voulais donc vous interroger, monsieur le ministre, sur les raisons qui motivent le Gouvernement à rester aujourd'hui très en retrait sur cette question. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, la rémunération variable sera introduite très progressivement. Nous prenons en compte la progression des primes des magistrats qui vont être augmentées de huit points en deux ans pour être portées de 37 % à 45 %. Cela répond donc à votre souci. Même s'il s'agit, d'une certaine manière, d'une révolution culturelle, il faut souligner le caractère relativement modeste de cette mesure, qui ne porte que sur une part limitée des primes qui, elles-mêmes, ne représentent qu'une partie de la rémunération des magistrats.
Quant aux négociations européennes, nous avons obtenu, au cours des deux derniers mois, deux décisions très importantes qui favorisent la construction de l'Europe de la justice. D'une part, l'affaire des enlèvements d'enfant a été définitivement réglée et, d'autre part, les Quinze, sans exception, ont trouvé un accord sur la drogue. Ces deux décisions très importantes vont effectivement permettre une bonne coopération judiciaire entre les Quinze sur deux sujets touchant au plus près la vie des Français et des Européens.
Sur le principe du non bis in idem, la négociation est, il est vrai, aujourd'hui dans l'impasse. Elle s'est déroulée essentiellement à un niveau technique et diplomatique ; nous allons maintenant reprendre le dossier sur le plan politique.
Je vous demande de ne pas oublier que les décisions prises aujourd'hui le sont à quinze, mais qu'elles devront pouvoir s'appliquer à vingt-cinq, ce qui, en matière de justice, ne signifie pas tout à fait la même chose compte tenu de l'évolution récente des systèmes judiciaires d'un certain nombre de pays d'Europe. Nous devons, sur des dossiers qui peuvent concerner les libertés publiques, les libertés individuelles, être très prudents. Nous arriverons probablement à un accord, mais il faut maintenant que cette décision soit prise sur le plan politique et que nous puissions intégrer cette dimension de l'élargissement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Je remercie M. le garde des sceaux des précisions qu'il vient de nous apporter, et je souhaite effectivement que le politique reprenne le dessus pour que nous puissions sortir de cette impasse.
M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille.
M. Laurent Béteille. Monsieur le garde des sceaux, je serai d'autant plus rapide que, pour l'essentiel, vous avez déjà répondu à ma question à la suite de celle qui a été posée par M. le rapporteur spécial, puisqu'elle concerne le terrorisme.
Le terrorisme, qui est aujourd'hui une menace importante pour nos civilisations, pour la démocratie en général, doit faire l'objet d'une attention toute particulière.
Le système fonctionne bien, en particulier en France. Depuis les attentats du 11 septembre, tous les maillons de la chaîne judiciaire ont montré leur efficacité.
Je veux néanmoins attirer votre attention sur le fait que, à la suite des attentats de Karachi, un certain nombre de décisions prises par la justice française ont été annulées parce que ces actes n'avaient pas été commis sur le sol français.
Pouvez-vous nous dire, monsieur le garde des sceaux, si vos services étudient actuellement des dispositions de nature à régler cet inquiétant problème ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, depuis maintenant douze mois, nous avons renforcé les moyens du pôle antiterroriste, aussi bien les moyens humains que les moyens matériels, notamment ceux qui concerne l'organisation informatique.
Je ne perds pas de vue, avec les chefs de cour et de juridiction, la nécessité de mieux structurer l'organisation immobilière de ce pôle, mais vous connaissez le poids des contraintes qui pèsent aujourd'hui sur le tribunal de grande instance de Paris.
Enfin, s'agissant, d'une part, de la collaboration entre parquets et juges d'instruction, et, d'autre part, du traitement des attributions de dossiers en fonction de leur connotation antiterroriste, je puis vous indiquer que des réunions régulières se tiennent maintenant entre les décideurs, de manière à éviter tout conflit inutile de compétence. J'ai exprimé la ferme volonté que, soit entre les parquets et les juges d'instruction, soit entre le tribunal de grande instance de Paris et les tribunaux de grande instance situés en province, ces éventuels conflits puissent maintenant être dépassés de manière que l'on puisse travailler avec la rapidité et l'efficacité indispensables pour ce type d'action. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Mon intervention porte sur la question des prisons. Vous venez de nous dire, monsieur le garde des sceaux, que les chiffres devaient être comparés à ceux des autres pays, et M. Mahéas a rappelé que l'un de vos collègues du Gouvernement avait souhaité ici même que les détenus soient plus nombreux.
Comme beaucoup de Français, je regarde à la télévision, le 14 juillet, l'émission au cours de laquelle est retransmise l'allocution du chef de l'Etat. Je me souviens avoir entendu M. Jacques Chirac évoquer cette question, le 14 juillet 2000, dans les termes suivants : « Nous avons 51 000 prisonniers, c'est un nombre excessif, il faut le diminuer. » Il a ajouté : « Le fait d'avoir en France 10 000 détenus qui ne sont pas passés devant le juge est inadmissible. »
Or la population carcérale s'élevait à 60 963 personnes au 1er juillet et à 58 661 détenus au 1er novembre, selon les chiffres de votre ministère. Ainsi, du 1er janvier 2002 au 1er janvier 2003, le nombre d'entrées en détention a augmenté de 21 %, le nombre de prévenus de 29 % et le nombre de condamnés de 6,4 %. Cette évolution est totalement contraire aux déclarations qui avaient été faites par M. le Président de la République. C'est inquiétant, surtout quand on connaît l'état de nos prisons.
A cet égard, monsieur le garde des sceaux, nous sommes un certain nombre à avoir regretté que vous ayez jugé très sévèrement le rapport de l'Observatoire international des prisons. Vous avez indiqué que ce document contenait « des attaques excessives et grotesques ». Mais j'ai pu lire dans ce document qu'en vingt ans la proportion des suicides en prison avait doublé, que le taux de suicides par rapport à l'effectif moyen de la population carcérale était passé de 10 pour 10 000 détenus en 1980, à 21,6 pour 10 000 en 2001, et à 22,4 pour 10 000 en 2002. Il est sept fois plus élevé en prison qu'en milieu libre. L'administration pénitentiaire a dénombré 122 suicides en 2002, soit 17,3 % de plus qu'en 2001.
Cette triste réalité ainsi que les taux d'occupation extrêmement élevés m'ont conduit à vous écrire à cinq reprises au cours de l'été, monsieur le garde des sceaux, au sujet de la prison d'Orléans. Je tiens d'ailleurs à souligner que vous avez veillé à faire diminuer la suroccupation, ce dont je vous remercie. Nous restons toutefois vigilants. Le plan de M. Bédier devrait être mis en oeuvre, dans le prolongement de ce qui avait été décidé par Mme Lebranchu ; c'est une bonne chose. Cependant, les prisons nouvelles seront d'ores et déjà occupées, suroccupées. Si l'on ne développe pas les alternatives à la prison, la situation risque, hélas ! de demeurer inchangée.
Monsieur le garde des sceaux, il avait été question d'une grande loi pénitentiaire qui aurait permis au Parlement de se prononcer sur les orientations en la matière et de mener une réflexion sur le sens de la peine. Y avez-vous renoncé ?
Monsieur le garde des sceaux, vous venez par ailleurs de nous livrer des éléments d'information concernant les alternatives à l'emprisonnement.
Nous avons constaté, comme M. Othily, rapporteur pour avis, l'a rappelé, que le nombre d'ordonnances de placement à l'extérieur prononcées par les juges d'application des peines avait diminué de 5 % en 2002. Dans le département du Loiret, une association a dû fermer ses portes parce qu'il n'y avait pas suffisamment de mesures de ce type pour qu'elle puisse exercer son activité c'est très dommageable.
De la même manière, le nombre de libérations conditionnelles a diminué et le bracelet électronique ainsi que les travaux d'intérêt général n'ont pas donné tous les résultats escomptés.
Je terminerai en rappelant, monsieur le garde des sceaux, les paroles que vous avez prononcées le 13 novembre dernier à l'Assemblée nationale, paroles qui m'ont beaucoup frappé car elles sont plus fortes encore que celles que vous avez tenues à l'instant : « il n'est pas normal que, bien que l'administration ait, à ma demande, consenti l'effort de mettre en place 500 dispositifs électroniques [...], moins de 200 soient utilisés aujourd'hui. Malheureusement, j'ai le sentiment que ce chiffre diminue de mois en mois. Il n'est pas davantage normal que le recours au travail d'intérêt général diminue depuis cinq ans. Il ne sert à rien d'en parler si cette possibilité n'est pas utilisée [...]. Nous maintenons en prison des gens qui pourraient utilement se préparer à la liberté, par exemple dans des centres de semi-liberté dont mes derniers déplacements en province m'ont montré que certains, bien que neufs et modernes, étaient vides. C'est un scandale qu'il n'est pas possible d'accepter et que je n'accepte pas. »
Monsieur le garde des sceaux, nous ne pouvons pas nous satisfaire de votre précédente réponse selon laquelle ces questions relèvent des décisions des juges.
Bien sûr, nous sommes comme vous très attachés au principe de l'indépendance de la magistrature. Toutefois, dans le même temps, la politique pénale doit insister, donner les orientations et les instructions en conséquence, faute de quoi ces procédures alternatives n'auront pas de succès.
Quelles sont donc vos intentions en cette matière, monsieur le garde des sceaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, vous posez de bonnes questions, mais il faut nous garder de mélanger la politique pénale et l'application des peines, qui sont deux sujets différents.
Le nombre de personnes incarcérées résulte d'une multitude de décisions de nature très différente : des décisions de condamnation, mais aussi des décisions d'incarcération prises, pour l'essentiel, par les juges d'instruction.
Parmi les mesures susceptibles de faire baisser le nombre de prévenus en prison, l'accélération d'un certain nombre de procédures me semble primordiale, tous les responsables politiques le reconnaissent. Nous avons donc engagé une politique de moyens et de simplification de procédures.
A cet égard, je m'étonne, même si le jeu politique peut expliquer bien des choses, que certains éléments de simplification de procédure pénale figurant dans le projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité soient critiqués par ceux-là mêmes qui souhaitent voir diminuer le nombre de prévenus en prison. Il faut tout de même rechercher une certaine cohérence.
Les chiffres que vous avez cités sont exacts, monsieur le sénateur, et il convient de prendre conscience de la nature des faits qu'ils recouvrent. En effet, les personnes incarcérées le sont en général pour des faits graves.
Nous sommes donc confrontés à un phénomène français et européen d'aggravation de la délinquance, qui s'impose à tout gouvernement, quelles que soient par ailleurs ses préférences idéologiques.
S'agissant du suicide, j'ai demandé voilà plusieurs mois au professeur Terra, psychiatre, de me faire des propositions. Il doit me remettre officiellement son rapport mercredi prochain et je sais qu'il contient des mesures pratiques et concrètes, dont certains journaux se sont d'ailleurs fait l'écho. Je suis convaincu en particulier qu'il est possible de faire diminuer de 20 % le taux de suicides en prison en engageant une politique volontariste fondée sur des pratiques concrètes. Les personnels qui sont au contact des détenus devront être formés pour diagnostiquer, ce qui n'est pas si simple, l'entrée de quelqu'un en « crise suicidaire ». Je suis vraiment déterminé à aller de l'avant sur cette question du suicide en prison.
Je ne suis pas opposé à une grande loi pénitentiaire, mais il nous faut surtout avancer. Le travail entrepris par le député Jean-Luc Warsmann, dont une série d'amendements a été adoptée récemment par l'Assemblée nationale et sera soumise au Sénat en deuxième lecture, va dans le sens de la mise en oeuvre concrète d'une loi pénitentiaire, même si l'intitulé de la loi est différent.
Il s'agit bien de diversifier les alternatives à la prison, de mieux aménager les fins de peine et de préparer les détenus à une insertion au-delà de leur incarcération.
Tels sont, monsieur Sueur, les quelques éléments de réponse que je souhaitais vous apporter. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'Etat, comme Paul Girod et Laurent Béteille, j'apporterai le soutien de mon groupe à l'adoption du projet de budget que vous nous proposez. Il se situe en effet dans la droite ligne de la loi d'orientation que nous avons votée l'année dernière.
Par notre soutien, nous signifions également que nous adhérons aux propositions que vous formulez et aux réponses que vous apportez. Vous me permettrez tout d'abord d'exprimer un regret : dans le débat parlementaire sur les crédits du ministère de la justice, beaucoup de temps est consacré à la situation des délinquants et des prisonniers, mais on parle peu des victimes.
Je souhaitais que le problème du traitement psychologique et de l'indemnisation des victimes soit au moins posé. Personne ne s'est jamais préoccupé du nombre de suicides dans la catégorie des victimes. Je souhaite donc que la République s'occupe aussi bien des victimes que des délinquants.
M. Hubert Haenel, rapporteur spécial. Très bien !
M. Jean-Pierre Fourcade. Ma question, monsieur le garde des sceaux, porte sur les juges de proximité. Nous avions été nombreux au Sénat à soutenir le Gouvernement pour créer ces juges de proximité chargés de faciliter l'accès au droit de nos concitoyens dans les petits litiges de la vie quotidienne, qu'ils appartiennent au contentieux civil ou pénal. La loi organique du 26 février 2003 relative aux juges de proximité a fixé des règles statutaires pour le recrutement et le fonctionnement de cette justice de proximité, deux décrets d'application ont été publiés et le montant des vacations a été fixé par un arrêté.
Or de nombreux élus locaux jugent la mise en place des juges de proximité, notamment dans le département que je représente, de façon assez négative. Je voudrais donc vous poser trois questions sur ce sujet.
Premièrement, combien de juges de proximité ont-ils été nommés jusqu'à présent ? Le chiffre de trente-deux est dans toutes les mémoires, et j'espère qu'il va s'accroître d'ici à la fin de l'année. Quelles sont les causes de ce faible nombre de nominations ? Quelles sont vos perspectives pour les prochaines années, car, si l'on s'en tient à la première année, l'objectif de 3 000 juges de proximité peut paraître très éloigné.
Deuxièmement, c'est au niveau des compétences des juges de proximité que nous rencontrons des difficultés. Sur le plan civil, on observe certains blocages entre les conciliateurs qui travaillent dans les mairies ou les tribunaux d'instance, le juge de proximité et les magistrats des tribunaux d'instance. Je suis proche de ces milieux et je constate plusieurs problèmes difficiles. La compétence des juges de proximité en matière civile est limitée à 1 500 euros, ce qui est un peu ridicule dans les grandes agglomérations, notamment lorsque le niveau des loyers est aussi élevé que dans la région d'Ile-de-France. En matière pénale, entre les délégués du procureur, la territorialisation des substituts, le rôle du tribunal pour enfants et des tribunaux de simple police, le juge de proximité a beaucoup de mal à trouver sa place.
Or nous voudrions qu'une justice de proximité puisse régler rapidement les petits litiges de la vie quotidienne qui inquiètent beaucoup de nos concitoyens. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous avions défendu activement le projet de loi.
Je souhaite donc que vous nous rassuriez sur la mise en place effective des juges de proximité, et en particulier sur leurs compétences, afin que l'on puisse dépasser les corporatismes et les mauvaises habitudes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Monsieur Fourcade, vous avez eu raison d'évoquer la question des victimes. C'est en effet l'un des éléments importants de mon action depuis dix-huit mois. Voilà plus d'un an maintenant, j'ai engagé un plan d'aide aux victimes. Il vise en particulier à renforcer la place de la victime dans le processus pénal, ce qui me paraît extraordinairement important. Le projet de budget pour 2004 présente donc une augmentation significative des aides que le ministère de la justice accorde à l'ensemble du tissu associatif de défense des victimes et des personnes déstabilisées.
S'agissant des juges de proximité, il s'agit d'une nouvelle juridiction dont la mise en place nécessite bien évidemment un peu de temps. Je me permets également de rappeler, monsieur le sénateur, que c'est le Conseil supérieur de la magistrature qui nomme ces juges puisqu'il s'agit de juges du siège, même s'ils n'exercent pas à temps plein. Les règles statutaires doivent donc être respectées.
Le dispositif est le suivant : les candidatures sont examinées par les cours d'appel qui les renvoient à la direction des services judiciaires. Les dossiers sont ensuite transmis au Conseil supérieur de la magistrature. Nous avons récemment adressé au Conseil supérieur de la magistrature une liste de 160 propositions qu'il devrait pouvoir traiter dans les semaines qui viennent. Elles s'ajouteront à la trentaine que vous avez évoquée.
S'agissant ensuite des compétences, dans un souci de modestie - vous vous souvenez certainement du débat que nous avons eu à ce sujet au cours de l'été 2002 - nous avons sans doute visé « un peu court » en matière tant civile que pénale.
Il m'est cependant très difficile d'en tirer immédiatement une conclusion alors que seulement une trentaine de juges de proximité sont installés. Il est indispensable de procéder à un minimum d'évaluations concrètes, étant précisé que, pour modifier les seuils, il ne sera pas nécessaire de disposer d'un véhicule législatif spécifique de procédure pénale ou civile. Si la nécessité se fait sentir, un ajustement pourra intervenir en cours d'année lors de la discussion d'un texte de nature générale. Il sera vraisemblablement indispensable de procéder à cette extension de compétence.
Quant à l'organisation matérielle, j'ai eu l'occasion de constater, lors de mes déplacements dans différentes juridictions, que l'articulation entre les juges d'instance et les juges de proximité est en train de se réaliser progressivement. En outre, lorsque je réunis sur le terrain l'ensemble des magistrats - ce que je fais systématiquement - pour dialoguer avec eux et évoquer directement les problèmes, des propositions différentes d'articulation que je n'avais pas envisagées et que le débat parlementaire n'avait pas suscitées se font jour. Elles visent parfois à renforcer le rôle des juges de proximité à l'avenir.
M. le président. La parole est à M. Jean-PierreFourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le garde des sceaux, je tiens à vous remercier de vos réponses concernant tant l'aide aux victimes que les juges de proximité.
Je formerai simplement le voeu que les chefs de cour, les procureurs généraux et les élus locaux se réunissent au sujet de la mise en place de cette nouvelle juridiction. Un contact devrait, me semble-t-il, être établi au moment de l'installation des juges de proximité. Cela permettrait de résoudre un certain nombre de problèmes d'articulation qui sont toujours très difficiles à résoudre localement.
M. le président. La parole est à M. Bernard Plasait.
M. Bernard Plasait. Monsieur le garde des sceaux, le projet de budget pour 2004 que vous nous présentez constitue la deuxième étape de la mise en oeuvre de la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002.
Je suis, je dois le dire, en total désaccord avec mon collègue M. Jacques Mahéas. « Justice pauvre, pauvre justice », c'est une formule que l'on a pu répéter sous l'ancienne législature. A l'évidence, le budget de la justice, en augmentation de 4,9 % en 2004 pour atteindre 5,283 milliards d'euros, soit 1,86 % du budget de l'Etat, montre que la justice est une véritable priorité du Gouvernement.
Cet effort est d'autant plus méritoire que les conditions budgétaires sont beaucoup plus difficiles qu'elles ne l'étaient sous la législature précédente. Respecter une loi de programmation dans de telles conditions constitue bien évidemment un exercice très difficile. Vous le réussissez, monsieur le garde des sceaux, et nous avons tout lieu d'en être pleinement satisfaits.
La première question que le souhaitais vous poser portait sur les juges de proximité. Mon collègue Jean-Pierre Fourcade m'a devancé, excellemment, et je vous remercie de vos réponses.
Je vous poserai tout de même une brève question complémentaire. La validation de vingt dossiers de juges de proximité par le Conseil supérieur de la magistrature en juillet dernier montre que ces dossiers sont extrêmement bien calibrés. Nous nous en félicitons, mais cela nous conduit malgré tout à vous demander s'il n'est pas à craindre qu'une interprétation trop restrictive de la notion de compétence juridique ne constitue, à l'avenir, un obstacle pour atteindre les objectifs fixés.
La seconde question a trait au reproche le plus fréquent que les Français adressent à la justice, c'est-à-dire son excessive lenteur. De ce point de vue, la situation s'est plutôt dégradée en 2002.
En effet, pour toutes les juridictions à l'exception des tribunaux de grande instance, l'année dernière a été marquée par une hausse sensible du flux des affaires nouvelles. Sauf pour les cours d'appel, les affaires terminées restent à un niveau inférieur à celui des affaires nouvelles.
Ainsi, la durée moyenne de traitement des affaires devant les tribunaux d'instance s'est allongée, pour atteindre 5,1 mois. Devant les tribunaux de grande instance, elle est de 9,4 mois. Quant à la durée moyenne de traitement des affaires pénales ayant atteint le stade de jugement, elle atteint 11,2 mois.
De la sorte, et reprenant la conclusion de M. le rapporteur spécial, notre éminent collègue Hubert Haenel, je dirai que « la lenteur et la faible exécution des décisions demeurent les deux fléaux de la justice ».
Pourtant, la réduction des délais de jugement est bien l'un des premiers objectifs de la loi d'orientation et de programmation pour la justice. Le Gouvernement avait alors précisé qu'il souhaitait faire passer le délai moyen de traitement des affaires de 18,4 mois à 12 mois dans les cours d'appel.
Au vu des résultats enregistrés l'an dernier, l'objectif ambitieux de réduire de près de 33 % les délais moyens de jugement à l'échéance de 2007 semble des plus difficiles à atteindre.
Monsieur le garde des sceaux, pourriez-vous me faire part de votre analyse de cette situation et me donner les explications que vous en avez ? Par ailleurs, j'aimerais savoir si la forte augmentation des effectifs budgétaires que vous prévoyez, et qui demande naturellement un délai d'application, permettra, une fois la formation des nouvelles recrues achevée, de remédier à cette difficulté majeure. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Comme vous l'avez dit, monsieur le sénateur, des moyens sont nécessaires en termes aussi bien de recrutement que de crédits.
En ce qui concerne les recrutements, nous sommes désormais dans une phase où le flux est assuré. En effet, lorqu'on décide de créer des postes, on ne dispose pas immédiatement des personnes à y placer. Aujourd'hui, nous sommes dans un système de flux qui devrait nous permettre, s'agissant en particulier des magistrats, mais aussi des greffiers, des personnels pénitentiaires et des éducateurs, de procéder aux recrutements indispensables, avec peut-être un bémol s'agissant des éducateurs, de la PJJ et des associations subventionnées. Dans ce domaine, nos capacités de recrutement sont probablement déficitaires, parce que le vivier de recrutement est faible.
J'ai indiqué précédemment que nous voulions ouvrir ces postes à des personnes bénéficiant déjà d'une expérience professionnelle. Je crains, effectivement, qu'en matière d'éducateurs et de personnels des services de réinsertion nous n'ayons une certaine difficulté à trouver la contrepartie des postes offerts. Pour les autres catégories de personnel, je pense que nous sommes maintenant dans une période propice aux recrutements.
Voilà pour l'aspect quantitatif. Mais, évidemment, je suis convaincu comme vous que cela ne suffit pas pour améliorer le système dans son ensemble. Il nous faut mettre en place des procédures d'évaluation, car, aujourd'hui - vous avez cité quelques chiffres -, les données statistiques nous sont communiquées trop tard. Bien sûr, cela représente un intérêt historique, mais le délai entre le moment où la réalité est constatée et celui où on la connaît est trop long ; les données statistiques ne sont donc pas un outil opérationnel de gestion.
Il nous faut donc absolument - et les services accomplissent actuellement un effort considérable dans ce sens - connaître l'activité des juridictions beaucoup plus rapidement. En effet, aujourd'hui, on n'a connaissance des chiffres que six mois après la fin de l'année concernée. Autant dire que le budget de l'année suivante est déjà voté, déjà en cours d'exécution, et qu'on ne se sert de ces données que pour l'année n + 2. Cela n'est donc pas opératoire. Quitte à avoir des chiffres moins précis, nous devons connaître le plus vite possible l'évolution de l'activité des juridictions. Il importe, en effet, que ces éléments soient intégrés dans les contrats d'objectifs, afin que l'on ait une capacité d'évaluation de l'activité. Ainsi, on pourra, le cas échéant, apporter les corrections nécessaires. Il s'agit non pas de dire que c'est bien ici ou que c'est mal là. En fait, dès lors que l'on rencontre une difficulté, il faut l'analyser et la corriger le plus vite possible. Tel est l'esprit des contrats d'objectifs.
Enfin, l'autre élément concerne la simplification d'un certain nombre de procédures. Le texte portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité prévoit, en particulier, s'agissant du pénal, un élargissement des possibilités de comparution immédiate et l'introduction de la reconnaissance préalable de culpabilité, qui constituent deux éléments très importants. Cela permettra, pour les affaires simples en matière pénale, de soulager l'audiencement. En effet, vous le savez, dans les juridictions des départements que vous représentez, ce qui bloque, pour l'essentiel, c'est l'audiencement au pénal.
Par conséquent, on ne peut pas à la fois me dire qu'il faut traiter les dossiers plus rapidement et, lorsque je propose des améliorations de procédure pour les cas les plus nombreux mais les moins complexes, me reprocher de contourner cette difficulté de l'audiencement en proposant que la sanction soit simplement validée par le président du tribunal. Je pense donc qu'une amélioration interviendra sur ce point.
S'agissant du civil, nous travaillons aussi - cela relève du domaine réglementaire - à une simplification de la procédure. Ces mesures devraient également faciliter l'activité des juridictions. C'est l'ensemble de la situation qu'il nous faut améliorer.
Vous me permettrez de revenir brièvement, car cela participe de la cohérence de la politique que je veux mettre en oeuvre, sur l'importance de l'exécution de la peine : il ne peut pas y avoir de crédibilité de la justice pénale sans exécution de la peine. Or, à l'heure actuelle, le taux de non-exécution s'élève à 30 %. Par conséquent, le système s'autoalimente : comme la première sanction n'a pas été exécutée, une deuxième infraction est commise et le dispositif est réalimenté. Si nous voulons accroître l'efficacité de la chaîne pénale, il nous faut donc vraiment apporter des améliorations en matière d'exécution de la peine. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Plasait.
M. Bernard Plasait. Je souhaite simplement remercier M. le ministre de sa réponse très complète.
M. le président. La parole est à M. Christian Demuynck.
M. Christian Demuynck. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous entamons, en 2004, la deuxième année de mise en oeuvre de la loi d'orientation et de programmation de la justice. Le budget que vous nous présentez, monsieur le garde des sceaux, respecte les engagements que vous aviez pris alors en matière tant de création d'emplois que de crédits de fonctionnement ou d'investissement.
Ce budget en augmentation de 4,9 % par rapport à celui de l'an passé, et ce malgré un contexte budgétaire très difficile, permettra de rattraper un certain nombre de retards accumulés, notamment sous la législature précédente ; plusieurs de nos collègues l'ont rappelé, notamment Bernard Plasait.
Les priorités de votre budget portent ainsi sur des points essentiels, qu'il s'agisse de la réduction du nombre de dossiers en attente ou, plus généralement, du raccourcissement des délais de jugement, de la modernisation des juridictions et de l'amélioration de leur fonctionnement, de la rénovation de l'administration pénitentiaire ou encore du soutien aux victimes, qui, jusqu'ici, n'étaient pratiquement pas prises en compte par notre système judiciaire, se retrouvant ainsi à nouveau victime, à la fois de l'excessive lenteur de la justice et de la réparation de leur préjudice.
Au-delà de ces priorités, je souhaiterais vous interroger, monsieur le garde des sceaux, sur la question des moyens alloués au développement des peines dites « alternatives ».
Dans le cadre du projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, ont en effet été introduites plusieurs dispositions relatives aux aménagements de peine et aux alternatives, comme le bracelet électronique, les travaux d'intérêt général ou les places en semi-liberté.
Certes, une application progressive de ces mesures est prévue, lesquelles entreront réellement en vigueur dès 2007. Néanmoins, se pose d'ores et déjà la question du recrutement de conseillers d'insertion et de probation, les CIP, mais aussi de travailleurs sociaux qu'il faudra former.
Se pose également la question du nombre de juges de l'application des peines pour rendre effectives ces mesures dans des délais raisonnables.
Dans quelle proportion et quand, monsieur le garde des sceaux, pourra-t-on assumer matériellement ces nouvelles charges ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Tout d'abord, s'agissant des services d'insertion et de probation, le projet de budget pour 2004 prévoit la création de 161 emplois de CIP. Je rappelle que, l'an dernier, 150 postes supplémentaires ont été créés. Par ailleurs, 55 personnels administratifs seront affectés dans ces services.
Ces structures doivent effectivement être renforcées, surtout si l'on veut - et tel est l'esprit des amendements de Jean-Luc Warsmann - développer la préparation à la sortie dans les établissements. Pour cela, il faut que les CIP soient suffisamment équipés et capables de suivre l'ensemble des personnes concernées.
S'agissant des juges de l'application des peines, 248 d'entre eux sont en place depuis le mois de septembre 2003. A la fin de l'année, il y en aura quinze de plus. Il restera donc douze tribunaux de grande instance et le tribunal de première instance de Mamoudzou pour lesquels nous devrons recruter cent juges de l'application des peines. Il nous faut donc poursuivre l'effort, afin de mettre en place partout ces juges de l'application des peines.
Pour ce qui est des charges nouvelles qui pèseront sur les SPIP, le projet de budget pour 2004 prévoit une augmentation des crédits pour leur permettre de fonctionner et d'accompagner le développement des mesures contenues dans le projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. En particulier, une enveloppe de 5 millions d'euros sera mise à la disposition de ces services en supplément des crédits dont ils disposaient l'année dernière. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère de la justice et figurant aux états B et C.
M. le président. « Titre III : 189 601 472 euros. »
La parole est à Mme Michèle André, sur le titre.
Mme Michèle André. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite dire quelques mots sur le budget consacré à la protection judiciaire de la jeunesse.
Si l'on considère des besoins tels qu'ils avaient été mentionnés dans l'excellent rapport de notre assemblée en 2002 sur la délinquance des mineurs et si l'on se réfère au rapport de la Cour des comptes qui attirait l'attention sur un certain nombre de dysfonctionnements de la PJJ, force est de constater que beaucoup reste à faire dans ce domaine.
Il faudra bien aborder les points de fragilité du secteur public, encore trop concentré, et je ne suis pas sûre que la réponse se trouvera dans la possibilité d'expérimentation dont disposeront les départements. Il existe en effet une différence entre la prise en charge de l'enfance en difficulté et celle de jeunes délinquants, seraient-ils mineurs.
Votre projet de budget pour 2004 s'élève à 587,13 millions d'euros. J'espère, monsieur le ministre, que vos crédits ne subiront pas de gel ! La part prépondérante en revient au secteur public, soit 58 %. Comment envisagez-vous l'articulation entre la PJJ et le secteur habilité pour une action plus efficace et plus concertée ? Quelle place est accordée à la prévention qui est indispensable et dont on peut penser qu'elle est mise au second plan ?
A la fin du mois d'octobre, vous vous félicitiez, monsieur le ministre, du bilan très positif des centres éducatifs fermés et déclariez votre intention de respecter l'objectif de soixante centres d'ici à 2007. Cela revient à dire que douze centres doivent être créés chaque année. Or, dans votre projet de loi, trois seulement sont financés. Que signifie ce ralentissement ? Auriez-vous un doute sur ce nouveau mode de prise en charge des mineurs délinquants au regard de son coût très élevé ? Si l'on considère les difficultés diverses attachées, en particulier, au fonctionnement du centre de Lusigny, il faut reconsidérer les principes et les pratiques de ces centres éducatifs fermés.
A la lecture du fascicule de votre ministère sur les chiffres clés, on s'aperçoit que le taux de réponse pénale est supérieure pour les mineurs : 78,6 %, contre 68,2 % pour les majeurs. Est-ce le signe d'un changement de société où les mineurs risquent d'être considérés comme étant plus délinquants, ou bien est-ce la volonté d'affirmer que la sanction est la seule réponse à apporter aux difficultés ?
Certes, la répression est nécessaire - tout le monde s'accorde à le reconnaître -, mais l'éducation des jeunes doit rester un projet vaste et ambitieux. Vous l'avez affirmé vous-même, monsieur le ministre : cela demande volonté et moyens.
Les personnels de la PJJ sont inquiets, nul ne l'ignore. Il vous appartient de remotiver des équipes expérimentées, qui sont attachées à ce difficile métier visant à intégrer les jeunes qui leur sont confiés. Les crédits d'investissement, qui permettent d'augmenter les capacités d'accueil, sont utiles. Mais les postes annoncés doivent être pourvus - nous y serons attentifs ! - afin d'assurer le plus efficacement possible l'encadrement et l'insertion dans la société de jeunes qu'il faut continuer de protéger et d'éduquer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'occasion du vote des crédits du titre III de la justice, je tiens à m'élever, au nom des sénateurs communistes, contre le démantèlement programmé de la protection judiciaire de la jeunesse : si le budget consacré à la protection judiciaire de la jeunesse est en apparente progression - plus 3,80 % -, celle-ci ne saurait dissimuler ni le gel des crédits pour 2003 sur l'intégralité des mesures nouvelles ni le recentrage de la PJJ autour d'une mission répressive, marque d'un désengagement de l'Etat en matière de protection de l'enfance. La création des centres éducatifs fermés est en effet dévoreuse de nombreux crédits, qu'il s'agisse de personnel, de fonctionnement ou d'investissement.
Qu'il y ait un certain nombre de dysfonctionnements au sein de la protection judiciaire de la jeunesse, personne ne le nie ; mais il y aurait tout de même matière à discussion pour ce qui est tant des causes de ces dysfonctionnements que de la façon de les résoudre.
N'oublions pas que la PJJ ne s'est reconstituée que très récemment, après avoir pendant longtemps été l'objet de toutes les inattentions. Le précédent gouvernement a été le premier à réagir contre la pénurie endémique de moyens par un recrutement massif d'éducateurs.
Cette situation explique une partie des problèmes que rencontre actuellement l'institution, sur lesquels nous attirions l'attention de votre prédécesseur dès la fin de l'année 2001, monsieur le ministre. Les éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse sont en très grande majorité des personnes jeunes - vingt-cinq ans -, et souvent des femmes. Cette situation n'est pas sans poser des problèmes eu égard au manque de « référent paternel » pour certains adolescents envoyés en centre de placement immédiat.
C'est pourquoi nous insistions, à l'époque, sur la nécessité de diversifier les recrutements et de les rendre plus attractifs pour des personnes plus âgées. C'est ce que vous avez d'ailleurs noté tout à l'heure. Encore faut-il ne pas décourager les éventuels candidats.
Face au concert de critiques faisant écho au rapport de la Cour des comptes, qui pratique malheureusement souvent l'amalgame des rigidités ou des manques de l'institution elle-même et des personnels, dont le dévouement, face à une tâche extrêmement difficile, mériterait au contraire d'être souligné, il serait utile de rappeler que, dans une période de critallisation de la délinquance des mineurs, la PJJ, dans sa grande majorité, a fait la preuve de sa capacité d'adaptation. En effet, en l'espace de quelques années, elle a dû faire face à une transformation en profondeur du droit pénal des mineurs. Qu'on en juge : réponse systématique, justice en temps réel avec la comparution à délais rapprochés, puis loi d'orientation et de programmation pour la justice, création de sanctions éducatives pour les plus jeunes, création des CPI puis des CEF, les centres éducatifs fermés. Autant d'innovations qui ont été, dans l'ensemble, plutôt bien amorties par l'ensemble de la structure.
Loin de moi la tentation de jouer les Zadig de Voltaire et de prétendre que « tout va bien dans le meilleur des mondes ». Je ne peux en effet que déplorer qu'un ministre de tutelle qui, en décembre 2002, affirmait haut et fort sa volonté d'agir en vue d'une « amélioration substantielle de l'organisation de la PJJ et la mobilisation de moyens », soit véritablement en passe de devenir le fossoyeur de la PJJ.
Monsieur le ministre, je pèse mes mots : après avoir souligné les dysfonctionnements, on cherche non pas à les régler, mais à prendre appui sur eux, d'abord pour « casser » les personnels en n'hésitant pas à les poursuivre disciplinairement lorsqu'ils affichent un regard critique sur la politique menée par le Gouvernement, ensuite pour justifier un démantèlement de l'institution. Le fameux « fil rouge éducatif », qui est la force de la PJJ, est en passe d'être rompu avec la décentralisation de l'assistance éducative dans le projet de loi relatif aux responsabilités locales s'agissant de la protection des mineurs en danger : on applique la procédure de la vente par appartements, en quelque sorte !
Cette conception n'est pas celle que veulent défendre les communistes pour la justice des mineurs. Unité d'action et réaffirmation du rôle de l'Etat, y compris en matière de protection de l'enfance en danger, tel devrait être le credo d'une politique offensive en direction des mineurs, qui, seule, permettra de peser à moyen et à long terme sur la délinquance des mineurs.
Ctte divergence fondamentale sur les attributions de la PJJ constitue une raison supplémentaire pour les sénateurs communistes de ne pas voter le présent projet de budget de la justice pour 2004, bien qu'il soit en augmentation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV : 5 437 867 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 1 029 215 000 euros ;
« Crédits de paiement : 69 634 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 20 500 000 euros ;
« Crédits de paiement : 2 500 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. J'appelle en discussion l'article 79, qui est rattaché pour son examen aux crédits affectés au budget de la justice.
Justice
Le montant hors taxe sur la valeur ajoutée de l'unité de valeur mentionnée au troisième alinéa de l'article 27 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique est fixé, pour les missions achevées à compter du 1er janvier 2004, à 20,84 euros.
M. le président. Je mets aux voix l'article 79.
(L'article 79 est adopté.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le ministère de la justice.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures vingt, est reprise à seize heures cinq, sous la présidence de M. Daniel Hoeffel.)
PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL,
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
DÉCÈS D'UN ANCIEN SÉNATEUR
M. le président. J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Robert Schmitt, qui fut sénateur de la Moselle de 1965 à 1983.
MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR
M. le président. J'informe le Sénat que la question n° 343 de M. René-Pierre Signé est retirée, à la demande de son auteur, de l'ordre du jour de la séance du mardi 16 décembre 2003 et que la question n° 377 de M. Roland Courteau est inscrite à l'ordre du jour de cette même séance.
RAPPEL AU RÈGLEMENT
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Autexier, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Yves Autexier. Monsieur le président, mes chers collègues, dans la nuit, nous sont parvenus les résultats des référendums organisés respectivement en Martinique, en Guadeloupe, dans l'île de Saint-Martin et dans l'île de Saint-Barthélemy : ces résultats sont particulièrement intéressants pour le Sénat, à qui l'article 24 de la Constitution confère le rôle de représentant des collectivités territoriales de la République.
Le Sénat doit prendre toute la mesure du refus des citoyens de Martinique et de Guadeloupe d'un statut séparé qui aurait coupé les amarres avec la métropole, statut dérogatoire préparé de longue date et auquel les deux grands partis qui façonnent la vie politique de notre pays avaient donné la main.
Un vaste consensus de toutes les élites s'était manifesté pour le « oui » et, mis à part quelques voix courageuses, dont celles de notre collègue Rodolphe Désiré ou de Victorin Lurel, tout le monde appelait à voter pour le « oui ». Sauf les citoyens, qui ont voté « non » !
Le Sénat devrait se féliciter de cet attachement à l'unité nationale manifesté en Martinique et en Guadeloupe. Après le « non » corse, le « non » martiniquais, le « non » guadeloupéen, les citoyens montrent ainsi avec force ce qu'ils veulent : la réforme, oui, mais dans le cadre de la République.
C'est un coup fatal porté aux initiatives de décentralisation désordonnées, échevelées, dont nous souffrons, et dont la France souffre.
Laissons Saint-Barthélemy aller vers sa dérive de paradis fiscal. Laissons, hélas ! Saint-Martin devenir la proie des casinos néerlandais, spécialistes du blanchiment d'argent, qui auront tôt fait de mettre la main sur cette collectivité locale. Mais, avec force, arrêtons cette décentralisation échevelée dont les citoyens ne veulent pas.
Le Sénat, représentant des collectivités territoriales, doit tirer toutes les leçons des résultats qui nous ont été transmis cette nuit. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Monsieur Autexier, acte vous est donné de votre rappel au règlement, dont le contenu sera livré à nos méditations.
LOI DE FINANCES POUR 2004
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2004, adopté par l'Assemblée nationale.
Nous en sommes parvenus à l'examen des articles de la deuxième partie non joints aux crédits.
M. le président. Tous les crédits afférents au budget général et aux budgets annexes étant examinés, le Sénat va maintenant statuer sur les articles qui portent récapitulation de ces crédits.
Le service de la séance a procédé à la rectification des états B et C, compte tenu des votes intervenus dans le cadre de la deuxième partie. Ces deux états ont été annexés au « dérouleur ».
J'appellerai successivement l'article 43, qui comporte le total des crédits du budget général ouverts au titre des services votés ; les articles 44 et 45, auxquels sont annexés les états B et C, qui récapitulent les crédits du budget général ouverts au titre des mesures nouvelles ; l'article 48, qui récapitule les crédits ouverts au titre des services votés des budgets annexes ; l'article 49, qui récapitule les crédits ouverts au titre des mesures nouvelles des budgets annexes.
DEUXIÈME PARTIE
MOYENS DES SERVICES
ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
TITRE Ier
DISPOSITIONS APPLICABLES À L'ANNÉE 2004
I. - OPÉRATIONS À CARACTÈRE DÉFINITIF
A. - Budget général
Article 43
Le montant des crédits ouverts aux ministres, pour 2004, au titre des services votés du budget général, est fixé à la somme de 331 736 878 110 EUR.
M. le président. Je mets aux voix l'article 43.
(L'article 43 est adopté.)
Article 44 et état B
Il est ouvert aux ministres, pour 2004, au titre des mesures nouvelles de dépenses ordinaires des services civils, des crédits ainsi répartis :
Titre I : « Dette publique et dépenses en atténuation de recettes » 4 095 000 000 EUR Titre II : « Pouvoirs publics » 14 198 217 EUR Titre III : « Moyens des services » 1 393 603 249 EUR Titre IV : « Interventions publiques » 3 815 432 980 EUR
Total 9 318 234 439 EUR Ces crédits sont répartis par ministère conformément à l'état B annexé à la présente loi.
ÉTAT B
Répartition, par titre et par ministère, des crédits applicables aux dépenses ordinaires des services civils
(Mesures nouvelles)
MINISTÈRES OU SERVICES
TITRE I
TITRE II
TITRE III
TITRE IV
TOTAUX
(en euros)
Affaires étrangères- 12 234 46530 792 05318 557 588 Agriculture, alimentation, pêche et affaires rurales570 967 219- 769 499 379- 198 532 160 Anciens combattants40 53225 460 60025 501 132 Charges communes4 095 000 00014 198 217- 597 234 960- 690 983 5002 820 979 757 Culture et communication78 159 930- 39 482 58438 677 346 Ecologie et développement durable32 451 25911 530 79843 982 057 Economie, finances et industrie38 779 00334 020 31772 799 320 Equipement, transports, logement, tourisme et mer :
I. - Services communs- 17 969 679- 84 800- 18 054 479 II. - Urbanisme et logement8 133 810- 231 173 368- 223 039 558 III. - Transports et sécurité routière261 100510 765 818511 026 918 IV. - Mer3 020 50654 288 40057 308 906 V. - Tourisme- 804 783- 3 049 800- 3 854 583 Total : - 7 359 046330 746 250323 387 204 Intérieur, sécurité intérieure et libertés locales290 139 228- 7 357 828 047- 7 067 688 819 Jeunesse, éducation nationale et recherche :
I. - Jeunesse et enseignement scolaire464 177 885135 811 703599 989 588 II. - Enseignement supérieur62 393 65511 961 65674 355 311 III. - Recherche et nouvelles technologies31 494 780- 4 599 96926 894 811 Justice189 601 4725 437 867195 039 339 Outre-mer2 008 72550 547 98652 556 711 Services du Premier ministre I. - Services généraux17 301 740- 14 093 4063 208 334 II. - Secrétariat général de la défense nationale1 907 9281 907 928 III. - Conseil économique et social691 862691 862 IV. - Plan- 764 312500 000- 264 312 V. - Aménagement du territoire- 312 96616 681 35216 368 386 Sports3 728 104- 326 4003 401 704 Travail, santé et solidarité :
I. - Travail14 335 81116 577 682 61016 592 018 421 II. - Santé, famille, personnes handicapées et solidarité215 559 858- 4 502 155 450- 4 286 595 592 III. - Ville et rénovation urbaine- 2 230 000- 36 771 477- 39 001 477 Total général : 4 095 000 00014 198 2171 393 603 2423 815 432 9809 318 234 439
M. le président. Je mets aux voix l'article 44 et l'état B annexé, avec les chiffres modifiés résultant des votes précédemment émis par le Sénat sur les lignes de l'état B.
(L'article 44 et l'état B sont adoptés.)
Article 45 et état C
I. - Il est ouvert aux ministres, pour 2004, au titre des mesures nouvelles de dépenses en capital des services civils du budget général, des autorisations de programme ainsi réparties :
Titre V : « Investissements exécutés par l'Etat » 4 238 335 000 EUR Titre VI : « Subventions d'investissement accordées par l'Etat » 11 783 477 000 EUR
Total 16 021 812 000 EUR Ces autorisations de programme sont réparties par ministère, conformément à l'état C annexé à la présente loi.
II. - Il est ouvert aux ministres, pour 2004, au titre des mesures nouvelles des dépenses en capital des services civils du budget général, des crédits de paiement ainsi répartis :
Titre V : « Investissements exécutés par l'Etat » 1 219 582 000 EUR Titre VI : « Subventions d'investissement accordées par l'Etat » 5 681 310 000 EUR
Total 6 900 892 000 EUR Ces crédits de paiement sont répartis par ministère, conformément à l'état C annexé à la présente loi.
ÉTAT C
Répartition par titre et par ministère des autorisations de programme
et des crédits de paiement applicables aux dépenses en capital des services civils
(Mesures nouvelles)
(en milliers d'euros)
MINISTÈRES OU SERVICES
TITRE V
TITRE VI
TITRE VII
TOTAUX
AP
CP
AP
CP
AP
CP
AP
CP
Affaires étrangères 45 000 18 852 344 566 52 942 389 566 71 794 Agriculture, alimentation, pêche et affaires rurales 14 840 4 452 322 158 80 571 336 998 85 023 Anciens combattants
Charges communes 151 000 18 000 151 000 18 000 Culture et communication 265 807 45 283 301 525 163 261 567 332 208 544 Ecologie et développement durable 45 800 15 774 298 340 82 557 344 140 98 331 Economie, finances et industrie 521 030 137 184 846 253 181 526 1 367 283 318 710 Equipement, transports, logement, tourisme et mer :
I. - Services communs 19 813 6 921 54 701 46 545 74 514 53 466 II. - Urbanisme et logement 30 549 12 470 1 651 920 510 813 1 682 469 523 283 III. - Transports et sécurité routière1 5 10 936 689 638 1 506 177 976 106 3 017 1131 665 744 IV. - Mer 48 634 14 957 8 067 4 017 56 701 18 974 V. - Tourisme»» 12 025 3 001 12 025 3 001 Total1 609 932 723 986 3 232 8901 540 482 4 842 8222 264 468 Intérieur, sécurité intérieure et libertés locales 429 550 145 497 2 078 1191 004 659 2 507 6691 150 156 Jeunesse, éducation nationale et recherche :
I. - Jeunesse et enseignement scolaire 84 570 11 972 29 080 9 308 113 650 21 280 II. - Enseignement supérieur 106 134 11 873 783 242 436 559 889 376 448 432 III. - Recherche et nouvelles technologies 1 220 610 2 333 1251 857 951 2 334 3451 858 561 Justice1 029 215 69 634 20 500 2 500 1 049 715 72 134 Outre-mer 10 750 4 570 382 432 109 470 393 182 114 040 Services du Premier ministre :
I. - Services généraux 29 400 11 421»» 29 400 11 421 II. - Secrétariat général de la défense nationale 17 972 9 870 17 972 9 870 III. - Conseil économique et social 900 900 900 900 IV. - Plan 908 454 908 454 V. - Aménagement du territoire 278 823 47 863 278 823 47 863 Sports 5 000 1 250 5 335 1 585 10 335 2 835 Travail, santé et solidarité :
I. - Travail 10 000 3 000 78 140 36 770 88 140 39 770 II. - Santé, famille, personnes handicapées et solidarité 11 215 3 454 32 041 1 852 43 256 5 306 III. - Ville et rénovation urbaine»» 265 000 53 000 265 000 53 000
Total général4 238 2851 219 58211 783 4775 681 31016 021 8126 900 892
M. le président. Je mets aux voix l'article 45 et l'état C annexé, avec les chiffres sans modification résultant des votes précédemment émis par le Sénat sur les lignes de l'état C.
(L'article 45 et l'état C sont adoptés.)
Articles 46 et 47
M. le président. Je rappelle que le Sénat a adopté les articles 46 et 47 le vendredi 5 décembre, lors de l'examen des crédits relatifs à la défense.
B. - Budgets annexes
Article 48
Le montant des crédits ouverts aux ministres, pour 2004, au titre des services votés des budgets annexes, est fixé à la somme de 17 692 561 140 EUR ainsi répartie :
Aviation civile 1 365 433 993 EUR Journaux officiels 162 378 448 EUR Légion d'honneur 17 555 789 EUR Ordre de la Libération 640 627 EUR
Monnaies et médailles 88 142 283 EUR Prestations sociales agricoles 16 058 410 000 EUR
Total 17 692 561 140 EUR M. le président. Je mets aux voix l'article 48, sans modification résultant des votes précédemment émis par le Sénat.
(L'article 48 est adopté.)
Article 49
I. - Il est ouvert aux ministres, pour 2004, au titre des mesures nouvelles des budgets annexes, des autorisations de programme s'élevant à la somme totale de 244 893 000 EUR, ainsi répartie :
Aviation civile 220 000 000 EUR Journaux officiels 21 000 000 EUR Légion d'honneur 1 460 000 EUR Ordre de la Libération 0 EUR Monnaies et médailles 2 433 000 EUR
Total 244 893 000 EUR
II. - Il est ouvert aux ministres, pour 2004, au titre des mesures nouvelles des budgets annexes, des crédits s'élevant à la somme totale de - 899 434 701 EUR, ainsi répartie :
Aviation civile 147 459 828 EUR Journaux officiels 6 696 552 EUR Légion d'honneur 338 500 EUR Ordre de la Libération 38 100 EUR Monnaies et médailles - 1 237 681 EUR Prestations sociales agricoles - 1 052 730 000 EUR
Total - 899 434 701 EUR M. le président. Je mets aux voix l'article 49, sans modification résultant des votes précédemment émis par le Sénat.
(L'article 49 est adopté.)
Articles 50 à 56
M. le président. Je rappelle que le Sénat a examiné les articles 50 à 56 relatifs aux comptes spéciaux du Trésor le jeudi 4 décembre.
III. - DISPOSITIONS DIVERSES
Article 57 et état F
Est fixée pour 2004, conformément à l'état F annexé à la présente loi, la liste des chapitres sur lesquels s'imputent des crédits évaluatifs autres que ceux limitativement énumérés à l'article 9 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances.
ÉTAT F
Tableau des dépenses auxquelles s'appliquent des crédits évaluatifs
NUMÉROS
des chapitres
NATURE DES DÉPENSES
TOUS LES SERVICES
33-90Cotisations sociales. - Part de l'Etat. 33-91Prestations sociales versées par l'Etat.
AGRICULTURE, ALIMENTATION, PÊCHE ET AFFAIRES RURALES
44-42Charges de bonification.
CHARGES COMMUNES
44-91Encouragements à la construction immobilière. - Primes à la construction. 46-98Réparation de préjudices dans le domaine de la santé.
CULTURE ET COMMUNICATION
43-94Dations en paiement faites en application de la loi n° 68-1251 du 31 décembre 1968.
ÉCOLOGIE ET DÉVELOPPEMENT DURABLE
44-30Dations en paiement en application de la loi de finances pour 1996 (n° 95-1346 du 30 décembre 1995).
ÉCONOMIE, FINANCES ET INDUSTRIE
42-07Application de conventions fiscales passées entre la France et des Etats étrangers. 44-97Participation de l'Etat au service d'emprunts à caractère économique. 44-98Bonifications d'intérêt dans le domaine de l'artisanat.
JUSTICE
46-12 Aide juridique.
SERVICES DU PREMIER MINISTRE
I. - Services généraux
46-02Actions en faveur des victimes des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation.
AVIATION CIVILE
60-03Variation des stocks. 65-04Autres charges de gestion courante. 66-01Pertes de change. 68-02Dotations aux provisions.
JOURNAUX OFFICIELS
68-00Dotation aux amortissements et aux provisions.
LÉGION D'HONNEUR
68-00Amortissements et provisions.
MONNAIES ET MÉDAILLES
60-03Variation des stocks (approvisionnements et marchandises). 68-00Dotations aux amortissements et aux provisions. 83-00Augmentation de stocks constatée en fin de gestion. 88-00Utilisation et reprises sur provisions.
PRESTATIONS SOCIALES AGRICOLES
11-91Intérêts dus. 11-92Remboursements des avances et prêts. 37-94Versement au fonds de réserve. 46-01Prestations maladie, maternité, soins aux invalides versées aux exploitants agricoles et aux membres non salariés de leur famille. 46-02Prestations invalidité versées aux exploitants agricoles et aux membres non salariés de leur famille. 46-03Allocations de remplacement versées aux conjoints des non-salariés agricoles. 46-04Prestations d'assurance veuvage versées aux non-salariés du régime agricole. 46-92Prestations familiales versées aux non-salariés du régime agricole. 46-96Prestations vieillesse versées aux non-salariés du régime agricole. 46-97Contribution aux assurances sociales des étudiants et au régime d'assurance obligatoire des praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés (art. L. 381-8 et L. 722-4 du code de la sécurité sociale).
COMPTES D'AFFECTATION SPÉCIALE
COMPTE D'EMPLOI DE LA REDEVANCE AUDIOVISUELLE
04Versement au compte de commerce « Liquidation d'établissements publics et d'organismes para-administratifs ou professionnels et liquidations diverses ». COMPTE D'AFFECTATION DES PRODUITS DE CESSIONS DE TITRES, PARTS ET DROITS DE SOCIÉTÉS
01Dotations en capital, avances d'actionnaire et autres apports aux entreprises publiques et aux établissements publics. 02Achats de titres, parts et droits de sociétés. 03Dépenses afférentes aux ventes de titres, de parts ou de droits de sociétés. 04Versements à la Caisse de la dette publique. 06Reversements au budget général. 07Investissements réalisés directement ou indirectement dans des fonds de capital-investissement. 08Versements au Fonds de réserve pour les retraites.
COMPTES DE PRÊTS
AVANCES DU TRÉSOR CONSOLIDÉES PAR TRANSFORMATION EN PRÊTS DU TRÉSOR
COMPTES D'AVANCES DU TRÉSOR
AVANCES AUX DÉPARTEMENTS SUR LE PRODUIT DE LA TAXE DIFFÉRENTIELLE
SUR LES VÉHICULES À MOTEUR
01Dépenses. AVANCES AUX COLLECTIVITÉS ET ÉTABLISSEMENTS PUBLICS,
TERRITOIRES, ÉTABLISSEMENTS ET ÉTATS D'OUTRE-MER
03Avances de l'article 34 de la loi du 31 décembre 1953 (avances spéciales sur recettes budgétaires). 04Avances à la Nouvelle-Calédonie (fiscalité nickel). AVANCES SUR LE MONTANT DES IMPOSITIONS REVENANT AUX DÉPARTEMENTS,
COMMUNES, ÉTABLISSEMENTS ET DIVERS ORGANISMES
01Dépenses. AVANCES À DIVERS SERVICES DE L'ÉTAT OU ORGANISMES GÉRANT DES SERVICES PUBLICS
01Avances aux budgets annexes. 02Avances à l'Agence centrale des organismes d'intervention dans le secteur agricole au titre des besoins temporaires de préfinancement des dépenses communautaires. 03Avances aux autres établissements publics nationaux et services autonomes de l'Etat. 04Avances à des services concédés ou nationalisés ou à des sociétés d'économie mixte. 05Avances à divers organismes de caractère social.
M. le président. Je mets aux voix l'article 57 et l'état F annexé.
(L'article 57 et l'état F sont adoptés.)
Article 58 et état G
Est fixée pour 2004, conformément à l'état G annexé à la présente loi, la liste des chapitres dont les dotations ont un caractère provisionnel.
ÉTAT G
Tableau des dépenses auxquelles s'appliquent des crédits provisionnels
NUMÉROS
des chapitres
NATURE DES DÉPENSES
AFFAIRES ÉTRANGÈRES
37-89Frais de réception et de voyages exceptionnels. 42-31Participation de la France à des dépenses internationales (contributions obligatoires). 46-91Frais de rapatriement.
ANCIENS COMBATTANTS
46-03Remboursements à diverses compagnies de transports. 46-27Soins médicaux gratuits et suivi sanitaire des anciens militaires.
CHARGES COMMUNES
46-02Secours aux victimes de sinistres et calamités.
ÉCONOMIE, FINANCES ET INDUSTRIE
37-61Dépenses et remboursements supportés par la France au titre de l'infrastructure pétrolière.
INTÉRIEUR, SÉCURITÉ INTÉRIEURE ET LIBERTÉS LOCALES
34-03Frais de réception et de voyages exceptionnels. 37-61Dépenses relatives aux élections. 41-61Financement des partis et groupements politiques (lois n° 88-227 du 11 mars 1988 et n° 90-55 du 15 janvier 1990). 46-91Secours d'extrême urgence aux victimes de calamités publiques.
JUSTICE
37-23Services pénitentiaires. - Dépenses de santé des détenus. 37-33Services de la protection judiciaire de la jeunesse. - Prestations effectuées par le secteur habilité ou conventionné. 37-61Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. - Dépenses relatives aux élections.
OUTRE-MER
34-03Frais de réception et de voyages exceptionnels. 34-42Service militaire adapté. - Alimentation. 46-93Secours d'extrême urgence aux victimes de calamités publiques.
M. le président. Je mets aux voix l'article 58 et l'état G annexé.
(L'article 58 et l'état G sont adoptés.)
Article 59 et état H
Est fixée pour 2004, conformément à l'état H annexé à la présente loi, la liste des chapitres sur lesquels s'imputent les crédits pouvant donner lieu à report, dans les conditions fixées par l'article 17 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 précitée.
ÉTAT H
Tableau des dépenses pouvant donner lieu à reports de crédits de 2003 à 2004
NUMÉROS
des chapitres
NATURE DES DÉPENSES
TOUS LES SERVICES
Tous chapitres de dépenses de fonctionnement des parties 34, 35 et 37 du budget général (sauf chapitres évaluatifs), à l'exception des chapitres 37-94 et 37-95 des Charges communes, 37-01 de la section Recherche, et 37-94 du budget Justice. BUDGETS CIVILS
AFFAIRES ÉTRANGÈRES
41-43Concours financiers. 42-26Transport et dépenses diverses au titre de l'aide alimentaire. 42-29Coopération militaire et de défense. 42-31Participation de la France à des dépenses internationales (contributions obligatoires). 42-37Autres interventions de politique internationale.
AGRICULTURE, ALIMENTATION, PÊCHE ET AFFAIRES RURALES
44-36Pêches maritimes et aquaculture. - Subventions et apurement FEOGA. 44-41Amélioration des structures agricoles. 44-43Aide alimentaire et autres actions de coopération technique. 44-46Fonds d'allégement des charges des agriculteurs. 44-53Interventions en faveur de l'orientation et de la valorisation de la production agricole. 44-55Primes au maintien du troupeau des vaches allaitantes. 44-70Promotion et contrôle de la qualité. 44-71Service public de l'équarissage. - Elimination des déchets et des coproduits animaux non recyclables. 44-80Amélioration du cadre de vie et aménagement de l'espace rural. 44-84Contrats territoriaux d'exploitation agricoles. 44-92Fonds forestier national et Office national des forêts. 46-33Participation à la garantie contre les calamités agricoles.
ANCIENS COMBATTANTS
46-04Subventions, indemnités et pécules.
CHARGES COMMUNES
44-93Indemnisation des préjudices subis dans le secteur du tourisme suite au naufrage de l'Erika. 46-02Secours aux victimes de sinistres et calamités. 46-90Versements à divers régimes obligatoires de sécurité sociale. 46-91Diverses aides en faveur des rapatriés prises en charge par l'Etat.
CULTURE ET COMMUNICATION
43-92Commandes artistiques et achats d'oeuvres d'art.
ÉCOLOGIE ET DÉVELOPPEMENT DURABLE
44-40Subventions à l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire.
ÉCONOMIE, FINANCES ET INDUSTRIE
41-10Subventions à des organismes publics et internationaux. 44-42Interventions diverses. 44-84Subventions pour le développement des relations économiques extérieures. 46-93Indemnisations liées aux sinistres de l'« après-mines » et prestations à certains retraités des mines et des industries électriques et gazières.
ÉQUIPEMENT, TRANSPORTS, LOGEMENT, TOURISME ET MER
II. - Urbanisme et logement
46-50Participation de l'Etat aux fonds de solidarité pour le logement et aux fonds d'aide aux accédants en difficulté. - Subventions aux associations logeant des personnes défavorisées. III. - Transports et sécurité routière
45-41Interventions dans le domaine des transports combinés. IV. - Mer
44-34Ports autonomes maritimes. - Participation aux dépenses. 45-35Flotte de commerce. - Subventions. 46-37Gens de mer et professions de la filière portuaire. - Allocations compensatrices. V. - Tourisme
44-01Développement de l'économie touristique.
INTÉRIEUR, SÉCURITÉ INTÉRIEURE ET LIBERTÉS LOCALES
41-52Subventions de caractère facultatif en faveur des collectivités locales et de divers oganismes. 41-55Dotation de compensation aux régions des pertes de recettes fiscales. 41-56Dotation générale de décentralisation. 41-57Dotation générale de décentralisation de la collectivité territoriale de Corse.
JEUNESSE, ÉDUCATION NATIONALE ET RECHERCHE
III. - Recherche et nouvelles technologies
43-01Actions d'incitation, d'information et de communication.
JUSTICE
41-11Subventions en faveur des collectivités. 46-01Subventions et interventions diverses.
SERVICES DU PREMIER MINISTRE
V. - Aménagement du territoire
44-10Fonds national d'aménagement et de développement du territoire et prospection des investissements internationaux.
TRAVAIL, SANTÉ ET SOLIDARITÉ
I. - Travail
36-61Subventions aux établissements publics et autres organismes. 43-70Financement de la formation professionnelle. 44-01Programme « nouveaux services-nouveaux emplois ». 44-70Dispositifs d'insertion des publics en difficulté. 44-71Reclassement des travailleurs handicapés. 44-73Relations du travail et amélioration des conditions de travail. 44-77Compensation de l'exonération des cotisations sociales. 44-79Promotion de l'emploi et adaptations économiques. 44-80Dotation globalisée expérimentale de la région Centre. II. - Santé, famille, personnes handicapées et solidarité
42-01Coopération internationale des secteurs de la santé, de la solidarité et du travail. 43-32Professions médicales et paramédicales. Formation, recyclage et bourses. 46-22Remboursement aux organismes de sécurité sociale des dépenses afférentes à l'interruption volontaire de grossesse. 46-32Actions en faveur des rapatriés. 47-12Sécurité sanitaire. 47-16Action interministérielle de lutte contre la toxicomanie. 47-19Organisation du système de soins. III. - Ville et rénovation urbaine
46-60Interventions en faveur de la ville et du développement social urbain.
BUDGET MILITAIRE
DÉFENSE
36-01Subventions de fonctionnement et participation aux dépenses de fonctionnement de divers organismes.
BUDGETS ANNEXES
AVIATION CIVILE
60-00Achats et services. 61-01Dépenses d'informatique et de télématique. 63-00Impôts, taxes et versements assimilés. 65-01Prestations des organismes extérieurs. 66-00Charges financières. JOURNAUX OFFICIELS
60-01Achats. 61-02Fonctionnement informatique. LÉGION D'HONNEUR
60-00Achats. 61-02Informatique. ORDRE DE LA LIBÉRATION
60-00Matériel et entretien immobilier. MONNAIES ET MÉDAILLES
60-01Achats.
COMPTES SPÉCIAUX DU TRÉSOR
COMPTES D'AFFECTATION SPÉCIALE
Fonds national de l'eau. Soutien financier de l'industrie cinématographique et de l'industrie audiovisuelle. Compte d'emploi de la taxe parafiscale affectée au financement des organismes du secteur public de la radiodiffusion sonore et de la télévision. Fonds national pour le développement du sport. Fonds national des courses et de l'élevage. Fonds national pour le développement de la vie associative. Compte d'affectation des produits de cessions de titres, parts et droits de sociétés. Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien. Indemnisation au titre des créances françaises sur la Russie. Fonds d'aide à la modernisation de la presse quotidienne et assimilée d'information politique et générale, et à la distribution de la presse quotidienne nationale d'information politique et générale et de soutien à l'expression radiophonique locale. COMPTES DE PRÊTS
Prêts du fonds de développement économique et social. Prêts du Trésor à des Etats étrangers et à l'Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social. Prêts du Trésor à des Etats étrangers pour la consolidation de dettes envers la France. Avances du Trésor consolidées par transformation en prêts du Trésor.
M. le président. Je mets aux voix l'article 59 et l'état H annexé.
(L'article 59 et l'état H sont adoptés.)
Article 59 bis
M. le président. Je rappelle que le Sénat a examiné l'article 59 bis lors de l'examen des crédits relatifs à la communication, le vendredi 28 novembre.
M. le président. Le Sénat va examiner maintenant les articles de la deuxième partie du projet de loi de finances qui n'ont pas encore été discutés lors de l'examen des crédits, c'est-à-dire ceux que nous appelons « les articles non rattachés ».
TITRE II
DISPOSITIONS PERMANENTES
A. - Mesures fiscales
Articles additionnels avant l'article 60 A
M. le président. L'amendement n° II-59 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
« Avant l'article 60 A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'évaluation des dépenses fiscales mentionnées au 5° de l'article 51 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances figure dans le fascicule "Voies et moyens" annexé au projet de loi de finances.
« Ce fascicule fait apparaître de manière distincte une estimation du montant des dépenses fiscales et du nombre de contribuables qui en bénéficient pour le dernier exercice connu ainsi que les prévisions pour l'exercice en cours et pour l'exercice suivant.
« Il comporte une annexe méthodologique précisant la méthode d'estimation utilisée et le dégré de fiabilité des chiffres fournis, indiquant les éventuels changements de périmètre et justifiant les écarts les plus importants entre prévisions et réalisations. Les dépenses fiscales sont ventilées de manière détaillée par nature de mesures, par mission et par programme, ainsi que par catégorie de bénéficiaires.
« Il précise également les dispositions dérogatoires en matière fiscale faisant l'objet d'une décision de la Commission européenne, d'un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes ou d'un contrôle de l'Organisation mondiale du commerce.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application du présent paragraphe.
« II. - Le fascicule "Voies et moyens" annexé au projet de loi de finances pour 2005 comporte les résultats d'une enquête destinée à évaluer le montant et préciser le nombre de bénéficiaires des dépenses fiscales figurant en annexe du projet de loi de finances pour 2004 avec la mention "" ou "non connu".
« III. - Le IV de l'article 32 de la loi n° 80-30 du 18 janvier 1980 est abrogé. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Il s'agit d'un amendement de méthode. En effet, la dépense fiscale est souvent aussi importante que la dépense budgétaire. Dans son vingt et unième rapport, le Conseil des impôts a récemment appelé l'attention sur la fiscalité dérogatoire.
Il faut que la représentation nationale puisse évaluer correctement, et de manière constante dans le temps, la dépense fiscale dans toutes ses composantes.
C'est pourquoi cet amendement vous est proposé. On y insiste sur les éléments d'information nécessaires. Une annexe méthodologique est explicitement mentionnée pour que le Parlement soit informé des méthodes de calcul, des changements de périmètre et des écarts entre prévisions et résultats.
En deuxième lieu, si la ventilation par nature de mesures que critiquait le Conseil des impôts est maintenue par ce texte, en revanche, l'idée de distinguer les allégements structurels des instruments de politique économique n'est pas reprise. La commission des finances n'a pas bien perçu la portée pratique de la distinction, qui lui semble sujette à caution.
D'une manière générale, il apparaît plus efficace et plus respectueux de la distinction entre le pouvoir législatif et le pouvoir réglementaire de laisser au décret le soin de fixer dans le détail les informations à caractère méthodologique nécessaires pour l'appréciation des données à communiquer au Parlement.
Enfin, le paragraphe II de l'amendement n° II-59 rectifié prévoit que le Gouvernement procède, pour le projet de loi de finances pour 2005, à une enquête sur le montant et le nombre de bénéficiaires des dépenses fiscales qui figurait jusqu'ici à l'annexe « Voies et moyens » avec les mentions « ? », « » ou « non connu ». (Sourires.)
Il convient d'être en mesure de tenir compte des observations du Conseil des impôts sur le nombre de dépenses fiscales ne faisant pas l'objet de chiffrage et dont une partie appréciable, pouvons-nous penser, est peut-être sans utilité.
Monsieur le ministre, nous avons le sentiment que, avec cet amendement, nous pouvons progresser dans le sens de la transparence et de la bonne application des principes qui ont présidé à l'adoption de la loi organique de 2001.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. M. le rapporteur général insiste à juste titre sur l'importance de la dépense fiscale, qui est parfois insuffisamment prise en compte par ceux qui proposent des mesures fiscales.
L'amendement que M. le rapporteur général vient de nous présenter reprend en effet une préconisation du rapport du Conseil des impôts. Il précise qu'un recensement des dépenses fiscales sera maintenu dans le fascicule « Voies et moyens », outre le recensement par programme qui, lui, est prévu par l'article 51 de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF.
Nous aurons donc, monsieur le rapporteur général, deux présentations des dépenses fiscales : l'une par programme, au sein des projets annuels de performance, et l'autre, transversale, au sein du fascicule « Voies et moyens ».
L'amendement prévoit, en outre, une annexe méthodologique pour le projet de loi de finances pour 2005, et une enquête destinée à évaluer le montant et à préciser le nombre de bénéficiaires des dépenses fiscales de faible montant mais non chiffrées à ce jour.
Je souscris sans réserve aux intentions de l'auteur de l'amendement. Cependant, la mise en oeuvre risque, dans certains cas, d'être un peu délicate. En effet, même avec toute la bonne volonté du monde, certaines dépenses fiscales ne sont pas faciles à chiffrer, tout simplement parce que nous manquons de données utiles en raison de l'absence d'obligation déclarative. Il m'est arrivé, monsieur le rapporteur général, siégeant à votre place ou à celle du président Jean Arthuis, de me dire que les services de l'exécutif n'étaient pas très diligents pour nous aider au chiffrage des dispositifs fiscaux auquels nous songions ou auxquels ils songeaient. Le défaut d'obligation déclarative en est la cause.
C'est la raison pour laquelle je me montre, sinon réticent, du moins prudent, et je m'en remets à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Nous n'avons jamais été, chacun ici s'en souvient, des partisans acharnés de la loi organique relative aux lois de finances, pour des raisons assez évidentes et qui semblent d'ailleurs aujourd'hui de plus en plus claires.
Si l'on examine en effet les orientations qui animent les lois de finances ou les collectifs budgétaires que nous avons eu l'occasion de discuter, on sent assez nettement que la mise en oeuvre de la nouvelle comptabilité budgétaire n'a pour objectif essentiel que la réduction de la dépense publique.
La loi organique apparaît donc chaque année un peu plus comme l'outil ou la justification technique de la politique de désengagement financier de l'Etat.
Cela dit, l'amendement n° II-59 rectifié nous place devant un cas d'espèce intéressant.
Voilà en effet que le rapporteur général nous invite à modifier la nature du document d'évaluation des voies et moyens en le mettant en perspective afin que nous connaissions le montant des dépenses fiscales occasionnées par les mesures diverses et variées contenues dans les lois de finances que nous votons, et afin que nous puissions, dès lors, nous déterminer sur leur prolongation ou leur suppression.
L'idée est pour le moins intéressante ! Nous pourrions par exemple, au hasard, nous demander qui bénéficie, et à quelle hauteur, des dispositions relatives à l'avoir fiscal - ou au crédit d'impôt, qui semble appelé à le remplacer - ; qui bénéficie de l'effet des prélèvements libératoires sur les placements à revenu fixe ; qui tire parti de la réduction d'impôt « investissements outre-mer » ou de l'imputation des déficits réalisés sur ces investissements, sans oublier l'appareillage complexe des dispositifs d'imposition séparée ou reportée des plus-values...
La dépense fiscale constitue, chacun le sait, un des éléments fondamentaux du débat fiscal - sinon, nous n'y passerions pas deux jours en cette fin de l'examen de la deuxième partie du projet de loi de finances -, mais elle a aussi un autre caractère. En effet, elle illustre de manière assez emblématique les priorités qu'un gouvernement entend donner à sa politique économique et budgétaire : sans cesse plus de dépense fiscale pour « l'épargne, l'investissement, les revenus du patrimoine », cela vous donne une politique budgétaire directement inspirée de la logique de la rente et du rendement du capital. A la vérité, c'est à cela que l'on assiste.
Prenons l'exemple de l'impôt de solidarité sur la fortune. Voilà un impôt qui est censé, en 2004, apporter 2 239 millions d'euros au budget de l'Etat. Et cet impôt, sur la foi des éléments de l'évaluation des voies et moyens, est corrigé par diverses dispositions, sur lesquelles je ne reviendrai pas, de 542 millions d'euros, évidemment hors le coût non évalué que constitue la mesure d'exonération des biens professionnels.
Si l'on rapporte le montant de cette dépense fiscale identifiée au nombre des contribuables, on doit arriver à un correctif d'impôt moyen de 2 000 euros, ou peu s'en faut, par assujetti.
Etes-vous réellement prêt, monsieur le rapporteur général, à voir ce que cela donne dans les faits ?
Nous ne voterons donc pas votre amendement, même s'il reste pertinent de pouvoir disposer d'une analyse plus fine de la dépense fiscale !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-59 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 60 A.
L'amendement n° II-144, présenté par M. Girod, est ainsi libellé :
« I. - Avant l'article 60 A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est institué une Commission de réduction des dépenses publiques chargée de présenter au Gouvernement et au Parlement, avant le 31 mai 2004, un plan triennal de réduction des dépenses publiques sur la base d'une diminution de deux points de produit intérieur brut par an.
« Cette commission est composée de :
« - quatre députés ;
« - quatre sénateurs ;
« - deux membres de la Cour des comptes ;
« - deux membres de l'inspection générale des finances ;
« - deux membres désignés par chacune des deux associations nationales les plus représentatives des usagers des services publics ;
« - deux membres désignés par chacune des deux associations les plus représentatives de contribuables. »
« II. - En conséquence, faire précéder cet article d'une division intitulée :
« Programmation de la réduction des dépenses publiques. »
La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. J'exposerai en même temps les amendements n° II-144 et n° II-145, qui ont la même inspiration : ce n'est pas exactement celle que vient d'exposer M. Foucaud, dont on sentait, au fond de son raisonnement, qu'il avait une révérence pour la dépense publique, qui, semble-t-il penser, est l'alpha et l'oméga de ce que doit être l'action d'un gouvernement. A ses yeux, plus il y a de dépenses publiques - même sans que l'on examine exactement pourquoi -, mieux cela vaut.
Je rappellerai au Gouvernement que tout le monde n'a pas exactement la même conception des choses. Certains gardent à l'esprit le fait que la dépense publique est nourrie par de l'argent préalablement confisqué, que cet acte de confiscation est un acte grave, et que, en conséquence, cet argent doit être utilisé dans les conditions les plus parcimonieuses et les plus équilibrées possible.
Je ne me fais guère d'illusions sur le sort que connaîtront ces deux amendements, monsieur le président, mais je profiterai de l'occasion que m'offre le débat pour rappeler à M. le ministre que certains, dans le pays, sont extrêmement attentifs à ce que le Gouvernement conserve le souci de réduire et de maîtriser la dépense publique, parce que les contribuables, du fait qu'on leur confisque de l'argent, gardent forcément ce souci à l'esprit.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission partage bien sûr le souci de bien employer les deniers publics, voire de réduire le niveau des prélèvements obligatoires et la part de la richesse nationale consacrée aux dépenses publiques.
Le Gouvernement va nous donner son avis sur l'amendement de M. Paul Girod, et la commission s'en remettra à lui en ce qui concerne le dispositif technique.
S'agissant de la volonté qui s'exprime par cet amendement, mon cher collègue, elle est bien celle de toute la commission des finances et de ses rapporteurs spéciaux, vous le savez mieux que tout autre. Elle se traduit par des contrôles, par des prises de position, par le souci de limiter, par exemple, les niches fiscales ou toutes sortes de dispositifs très dispendieux en termes de finances publiques. Elle se traduit aussi par la prise de conscience de l'environnement économique difficile où nous nous trouvons et des risques de voir les activités se délocaliser du fait des charges excessives qui pèsent sur le travail, tous thèmes que nous ne cessons de développer.
Mais, naturellement, plus nombreuses seront les initiatives en ce sens, plus l'opinion publique en sera convaincue, et plus et mieux nous avancerons.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Dans le prolongement de ce qu'a dit M. le rapporteur général, dont j'approuve totalement les propos, je ferai remarquer à Paul Girod que l'évolution pluriannuelle des dépenses publiques, qui nous préoccupe tous, fait déjà l'objet chaque année de deux rendez-vous importants.
D'une part, la programmation pluriannuelle annexée au rapport économique, social et financier donne l'occasion d'un débat sur le projet de loi de finances. D'autre part, le débat d'orientation budgétaire nous permet d'évoquer ces sujets et d'en débattre. Convient-il d'ajouter un troisième rendez-vous institutionnel ? A titre personnel comme au nom du Gouvernement, j'en doute sincèrement : il arrive un moment où il ne suffit plus de constater, il faut décider.
Vous avez mille fois raison, monsieur le sénateur, et l'on ne peut que partager votre préoccupation. Comparé à tous ses voisins, et à niveau de prestations comparables, notre pays dépense beaucoup plus, et donc beaucoup trop.
Mais, je pense très franchement, qu'il revient à la fois au Gouvernement et au Parlement d'exercer les prérogatives qui leur ont été conférées par la Constitution pour s'entourer de tous les avis qu'ils souhaitent et ensuite assumer pleinement leurs responsabilités. La création d'une commission qui rédigera un rapport supplémentaire donnera peut-être bonne conscience aux uns et aux autres, mais elle ne nous permettra pas, je le crains, d'atteindre notre objectif principal : la maîtrise de la dépense.
Mesdames, messieurs les sénateurs, voilà trente ans que le budget de l'Etat français n'est plus équilibré. Au fond, toute une génération a vécu sans assumer le coût des services et des biens que créait l'Etat. C'est à l'endroit des générations qui nous suivent un comportement collectif sur lequel nous pouvons très légitimement nous interroger !
Il nous faut donc en sortir, ce qui suppose de rassembler au sein de la représentation nationale, en soutien au Gouvernement qui a reçu la charge de déterminer et de conduire la politique, une volonté très forte pour parvenir à maîtriser cette dépense.
De surcroît, l'ambition que se fixe Paul Girod de réduire la dépense de deux points de produit intérieur brut représente aujourd'hui 30 milliards d'euros. Pour économiser, si j'ose dire, euro après euro, je mesure ce que représentent 30 milliards d'euros !
Cet amendement, comme l'amendement n° II-145, vise à solenniser et à « dramatiser », si Paul Girod me permet l'expression, au point suffisant l'évolution de nos dépenses publiques. Puisqu'il l'a exprimé avec force, je lui suggère maintenant de retirer ses amendements. A défaut, je demanderai au Sénat de ne pas les retenir, car ils n'ajouteraient pas de marche supplémentaire décisive pour nous amener à l'objectif que nous nous sommes ensemble fixé.
M. le président. Monsieur Girod, l'amendement n° II-144 est-il maintenu ?
M. Paul Girod. Vous avez bien senti tout à l'heure, mes chers collègues, que je m'attendais un peu à ce que je viens d'entendre !
Cependant, cela me convient tout à fait dans la mesure où je sens un engagement fort du Gouvernement et de la commission - du moins de sa majorité, monsieur le rapporteur général : il m'est en effet arrivé, en réunion de commission, d'avoir le sentiment que tous les commissaires n'étaient pas exactement sur la même longueur d'onde quant à cette notion de dépenses publiques, et les propos que nous avons entendus à l'instant, ici même, m'ont rappelé certaines réunions de la commission des finances !
En tout cas, l'engagement du gouvernement actuel et de la commission, dans sa majorité, est clair, et, pour ma part, je m'en réjouis. Il m'importait avant tout d'avoir confirmation de l'un et de l'autre sur ce sujet.
Je vais retirer mon amendement ; mais, monsieur le ministre, je vous répéterai auparavant ce que j'ai indiqué voilà quelques semaines à propos d'un autre amendement de nature comparable : j'entends bien les engagements généraux du Gouvernement et de la commission des finances, mais, si je devais sentir un fléchissement dans ces volontés convergentes, je serais conduit, l'année prochaine, à déposer le même amendement !
M. le président. L'amendement n° II-144 est retiré.
L'amendement n° II-145, présenté par M. Girod, est ainsi libellé :
« I. - Avant l'article 60 A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Le Gouvernement présentera au Parlement avant le 30 juin 2004 un rapport formulant des propositions précises de réduction des dépenses publiques. Ce rapport établira un plan triennal de réduction des dépenses publiques sur la base d'une diminution annuelle de deux points de produit intérieur brut par an. »
« II. - En conséquence, faire précéder cet article d'une division intitulée :
« Programmation de la réduction des dépenses publiques. »
Cet amendement a déjà été défendu.
M. Paul Girod. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° II-145 est retiré.
I. - L'article 83 A du code général des impôts est abrogé.
II. - Les dispositions du I entreront en vigueur au 1er janvier 2005.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° II-14 rectifié est présenté par MM. Flosse, Lanier, Hyest, Loueckhote, Laufoaulu et Larché.
L'amendement n° II-89 est présenté par MM. Miquel, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Haut, Lise, Marc, Massion, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste et rattachée.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
La parole est à M. Gaston Flosse, pour présenter l'amendement n° II-14 rectifié.
M. Gaston Flosse. Notre amendement vise à rétablir l'abattement supprimé par l'Assemblée nationale afin de revenir à la situation prévue à l'article 83 A du code général des impôts.
Cet article permet de réduire de 40 % la base imposable des pensions servies à des personnes installées outre-mer. Un abattement successif de 10 % et de 20 % sur le montant des pensions servies à des personnes vivant en France métropolitaine est prévu dans le même article. L'écart entre les deux niveaux d'abattement s'explique aisément par la différence du coût de la vie outre-mer et en métropole.
La suppression complète de cet abattement outre-mer est injuste et n'a pas d'autre raison que la mauvaise querelle cherchée par Bercy à l'outre-mer. Je ne comprends pas cet acharnement à détruire un équilibre, justifié par des différences objectives, qui joue un rôle important dans nos économies. Veut-on perturber l'équilibre politique et social de nos collectivités ?
On nous dit que le régime doit être détruit, car il encourage la fraude. A-t-on fait ce qu'il fallait pour contrôler, ou bien veut-on simplement trouver un prétexte pour dépouiller tous les honnêtes pensionnés d'outre-mer au nom de quelques fraudeurs ?
Le contrôle est possible. Il a déjà eu lieu en Polynésie française et a permis d'engager les poursuites contre les coupables de fausse domiciliation.
Pour ma part, je l'ai déjà dit à cette tribune, je suis prêt à apporter la collaboration de tous mes services à l'action que le ministère des finances demanderait à son représentant, le trésorier-payeur général : les pseudo-résidents en Polynésie française pour raisons fiscales ne m'intéressent pas. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, pour présenter l'amendement n° II-89.
M. Gérard Miquel. L'Assemblée nationale a adopté un étrange amendement aux termes duquel a été abrogé l'article 83 A du code général des impôts. A donc été supprimé un abattement de l'impôt sur le revenu relatif aux pensions servies par un débiteur domicilié en France métropolitaine à des personnes ayant leur domicile fiscal dans les territoires d'outre-mer.
Quand cet abattement a été instauré, en 1977, le législateur voulait alléger, en particulier, l'imposition des fonctionnaires de l'Etat pour tenir compte, tout simplement, du niveau du coût de la vie, plus élevé dans les territoires d'outre-mer qu'en métropole. Tout le monde sait très bien que, lorsque l'on dit : « plus élevé », cela signifie souvent : « beaucoup plus élevé » !
On peut donc s'étonner, tout particulièrement nos concitoyens d'outre-mer, de cette mesure « bizarre » votée par l'Assemblée nationale.
C'est pourquoi le groupe socialiste du Sénat propose par cet amendement, et parce qu'il juge cette demande raisonnable, la suppression de l'article 60 A, en attendant une réflexion globale, d'une part, sur l'ensemble des aides à l'outre-mer et, d'autre part, sur les aides spécifiques à nos concitoyens d'outre-mer.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le ministre du budget, votre administration est souvent critiquée.
Pour ma part, en tant que porte-parole de la commission des finances, il m'arrive de contester des analyses, des choix, des études, voire des solutions, qui, cela peut arriver, me semblent comporter des effets pervers. La suite de cette discussion en fournira peut-être des exemples.
Néanmoins, j'ai de la peine à comprendre que l'on puisse opposer, en quelque sorte, la vision de Bercy, d'un côté, et la politique du Gouvernement, la politique de la France, de l'autre côté. Car, mes chers collègues, le projet de budget pour 2004 que nous sommes en train d'élaborer, dans un contexte extrêmement difficile, se caractérise, ne l'oublions pas, par un déficit de 55 milliards d'euros, déficit qui doit à tout prix être maîtrisé : il y va de la crédibilité de notre pays ! Il s'agit non seulement d'un problème d'équilibre social et de bonne gestion de notre pays, mais également du rayonnement de la France, et, disant cela, je m'adresse tout particulièrement à ceux qui sont attachés à la République, à sa crédibilité, à son rayonnement dans l'ensemble du monde.
Je ne suis naturellement pas un expert des affaires d'outre-mer. Mais, si nous voulons défendre le drapeau français et la présence de la France dans un monde souvent hostile, un monde dans lequel nous devons faire face à une incompréhension croissante, s'il nous revient d'être le point fixe de la République et de l'intérêt national, il me semble que les sujets de gestion ne peuvent nous laisser indifférents.
Naturellement, bien des problèmes particuliers se posent à nos territoires, et chacun s'efforce de gérer au mieux la situation qui est la sienne, notamment dans le cadre de la décentralisation et de la législation spécifique à l'outre-mer.
Cela étant, tout en ayant le plus grand respect pour ceux qui ont la charge de la gestion de ces territoires et qui doivent faire face à bien des difficultés, je ne voudrais pas que l'avis de la commission des finances du Sénat soit en contradiction avec celui de la commission des finances de l'Assemblée nationale, ni que nous ayons l'air de jeter la pierre à nos collègues députés.
Tout à l'heure, lors de l'examen des amendements n°s II-144 et II-145 de Paul Girod, nous évoquions l'« ardente nécessité » de réduire la dépense publique, de faire refluer les prélèvements obligatoires. Nos collègues de l'Assemblée nationale ont fait de leur mieux - la tâche était difficile - pour trouver des thèmes d'économie. Ils y ont travaillé honnêtement, avec une grande rigueur. M. le ministre lui-même, citant une somme énorme, rappelait quelle pugnacité il fallait déployer pour économiser chaque euro.
L'article 60 A qu'a adopté l'Assemblée nationale procède selon moi de cette volonté de rechercher des moyens concrets pour faire décroître la dépense fiscale, voire la dépense tout court.
Mes chers collègues, vous trouverez dans le rapport écrit de la commission des finances notre analyse, qui, sur le plan technique, sur le plan de la bonne gestion des finances publiques, coïncide avec celle de l'Assemblée nationale.
Affichant de commission des finances à commission des finances notre solidarité, nous ne pouvons donc, et je le regrette, cher Gaston Flosse, qu'exprimer un avis défavorable. Si nous émettions un avis favorable à votre amendement, nous romprions la solidarité qui doit être la nôtre d'une assemblée à l'autre puisque nous avons la charge, dans un contexte difficile, d'orienter la discussion budgétaire et de rechercher des mesures d'économie.
Ces mesures ne font jamais plaisir où qu'elles interviennent, et elles ont un caractère ingrat du fait qu'elle peuvent modifier des habitudes acquises - sans doute à bon droit -, mais le chemin de la réforme est semé d'aspérités et il faut bien que les économies se traduisent par des diminutions de dépenses. Ces diminutions peuvent susciter des réactions compréhensibles, que nous comprenons mais qu'au sein de la commission des finances du Sénat nous estimons devoir dépasser.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Gaston Flosse n'en croira pas ses oreilles : Bercy ne persécute en rien l'outre-mer, Bercy applique la politique voulue par le Gouvernement, d'où l'avis que je vais émettre sur son amendement.
Vous proposez, monsieur Flosse, de rétablir l'abattement de 40 % sur le montant imposable des pensions servies aux personnes domiciliées dans les territoires d'outre-mer lorsque la partie versante est établie en France métropolitaine.
Nos concitoyens d'outre-mer pourraient en effet ressentir la suppression de cet abattement comme une remise en cause des spécificités de leur situation, ce qui ne correspond pas aux intentions du Gouvernement. Par suite, je donne mon accord à l'adoption de votre amendement.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je voudrais à mon tour m'adresser à Gaston Flosse, qui vient donc d'avoir la réponse de Bercy, pour lui dire, au nom de la commission des finances, qu'il y a dans notre législation quelques aspérités susceptibles de faire l'objet de corrections.
Nous avons eu sur ces thèmes un débat jeudi dernier, 4 décembre, et, sur la proposition de notre collègue Simon Loueckhote, nous sommes convenus de constituer un groupe de travail pour éraser ces aspérités et faire justice de la suspicion que vaudrait à l'outre-mer certains avantages qui lui seraient indûment consentis.
Nous sommes très désireux d'aller dans le sens de l'équité. Il y a incontestablement des dérives et des abus qui ne sont pas supportables et auxquels nous devons, vous responsables de la Polynésie française et nous parlementaires métropolitains, nous attaquer sans complaisance.
M. Gaston Flosse. Tout à fait !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. A cet égard, à défaut d'avoir trouvé d'emblée la bonne rédaction, j'ai bon espoir que nous tranchions ultérieurement les différends. Les abus ne sont pas tolérables, car ils offensent l'idée que vous et nous nous faisons de l'équité et des valeurs de la République.
Voilà pour quels motifs nous pensions, s'agissant de cet article que les députés ont souhaité supprimer, pouvoir nous mettre en harmonie avec la position adoptée par eux.
M. le président. La parole est à M. Gaston Flosse, pour explication de vote.
M. Gaston Flosse. Monsieur le rapporteur général, malgré tout le respect que je vous dois, je veux vous dire que, si un homme a voué sa vie publique à défendre le drapeau français et à faire en sorte que la Polynésie française soit encore française aujourd'hui, c'est bien moi.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je le sais bien !
M. Gaston Flosse. Durant des moments de l'histoire de la France aussi difficiles que la période des essais nucléaires comme durant les mauvaises périodes traversées par la Nouvelle-Calédonie, qui, sinon moi, a fait le tour de tous les pays du Pacifique pour défendre les expérimentations de la France et la politique menée par elle en Nouvelle-Calédonie ? Je n'ai donc pas de leçon à recevoir de qui que ce soit sur ce point.
Quant à l'argumentation qui consiste à dire que, puisque nos collègues de l'Assemblée nationale ont voté la suppression de l'article et que nous ne voulons pas leur faire de peine, nous devons voter comme eux, c'est bien la première fois que je l'entends ! Voterons-nous désormais toujours comme nos collègues de l'Assemblée nationale ?
Je le répète avec force : en effet, il y a des fraudeurs et en effet, il faut les poursuivre et les punir sévèrement. C'est ce que fait la Polynésie française, puisqu'une cinquantaine de fraudeurs ont d'ores et déjà été punis. Mais ne confondons pas les fraudeurs et les autres. Les pensions des retraités de l'Etat constituent une ressource appréciable pour l'économie de la Polynésie française. L'en priver reviendrait à casser le système.
Voulez-vous que nous vous réclamions le RMI et l'application des 35 heures en Polynésie française ? Nous n'en voulons pas. Nous voulons être responsables, nous voulons travailler et, par l'effort, développer notre économie. La mesure qu'a voulu supprimer l'Assemblée nationale nous est nécessaire, et nous vous demandons donc de la rétablir, mes chers collègues.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre appui, et je retire ce que j'ai pu dire de Bercy puisque Bercy n'a apparemment rien à voir dans tout cela, comme l'avenir, j'espère, nous le confirmera.
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.
M. Christian Cointat. Mon explication sera très brève : j'appuie totalement l'amendement de notre excellent collègue Gaston Flosse.
Ce n'est pas par des votes rapides qu'il convient de remettre en cause des situations existantes. Il faut lutter contre les fraudes, c'est absolument vrai, mais il ne faut pas hâtivement bouleverser les règles applicables dans les départements et territoires d'outre-mer.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s II-14 rectifié et II-89.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe de l'UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin
n° 105
:
Nombre de votants | 292 |
Nombre de suffrages exprimés | 292 |
Majorité absolue des suffrages | 147 |
Pour | 285 |
Contre | 7 |
Le Sénat a adopté. (M. Gaston Flosse applaudit.)
En conséquence, l'article 60 A est supprimé.
Articles additionnels avant l'article 60
M. le président. L'amendement n° II-172, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Avant l'article 60, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Au f du 1 de l'article 195 du code général des impôts, la mention : "75 ans" est remplacée par la mention : "70 ans".
« II. - Au 6 du même article, la mention : "75 ans" est remplacée par la mention : "70 ans".
« III. - Les tarifs fixés à l'article 978 du code général des impôts sont relevés à due concurrence. »
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Cet amendement porte sur le quotient familial applicable aux revenus imposables. Chacun le sait, le code général des impôts prévoit expressément des majorations d'une demi-part du quotient familial dans certaines situations, dont celle d'ancien combattant de la Résistance.
Le bénéfice de ces dispositions, pour les contribuables mariés ou non, est toutefois conditionné par l'âge. En l'état actuel, l'âge de référence est fixé à soixante-quinze ans.
Cet amendement, qui répond à une revendication ancienne des associations nationales d'anciens combattants, et notamment des volontaires de la Résistance, vise à ramener l'âge de référence à soixante-dix ans.
En l'état actuel, le coût fiscal de la mesure est relativement limité, soit 200 millions d'euros, coût estimé bien sûr dans le tableau des voies et moyens annexé au projet de loi de finances pour 2004.
L'adoption de notre amendement traduirait clairement l'attachement de la collectivité nationale à celles et à ceux qui ont su la défendre quand cela n'était pas le moins périlleux.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement vise à abaisser de soixante-quinze à soixante-dix ans l'âge à partir duquel les titulaires de la carte du combattant ou d'une pension d'invalidité, ou leur veuve, qui entrent dans la catégorie des contribuables célibataires, divorcés ou veufs peuvent voir leur revenu imposable divisé par 1,5.
Cette proposition n'est pas facile à chiffrer mais elle a un coût non négligeable. Elle a toutefois le mérite d'attirer l'attention sur le caractère un peu arbitraire de certaines règles du régime du quotient familial.
Pourquoi en effet retenir un seuil de soixante-quinze ans plutôt que celui de soixante-dix ans ?
Dans le cas présent, le bénéfice de la demi-part présente en réalité un caractère indemnitaire. Il peut paraître contestable, en droit fiscal, de l'accorder alors qu'il ne s'agit pas de compenser des charges réelles. Or il s'agirait bien en l'occurrence d'étendre le bénéfice de la demi-part à de nouvelles catégories de contribuables.
La commission estime que cette mesure devra être revue à l'occasion d'une remise à plat des différents avantages catégoriels accordés en matière d'impôt sur le revenu et replacée dans un contexte plus large. La modifier isolément ne serait pas nécessairement de bonne politique, car ce serait peu lisible et laisserait de nombreux problèmes sans solution.
C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Comme M. le rapporteur général le disait à l'instant, il faut en revenir à la notion de quotient familial, l'objet étant de proportionner l'impôt aux charges du foyer, qu'il s'agisse des charges de familles ou des charges liées à l'invalidité.
La demi-part supplémentaire accordée au titre de la qualité d'ancien combattant constitue une importante dérogation aux principes du quotient familial.
Comme tout avantage fiscal dérogatoire, ce supplément de quotient familial ne peut être préservé que s'il garde un caractère très exceptionnel. Dès lors, il n'est ni justifié ni cohérent d'abaisser l'âge qui conditionne le bénéfice de ce dispositif.
C'est ce qui conduit le Gouvernement à émettre un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-172.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° II-173, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Avant l'article 60, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le bénéfice du décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000 instituant une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites est étendu aux orphelins de déportés par mesure de répression, à ceux des fusillés et massacrés pour faits de résistance à l'occupation.
« II. - Le droit de timbre sur les opérations en bourse, prévu à l'article 978 du code général des impôts, est relevé à due concurrence. »
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Cet amendement trouve toute sa place en fin de deuxième partie de la discussion du projet de loi de finances, compte tenu du fait que nous statuons pour l'heure sur les revenus susceptibles de bénéficier de dispositions dérogatoires au droit commun en matière d'imposition.
En effet, en l'an 2000, pour faire droit aux légitimes demandes des familles de victimes des persécutions antisémites pendant la Seconde Guerre mondiale qui n'étaient pas indemnisées par les gouvernements de la République d'Allemagne fédérale et de la République autrichienne, le gouvernement de l'époque avait pris un décret d'indemnisation des victimes de ces persécutions, dont voici quelques-unes des dispositions :
« Article 1er. - Toute personne dont la mère ou le père a été déporté à partir de la France dans le cadre des persécutions antisémites durant l'Occupation et a trouvé la mort en déportation a droit à une mesure de réparation, conformément aux dispositions du présent décret, si elle était mineure de vingt et un ans au moment où la déportation est intervenue.
« Sont exclues du bénéfice du présent décret les personnes qui perçoivent une indemnité viagère versée par la République fédérale d'Allemagne ou la République d'Autriche à raison des mêmes faits. »
« Article 2. - La mesure de réparation prend la forme, au choix du bénéficiaire, d'une indemnité au capital de 180 000 francs ou d'une rente viagère de 3 000 francs par mois. »
Les termes du décret peuvent évidemment avoir changé pour ce qui concerne les montants visés, qui ont été traduits en euros, mais l'esprit demeure le même.
Il est évident que nous ne pouvons, comme l'ensemble de la communauté nationale, que nous féliciter de ce que cette décision ait été prise, ne serait-ce qu'au regard du traumatisme qu'ont représenté la déportation massive et la politique d'extermination menées par les nazis, avec le soutien et l'assistance du régime de Vichy, contre les personnes de confession juive résidant en France.
Cependant, il est pour le moins regrettable que la même disposition n'ait pas été prise en faveur des orphelins dont les parents ont été victimes de la barbarie nazie pour des motifs liés à leur engagement politique dans la Résistance.
Une telle situation crée une distinction inutile et quelque peu gênante entre victimes de la même insupportable barbarie.
Nous avions donc déposé, dès la publication de ce décret, une proposition de loi visant à étendre le bénéfice des dispositions de ce dernier à l'ensemble des familles ayant eu à souffrir des actes commis par les troupes d'occupation.
Cet amendement tend, de surcroît, à garantir le caractère indemnitaire de la réparation prévue par le décret de 2000.
Nous invitons donc le Sénat à l'adopter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est là une question, moralement très préoccupante, que le Sénat connaît bien et qui avait été soulevée de nouveau lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, par le biais d'un amendement déposé par M. Michel Mercier.
Vous nous aviez alors indiqué, monsieur le ministre, que vous nous apporteriez, à l'occasion de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances, des éléments d'information sur la date à laquelle le décret tant attendu est susceptible d'être pris.
Comme vous le savez, monsieur le ministre, c'est ici une question d'équité, une question de mémoire ; toutes les composantes du monde de la déportation attendent cette réparation. Il s'agit d'une oeuvre de justice que nous devons accomplir. Il existe d'ailleurs un consensus sur ce sujet à l'issue des récents travaux de la commission Dechartre.
Par conséquent, peut-être détenez-vous, monsieur le ministre, les éléments d'information supplémentaires attendus quant à la date de publication du décret évoqué ? Cela devrait permettre, du moins je l'espère, de répondre aux préoccupations de nos collègues et de les amener à retirer leur amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Je confirme tout à fait les propos que M. le rapporteur général vient de tenir et qui reflètent fidèlement les échanges que nous avons eus au sein de cette assemblée sur cette question.
Comme M. le Premier ministre l'a indiqué à la suite de la remise du rapport de M. Dechartre, le Gouvernement a décidé d'accorder à tous les orphelins de victimes de la barbarie nazie une indemnisation identique à celle dont bénéficient les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites.
Mon collègue M. Hamlaoui Mekachera est chargé d'élaborer le dispositif ad hoc, qui devra entrer en vigueur une fois les travaux préparatoires achevés. Ceux-ci sont assez lourds ; je ne l'avais pas caché à la Haute Assemblée lorsque nous avions évoqué ce sujet à l'occasion de l'examen de la première partie du projet de loi de finances.
En tout état de cause, je comprends tout à fait la préoccupation exprimée par les auteurs de l'amendement, qui est d'ailleurs partagée sur toutes les travées de cet hémicycle. Il est important que vous sachiez, mesdames, messieurs les sénateurs, à quel horizon cette question va être réglée.
Comme vous ne l'ignorez pas, nous devons saisir le Conseil d'Etat, ce qui me conduit à situer l'aboutissement de ce dossier aux alentours de la fin du mois de juin 2004. Dès lors, j'indique aux auteurs de l'amendement que je respecterai aujourd'hui l'engagement que j'avais pris à l'occasion de la discussion de la première partie du projet de loi de finances, non pas de présenter une solution dès maintenant, mais de fixer une date pour la mise en oeuvre du décret, comme M. le rapporteur général m'y a invité : vers la fin du mois de juin 2004, la procédure administrative devant le Conseil d'Etat sera, je l'espère, achevée.
Sur la base de cet engagement, je demande à M. Thierry Foucaud de bien vouloir retirer son amendement. A défaut, je serai contraint d'en préconiser le rejet. En effet, sa rédaction rend la disposition présentée inapplicable et, en tout état de cause, un décret aura permis de résoudre la grave question soulevée d'ici à la fin du mois de juin 2004.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, pour explication de vote.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le ministre, nous maintenons notre amendement.
Cela étant précisé, je souhaiterais retracer l'historique de cette affaire.
Le gouvernement précédent avait pris, par un décret du 13 juillet 2000, des mesures instituant une réparation au bénéfice des seuls orphelins des victimes des persécutions antisémites de la part de l'occupant et de ceux qui le soutenaient.
Bien évidemment, ces mesures n'avaient pas manqué d'être perçues comme injustes et discriminatoires vis-à-vis notamment des orphelins de déportés résistants et politiques, voire comme un défaut de reconnaissance publique à l'égard de la Résistance.
Cette situation inique ne peut plus perdurer : c'est ce qu'affirment avec force et à bon droit les associations représentatives du monde résistant et déporté. Aussi était-ce avec satisfaction que, le 2 septembre dernier, nous avions reçu l'engagement solennel de M. le Premier ministre, au nom du Gouvernement, de mettre fin à cet état de choses en étendant le dispositif institué par le décret à tous les orphelins victimes de la barbarie nazie.
Cette annonce faisait logiquement suite à la remise au Gouvernement du rapport de M. Philippe Dechartre, ancien résistant et ancien ministre du général de Gaulle, qui avait été chargé, conformément à l'article 115 de la loi de finances de 2003, adopté, je le rappelle, à l'unanimité des membres du Parlement, d'étudier la possibilité de cette extension.
Cependant, promettre et ne pas tenir, qui plus est pour réaliser des économies budgétaires dans un contexte de rigueur, c'est, monsieur le ministre, prendre le risque d'ajouter l'insulte à l'injustice vis-à-vis de la mémoire de la Résistance et de la déportation.
Monsieur le ministre, la mesure tant attendue figurait en bonne place dans la brochure illustrée que le secrétaire d'Etat aux anciens combattants a éditée pour présenter son projet de budget pour 2004. Comment se fait-il que son financement ne soit pas prévu pour l'année prochaine et que la ligne budgétaire correspondante ne figure ni dans le projet de budget du secrétariat d'Etat aux anciens combattants ni dans celui des services du Premier ministre au côté des crédits affectés à l'indemnisation des orphelins de déportés juifs, qui ont été réévalués de 64 millions d'euros à 74 millions d'euros ?
On nous a répondu à plusieurs reprises que le Gouvernement attendait une définition précise du périmètre d'éligibilité à la mesure pour prendre les décrets nécessaires ; or nous estimons que cette explication n'est plus recevable.
En effet, rien, monsieur le ministre, ne vous empêchait d'ouvrir, dès l'élaboration de ce projet de loi de finances initial, une ligne budgétaire spécifique, ce qui aurait permis de nous rassurer quant à la prise des décrets en 2004.
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial des crédits du secrétariat d'Etat aux anciens combattants. S'appuyant sur les résultats des études réalisées par M. Dechartre et sur une estimation du nombre des bénéficiaires potentiels, qui serait compris entre 7 000 et 12 000, a considéré que le coût maximal de l'application de la mesure serait de 187 millions d'euros la première année et de 35,5 millions d'euros les années suivantes. Vous pouviez parfaitement, monsieur le ministre, inscrire les 187 millions d'euros au projet de budget à ce titre, pour ensuite ajuster le montant des crédits ouverts dans le cadre du collectif budgétaire pour 2004.
Quant à la question du périmètre du champ d'éligibilité, je reconnais que celui-ci peut être difficile à délimiter à la marge. Toutefois, vous semblez laisser entendre qu'il faudra plus d'un an pour le fixer définitivement.
Nous avons interrogé sur ce point les associations d'anciens déportés et d'anciens résistants, et il nous semble que l'on pouvait trouver une solution, en définissant les bénéficiaires des mesures de réparation comme les personnes qui étaient mineures au moment de l'arrestation ou de la mort de l'un des leurs, c'est-à-dire âgés de moins de vingt et un ans à l'époque, et dont la mère ou le père est décédé dans les conditions suivantes : en déportation après avoir été déporté pour faits de résistance ou pour raison politique ; fusillé ou massacré pour faits de résistance ou par mesure de répression en tant qu'otage, par exemple, par l'occupant nazi ou les agents de Vichy ; en tant que résistant et patriote en combattant contre l'occupant ou les forces de Vichy lors de son arrestation ou de sa détention par eux.
Quoi qu'il en soit, il est inutile d'attendre la délimitation définitive du périmètre d'éligibilité pour tenir la promesse de M. le Premier ministre et inscrire la mesure dans le projet de loi de finances pour 2004. Vous évoquez la fin du premier semestre de 2004, monsieur le ministre, mais vous ne prenez aucun engagement réel. Cela n'est pas de nature, vous le comprendrez, à rassurer les orphelins et les associations de résistants et de déportés.
Certes, le coût de la mesure n'est pas négligeable, mais cela est normal, car il reflète l'ampleur de la Résistance française. De plus, une considération financière doit-elle entraver l'exercice du devoir de reconnaissance de la nation envers les résistants et les déportés ? C'est pourtant ce que semble signifier le refus du Gouvernement d'inscrire au projet de budget l'indemnisation de toutes les victimes de la barbarie nazie.
L'austérité budgétaire ne pouvant que se renforcer dans les années à venir, on ne peut que douter que vous preniez réellement cette mesure de réparation à l'avenir. Vous comprendrez donc que nous maintenions notre amendement, monsieur le ministre. Il s'agit pour nous d'exiger ainsi des actes de la part du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Lambert, ministre délégué. Je ne sais plus si c'est au Sénat ou à l'Assemblée nationale que j'ai déclaré qu'il ne fallait pas ajouter l'indignité à l'indicible.
Madame Beaudeau, le Gouvernement ne souhaite pas mettre en place un dispositif imparfait, comme peut l'être celui du décret du 13 juillet 2000. Il ne faut pas retomber dans le même travers.
Pour l'heure, ce ne sont pas des considérations budgétaires qui entrent en ligne de compte. Vous semblez croire, madame Beaudeau, que la délimitation du périmètre d'éligibilité est une tâche facile à accomplir ; je vous affirme le contraire. Il est vrai que c'est nous, et non pas vous, qui devons réaliser ce travail !
En tout état de cause, nous sommes à l'oeuvre. J'ai été loyal depuis le début de la discussion sur ce sujet. Nous pouvons être en désaccord sur de nombreux points, mais je ne doute pas de votre sincérité, et je vous demande donc de ne pas douter de la mienne : j'ai pris des engagements, je les tiendrai !
Quoi qu'il en soit, si cet amendement doit être maintenu, nous appliquerons le droit. Or votre proposition, madame Beaudeau, n'est pas conforme au droit républicain. Je demanderai donc à la commission des finances, en cas de maintien de l'amendement, si l'article 40 est applicable à celui-ci. Je suis très attaché à un dialogue républicain attentif, respectueux des opinions des uns et des autres, madame Beaudeau, mais si vous essayez de me forcer la main, je vous répondrai dans des termes de droit.
C'est une question de confiance entre nous ! Je me suis engagé à traiter le sujet sincèrement, je tiendrai mon engagement. Mais si vous voulez vous placer sur un terrain juridique, madame Beaudeau, nous verrons bien quelle sera la réponse du droit ! Si l'amendement n'est pas retiré, monsieur le président, j'invoquerai l'article 40 de la Constitution.
M. le président. La parole est à M. Denis Badré, pour explication de vote.
M. Denis Badré. C'est moi qui ai défendu, lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, l'amendement que M. Mercier avait déposé sur ce thème. M. le ministre nous avait alors fixé rendez-vous à la discussion de la seconde partie du projet de budget, et il y est présent.
Même si sa réponse, selon laquelle le décret devrait être prêt avant la fin du mois de juin 2004, est un peu moins certaine qu'un engagement à régler le dossier, par cette voie ou par toute autre, d'ici au 30 juin 2004, je préfère, pour ma part, une solution parfaite à cette date qu'une solution imparfaite au 1er janvier 2004.
C'est pourquoi, alors que j'avais défendu un amendement similaire avec passion compte tenu de la douleur qui sous-tend ce problème tout à fait insupportable, que nous devons traiter d'urgence, je ne voterai pas l'amendement défendu par Mme Beaudeau, s'il devait être maintenu.
M. le président. Madame Beaudeau, l'amendement n° II-173 est-il maintenu ?
Mme Marie-Claude Beaudeau. Oui, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Je ne comprends pas très bien la position de la majorité sénatoriale. M. le rapporteur général a parlé d'équité, de mémoire et de consensus. Il a rappelé que le monde des anciens combattants attendait une solution conforme à celle que nous proposons et sur laquelle, du moins je l'espère ! nous sommes tous ici d'accord. Pourtant, il nous est demandé, une nouvelle fois, de retirer un amendement de justice, en vertu de prétendus engagements qui, pour l'heure, ne se traduisent par aucun crédit sur aucune ligne budgétaire.
A la suite de mon amie Marie-Claude Beaudeau, je confirme le maintien de l'amendement n° II-173.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Lambert, ministre délégué. Je voudrais souligner, à l'adresse de la Haute Assemblée, que mon intention n'est nullement d'empêcher qui que ce soit de s'exprimer, dans la mesure permise par le règlement. Cela étant précisé, j'invoque l'article 40 de la Constitution contre l'amendement n° II-173.
M. le président. L'article 40 de la Constitution est-il applicable, monsieur le rapporteur général ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Oui, monsieur le président, il l'est.
M. le président. L'article 40 étant applicable, l'amendement n° II-173 n'est pas recevable.
Monsieur le ministre, nous avons pris acte de votre déclaration quant aux perspectives offertes.
I. - Le code général des impôts est ainsi modifié :
A. - Le 1 du B du I de l'article 163 quatervicies est ainsi modifié :
1° Le a est ainsi rédigé :
« a) Une fraction égale à 10 % de ses revenus d'activité professionnelle tels que définis au II, retenus dans la limite de huit fois le montant annuel du plafond mentionné à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale ou, si elle est plus élevée, une somme égale à 10 % du montant annuel du plafond précité ; »
2° Le b est ainsi rédigé :
« b) Et le montant cumulé des cotisations ou primes déductibles en application du 2° de l'article 83, y compris les versements de l'employeur, des cotisations ou primes déductibles au titre du 1° du II de l'article 154 bis, de l'article 154 bis-0 A et du 13° du II de l'article 156 compte non tenu de leur fraction correspondant à 15 % de la quote-part du bénéfice comprise entre une fois et huit fois le plafond mentionné à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale, ainsi que des sommes versées par l'entreprise au plan partenarial d'épargne salariale volontaire pour la retraite défini à l'article L. 443-1-2 du code du travail et exonérées en application du 18° de l'article 81. »
A bis. - Dans la première phrase du dernier alinéa du B du II de l'article 163 quatervicies, après les mots : « des articles 44 sexies à 44 decies », sont insérés les mots : « ainsi que l'abattement prévu à l'article 73 B ».
B. - L'article 83 est ainsi modifié :
1° Le 1° quater est ainsi modifié :
a) Dans la première phrase, les mots : « , dans la limite d'un plafond, qui tient compte des versements du salarié et de l'employeur, fixé par la loi » sont supprimés ;
b) La seconde phrase devient un second alinéa et, au début de cet alinéa, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Les cotisations ou les primes mentionnées à l'alinéa précédent sont déductibles dans la limite, y compris les versements de l'employeur, d'un montant égal à la somme de 7 % du montant annuel du plafond mentionné à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale et de 3 % de la rémunération annuelle brute, sans que le total ainsi obtenu puisse excéder 3 % de huit fois le montant annuel du plafond précité. » ;
2° Le 2° est ainsi modifié :
a) Après les mots : « dans la limite », la fin de la première phrase du deuxième alinéa est ainsi rédigée : « , y compris les versements de l'employeur, de 8 % de la rémunération annuelle brute retenue à concurrence de huit fois le montant annuel du plafond mentionné à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale. » ;
b) Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La limite mentionnée au deuxième alinéa est réduite, le cas échéant, des sommes versées par l'entreprise au plan partenarial d'épargne salariale volontaire pour la retraite défini à l'article L. 443-1-2 du code du travail et exonérées en application du 18° de l'article 81 ; ».
C. - L'article 154 bis est ainsi modifié :
1° Les deux premiers alinéas constituent un I ;
2° Le troisième alinéa est remplacé par un II ainsi rédigé :
« II. - Les cotisations versées aux régimes obligatoires complémentaires d'assurance vieillesse mentionnés au premier alinéa du I, pour la part de ces cotisations excédant la cotisation minimale obligatoire, et les cotisations ou primes mentionnées au deuxième alinéa du I sont déductibles :
« 1° Pour l'assurance vieillesse, dans une limite égale au plus élevé des deux montants suivants :
« a) 10 % de la fraction du bénéfice imposable retenu dans la limite de huit fois le montant annuel du plafond mentionné à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale, auxquels s'ajoutent 15 % supplémentaires sur la fraction de ce bénéfice comprise entre une fois et huit fois le montant annuel précité ;
« b) Ou 10 % du montant annuel du plafond mentionné à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale.
« Cette limite est réduite, le cas échéant, des sommes versées par l'entreprise au plan partenarial d'épargne salariale volontaire pour la retraite défini à l'article L. 443-1-2 du code du travail et exonérées en application du 18° de l'article 81 ;
« 2° Pour la prévoyance, dans la limite d'un montant égal à la somme de 7 % du montant annuel du plafond mentionné à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale et de 3,75 % du bénéfice imposable, sans que le total ainsi obtenu puisse excéder 3 % de huit fois le montant annuel du plafond précité ;
« 3° Pour la perte d'emploi subie, dans une limite égale au plus élevé des deux montants suivants :
« a) 1,875 % du bénéfice imposable retenu dans la limite de huit fois le montant annuel du plafond mentionné à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale ;
« b) Ou 2,5 % du montant annuel du plafond mentionné à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale.
« Les revenus exonérés en application des articles 44 sexies à 44 decies sont retenus pour l'appréciation du montant du bénéfice imposable mentionné aux 1°, 2° et 3°. Il n'est pas tenu compte des plus-values et moins-values professionnelles à long terme. »
D. - L'article 154 bis-0 A est ainsi modifié :
1° Dans la première phrase du premier alinéa, qui devient un I, les mots : « dans la limite d'un plafond fixé par la loi et qui tient compte de l'abondement de l'entreprise au plan partenarial d'épargne salariale volontaire pour la retraite défini à l'article L. 443-1-2 du code du travail » sont remplacés par les mots et quatre alinéas ainsi rédigés : « dans une limite égale au plus élevé des deux montants suivants :
« a) 10 % de la fraction du revenu professionnel imposable qui n'excède pas huit fois le montant annuel du plafond mentionné à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale, auxquels s'ajoutent 15 % supplémentaires sur la fraction de ce revenu comprise entre une fois et huit fois le montant annuel précité.
« Les revenus exonérés en application des articles 44 sexies à 44 decies ainsi que l'abattement prévu à l'article 73 B sont retenus pour l'appréciation du montant du revenu professionnel mentionné au premier alinéa. Il n'est pas tenu compte des plus-values et moins-values professionnelles à long terme ;
« b) Ou 10 % du montant annuel du plafond mentionné à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale.
« Cette limite est réduite, le cas échéant, des sommes versées par l'entreprise au plan partenarial d'épargne salariale volontaire pour la retraite défini à l'article L. 443-1-2 du code du travail et exonérées en application du 18° de l'article 81. » ;
2° Dans la seconde phrase du premier alinéa, qui devient un II, les mots : « Cette déduction » sont remplacés par les mots : « La déduction mentionnée au I » ;
3° Au deuxième alinéa, qui devient un III, les mots : « du plafond de déduction mentionné au premier alinéa » sont remplacés par les mots : « de celle mentionnée au I ».
E. - Le II de l'article 156 est complété par un 13° ainsi rédigé :
« 13° Les cotisations versées par les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole au titre des contrats d'assurance de groupe mentionnés au I de l'article 55 de la loi n° 97-1051 du 18 novembre 1997 d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines, dans les limites prévues par l'article 154 bis-0 A. »
II. - A. - Les dispositions des A, A bis, B et E du I s'appliquent à compter de l'imposition des revenus de l'année 2004.
B. - Les dispositions des C et D du I s'appliquent pour la détermination des résultats des exercices clos ou des périodes d'imposition arrêtées à compter du 1er janvier 2004.
III. - L'article L. 221-18 du code monétaire et financier est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« A compter du 25 septembre 2003, il ne peut plus être ouvert de plans d'épargne populaire. »
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, sur l'article.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous abordons l'un des articles les plus importants de cette seconde partie du projet de loi de finances, voire de l'ensemble de celui-ci. Il s'agit d'un article structurel, qui pose les principes de l'organisation fiscale de l'épargne retraite : nous engageons ainsi l'avenir à long terme et il faut s'en réjouir.
La commission des finances du Sénat envisage cette discussion dans un esprit très positif, cela va de soi, d'autant, monsieur le ministre, que vous et moi avons été, voilà déjà bien longtemps, parmi ceux, nombreux, qui préconisaient dans cette assemblée le développement de l'épargne retraite en complément du système obligatoire de retraite par répartition.
Ce sont donc des voies nouvelles qui sont ouvertes, selon deux modalités très symétriques : il s'agit, d'une part, de plans individuels et, d'autre part, de plans collectifs ayant pour fondement l'entreprise ou le milieu professionnel. Dans chaque cas, les épargnants auront la possibilité de préparer leur avenir grâce à la mise en place de véhicules spécifiques à long terme et à très long terme.
Comme chacun le sait, la préférence naturelle pour la liquidité peut freiner la décision d'apporter des fonds à ces véhicules. D'où la nécessité de faire intervenir l'instrument fiscal afin de conforter les comportements d'épargne à long terme et à très long terme.
Corrélativement, la mise en place de ces véhicules va rendre de grands services à l'économie française, car ce sont des investisseurs institutionnels qui vont progressivement monter en puissance et qui, espérons-le, permettront d'enclencher un cycle vertueux pour notre économie.
Nous avons étudié avec soin l'article 60. Pour nous, l'épargne à long terme favorisera les investissements des entreprises, car le financement durable de l'économie implique bien l'existence d'une épargne stable.
Ainsi que vous l'avez observé, monsieur le ministre, dans cette démarche constructive, la commission a pris une série d'initiatives qu'expriment ses amendements. Nous voudrions rendre ces dispositifs encore plus simples, dans leur articulation et leur appellation. Nous voudrions également les rendre plus attractifs, en ce qui concerne la mise en place des offres qui vont rapidement se déployer sur le territoire et s'adresser aux différentes catégories d'épargnants potentiels.
Nous sommes, vous le savez, très attachés à la transparence, à la clarté du choix. C'est en vertu de ce principe que, par exemple, notre amendement n° II-71 prévoit que les salariés et les non-salariés puissent exercer un choix entre des politiques de gestion différentes, entre des profils plus sécuritaires ou des profils plus dynamiques, bien entendu à l'intérieur des normes prescrites par la prudence et par le code des assurances.
Nous avons la conviction que ces dispositifs d'épargne retraite exprimeront par leur développement une confiance dans l'avenir qui fait défaut à nos concitoyens. Ces dispositifs permettront plus d'équité. Une part croissante des richesses issues de l'épargne pourra être apportée au développement des entreprises. Le dialogue social sera enrichi, avec la mise en place de nouveaux dispositifs dans le cadre de l'entreprise, des milieux professionnels et de branches.
Enfin, j'exprimerai le voeu que l'épargne retraite, permettant de renforcer la part des valeurs françaises détenues par nos concitoyens, fasse progresser la pédagogie économique, la bonne connaissance des rouages de l'économie, associe davantage nos concitoyens à leurs entreprises et soit favorable au rayonnement et à la compétitivité de la place financière de Paris au sein de l'Europe.
La loi Fillon du 21 août 2003 a permis de franchir une étape essentielle. Nous avons vaincu des blocages qui semblaient inéluctables. Grâce à cette démarche réformatrice, nous sommes aujourd'hui en mesure de construire techniquement les produits qui, je l'espère, pourront concerner un très grand nombre de nos concitoyens.
Mes chers collègues, j'espère que vous serez très attentifs aux amendements qui ont été préparés par la commission des finances.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, sur l'article.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les tenants des fonds de pension et du développement du capitalisme actionnarial populaire peuvent marquer ce jour d'une pierre blanche.
En effet, dans la continuité de la loi sur la réforme des retraites, sont institués aujourd'hui, dans un silence assourdissant, les fonds de pension « à la française », qui sonnent le glas de notre système par répartition.
Confrontés à une baisse inéluctable et mal évaluée de leur taux de remplacement, les futurs retraités sont maintenant contraints par le Gouvernement de recourir à la capitalisation pour essayer de compléter leurs pensions amputées.
En supprimant brutalement le plan d'épargne populaire, le PEP, en baissant durablement le revenu du livret A, le Gouvernement provoque une réorientation de l'épargne vers des produits de retraite à sortie en rente.
Le plan d'épargne retraite populaire, le PERP, est conçu comme un produit d'assurance, géré par une compagnie d'assurance, une institution de prévoyance ou une mutuelle, et son rendement est loin d'être assuré, puisqu'il dépendra, pour une large part, de la performance des marchés financiers.
M. Jean Chérioux. Comment pourrait-il en être autrement ?
Mme Marie-Claude Beaudeau. Cette faiblesse des fonds de pension, qui est connue, est à l'origine des scandales financiers les plus retentissants outre-Atlantique ou en Grande-Bretagne, qui ont provoqué la ruine de millions d'épargnants et de retraités à la suite de l'effondrement des cours de la Bourse.
La nocivité des fonds de pension est ainsi avérée. Elle a été démontrée par les économistes, par l'histoire et par les faits, vous ne pouvez l'ignorer, monsieur le ministre.
Cela met donc en évidence le profond choix de classe que vous effectuez, choix qui se retrouve d'ailleurs dans bien des dispositions de ce projet de loi de finances.
Par ailleurs, cette réorientation de l'épargne s'apparente, même si le mot peut sembler un peu fort, à une confiscation, car le salarié, toute sa vie durant jusqu'à sa retraite, ne pourra pas avoir la libre disposition de son épargne. En effet, il n'y a pas d'autre choix possible qu'une sortie en rente viagère.
Or, vous le savez, les épargnants français préfèrent conserver le contrôle de leur épargne. C'est tout le contraire de la rente, qui implique de perdre tout droit de regard sur son capital, sa liquidité, sa disponibilité et - cela n'est pas négligeable - sa transmission, même si la contrepartie consiste à recevoir un revenu régulier jusqu'à sa mort.
D'ailleurs - les chiffres sont sans équivoque -, nos concitoyens sont traditionnellement réticents à constituer une rente viagère. En 2001, selon la Fédération française des sociétés d'assurance, la FFSA, à peine 90 000 contrats de rente viagère, immédiate ou différée dans le temps, ont été souscrits auprès de compagnies d'assurance, contre trois millions de contrats d'assurance vie à capitaux différés. Or, si ces derniers comportent eux aussi une possibilité de sortie en rente viagère, moins de 1 % des souscripteurs retiennent ce choix.
Selon une enquête récente réalisée par BNP Paribas, seulement 10 % à 15 % des Français placeraient leur épargne dans le PERP. Les Françaises et les Français ne sont pas dupes : ils savent qu'ils n'ont rien à gagner à entrer dans la logique de capitalisation. Il est malhonnête de développer celle-ci tout en prétendant sauver le système par répartition. En revanche, les établissements de crédits ont tout à gagner.
Le plan d'épargne retraite que vous instituez est injuste, car il avantage ceux qui pourront déduire leurs cotisations de leurs impôts. Les personnes non imposables ne pourront pas bénéficier de ces déductions et n'auront qu'une retraite de misère.
Finalement, vous mettez en place une retraite à plusieurs vitesses, selon que nos concitoyens pourront ou non avoir un PERP et également selon que les entreprises dans lesquelles ils travaillent seront ou non en mesure d'abonder leur retraite.
Voilà, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce que je voulais dire avant que nous examinions les amendements déposés sur cet article.
M. le président. Je suis saisi de vingt-cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune. Toutefois, pour la clarté des débats, je les appellerai successivement.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° II-94 est présenté par MM. Miquel, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Haut, Lise, Marc, Massion, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste et rattachée.
L'amendement n° II-162 est présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
La parole est à M. Gérard Miquel, pour présenter l'amendement n° II-94.
M. Gérard Miquel. Par le présent amendement, nous demandons la suppression de l'article 60 et, ce faisant, la suppression d'une mesure d'injustice fiscale et sociale.
En effet, le plan d'épargne retraite populaire, institué par l'article 60, n'a, selon nous, rien de populaire. Vous savez très bien, mes chers collègues de la majorité, qu'un dispositif qui ne concerne que la moitié la plus à l'aise de la population, celle qui touche les plus hauts revenus, ne peut, bien évidemment, être qualifié de « populaire ».
Et l'on ne doit pas oublier, outre ceux qui ne peuvent pas déduire fiscalement leurs cotisations de retraite parce qu'ils n'ont pas de revenus suffisants, les travailleurs qui, s'ils peuvent cotiser un peu pour avoir une petite retraite complémentaire, n'ont, la plupart du temps, pas l'occasion de bénéficier d'un abondement de leur entreprise parce qu'ils travaillent dans un secteur en difficulté.
Le Gouvernement et sa majorité veulent absolument, malgré de fausses habiletés de langage, faire entrer dans la tête des Français l'idée que le système de la retraite par répartition doit céder devant celui de la retraite par capitalisation. Cependant, malgré le matraquage médiatique auquel ils sont soumis, nos concitoyens savent bien que le régime de la répartition, c'est-à-dire le régime de la solidarité entre les générations, du lien social, opposé à celui de la compétition individualiste à outrance, est le seul à pouvoir permettre le maintien du niveau de vie des retraités, à permettre à ce niveau de vie de ne pas trop décrocher de celui des citoyens dits « actifs ». D'autant que la logique même du dispositif que vous voulez mettre en place, c'est-à-dire le système des fonds de pension, de triste réputation, ne peut que mener à la diminution inexorable du montant des retraites et priver l'Etat de ressources qui lui seraient bien utiles, au profit des établissements de crédits.
Monsieur le ministre, mes chers collègues de la majorité, vous préférez, de façon générale, une société inégalitaire, dans laquelle les services sont accessibles à ceux qui peuvent se les payer, laissant les autres se débrouiller comme ils le peuvent, à une société solidaire, à une société du bien public, bref, à une société vraiment républicaine.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, pour présenter l'amendement n° II-162.
Mme Marie-Claude Beaudeau. En entendant mon intervention sur l'article 60, vous avez compris que le groupe communiste républicain et citoyen allait présenter un amendement de suppression de cet article, qui consacre, comme nous l'avons souligné, à la fois la suppression du plan d'épargne populaire et le développement d'une épargne de plus en plus captive, dans la logique de la loi portant réforme des retraites votée en juillet dernier, et on sait dans quelles conditions le débat avait alors eu lieu. Permettez-moi d'en rappeler quelques-unes.
Au cours de cette discussion, le recours massif aux instruments de procédure - je pense à l'irrecevabilité financière, à la clôture de la discussion et au recours au vote bloqué - n'a pu masquer l'essentiel : la réforme des retraites organise la réduction du pouvoir d'achat des retraités, qu'ils soient actuels ou futurs, et ouvre grand le champ de la capitalisation financière.
Nous ne pouvons d'ailleurs que rappeler que le titre V du projet de loi relatif à l'épargne retraite avait bénéficié d'un traitement plus équilibré que les autres titres de ce texte, le débat ayant duré environ huit heures sur cinq articles.
Avec l'article 60, nous sommes donc en présence de l'outil fiscal adapté à la mise en place du PERP. Cet article présente deux défauts assentiels.
Tout d'abord, il crée définitivement une capacité différente des salariés à se constituer une retraite selon qu'ils seront en mesure ou non, financièrement, de participer et de cotiser. Nul doute que les effets de la dégradation du niveau des retraites du régime général, organisée par la réforme, seront suffisamment ressentis pour entraîner le recours massif aux PERP. Les personnels d'encadrement seront, bien entendu, les premiers intéressés pour participer à ces plans. Les autres, à dire vrai, devront se contenter de peu.
Par ailleurs - c'est le second défaut essentiel -, l'épargne retraite ainsi constituée sera littéralement capturée, et non pas captive ou véritablement volontaire.
En l'occurrence, il s'agit d'une épargne de très longue durée. Le dispositif d'incitation fiscale mis en place, qui est profondément inégalitaire, ne change rien à l'affaire. Il s'agit d'une épargne dont les établissements financiers, qui recueilleront l'encours des plans, feront usage et abus, jusqu'au dénouement des plans.
Si un salarié commence à cotiser à l'âge de trente ans, pendant au moins trente ans il ne pourra pas disposer des fonds placés, tandis que le dénouement du plan in fine se fera sous la forme du versement d'une rente.
En clair, non seulement il faut cotiser longtemps mais, d'une certaine manière, on continue de le faire une fois que l'on a fait valoir ses droits à la retraite.
De ce fait, les propositions d'aménagement du dispositif faites par M. le rapporteur général ne sont pas plus recevables les unes que les autres. Elles ne visent qu'à perfectionner ce qui constitue la raison d'être même des PERP : non pas assurer le financement de la retraite des actifs de notre pays, mais laisser des marges de manoeuvre toujours plus grandes aux établissements financiers ou aux compagnies d'assurances pour capter l'épargne des Français et engager celle-ci dans des aventures spéculatives plus ou moins réussies.
Voilà pourquoi nous proposons de supprimer cet article.
M. le président. L'amendement n° II-88 rectifié, présenté par MM. Miquel, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Haut, Lise, Marc, Massion, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« I. - Rédiger ainsi le A du I de cet article :
« A. - Le I de l'article 163 quatervicies est ainsi modifié :
« 1° Au début du premier alinéa du A, les mots : "Sont déductibles du revenu net global" sont remplacés par les mots : "Ouvrent droit à un crédit d'impôt" ;
« 2° Le 1 du B est ainsi rédigé :
« 1. Les cotisations ou les primes mentionnées au A ouvrent droit, pour chaque foyer fiscal, à un crédit d'impôt dans une limite annuelle égale à la différence constatée au titre de l'année précédente entre :
« a) Une fraction égale à 10 % des revenus d'activité professionnelle tels que définis au II, retenus dans la limite de six fois le plafond mentionné à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale ou, si elle est plus élevée, une somme égale à 10 % du montant annuel du plafond précité ;
« b) Et le montant cumulé des cotisations ou primes déductibles en application du 2° de l'article 83, y compris les versements de l'employeur, des cotisations ou primes déductibles au titre du 1° du II de l'article 154 bis, de l'article 154 bis-0 A et du 13° du II de l'article 156 compte non tenu de leur fraction correspondant à 15 % de la quote-part du bénéfice comprise entre une fois et huit fois le plafond mentionné à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale, ainsi que des sommes versées par l'entreprise au plan partenarial d'épargne salariale volontaire pour la retraite défini à l'article L. 443-1-2 du code du travail et exonérées en application du 18° de l'article 81. »
« II. - Compléter le II de cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Ces dispositions ne sont applicables qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû. »
« III. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant de la modification de la transformation de la déduction d'impôt prévue à l'article 163 quatervicies en un crédit d'impôt sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Claude Haut.
M. Claude Haut. L'été dernier, le Gouvernement a amorcé l'esquisse d'une réforme du système des retraites qui, dans sa logique, tourne le dos au principe de solidarité pour favoriser le système de retraite par capitalisation.
Force est de le constater, les mesures fiscales censées inciter les Français à se constituer une épargne en vue de la retraite ne concernent que les citoyens redevables de l'impôt sur le revenu.
Ainsi, non seulement vous ne faites que constater les difficultés prévisibles du système de retraite par répartition, non seulement, à cause du retardement théorique de l'âge du départ à la retraite, vous acceptez la dégradation du taux de remplacement du salaire pour la retraite par répartition, non seulement vous accumulez les distributions de cadeaux fiscaux en tous genres au bénéfice des contribuables les plus aisés, mais en outre, vous ne permettez qu'à ceux qui le peuvent de pallier quelque peu les conséquences de votre politique individualiste et inégalitaire. Vous accroissez aussi encore les inégalités, en excluant du bénéfice des mesures que vous prônez les citoyens qui en auraient évidemment le plus besoin.
C'est pourquoi le groupe socialiste propose de mettre en place un crédit d'impôt au bénéfice des ménages non imposables, pour que le système d'épargne retraite puisse bénéficier à l'ensemble des Français, au lieu de ne concerner que la moitié de la population, et soit un vrai système d'épargne retraite populaire.
Si la situation budgétaire vous semblait par trop tendue pour accepter un tel mécanisme, il serait à notre avis bienvenu que, en compensation, vous abaissiez les plafonds des déductions fiscales que vous avez pris l'habitude de relever généreusement.
M. le président. L'amendement n° II-60, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« A. - Compléter le troisième alinéa a du A du I de cet article par une phrase ainsi rédigée : "Pour l'imposition des revenus des années 2004 à 2008, cette fraction est majorée de 5 % des revenus d'activité professionnelle tels que précédemment définis pour les personnes âgées de 50 ans et plus au 1er janvier de l'année d'imposition."
« B. - Pour compenser la perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du A ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat de la possibilité d'une déduction fiscale supplémentaire de 5 % des revenus d'activité professionnelle pour les personnes âgées de 50 ans et plus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission estime que l'un des moyens pour assurer le succès de l'épargne retraite est de se préoccuper des salariés âgés de plus de cinquante ans, c'est-à-dire celles et ceux qui sont les plus motivés pendant les dernières années d'exercice professionnel pour se constituer des droits à retraite complémentaires ou supplémentaires. A nos yeux, c'est un facteur important de succès du plan individuel.
Monsieur le ministre, je voudrais d'ailleurs insister sur l'enjeu d'une montée en puissance suffisamment rapide des dispositifs. C'est, pour le Gouvernement, un élément non négligeable, car on pourra ainsi mesurer, après quelques années, les effets concrets de cette nouvelle législation.
Notre amendement vise donc à offrir des possibilités de déduction fiscale supplémentaires au titre du plan individuel d'épargne retraite pour les personnes âgées de plus de cinquante ans. En effet, les dispositifs d'épargne retraite proposés ne prennent pas en compte l'âge des adhérents. Or le maintien du niveau de remplacement du salaire d'activité correspond à une priorité plus fortement ressentie parmi les actifs de plus de cinquante ans, ce qui justifie le régime incitatif que nous proposons pour une période transitoire de cinq ans, c'est-à-dire de 2004 à 2008.
Cette incitation supplémentaire temporaire offerte aux salariés de plus de cinquante ans pour se constituer une épargne retraite, à hauteur de 5 % du revenu professionnel au-delà des plafonds actuellement prévus, représenterait un coût annuel de l'ordre de 30 millions d'euros ; je le souligne par souci de clarté. Toutefois, la commission considère que la mise en place de ce dispositif est l'une des conditions du succès de l'épargne retraite et de son développement rapide.
M. le président. L'amendement n° II-61, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« A. - Dans le cinquième alinéa (b) du A du I de cet article, après les mots : "en application du 2° de l'article 83", insérer les mots : "ou, au titre de la retraite supplémentaire, du 2° 0 bis".
« B. - Pour compenser la perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du A ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat de la prise en compte du régime transitoire de déduction fiscale au titre de l'épargne retraite dans la catégorie des traitements et salaires est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement est le premier d'une série tendant à ce que les nouveaux plafonds de déduction des sommes versées au titre de l'épargne retraite et de la prévoyance ne défavorisent pas certains épargnants par rapport aux régimes préexistants. En d'autres termes, il s'agit d'appliquer le régime le plus favorable : celui auquel les intéressés souscrivent déjà ou le nouveau régime créé en application de la loi du 21 août 2003.
Le principe est le suivant : si le plafond en vigueur dans le régime existant au 31 décembre 2003 est plus favorable, il s'applique à titre transitoire jusqu'au 31 décembre 2008. Un principe analogue avait été fixé à l'article 113 de la loi Fillon pour la déduction des cotisations de sécurité sociale.
Dans la série des amendements qui vous sont présentés à ce titre, l'amendement n° II-61 concerne la catégorie des traitements et salaires pour la détermination du revenu imposable global.
M. le président. L'amendement n° II-111, présenté par M. Badré et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :
« I. - A la fin du b du 2° du A du I de cet article, supprimer les mots : "ainsi que des sommes versées par l'entreprise au plan partenarial d'épargne salariale volontaire pour la retraite défini à l'article L. 443-1-2 du code du travail et exonérées en application du 18° de l'article 81."
« II. - En conséquence, supprimer le cinquième alinéa du texte proposé par le 2° du C du I de cet article pour remplacer le troisième alinéa du II de l'article 154 bis du code général des impôts.
« III. - En conséquence, supprimer le dernier alinéa du 1° du D du I de cet article.
« IV. - Pour compenser les pertes de recettes résultant des I, II et III, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... La perte de recettes pour l'Etat de la modification du plafond de l'exonération fiscale du plan partenarial d'épargne salariale volontaire est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575, 575 A et 575 B du code général des impôts. »
La parole est à M. Denis Badré.
M. Denis Badré. J'ai retiré cet amendement à la suite de son examen en commission, en début d'après-midi. Je confirme ce retrait en séance publique.
M. le président. L'amendement n° II-111 est retiré.
L'amendement n° II-62, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Dans le cinquième alinéa (b) du A du I de cet article, remplacer les mots : "plan partenarial d'épargne salariale volontaire pour la retraite" par les mots : "plan d'épargne pour la retraite collectif". »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement a trait aux dénominations des produits de l'épargne retraite.
Pour que le produit se diffuse, il faut qu'il soit compréhensible, et, pour qu'il soit compréhensible, il faut en particulier que son nom soit prononçable facilement.
Le PPESVR, le plan partenarial d'épargne salariale volontaire pour la retraite, n'a pas, de ce point de vue, les meilleurs atouts. C'est pourquoi il est proposé de le rebaptiser PERCO, plan d'épargne pour la retraite collectif ».
De la même façon, PERP n'est peut-être pas des plus facile à prononcer, ni d'une grande élégance. Puisqu'il s'agit d'une démarche individuelle, nous proposons de l'appeler PERI, plan d'épargne pour la retraite individuel.
Nous aurions ainsi, d'un côté, le PERCO et, de l'autre, le PERI, ce qui est un peu plus simple à prononcer et ce qui, surtout, au-delà des sigles et des présentations, aurait l'avantage de montrer qu'en réalité il s'agit d'un seul et même dispositif.
Ce n'est pas le énième contrat d'épargne aidé par l'Etat, c'est l'épargne retraite, globalement conçue, avec deux voies, d'une part, la voie individuelle et, d'autre part, la voie professionnelle ou collective, d'où les deux appellations que préconise la commission : le PERCO pour le plan à base professionnelle jusqu'ici appelé « plan partenarial d'épargne salariale volontaire pour la retraite » et, d'autre part, le PERI pour le plan individuel jusqu'à maintenant baptisé « plan d'épargne retraite populaire ».
Nous sommes en faveur de tout ce qui est populaire, cela va de soi, mais la commission estime que le plan professionnel est tout aussi populaire que le plan individuel et qu'il n'y a aucune raison que l'appellation « populaire » soit réservée au plan individuel, alors qu'elle ne serait pas donnée au plan collectif. Ce qui est populaire, c'est l'ensemble de l'épargne retraite, et nous voudrions qu'elle le devienne de plus en plus. Nous savons d'ailleurs bien, par expérience, que la popularité se constate, et qu'elle ne se décrète pas.
Nous proposons ces deux nouvelles dénominations pour aider à la commercialisation de ces deux produits.
M. le président. L'amendement n° II-107 rectifié, présenté par M. Gouteyron et les membres du groupe UMP, est ainsi libellé :
« A. - Après le cinquième alinéa (b) du A du I de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Dans le cinquième alinéa (3) du B du I de l'article 163 quatervicies du code général des impôts, la date : "15 juin 2003" est remplacée par la date : "31 décembre 2004". »
« B. - Pour compenser la perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du A ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat du report du 15 juin 2003 au 31 décembre 2004 de la date limite d'adhésion aux régimes bénéficiant d'un dispositif exceptionnel de rachat d'années de cotisations est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. François Trucy.
M. François Trucy. Alors que la loi portant réforme des retraites a mis fin aux possibilités de déduction fiscale, sans plafond, des rachats de cotisations versées aux régimes de type Préfon et assimilés, le présent amendement vise à garantir la pérennité de ces régimes, afin que le développement de nouveaux dispositifs d'épargne retraite ne compromette pas l'essor de ceux qui ont déjà été créés.
A cette fin, il est proposé de reporter du 15 juin 2003 au 31 décembre 2004 la date limite d'adhésion aux régimes de type Préfon et assimilés pour bénéficier jusqu'en 2012 d'un dispositif transitoire dont les avantages sont dégressifs.
Ce dispositif transitoire consiste à permettre de déduire fiscalement les rachats d'années de cotisations antérieures à l'adhésion à ces régimes sans que ces rachats de cotisations ne s'imputent sur le plafond fiscal global de déduction des sommes versées au titre de l'épargne retraite créée par la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites.
Les dispositions qu'il vous est proposé d'adopter permettraient de ne pas créer un régime défavorable pour les adhérents récents à la Préfon.
En outre, il s'agit de ne pas modifier les projets d'adhérents qui avaient programmé auparavant le rachat d'années de cotisations.
M. le président. L'amendement n° II-112, présenté par M. Badré, est ainsi libellé :
« I. - Compléter le texte proposé par le b du 1° du B du I de cet article pour modifier l'article 83 du code général des impôts par trois alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque les cotisations ou primes versées en 2004 excèdent les montants définis à l'alinéa précédent, le montant à réintégrer dans l'assiette de l'impôt sur le revenu est le moins élevé des deux montants suivants :
« - soit l'excédent résultant de l'application des limites définies à l'alinéa précédent aux cotisations ou primes versées en 2003 ;
« - soit le montant dépassant 3 % d'une somme égale à huit fois le plafond annuel moyen retenu pour le calcul des cotisations de sécurité sociale appliqué aux cotisations ou primes mentionnées au premier alinéa versées en 2004. »
« II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes pour l'Etat résultant de la modification des conditions de déductibilité des cotisations et primes dans le domaine de la prévoyance est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus par les articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Denis Badré.
M. Denis Badré. Le présent amendement a pour objet d'atténuer les effets de l'application des nouvelles limites définies dans le domaine de la prévoyance au cours de l'exercice 2004 et de ne pas pénaliser les salariés des entreprises en raison de l'application, à partir du 1er janvier 2004, des nouvelles limites définies dans la présente loi de finances.
Ne pas prévoir de dispositions transitoires reviendrait à appliquer la loi de manière rétroactive, les salariés n'ayant pas la possibilité de décider du contenu de couvertures qui sont décidées collectivement dans le cadre de leur entreprise. L'application des nouvelles règles sans période transitoire conduirait à des réintégrations d'assiette injustifiées.
M. le président. L'amendement n° II-63, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Dans le dernier alinéa du B du I de cet article, remplacer les mots : "plan partenarial d'épargne salariale volontaire pour la retraite" par les mots : "plan d'épargne pour la retraite collectif". »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. L'amendement n° II-64, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« A. - Compléter le B du I de cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
« 3° Après le 2°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 2° 0 bis Par dérogation aux 1° quater et 2° et jusqu'à l'imposition des revenus de 2008, les dispositions du 2° dans leur rédaction en vigueur jusqu'à l'imposition des revenus de 2003 continuent de s'appliquer, si elles sont plus favorables, aux cotisations ou primes versées aux régimes de retraite et de prévoyance complémentaires auxquels le salarié était affilié à titre obligatoire avant le 25 septembre 2003, pour leur taux en vigueur avant la même date ; »
« B. - Pour compenser la perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du A ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat de la prise en compte du régime transitoire de déduction fiscale des cotisations ou primes versées aux organismes de retraite et de prévoyance complémentaire auxquels le salarié est affilié à titre obligatoire est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'amendement n° II-64 a le même objet que l'amendement n° II-61, mais il s'applique aux contrats souscrits dans le cadre de l'article 83 du code général des impôts. C'est l'application du régime le plus favorable.
M. le président. L'amendement n° II-65, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Dans le cinquième alinéa du texte proposé par le 2° du C du I de cet article pour le II de l'article 154 bis du code général des impôts, remplacer les mots : "plan partenarial d'épargne salariale volontaire pour la retraite" par les mots : "plan d'épargne pour la retraite collectif". »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. L'amendement n° II-66, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« A. - Compléter le C du I de cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
« 3° Il est inséré un III ainsi rédigé :
« III. - Toutefois, par dérogation aux I et II et pour la détermination des résultats des exercices clos ou des périodes d'imposition arrêtées jusqu'au 31 décembre 2008, les dispositions du présent article dans sa rédaction en vigueur jusqu'à l'imposition des revenus de 2003 continuent de s'appliquer, si elles sont plus favorables, aux cotisations mentionnées au premier alinéa du I précité et aux cotisations ou primes versées dans le cadre de contrats ou de régimes facultatifs mentionnés au second alinéa du même I conclus ou institués avant le 25 septembre 2003 et, pour ces dernières cotisations ou primes, pour leur taux en vigueur avant la même date. »
« B. - Pour compenser la perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du A ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat de la prise en compte du régime transitoire de déduction fiscale au titre de l'épargne retraite dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et des bénéfices non commerciaux est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'amendement n° II-66 a le même objet que l'amendement n° II-61, mais il s'applique à la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et des bénéfices non commerciaux sur laquelle sont imputables les cotisations aux contrats dits « Madelin ». C'est toujours l'application du régime le plus favorable.
M. le président. L'amendement n° II-67, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Dans le deuxième alinéa (1°) du D du I de cet article, remplacer les mots : "plan partenarial d'épargne salariale volontaire pour la retraite" par les mots : "plan d'épargne pour la retraite collectif." »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il s'agit également d'un amendement de coordination.
M. le président. L'amendement n° II-68, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Dans le sixième alinéa du D du I de cet article, remplacer les mots : "plan partenarial d'épargne salariale volontaire pour la retraite" par les mots : "plan d'épargne pour la retraite collectif". »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il s'agit également d'un amendement de coordination.
M. le président. L'amendement n° II-69, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« A. - Compléter le D du I du présent article par deux alinéas ainsi rédigés :
« 4° Il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Toutefois, par dérogation aux I à III et pour la détermination des résultats des exercices clos ou des périodes d'imposition arrêtées jusqu'au 31 décembre 2008, les dispositions du présent article dans sa rédaction en vigueur jusqu'à l'imposition des revenus de 2003 continuent de s'appliquer, si elles sont plus favorables, aux cotisations versées dans le cadre des contrats mentionnés au I précité conclus avant le 25 septembre 2003 et pour leur taux en vigueur avant la même date.
« B. - Pour compenser la perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du A ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat de la prise en compte du régime transitoire de déduction fiscale au titre de l'épargne retraite dans la catégorie des bénéfices agricoles est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'amendement n° II-69 a le même objet que l'amendement n° II-61, mais il s'applique à la catégorie des bénéfices agricoles sur laquelle sont imputables les cotisations aux contrats ex-COREVA, complément de retraite volontaire agricole, ouverts aux exploitants agricoles. Il s'agit encore de l'application du régime le plus favorable.
M. le président. L'amendement n° II-70, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Compléter in fine cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Dans l'ensemble des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, la désignation des produits d'épargne retraite est ainsi modifiée :
« 1° Les mots : "plan d'épargne individuelle pour la retraite" sont remplacés par les mots : "plan d'épargne pour la retraite individuel" ;
« 2° Les mots : "plan partenarial d'épargne salariale volontaire pour la retraite" sont remplacés par les mots : "plan d'épargne pour la retraite collectif" ;
« 3° Les mots : "plans d'épargne individuelle pour la retraite" sont remplacés par les mots : "plans d'épargne pour la retraite individuels" ;
« 4° Les mots : "plans partenariaux d'épargne salariale volontaire pour la retraite" sont remplacés par les mots : "plans d'épargne pour la retraite collectifs". »
Le sous-amendement n° II-185, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« I. - Supprimer les 1° et 3° du texte proposé par l'amendement II-70.
« II. - Les 2° et 4° deviennent respectivement les 1° et 2°. »
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n° II-70.
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'amendement n° II-70 concerne pour l'essentiel la désignation des produits d'épargne retraite. Je l'ai donc déjà présenté.
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour présenter le sous-amendement n° II-185.
M. Alain Lambert, ministre délégué. Ce sous-amendement vise à limiter au plan partenarial d'épargne salariale volontaire, le PPESVR, qui deviendrait le plan d'épargne retraite collectif, le PERCO, le changement d'appellation proposé par l'amendement n° II-70 de la commission des finances.
M. le président. L'amendement n° II-71, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Compléter in fine cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Les participants au plan d'épargne individuelle pour la retraite bénéficient d'un choix entre trois supports de placement présentant différents profils d'investissement. Il est proposé à l'adhérent de renouveler son choix tous les cinq ans à compter de son adhésion. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Comme je l'ai indiqué dans mon intervention liminaire, cet amendement concerne le plan d'épargne individuelle.
Il s'agit de s'assurer que les adhérents ont le choix entre différents types de profils de gestion, conformément à une typologie classique pour les contrats d'assurance vie dits « multisupports », à l'instar des possibilités offertes aujourd'hui aux adhérents à un plan partenarial d'épargne salariale volontaire pour la retraite. Cela est prévu pour le plan collectif, en conformité avec la loi du 21 août 2003.
En outre, il est proposé que l'adhérent dispose de la possibilité de confirmer ou de modifier son choix de profil de gestion tous les cinq ans à compter de son adhésion. Monsieur le ministre, nous voudrions que le développement de l'épargne retraite ne soit pas une occasion manquée pour accroître la part des actions françaises et européennes détenues par les investisseurs institutionnels.
Nous avons déjà structurellement, sur le marché financier de Paris, des outils extrêmement puissants de placement essentiellement obligataires, les contrats d'assurance vie. Il est évidemment nécessaire que les véhicules d'épargne retraite comportent une bonne répartition des risques et des actifs et une composante suffisamment forte, selon les différentes maturités, en titres obligataires ou de nature obligataire ou quasi obligataire.
Nous voudrions aussi que l'épargne longue et l'épargne très longue soient incitées à s'investir dans des proportions suffisantes en actions, ce qui ne peut se faire qu'en informant correctement les souscripteurs et en leur donnant le choix, lorsqu'ils entrent dans un régime d'épargne retraite, entre plusieurs profils de gestion, dans le cadre d'une information bien organisée, bien coordonnée, et répondant à toutes les normes professionnelles et aux principes juridiques de régulation.
M. le président. L'amendement n° II-72, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Compléter in fine cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« A. - Pour les salariés couverts par un régime de retraite complémentaire auquel le salarié est affilié de manière obligatoire, visé au 2° de l'article 83 du code général des impôts ou bénéficiant de sommes versées par l'entreprise à un plan partenarial d'épargne salariale volontaire pour la retraite défini à l'article L. 443-1-2 du code du travail et exonérées en application du 18° de l'article 81 du code général des impôts, l'employeur est tenu d'informer les salariés au moins une fois par an des possibilités de déduction fiscale dont chacun d'eux bénéficie au titre de l'épargne retraite, compte tenu des cotisations versées aux régimes d'épargne retraite constitués dans le cadre de l'entreprise et des abondements éventuels de l'employeur.
« B. - Les conditions d'application du A ci-dessus sont fixées par décret. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement a un double objectif : le premier est d'informer les salariés sur les versements au titre de l'épargne retraite faits pour leur compte par leurs employeurs ; le second est de permettre aux salariés de connaître les possibilités de déductions fiscales dont ils disposent dans le cadre des régimes facultatifs à adhésion individuelle.
En effet, le régime de l'article 60 repose sur un plafond de déductibilité fiscale qui, en règle générale, s'élève à 10 % du revenu net.
Pour que le salarié sache si le plafond est atteint ou non, il faut qu'il soit correctement informé et que le circuit d'information soit bien monté en conséquence.
Les abondements de l'employeur au régime dit « de l'article 83 », les abondements de l'employeur au PERCO et, le cas échéant, les cotisations des salariés à des régimes de type épargne retraite individuelle constitués dans le cadre de l'entreprise doivent donc être centralisés ; ces informations doivent être mises à la disposition de l'affilié pour qu'il sache exactement où il en est et pour qu'il puisse gérer au mieux son enveloppe de déductibilité fiscale.
J'ai bien compris, monsieur le ministre, que ces dispositions peuvent faire l'objet d'un décret d'application, mais je voudrais insister sur l'opportunité de bien inscrire le principe de l'information et de la centralisation dans la loi.
En effet, il convient d'offrir aux salariés un tableau complet de leurs possibilités de déduction fiscale octroyées au titre de l'épargne retraite et d'étendre à l'ensemble des dispositifs d'entreprise cette obligation d'information.
Le principe général est du domaine de la loi, les modalités sont bien sûr d'ordre réglementaire, tout cela étant important pour assurer la meilleure lisibilité possible des nouveaux dispositifs et leur succès auprès des épargnants.
M. le président. L'amendement n° II-73, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« A. - Compléter in fine cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Dans le 2 du B du I de l'article 163 quatervicies du code général des impôts, le chiffre : "trois" est remplacé par le chiffre : "cinq".
« B. - Pour compenser la perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du A ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'allongement de trois à cinq ans de la période de report de la part non utilisée de déduction fiscale est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement tend à porter de trois à cinq ans la période de report en avant des excédents de versements par rapport à l'enveloppe de déductibilité fiscale. J'ai rappelé il y a un instant la règle des 10 %. Si l'on est en deçà de ces 10 %, la différence n'est pas perdue. Selon la loi, elle peut s'imputer sur les enveloppes de déductibilité fiscale des trois années suivantes.
Le souhait de la commission des finances est d'aller plus loin et d'étendre cette possibilité d'imputation à cinq ans, parce que certains épargnants effectueront des versements non seulement à partir de leurs revenus, mais aussi à partir de ressources à caractère plus exceptionnel, par exemple le produit tiré de la vente d'un bien ou d'un immeuble, l'arrivée à échéance d'un compte à terme, quel que soit son régime juridique ou financier.
Il ne faudrait pas décourager les possibilités d'abondements exceptionnels, car, monsieur le ministre, c'est aussi un élément important de bonne lisibilité et de bonne crédibilité du système, permettant de s'assurer du succès rapide de l'épargne retraite. Je me permets de le répéter : ce succès est important.
Il est important pour les épargnants, pour l'économie, mais également pour le Gouvernement, parce que la montée en puissance de ces régimes sera naturellement l'un des indicateurs de succès de la politique conduite. Il constituera une sorte de consultation auprès des épargnants sur la bonne adéquation des outils mis à leur disposition.
Certains ont imaginé - nous l'évoquerons ultérieurement - des dispositifs parallèles au plan d'épargne pour la retraite individuel. Nous ne sommes pas nécessairement convaincus de l'opportunité de mettre en place dans le secteur bancaire de nouveaux dispositifs qui seraient fiscalement aidés. Il nous semble, au sein de la commission, que l'allongement de trois à cinq ans de la période de report en avant de la part non utilisée du plafond de déduction fiscale est la bonne réponse pour ne pas décourager des épargnants qui consacreraient à l'épargne retraite des ressources à caractère exceptionnel.
M. le président. L'amendement n° II-109 rectifié, présenté par MM. Baylet, Collin, Pelletier et Othily, est ainsi libellé :
« Compléter in fine cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Le chapitre Ier du titre II du livre Ier du code monétaire et financier est complété par un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Lorsque le titulaire d'un plan d'épargne retraite populaire ouvre, auprès d'un établissement de crédit ou des services financiers de La Poste, un contrat d'épargne d'une durée minimum de dix ans et souscrit l'engagement irrévocable de virer à la clôture de ce contrat les produits sur son plan d'épargne retraite populaire, ceux-ci sont exonérés de l'impôt sur le revenu.
« Le montant maximum des versements sur le ou les contrats d'épargne ainsi ouverts et les modalités de retraits partiels anticipés du capital sont fixés par décret.
« A l'échéance, les produits ainsi que la totalité ou la fraction de l'épargne accumulée sur le ou les contrats d'épargne qui seront versés sur le plan d'épargne retraite populaire ouvrent droit à la réduction du revenu net global mentionné au a du A du I de l'article 163 quatervicies du code général des impôts. Lorsque la somme virée, majorée le cas échéant des autres versements effectués sur le plan d'épargne retraite populaire, dépasse le plafond prévu par l'article précédent, l'excédent est reporté les années suivantes dans la limite de la quatrième année suivant celle du virement. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° II-113, présenté par M. Badré et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :
« I. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... Le chapitre Ier du titre II du livre Ier du code monétaire et financier est complété par un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Lorsque le titulaire d'un plan d'épargne retraite populaire ouvre, auprès d'un établissement de crédit ou des services financiers de La Poste, un contrat d'épargne d'une durée minimum de dix ans, et souscrit l'engagement irrévocable de virer à la clôture de ce contrat les produits sur son plan d'épargne retraite populaire, ceux-ci sont exonérés de l'impôt sur le revenu.
« Le montant maximum des versements sur le ou les contrats d'épargne ainsi ouverts et les modalités de retraits partiels anticipés du capital sont fixés par décret.
« A l'échéance, les produits ainsi que la totalité ou la fraction de l'épargne accumulée sur le ou les contrats d'épargne qui seront versés sur le plan d'épargne retraite populaire ouvrent droit à la déduction du revenu net global mentionnée au a du A du I de l'article 163 quatervicies du code général des impôts. Lorsque la somme virée, majorée le cas échéant des autres versements effectués sur le plan d'épargne retraite populaire, dépasse le plafond prévu par l'article précédent, l'excédent est reporté les années suivantes dans la limite de la quatrième année suivant celle du virement. »
« II. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes pour l'Etat résultant de l'exonération de l'impôt sur le revenu du contrat d'épargne retraite populaire souscrit pour une durée minimum de dix ans est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Denis Badré.
M. Denis Badré. La déduction du revenu imposable des sommes placées tous les ans dans le PERP a pour contrepartie le blocage de l'épargne jusqu'à la retraite et à la sortie uniquement autorisée en rente imposable.
Le PERP a été créé pour aider à constituer un complément de retraite. Il risque donc de pâtir de l'impossibilité totale de disposer des capitaux placés. Or il faut qu'il séduise, spécialement les personnes de moins de cinquante ans, puisqu'il vaut mieux commencer à épargner tôt pour obtenir un complément de retraite suffisant.
Pour assurer l'égalité avec d'autres placements alternatifs et pour que le PERP soit donc compétitif, il est proposé, par cet amendement, que les intérêts de cette épargne ne soient pas soumis à l'impôt sur le revenu.
Pour éviter des « voies d'eau », cet amendement prévoit qu'il doit s'agir d'une épargne longue - dix ans au moins - et que les intérêts doivent être irrévocablement affectés aux PERP.
M. le président. L'amendement n° II-74, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« A. - Compléter in fine cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - L'avant-dernier alinéa du I de l'article L. 443-1-2 du code du travail est supprimé. »
« B. - Pour compenser la perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du A ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'assouplissement des conditions de mise en place d'un plan partenarial d'épargne salariale volontaire pour la retraite est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Avec votre autorisation, monsieur le président, je présenterai les amendements n°s II-74 et II-75 dont l'inspiration est commune.
Ces amendements visent tous deux à assouplir la mise en place des dispositifs d'épargne retraite en levant la condition de l'existence d'un plan d'épargne salarial d'une durée plus courte, dont l'échéance normale est de cinq ans. Je veux parler du plan d'épargne entreprise, le PEE, qui peut prendre la forme d'un plan d'épargne interentreprise, un PEI. Cette condition nous paraît en effet préjudiciable au développement rapide de l'épargne retraite.
L'amendement n° II-74 vise à lever la condition de l'existence d'un PEE ou d'un PEI pour mettre en place un plan d'épargne retraite collectif, le PERCO.
L'amendement n° II-75 vise à lever cette condition pour la mise en place de nouveaux contrats « article 83 », qui répondraient aux principales caractéristiques du plan d'épargne pour la retraite individuel, ou PERI, et pourraient recueillir, outre les cotisations obligatoires habituelles, des versements facultatifs des salariés.
Cet amendement me semble particulièrement important, car le droit actuel empêche la mise en place de ces nouveaux contrats « article 83 ».
Les petites entreprises qui disposent d'un régime « article 83 » et qui n'ont pas mis en place de PEE ou de PEI seraient tenues de mettre en place un PEE ou un PEI pour faire évoluer leur régime « article 83 ». Ce serait vraiment un handicap pour elles.
Par ailleurs, pour les offices d'HLM, les chambres de commerce, les sociétés de développement régional ou d'autres organismes du même ordre, cette condition pourrait être discriminatoire puisque, du fait de leur statut, ces organismes ne peuvent pas mettre en place de PEE ou de PEI. Cette obligation de l'existence d'un PEE ou PEI interdirait donc à ces organismes de faire évoluer leurs actuels régimes « article 83 ».
Telles sont, en substance, les raisons pour lesquelles la commission souhaite l'adoption de ces deux amendements.
M. le président. L'amendement n° II-75, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« A. - Compléter in fine cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Le cinquième alinéa du b du A du I de l'article 163 quatervicies du code général des impôts est supprimé. »
« B. - Pour compenser la perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du A ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'assouplissement des conditions de mise en place d'un régime de retraite et de prévoyance complémentaire auquel le salarié est affilié de manière obligatoire est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° II-142 rectifié, présenté par M. Badré et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :
« A. - Compléter in fine cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Pour la détermination des plafonds de déduction fiscale visés au 2° de l'article 83, à l'article 154 bis, à l'article 154 bis-0 A et au A du I de l'article 163 quatervicies du code général des impôts, la différence entre les primes et cotisations déduites par l'un des membres du foyer fiscal et les plafonds de déduction dont il bénéficie s'ajoute aux plafonds de déduction des cotisations et primes d'un autre membre du même foyer fiscal. »
« B. - Pour compenser la perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du A ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat de la possibilité de mutualiser les possibilités de déduction fiscale au titre de l'épargne retraite entre les membres du même foyer fiscal est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Denis Badré.
M. Denis Badré. Cet amendement concerne les possibilités de déduction fiscale des cotisations et primes versées au titre de l'épargne retraite.
Actuellement, alors que la déduction des cotisations et primes s'opère par rapport aux revenus du foyer fiscal, le plafond de déduction est calculé pour chaque membre du foyer fiscal. Cette situation est évidemment défavorable aux conjoints inactifs, pour lesquels l'absence de revenus limite l'incitation fiscale à constituer une épargne retraite.
L'amendement proposé réduit cet inconvénient en identifiant un plafond de déduction et un revenu d'activité professionnelle pour chaque foyer fiscal. Il simplifie ainsi l'action de l'administration fiscale et améliore la lisibilité du dispositif tout en intervenant pour des raisons évidentes d'équité.
M. le président. L'amendement n° II-178, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Compléter in fine cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Après le premier alinéa de l'article 108 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d'Etat énumère les cas, liés à la situation ou au projet du participant, dans lesquels les sommes ou valeurs inscrites aux comptes des participants aux plans d'épargne individuelle pour la retraite peuvent être exceptionnellement débloquées avant le départ en retraite, dans les mêmes conditions que celles prévues au troisième alinéa du I de l'article L. 443-1-2 du code du travail pour le plan partenarial d'épargne salariale volontaire pour la retraite. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il s'agit des cas de déblocages anticipés des sommes inscrites dans le cadre d'un dispositif d'épargne retraite. Il a bien été dit que ces dispositifs sont à long terme, voire à très long terme. Les cas de déblocages anticipés doivent donc être très limités. Il doit s'agir des principaux accidents de la vie : la perte d'emploi et l'expiration des droits à la couverture par l'assurance chômage, la cessation d'activité non salariée, l'invalidité de l'assuré ou un événement familial d'une gravité exceptionnelle.
La commission souhaite, monsieur le ministre, qu'un décret en Conseil d'Etat établisse pour le plan individuel la même liste que celle qui sera établie pour le plan collectif. Il n'y a aucune raison que les souscripteurs ne soient pas traités de la même façon. Je le répète, l'épargne retraite est un dispositif global, qui comprend une branche individuelle et une branche collective.
S'agissant de la sortie anticipée en capital, les cas doivent être considérés de la même manière de part et d'autre. Sinon, ce sera source de confusions, ce qui portera atteinte à la crédibilité du système, et il sera plus difficile de diffuser ces produits.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble des amendements qui n'émanent pas d'elle ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission est défavorable aux amendements de suppression n° II-94 et II-162 puisqu'elle pense grand bien de l'article 60.
Elle craint que le coût de l'amendement n° II-88 rectifié ne soit prohibitif. C'est pourquoi elle y est défavorable.
Pour ce qui est de l'amendement n° II-107 rectifié relatif à la Préfon, la commission partage la préoccupation justifiée de ses auteurs. Toutefois, elle estime que la date limite du 31 décembre 2003 serait suffisante.
En effet, dans la mesure où les adhérents à la Préfon vont bénéficier d'un régime dérogatoire de rachat d'annuités de cotisation tout à fait favorable pendant la période transitoire qui va aller jusqu'en 2012, ce régime ayant pour effet d'augmenter de façon importante l'enveloppe de déductibilité fiscale, aller au-delà du 31 décembre 2003 ne nous semble pas nécessairement fondé.
M. le président. Monsieur Trucy, acceptez-vous de rectifier l'amendement dans ce sens ?
M. François Trucy. Tout à fait.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° II-107 rectifié bis, présenté par M. Gouteyron et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, et ainsi libellé :
« A. - Après le cinquième alinéa (b) du A du I de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Dans le cinquième alinéa (3) du B du I de l'article 163 quatervicies du code général des impôts, la date : "15 juin 2003" est remplacée par la date : "31 décembre 2003". »
« B. - Pour compenser la perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du A ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat du report du 15 juin 2003 au 31 décembre 2003 de la date limite d'adhésion aux régimes bénéficiant d'un dispositif exceptionnel de rachat d'années de cotisations est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'amendement n° II-112 concerne les modalités de détermination de l'excédent hors plafond des cotisations ou primes versées au titre de la prévoyance en 2004.
Il convient à ce propos de rappeler qu'un amendement de l'Assemblée nationale a relevé le plafond de déduction fiscale au titre de la prévoyance, diminuant ainsi le nombre de salariés dont les cotisations ou primes seraient hors plafond. Le nouveau dispositif transitoire tend à éviter des changements de comportement des salariés dans le domaine de l'épargne retraite et de la prévoyance et, ainsi, à ne pas entraver le développement de ces dispositifs.
Je crois que le texte qui nous vient de l'Assemblée nationale permet de traiter la difficulté qui nous avait été signalée par de nombreux interlocuteurs. Aussi, la commission souhaite connaître l'avis du Gouvernement sur cet amendement n° II-112 et s'en remet à la sagesse du Sénat.
La commission n'est pas favorable au sous-amendement n° II-185 du Gouvernement, car la double dénomination qu'elle a proposée lui semble clairement lisible.
Nous sommes heureux d'avoir pu vous convaincre en ce qui concerne le plan d'épargne pour la retraite collectif, le PERCO, et nous pensons que la symétrie doit se poursuivre jusqu'au bout, sinon l'édifice risque d'être déséquilibré. Nous sommes en l'occurrence attachés à une architecture aussi classique que possible.
La commission est intéressée par le dispositif contenu dans l'amendement n° II-113, mais elle pense que la formule visant à allonger la période du report en avant qu'elle propose dans l'amendement n° II-73 devrait donner satisfaction aux auteurs de cet amendement. Elle suggère donc à ceux-ci de retirer leur texte.
M. le président. L'amendement n° II-113 est-il maintenu, monsieur Badré ?
M. Denis Badré. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° II-113 est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'amendement n° II-142 rectifié porte sur les possibilités de mutualisation des déductions fiscales au titre de l'épargne retraite au sein d'un même foyer fiscal.
Nos collègues du groupe de l'Union centriste nous ont fait opportunément remarquer que le régime qu'il est prévu d'instaurer ne tient pas compte des conjoints qui ne travaillent pas et que, faute de revenu d'activité professionnelle, les possibilités de déduction fiscale du couple ne sont pas majorées.
L'amendement qu'ils proposent permettrait à l'un des membres d'un foyer fiscal de mutualiser les possibilités de déduction fiscale au titre de l'épargne retraite entre les membres de ce même foyer fiscal. Il rendrait plus cohérent le dispositif fiscal de l'épargne retraite ; il s'inspirerait, en fait, de la logique de « familialisation » de l'impôt sur le revenu.
Dans son application, cette mesure serait toutefois coûteuse, et il faut reconnaître que la possibilité de réversion prévue pour le plan d'épargne pour la retraite individuel tend à répondre à la question des besoins d'épargne retraite des conjoints inactifs.
Cela dit, la commission entendra avec grand intérêt l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Comme l'a très bien dit M. le rapporteur général, cet article 60 est important. Il s'agit du dispositif structurel accompagnant l'épargne retraite et visant à préparer l'avenir, comme l'a dit M. le rapporteur général.
Monsieur le rapporteur général, je vous en donne acte : le Sénat est depuis longtemps à l'avant-garde sur ce sujet. Je suis heureux d'être en ce moment au banc du Gouvernement pour pouvoir le faire progresser à vos côtés.
J'ai bien noté votre préoccupation : vous souhaitez que les produits soient les plus simples possible pour être les plus attractifs.
J'en viens aux différents amendements.
L'amendement n° II-94 tend à supprimer l'article 60. Monsieur Miquel, je vous signale que cet amendement priverait de toute portée pratique le droit à déduction des cotisations de prévoyance complémentaire et de retraite supplémentaire des revenus catégoriels, tant pour les salariés que pour les non-salariés, puisque l'article 60 en définit les plafonds. Vous comprendrez que je m'oppose fermement à cet amendement afin d'éviter que ne soit adoptée une disposition que vous viendriez à regretter par la suite.
Evidemment, le Gouvernement émet le même avis sur l'amendement n° II-162, qui est identique au précédent.
En ce qui concerne l'amendement n° II-88 rectifié, j'observe, monsieur Miquel, que des produits similaires, comme la Préfon, n'ouvrent droit à aucun crédit d'impôt. On ne peut pas faire le procès à ce nouveau dispositif d'être insuffisant de ce point de vue. Je suis donc contraint d'émettre un avis défavorable, en vous laissant le temps de réfléchir à l'opportunité de retirer cet amendement.
Monsieur le rapporteur général, le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement n° II-60, qui consiste à relever, même à titre temporaire, de plus de 50 % les plafonds de déduction d'épargne retraite au profit des personnes âgées de plus de cinquante ans.
En effet, ces plafonds ont été fixés à un niveau élevé à l'issue d'une large consultation, afin de répondre à la diversité des situations sans qu'il soit besoin à nouveau de les moduler en fonction de l'âge. Il est à craindre, de surcroît, que l'équité n'y trouve pas son compte.
Vous avez tout à l'heure insisté, monsieur le rapporteur général, sur la nécessité de simplifier les dispositifs. Je dispose donc là d'un argument qui n'est pas sans valeur, puisqu'il n'est pas sûr que votre proposition contribuerait à simplifier le dispositif.
Je vous demande donc de retirer cet amendement. A défaut, je serai contraint d'émettre un avis défavorable.
L'amendement n° II-61 est un amendement de cohérence avec la possibilité de déduire à titre transitoire les cotisations au régime d'entreprise de retraite supplémentaire sur la base des anciens plafonds fiscaux. Le Gouvernement y est favorable et lève le gage.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° II-61 rectifié.
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Alain Lambert, ministre délégué. L'amendement n° II-62 vise à substituer à la dénomination PPESVR celle de plan d'épargne pour la retraite collectif, PERCO. Le Gouvernement est également favorable à cet amendement.
J'en tiens à l'amendement n° II-107 rectifié bis.
J'avais l'intention de donner mon accord sur l'amendement initial. Il a été rectifié. J'émets donc un avis de sagesse et, pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté sur les intentions du Gouvernement, je précise qu'il s'agit d'un avis de sagesse favorable.
A propos de l'amendement n° II-112, je dirai que la commission a proposé des amendements qui visent à autoriser à titre transitoire le maintien des anciens plafonds forfaitaires de déduction, mesure d'application plus large dès lors qu'elle concerne à la fois la prévoyance et la retraite, les salariés, les non-salariés, et qu'elle s'applique jusqu'à l'imposition des revenus de 2008. Je suggère donc à M. Badré de retirer son amendement pour se rallier à l'amendement n° II-64 de la commission. A défaut, je serai contraint d'émettre un avis défavorable.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement de coordination n° II-63.
Le Gouvernement est également favorable à l'amendement n° II-64, et il lève le gage.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° II-64 rectifié.
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Alain Lambert, ministre délégué. Le Gouvernement est également favorable à l'amendement n° II-65.
Sur l'amendement n° II-66, il émet un avis favorable et lève le gage.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° II-66 rectifié.
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Alain Lambert, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis favorable sur les amendements n°s II-67 et II-68.
Il est également favorable à l'amendement n° II-69 et lève le gage.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° II-69 rectifié.
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Alain Lambert, ministre délégué. S'agissant de l'amendement n° II-70, le Gouvernement émet un avis favorable, sous réserve de l'adoption de son sous-amendement n° II-185, qui vise à maintenir l'appellation « PERP ».
Avec l'amendement n° II-71, vous posez une question de fond, monsieur le rapporteur général. Il ne s'agit plus de mesures fiscales ni de dénomination. Vous proposez d'imposer que chaque produit d'épargne retraite conçu dans le cadre du PERP comporte une offre minimale de trois supports d'investissement de profils différents.
Le Gouvernement convient de ce qu'il faut veiller au développement d'une offre suffisamment diversifiée pour tous les produits d'épargne retraite, qu'ils soient individuels ou collectifs. D'ailleurs, dans le cadre du PPESVR, qui est un produit collectif, le Gouvernement a souhaité que cette diversification passe par une obligation d'offrir pour chaque plan au moins trois supports d'investissement. En effet, dans ce cas, le salarié n'a accès qu'aux seuls produits collectifs mis en place dans le cadre de son entreprise ou de sa branche d'activité.
Cependant, s'agissant d'un produit individuel, le dispositif de l'amendement n° II-71 me semble moins justifié. En effet, la diversification des supports au sein de chaque produit, qui doit rester possible, n'a pas de raison d'être rendue obligatoire dans la mesure où l'épargnant a accès à toute la diversité de l'offre du marché.
Dans le cas particulier du PERP, cette obligation ne serait pas compatible avec deux des trois produits qui bénéficient d'une pleine garantie assurantielle : je pense à la rente viagère différée et aux régimes à points de type Préfon. Votre proposition, monsieur le rapporteur général, aboutirait, ce qui serait paradoxal, à un appauvrissement de l'offre de produits garantis pour la constitution d'une épargne retraite.
S'agissant des produits de capital différés convertis en rentes je vous confirme que le PERP donnera toute sa place à une offre variée associant une base de support garantie et un complément d'unité de compte qui pourra être modulé pour que chacun adapte le produit à son profil.
D'ailleurs, la consultation des différents acteurs du marché a déjà été engagée en vue de la rédaction du décret relatif au PERP. Elle montre que la demande que vous exprimez quant à une gamme diversifiée est tout à fait forte.
Je vous confirme donc que l'intention du Gouvernement est bien de favoriser la mise à disposition du public d'une offre complète, adaptée aux divers horizons d'épargne et évolutive dans le temps. Cela sera traduit dans le décret en cours d'élaboration, mais cela ne semble pas relever du domaine législatif.
Sous le bénéfice de ces observations je sollicite de votre part, monsieur le rapporteur général, le retrait de cet amendement. A défaut, je serai obligé d'en demander le rejet.
S'agissant de l'amendement n° II-72, je rappelle que l'article 111 de la loi portant réforme des retraites a renvoyé à un décret les obligations déclaratives, notamment celles qui seront à la charge des employeurs. Les informations obtenues permettront d'assurer à la fois le suivi et le contrôle du dispositif, mais aussi l'information des salariés.
Actuellement, les services réfléchissent à la mise en place d'un système simple et sûr, mais, mieux que quiconque vous le savez et, l'exercice est complexe.
Faut-il aller plus loin ? Faut-il créer en plus une obligation à la charge des employeurs envers les salariés ? Si l'on introduit une obligation nouvelle, quel contrôle doit être effectué et quelles sanctions doivent être prévues ? Tout cela mérite réflexion.
Je puis vous dire que le Gouvernement mettra tout en oeuvre pour assurer la meilleure information individuelle sur le PERP, afin de réunir toutes les conditions de son succès.
Fort de cet engagement, je m'en remets à la sagesse de la Haute Assemblée sur l'amendement n° II-72.
En revanche, le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement n° II-73, qui vise à prévoir le report de l'enveloppe de déduction de l'épargne retraite non utilisée d'une année, non pas sur les trois années suivantes, mais sur les cinq années suivantes.
En effet, le report des capacités de déduction sur une période trop longue comporte le risque d'un différé de l'effort d'épargne, alors qu'il convient au contraire d'encourager nos concitoyens à constituer une épargne retraite régulière et non pas par à-coups.
De ce point de vue, un report sur trois ans, déjà prévu par la loi Thomas, constitue, semble-t-il, un équilibre de nature à tenir compte de l'irrégularité éventuelle des revenus des contribuables, tout en évitant le risque d'une optimisation des capacités de déduction pour d'autres motifs.
Je ne suis pas indifférent non plus au coût budgétaire non négligeable que pourrait avoir cette mesure. C'est ce qui me conduit, monsieur le rapporteur général, à vous demander de bien vouloir accepter de retirer cet amendement.
S'agissant de l'amendement n° II-74, le Gouvernement considère que les salariés doivent pouvoir se voir proposer plusieurs supports d'épargne avec abondement de l'employeur : un support d'épargne à court terme et un support d'épargne courant jusqu'au départ à la retraite. Il convient, en particulier, d'éviter que les versements sur les PPESVR ne viennent tarir les versements sur les PEE ou les PEI. La condition d'ouverture préalable d'un PEE ou d'un PEI posée par les dispositions du code du travail permet de favoriser la diffusion des instruments d'épargne salariale dans les entreprises françaises.
Il convient de prévoir la sortie des PPESVR déjà ouverts si des épargnants ne souhaitent pas voir leur épargne bloquée jusqu'à leur départ en retraite. Un choix doit leur être offert pour des supports d'épargne plus courts, faute de quoi il faudrait introduire une disposition ouvrant droit à une sortie anticipée en cas de clôture de ce PPESVR.
Cela me conduit, en accord avec mon collègue François Fillon, à solliciter de votre part, monsieur le rapporteur général, le retrait de cet amendement. A défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Quant à l'amendement n° II-75, il permettra effectivement de favoriser l'adoption par les régimes de retraite supplémentaire d'entreprise des principes de sécurité et de transparence qui sont au coeur de la nouvelle épargne retraite, qu'elle soit constituée dans un cadre privé ou dans un cadre professionnel, à titre obligatoire ou à titre facultatif. C'est donc bien volontiers que j'émets un avis favorable sur cet amendement, dont je lève le gage.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° II-75 rectifié.
Veuillez poursuivre monsieur le ministre.
M. Alain Lambert, ministre délégué. J'en viens à l'amendement n° II-142 rectifié de Denis Badré, à propos duquel M. le rapporteur général a indiqué qu'il écouterait attentivement l'avis du Gouvernement.
L'ensemble des dispositifs de retraite, et en premier lieu le PERP, s'inscrivent dans une logique de taux de remplacement des revenus d'activité qui, par construction, sont propres à chacun des membres du foyer fiscal.
Il est donc justifié que les différents plafonds de déduction soient eux-mêmes fixés de manière distincte pour chacun des membres du foyer fiscal, en fonction de ses revenus.
Cela étant, monsieur Badré, je comprends et partage votre préoccupation à l'égard des inactifs, notamment des conjoints au foyer, et soyez assuré qu'elle est d'ores et déjà prise en compte. En effet, il est prévu en leur faveur un plancher de déduction au titre de l'épargne retraite égal à 10 % du plafond de la sécurité sociale, ce qui leur permet de constituer une épargne retraite identique à celle des salariés rémunérés au niveau de ce plafond, c'est-à-dire identique à celle d'environ 90 % des salariés.
C'est ce qui me conduit à solliciter de votre part le retrait de cet amendement, pour m'épargner d'en demander le rejet.
Enfin, par l'amendement n° II-178, M. le rapporteur général propose d'autoriser le déblocage anticipé du PERP, comme pour le PPESVR, en cas d'accident de la vie ou lorsque l'épargnant fait certains projets.
Si je comprends la préoccupation tout à fait louable qui anime le rapporteur général et la commission des finances, je ne puis, malheureusement, approuver la manière par laquelle ils entendent y répondre.
En effet, le PERP est un plan qui autorise la défiscalisation des sommes versées en vue de la constitution d'un revenu de remplacement. La sortie du plan s'effectue exclusivement en rente, elle-même imposable par symétrie.
Vous le comprenez bien, un produit de cette nature ne confère pas à son titulaire un capital qu'il pourrait racheter, à l'inverse du PPESVR. Au demeurant, si votre proposition était votée, il conviendrait de soumettre le capital à l'impôt sur le revenu, sauf à déséquilibrer l'ensemble du régime fiscal, qui repose sur la déduction des cotisations à l'entrée et l'imposition des rentes à la sortie.
Cela étant, j'observe que le dispositif actuel permet des sorties anticipées qui seront applicables aux PERP dans des cas liés à des accidents de la vie, notamment le décès, l'invalidité, le chômage en fin de droits et la liquidation judiciaire. Les assureurs savent comment intégrer ces événements dans leur gestion du risque, et la sortie en capital, dont on mesure bien l'utilité dans ces situations dramatiques, ne s'effectue donc pas au détriment de la collectivité des épargnants.
Cela ne serait pas le cas, en revanche, si l'on étendait ces possibilités à des projets de l'épargnant tels que l'achat de la résidence principale. L'horizon de gestion assurantielle en serait ainsi affecté.
Sous le bénéfice de ces observations, je sollicite de votre part, monsieur le rapporteur général, le retrait de cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s II-94 et II-162.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Monsieur Miquel, l'amendement n° II-88 rectifié est-il maintenu ?
M. Gérard Miquel. J'aimerais faire plaisir à M. le ministre, mais, en l'espèce, cela m'est malheureusement impossible. Je maintiens cet amendement, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-88 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Monsieur le rapporteur général, l'amendement n° II-60 est-il maintenu ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. J'avoue ne pas avoir été totalement convaincu, monsieur le ministre. Il me semble que cette mesure concernant les cotisations des plus de cinquante ans serait de nature à faciliter la montée en puissance du régime.
Cela étant, dans la série des amendements que j'ai présentés, l'amendement n° II-60 est probablement le plus coûteux. Pour cette raison, monsieur le ministre, je le retire.
M. le président. L'amendement n° II-60 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° II-61 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-62.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-107 rectifié bis.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Monsieur Badré, l'amendement n° II-112 est-il maintenu ?
M. Denis Badré. J'ai été très sensible à l'accueil que la commission a réservé à cet amendement.
M. le ministre me demande de le retirer en indiquant qu'il est satisfait par l'amendement n° II-64, dont l'objet est beaucoup plus large sectoriellement et dans le temps puisque mon amendement ne vise que ce qui touche aux organismes de prévoyance et tend à prévoir une mesure transitoire pour 2004. J'avoue que je n'ai pas la faculté de le vérifier en cet instant.
Je suis tout à fait prêt à vous faire confiance, monsieur le ministre, mais je m'interroge. Vous avez dit en effet que vous demanderiez le rejet de mon amendement si je ne le retirais pas au profit de l'amendement n° II-64, que vous semblez accepter ; dès lors, je me demande si mon amendement est vraiment couvert par l'amendement n° II-64.
Je souhaite donc que M. le rapporteur général veuille bien me confirmer que nos analyses convergent.
M. le président. Monsieur le rapporteur général, votre arbitrage est sollicité.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est un grand honneur, monsieur le président, que d'arbitrer entre de pareils participants ! (Sourires.)
Je pense que c'est plutôt à l'amendement n° II-61 rectifié, que nous avons déjà adopté, qu'il conviendrait de se référer en l'occurrence. L'amendement n° II-61 rectifié et ceux qui le suivent permettent en effet aux personnes qui disposent dès à présent de régimes auxquels correspond une déductibilité fiscale plus généreuse que celle que prévoit le présent texte de continuer à en bénéficier pendant une période de transition.
Dans ce cadre, je pense que le cas de figure visé par l'amendement n° II-112 est couvert.
M. le président. Monsieur Badré, je vous interroge de nouveau : l'amendement n° II-112 est-il maintenu ?
M. Denis Badré. Monsieur le président, je vais choisir de faire confiance et à M. le ministre et à M. le rapporteur général, et je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° II-112 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° II-63.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-64 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-65.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-66 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-67.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-68.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-69 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° II-185.
M. Alain Lambert, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Lambert, ministre délégué. Je souhaite bien préciser, dans un souci de loyauté, que, si le sous-amendement n° II-185 n'était pas adopté, je demanderais au Sénat de rejeter l'amendement n° II-70.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le sujet est grave puisqu'il s'agit de la question des dénominations ! (Sourires.)
M. le président. Simplifiez-nous la tâche, monsieur le rapporteur général ! (Nouveaux sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est ce que je vais essayer de faire, monsieur le président !
La loi Fillon a créé ce qu'elle a appelé le plan d'épargne individuelle pour la retraite, le PEIR. C'est le droit actuel.
Dans le projet de loi de finances, il est question d'un PERP. Or, sauf à modifier la loi Fillon, en droit, le PEIR continue d'exister. Il me semble qu'il y a là un problème de coordination entre les textes.
D'une certaine manière, la proposition de la commission qui consistait à se référer à un plan d'épargne pour la retraite individuel, ou PERI, ne faisait qu'inverser deux lettres par rapport à l'acronyme qui figure dans la loi Fillon.
Sur le plan de la coordination des textes, j'avoue ne pas avoir bien compris comment le PERP prend naissance.
Bien sûr, il y a aussi un aspect plus substantiel.
Cela dit, la commission des finances n'a pas d'amour-propre d'auteur.
Simplement, elle estime qu'il n'est pas souhaitable d'avoir un dispositif d'épargne retraite dont les deux branches n'ont pas des intitulés symétriques. La présentation à l'égard de nos concitoyens n'est pas claire. Or il nous faut rendre service aux épargnants et les guider par des dénominations. Il faut vraiment réfléchir au fait que, dans leurs dénominations, le plan individuel est « populaire » et que le plan collectif est simplement « collectif » et non pas « populaire », alors qu'au fond ils sont tous deux populaires ! (Sourires.) Mais ne revenons pas sur ces broutilles qui n'ont pas lieu d'occuper trop longtemps notre assemblée.
Mes chers collègues, par souci de rejoindre la position du Gouvernement qui, sur cet article 60, reconnaissons-le, est bien inspiré, je pense qu'en définitive, malgré l'avis de la commission sur le sous-amendement n° II-185, nous pourrons tout à fait accepter de nous faire désavouer sur ce point, ce qui permettra au Sénat d'adopter, je l'espère, l'amendement II-70 ainsi modifié.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° II-185.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-70, modifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Monsieur le rapporteur général, l'amendement n° II-71 est-il maintenu ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pour des raisons techniques, j'avoue ne pas être convaincu par votre argumentation, monsieur le ministre.
En effet, même dans le cadre du produit individuel que constitue le PERP, il n'est pas inutile de prévoir l'obligation pour les teneurs de comptes, en d'autres termes les assureurs, lesquels sont habitués à l'assurance vie, de proposer différents types de gestion.
Il importe de ne pas avoir une vision exagérément calquée sur les habitudes existantes au sein de l'assurance vie, car elle aboutirait à une prédominance des actifs obligataires, ce qui empêcherait le produit de jouer une partie du rôle économique auquel nous sommes attachés. Ce sera peut-être une contrainte pour la profession de l'assurance, mais le marché qui s'ouvre est suffisamment vaste pour que les professionnels se donnent la peine d'informer correctement les souscripteurs en leur laissant une possibilité de choix. Tel est l'enjeu de cette affaire.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que, dans le cadre de la discussion de la loi sur la sécurité financière, à la suite d'un débat quelque peu analogue, nous avons obtenu une grande transparence sur les conditions de gestion de certains contrats d'assurance. C'est la même disposition d'esprit que nous voudrions faire prévaloir avec cet amendement. C'est un point d'autant plus important qu'il s'agit ici, je le répète, d'outils à long terme et à très long terme.
Monsieur le ministre, sur le fond, la commission partage strictement les orientations du Gouvernement à cet égard et elle reconnaît que ce débat revêt un aspect un peu technique. Cela étant, si l'on veut diffuser la connaissance de l'économie chez les épargnants par l'intermédiaire de ces produits, il importe de leur donner une possibilité de choix sans leur imposer une carte forcée.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Lambert, ministre délégué. Nous traitons là en effet de sujets techniques.
Je veux attirer votre attention, monsieur le rapporteur général, sur deux points : tout d'abord, l'obligation que prévoit l'amendement ne sera pas compatible avec deux des trois produits qui bénéficient déjà d'une pleine garantie assurantielle, à savoir la rente viagère différée et le régime à points de type Préfon. Elle aboutira donc, de façon un peu paradoxale, convenons-en, à un appauvrissement de l'offre de produits garantis pour la constitution d'une épargne retraite.
Ensuite, je vous pose la question, monsieur le rapporteur général, à vous qui êtes un législateur à la Portalis (Sourires) : dès lors qu'a été affirmée dans la loi la volonté commune du Parlement et du Gouvernement sur l'objectif, le décret ne peut-il constituer le support très vigilant de la réponse aux préoccupations que vous avez exprimées ? Voilà pourquoi j'ai sollicité le retrait de votre amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Sans vouloir prolonger abusivement ce débat technique, je tiens néanmoins à souligner que le régime de la Préfon, auquel nous sommes attachés, est presque un contre-exemple, car, sur sa durée de vie, il n'a pas toujours brillé par sa transparence. Vivant à l'intérieur d'une niche fiscale particulièrement généreuse, il n'a pas toujours veillé à informer ses souscripteurs de ses choix économiques.
Alors qu'il s'agit de créer un dispositif qui assure aux épargnants des choix de long terme, je ne peux pas souscrire à la comparaison avec ce précédent, du moins pour ce qui concerne le passé, puisque, au vent de la concurrence, tout cela peut évoluer.
Nous pourrons ajuster ce texte avant la commission mixte paritaire ou à l'occasion de cette dernière. Mais, qu'on le veuille ou non et quelle que soit la façon de présenter les choses, l'enjeu est bien économique. C'est un choix entre une gestion presque exclusivement obligataire et une gestion plus diversifiée.
S'agissant de la formulation de l'amendement, celle qui est proposée par la commission, à savoir « trois supports de placement présentant différents profils d'investissement », n'est peut-être pas la bonne, mais il est important de comprendre la raison de cette proposition : nous ne voulons pas être enfermés dans une assurance vie à long terme et à très long terme, parce que ce n'est pas le propre de l'épargne retraite.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-71.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-72.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Monsieur le rapporteur général, l'amendement n° II-73 est-il maintenu ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le président, par souci de convergence avec le Gouvernement, j'entendrai l'appel de M. le ministre et retirerai cet amendement.
Néanmoins, monsieur le ministre, je suis prêt à prendre rendez-vous : je pense que nous en viendrons ou que nous risquons d'en venir, d'une manière ou d'une autre, à des mesures de ce genre pour faciliter le démarrage ou l'amplification de ces dispositifs. Je puis me tromper, mais j'ai l'impression que des possibilités de plus grande souplesse et d'incitation à effectuer des versements de caractère un peu exceptionnel se concrétiseront dans les années à venir.
Cela étant, dans l'immédiat, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° II-73 est retiré.
L'amendement n° II-74 est-il maintenu, monsieur le rapporteur général ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Comprenant la demande du Gouvernement et compte tenu de l'accord intervenu sur l'amendement n° II-75 rectifié, je retire l'amendement n° II-74.
M. le président. L'amendement n° II-74 est retiré.
La parole est à M. Max Marest, pour explication de vote sur l'amendement n° II-75 rectifié.
M. Max Marest. J'interviens en mon nom et en celui de mon collègue Jean Chérioux.
Nous avons bien compris tout l'intérêt des amendements de M. le rapporteur général. Il importe en effet de ne pas multiplier les entraves à la mise en place de régimes d'épargne retraite d'entreprise, qu'il s'agisse des nouveaux PPESVR ou des régimes dits « article 83 ».
Pour autant, la loi du 21 août dernier sur les retraites a permis d'atteindre à un équilibre relativement satisfaisant.
Qu'avons-nous souhaité en effet ? Nous avons voulu garantir une possibilité de choix pour le salarié d'investir son épargne soit à moyen terme, soit en vue de la retraite. Il faut donc que le salarié se voie proposer cette double possibilité dès lors qu'il peut effectuer, de sa propre initiative, des versements volontaires.
Les amendements qui nous sont proposés suppriment cette possibilité de choix.
Néanmoins, après avoir soupesé les arguments de M. le rapporteur général, nous pouvons accepter la disposition qu'il propose, à condition toutefois qu'il confirme et rappelle solennellement que les salariés pourront prendre l'initiative de demander la création d'un plan d'épargne salariale dans le cadre de l'obligation triennale de négocier.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. J'indique à MM. Max Marest et Jean Chérioux que la commission a entendu leur observation et qu'elle souscrit à la remarque qui vient d'être formulée.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-75 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Monsieur Badré, l'amendement n° II-142 rectifié est-il maintenu ?
M. Denis Badré. Monsieur le ministre, vous m'avez dit que, par construction, le PERP n'était pas « familiarisable ». Je vous ai bien entendu. Mais je pensais, à la suite de l'examen de l'amendement en commission des finances, que vous alliez plutôt m'opposer le coût de la mesure.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est cher !
M. Denis Badré. Je vous aurais alors répondu que j'étais prêt à retirer cet amendement, en souhaitant qu'un jour on puisse s'orienter dans ce sens. J'espérais que mon amendement nous servirait à prendre rang. Mais je me demande s'il ne doit tout de même pas nous servir à prendre rang sur le principe de la familiarisation du PERP, quels que soient les inconvénients essentiels que vous m'avez opposés, monsieur le ministre, au sens philosophique du terme.
Cela étant, je retire l'amendement. Mais c'est là une vraie question. Je trouve en effet très gênantes les dispositions financières qui amènent des couples à renoncer à se marier.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !
M. le président. L'amendement n° II-142 rectifié est retiré.
Monsieur le rapporteur général, l'amendement n° II-178 est-il maintenu ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement se borne à renvoyer à un décret en Conseil d'Etat les cas, liés à la situation ou au projet du participant, dans lesquels les sommes ou valeurs inscrites aux comptes des participants aux plans d'épargne individuelle pour la retraite peuvent être exceptionnellement débloquées avant le départ en retraite, dans les mêmes conditions que celles qui sont prévues pour le plan partenarial d'épargne salariale volontaire pour la retraite.
J'ai bien entendu les propos de M. le ministre et j'y souscris en ce qui concerne les conditions de sortie qui seraient liées au projet de l'épargnant. Les outils en question ne doivent pas être des instruments d'optimisation fiscale. Il ne s'agit pas ici d'encourager des personnes à se constituer une épargne pour l'utiliser afin de réaliser un projet immobilier et, ensuite, par arbitrage, céder le bien immobilier et revenir à l'épargne. Cela n'aurait strictement aucun sens. De tels projets, qui sont de la libre initiative de l'épargnant, ne peuvent être un motif de sortie anticipée.
La commission souhaitait simplement que, s'agissant du plan individuel, ou PERP, les cas de sortie anticipée visés soient bien les événements de la vie les plus graves - décès, perte d'emploi, invalidité -, c'est-à-dire les cas prévus pour le plan collectif, auxquels, pour le plan collectif, s'ajoutent les projets immobiliers et des hypothèses, qui renvoient à la libre initiative de l'épargnant.
Dès lors que M. le ministre me confirme que, pour le plan individuel, les accidents de la vie les plus graves sont bien des cas de sortie anticipée, le but de la commission est atteint et cet amendement peut être retiré. J'ai bien noté que l'interprétation de la commission n'était pas différente de celle du Gouvernement, et j'en remercieM. le ministre.
M. le président. L'amendement n° II-178 est retiré.
Je mets aux voix l'article 60, modifié.
(L'article 60 est adopté.)
Article additionnel après l'article 60
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-78 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
« Après l'article 60 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Le code général des impôts est ainsi modifié :
« I. - Les articles 199 septies-0 A, 199 septies A et 199 septies B sont abrogés.
« II. - L'article 199 septies est ainsi modifié :
« 1. Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« I. - Lorsqu'elles n'entrent pas en compte pour l'évaluation des revenus des différentes catégories, ouvrent droit à une réduction d'impôt sur le revenu de 25 % dans la limite d'un plafond global de versements annuels égal à 1 070 euros majorée de 230 euros par enfant à charge : ».
« 2. Le 1° est ainsi rédigé :
« 1° Les primes afférentes à des contrats d'assurances en cas de décès, lorsque ces contrats garantissent le versement d'un capital ou d'une rente viagère à un enfant de l'assuré atteint d'une infirmité qui l'empêche, soit de se livrer, dans des conditions normales de rentabilité, à une activité professionnelle, soit, s'il est âgé de moins de dix-huit ans, d'acquérir une instruction ou une formation professionnelle d'un niveau normal ; ».
« 3. Le 2° est ainsi rédigé :
« 2° La fraction des primes représentatives de l'opération d'épargne afférentes aux contrats d'assurance d'une durée effective au moins égale à six ans dont l'exécution dépend de la durée de la vie humaine lorsque les contrats sont destinés à garantir le versement d'un capital en cas de vie ou d'une rente viagère avec jouissance effectivement différée d'au moins six ans, quelle que soit la date de la souscription, à l'assuré atteint, lors de leur conclusion, d'une infirmité qui l'empêche de se livrer, dans des conditions normales de rentabilité, à une activité professionnelle. Un décret fixe les modalités de détermination de la fraction de la prime représentative de l'opération d'épargne. »
« 4. Il est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :
« II. - Les personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 B ne bénéficient pas de la réduction d'impôt prévue au I. Les dispositions du 5 du I de l'article 197 sont applicables. »
« III. - Au 3° du II de l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale, les mots : "au 2° de" sont remplacés par le mot : "à".
« IV. - Au premier alinéa du I de l'article 990 I, les mots : "au premier alinéa du 2° de l'article 199 septies" sont remplacés par les mots : "au 1° du I de l'article 199 septies".
« V. - A. - Les dispositions des I à III sont applicables à compter du 1er janvier 2004 pour la généralité des contrats, et à compter du 1er janvier 2005 pour les contrats à primes périodiques ou à primes uniques conclus ou prorogés avant le5 septembre 1996 par les contribuables dontla cotisation d'impôt sur le revenu définie à l'article 199 septies-0 A du code général des impôts n'excédait pas 7 000 francs au titre de l'imposition des revenus de l'année 1996.
« B. - Les dispositions du IV sont applicables à compter du 1er janvier 2004. »
L'amendement n° II-47, présenté par MM. Joly et Othily, est ainsi libellé :
« Après l'article 60, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le 2° de l'article 199 septies du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 3° Primes afférentes à des contrats d'assurance visant à constituer un complément de retraite par capitalisation sous forme de capital ou de rente viagère. Ces primes ouvrent droit à réduction d'impôt dans la limite de 610 EUR, majorée de 150 EUR par enfant à charge ; ces limites s'appliquent à l'ensemble des contrats souscrits par les membres d'un même foyer fiscal. »
« II. - En conséquence, le 3° du même article devient le 4°.
« III. - Le I de l'article 199 septies A du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 25 % du montant de celles mentionnées au 3° de l'article 199 septies. »
« IV. - Les pertes de recettes résultant des I, II et III sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n° II-78 rectifié.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il convient de rappeler que la loi de finances pour 1996 a réformé le régime de l'assurance vie en supprimant la plupart des réductions d'impôt qui y étaient autrefois attachées. Toutes ces réductions d'impôt, en particulier les incitations à l'entrée, ont disparu, sauf deux régimes : le premier prévoit une réduction d'impôt afférente aux contrats d'épargne handicap et rente survie, bénéficiant aux foyers dont un membre est handicapé ; le second prévoit, à titre de mesure transitoire, une réduction d'impôt afférente aux contrats à primes périodiques, qui se caractérisent par le précompte, la première année, de l'ensemble des frais de gestion.
Selon la loi de finances pour 1996, seuls les contrats conclus ou prorogés avant 1996 continuent de bénéficier de cette réduction d'impôt.
Il est clair que la première exception, liée à l'existence au foyer d'une personne handicapée, se justifie toujours.
Mais il n'en est pas de même pour les contrats à frais précomptés, car le précompte des frais est désormais bien amorti. Ces contrats ont aujourd'hui plus de huit ans et peuvent être rachetés en exonération d'impôt sur le revenu. Il est donc temps de mettre la touche finale à la réforme de 1996. Si on ne le faisait pas, on continuerait d'additionner avantage fiscal à avantage fiscal.
En outre, monsieur le ministre, en regardant les estimations de dépenses fiscales afférentes à cette mesure, j'ai eu la surprise de constater que les 180 millions d'euros dont il s'agit n'ont pas diminué au cours de ces dernières années, ce qui me conduit à m'interroger.
En effet, si une catégorie résiduelle de réductions d'impôt qui date de 1996 représente toujours un coût aussi important, il doit bien y avoir quelque part soit des pratiques quelque peu extensives, soit un contrôle dont les mailles doivent être un peu lâches. Logiquement, une fraction des titulaires de tels contrats devrait naturellement nous quitter chaque année, hélas !, réduisant ainsi le montant de la dépense fiscale. Or ce n'est pas ce que l'on observe.
Je ne saurai bien entendu aller plus loin dans ce propos et, surtout, dans son interprétation. Mais, très sincèrement, mes chers collègues, dès lors que le temps des huit années au-delà desquelles on peut racheter le contrat en exonération de l'impôt sur le revenu est à présent épuisé, il faut terminer la réforme du régime fiscal de l'assurance-vie.
M. le président. L'amendement n° II-47 n'est pas défendu.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° II-78 rectifié ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Monsieur le rapporteur général, concernant l'évaluation, il m'a été indiqué que les déclarations que nous recevons sont basées sur des éléments constatés, et non sur des évaluations. Peut-être est-il difficile d'en comprendre l'origine, mais, apparemment, je le répète, ce sont des éléments constatés.
La suppression que vous proposez concerne des épargnants dont le montant moyen des primes versées est inférieur à 450 euros. Même si la souscription de ces contrats remonte au moins à sept ans, on peut craindre que la perte de la réduction d'impôt ne déstabilise l'économie générale de foyers a priori de condition modeste.
Cela étant, ces inconvénients ne doivent pas être surestimés, j'en conviens volontiers. L'amendement permet de recentrer la réduction d'impôt sur les contrats d'assurance souscrits par ou au profit de personnes handicapées en supprimant cet avantage pour les contrats d'assurance-vie qui en bénéficient encore pour des motifs qui peuvent paraître aujourd'hui dépassés. En cela, la mesure envisagée améliore sensiblement la cohérence et la lisibilité de notre législation.
Pour l'ensemble de ces raisons, je m'en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-78 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 60 bis.
Articles additionnels après l'article 60
M. le président. L'amendement n° II-76, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après l'article 60, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Jusqu'au 31 décembre 2005, la condition de durée prévue à l'article 885 J du code général des impôts ne s'applique pas aux contrats et plans créés par l'article 108 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 lorsque le souscripteur y adhère moins de quinze années avant l'âge donnant droit à la liquidation d'une retraite à taux plein.
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I ci-dessus est compensée par la création à due concurrence d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'article 885 J du code général des impôts prévoit que la « valeur de capitalisation des rentes viagères constituées dans le cadre d'une activité professionnelle auprès d'organismes institutionnels, moyennant le versement de primes périodiques et régulièrement échelonnées pendant une durée d'au moins quinze ans et dont l'entrée en jouissance est subordonnée à la cessation de l'activité professionnelle à raison de laquelle les primes ont été versées, n'entre pas dans le calcul de l'assiette de l'impôt sur la fortune ».
Les rentes issues du nouveau plan d'épargne retraite populaire paraissent donc susceptibles d'être traitées de la même manière. Néanmoins, la condition de durée de l'article 885 J du code général des impôts qui exige quinze années de cotisations pose un véritable problème. En effet, le produit va être souscrit par un certain nombre de particuliers qui se trouvent proches de l'âge de la retraite. Pour ceux-là, sans doute nombreux car ils appartiennent à la génération de l'après-guerre, la condition de durée ne doit pas s'appliquer pendant la période de lancement de ce nouveau produit d'épargne retraite, ce qui doit conduire à ne pas faire entrer le régime dans le calcul de l'assiette de l'ISF.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis favorable, mais il suggère de ramener la durée de souscription au 31 décembre 2004. Sous cette réserve, monsieur le rapporteur général, je suis prêt à donner mon accord à votre amendement et à lever le gage.
M. le président. Monsieur le rapporteur, acceptez-vous la rectification proposée par M. le ministre ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° II-76 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission, et ainsi libellé :
« Après l'article 60, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Jusqu'au 31 décembre 2004, la condition de durée prévue à l'article 885 J du code général des impôts ne s'applique pas aux contrats et plans créés par l'article 108 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 lorsque le souscripteur y adhère moins de quinze années avant l'âge donnant droit à la liquidation d'une retraite à taux plein. »
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 60.
L'amendement n° II-77, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après l'article 60, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Jusqu'au 31 décembre 2005, la condition de durée prévue à l'article 885 J du code général des impôts ne s'applique pas aux contrats et plans créés par l'article 109 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 lorsque le souscripteur y adhère moins de quinze années avant l'âge donnant droit à la liquidation d'une retraite à taux plein.
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I ci-dessus est compensée par la création à due concurrence d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est le même amendement s'agissant du « PERCO » et non plus du « PERP », amendement que je rectifie d'ailleurs pour substituer « 31 décembre 2004 » à « 31 décembre 2005 ».
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Le Gouvernement est d'accord avec la proposition de M. le rapporteur et lève le gage.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° II-77 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, et ainsi libellé :
« Après l'article 60, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Jusqu'au 31 décembre 2004, la condition de durée prévue à l'article 885 J du code général des impôts ne s'applique pas aux contrats et plans créés par l'article 109 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 lorsque le souscripteur y adhère moins de quinze années avant l'âge donnant droit à la liquidation d'une retraite à taux plein. »
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 60.
La dernière phrase du premier alinéa du II de l'article L. 443-1-2 du code du travail est supprimée.
M. le président. L'amendement n° II-163, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Cet amendement de suppression de l'article 60 bis est un amendement de conséquence de notre position de principe sur l'article 60.
Je ne reviendrai pas sur ce qu'a si bien dit Mme Marie-Claude Beaudeau. Nous avons eu l'occasion de développer, notamment au cours du débat sur les retraites au mois de juillet dernier, notre opposition de principe à la mise en place du nouveau produit d'épargne que constitue le PERP.
Chacun mesure clairement que le dispositif proposé n'est qu'une manière tout à fait surprenante de canaliser sur une longue durée l'épargne retraite des salariés. Ce n'est plus de l'épargne captive, c'est de l'épargne « capturée ».
L'article 60 bis découlant de la rédaction de l'article 60, nous ne pouvons donc, en toute logique, que vous inviter à adopter cet amendement, mes chers collègues.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission ne peut évidemment qu'être défavorable à la suppression de l'article 60 bis ; elle réaffirme tout le rôle des dispositifs d'épargne d'entreprise et le lien qui doit être établi entre ces dispositifs, l'intéressement et la participation.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis défavorable, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-163.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 60 bis.
(L'article 60 bis est adopté.)
Article additionnel après l'article 60 bis
M. le président. L'amendement n° II-132, présenté par M. Badré et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :
« Après l'article 60 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le 8° de l'article 81 du code général des impôts est complété par les mots : "ainsi que les rentes d'incapacité permanente servies en application des articles L. 752-6 et L. 752-9 du code rural ;"
« II. - La perte de recettes pour l'Etat est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Joseph Kerguéris.
M. Joseph Kerguéris. Cet amendement vise à rétablir le principe d'égalité entre les salariés et les non-salariés. En effet, les rentes viagères servies aux salariés victimes d'accidents du travail par le régime général sont exonérées d'impôt, alors que les rentes d'incapacité servies par le régime d'accidents du travail des exploitants agricoles, mis en place par la loi du 30 novembre 2001, sont soumises à l'impôt sur le revenu.
Cette différence de traitement résulte d'une interprétation stricte du ministère de l'économie et des finances du 8° de l'article 81 du code général des impôts. Afin d'harmoniser le régime fiscal des rentes et dans un souci d'équité, l'amendement propose d'inclure dans les rentes affranchies d'impôt par l'article 81-8° les rentes servies par le régime des exploitants agricoles.
Il n'est pas envisageable d'appliquer le même régime d'exonération aux régimes des non-salariés non agricoles dans la mesure où ceux-ci ne disposent pas d'un régime de rentes d'assurance accidents du travail obligatoire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je voudrais rappeler qu'un amendement identique a été présenté et rejeté lors de l'examen de la première partie de la loi de finances.
Nous savons que, en vertu du 8° de l'article 81 du code général des impôts, les indemnités temporaires, prestations et rentes viagères servies aux victimes d'accidents du travail ou à leurs ayants droit sont exonérées d'impôt sur le revenu alors qu'elles constituent un revenu de remplacement.
Cette exception aux principes généraux de la fiscalité est ancienne puisqu'elle date de 1927 et trouve son fondement dans l'état de subordination du salarié à l'égard de son employeur. Il n'est donc pas souhaitable ni cohérent d'étendre le bénéfice de cette disposition aux exploitants agricoles puisqu'ils sont leur propre patron. Ils ne sont donc pas en état de subordination.
En outre, les exploitants agricoles peuvent déduire leurs cotisations au titre des accidents du travail de leur bénéfice imposable. Il est donc logique que les rentes qui leur sont versées soient imposables.
Une extension de l'exonération prévue par l'article 81 du code général des impôts ferait perdre sa légitimité au dispositif actuel. En tout cas, ce serait une incohérence par rapport à notre droit fiscal et à ses principes constants. Je suis donc au regret, mes chers collègues, de vous demander de bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Il subsiste, me semble-t-il, une incompréhension au sujet de cet amendement qui a déjà été examiné en première partie.
L'exploitant agricole est dans la situation d'un employeur. Or l'amendement vise à le traiter comme un salarié, ce qui me semble impossible, à moins d'accorder les mêmes droits demain aux commerçants, aux artisans, etc. Il faut rester logique.
Certes, il arrive que le code général des impôts ne traduise pas une logique absolue et, dans ce cas, même si le Gouvernement n'a pas les moyens d'émettre un avis favorable, il précise alors que la demande présentée par l'auteur de l'amendement est justifiée. Mais en l'occurrence, monsieur Kerguéris, il est impossible de donner un avis favorable sur le fond, à moins de rendre complètement incohérent le système : l'adoption de cet amendement aboutirait à placer l'exploitant agricole dans la situation d'un salarié, ce qui est contraire à la réalité. Demain, des demandes reconventionnelles seraient présentées pour les commerçants et les artisans que nous ne pourrions pas accepter.
Je remercie donc par avance M. Kerguéris de bien vouloir comprendre nos explications et de retirer son amendement.
M. le président. Monsieur Kerguéris, l'amendement n° II-132 est-il maintenu ?
M. Joseph Kerguéris. Sur la demande conjointe de la commission des finances et du Gouvernement, j'accepte de retirer cet amendement.
M. le président. L'amendement n° II-132 est retiré.
L'article 200 quater du code général des impôts est ainsi modifié :
I. - Le deuxième alinéa du 1 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ouvrent également droit au crédit d'impôt, dans les conditions prévues pour les équipements de production d'énergie utilisant une source d'énergie renouvelable, les dépenses réalisées entre le 1er janvier 2004 et le 31 décembre 2005 pour l'installation ou le remplacement d'équipements spécialement conçus pour les personnes âgées ou handicapées définis par arrêté du ministre chargé du budget. »
II. - Le 2 est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, les mots : « à la dernière phrase » sont remplacés par les mots : « à l'avant-dernière phrase » ;
2° Le troisième alinéa est ainsi modifié :
a) Après les mots : « travaux mentionnés », sont insérés les mots : « à la dernière phrase du deuxième alinéa et » ;
b) Il est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ce taux est porté à 25 % pour les travaux mentionnés à la dernière phrase du deuxième alinéa du 1. » ;
3° Au dernier alinéa, les mots : « dû au titre de l'année au cours de laquelle les dépenses ont été payées, » sont supprimés.
M. le président. L'amendement n° II-160 rectifié, présenté par MM. Lepeltier, Marest et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire est ainsi libellé :
« Modifier cet article comme suit :
« 1° Après le premier alinéa, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
« ... Le premier alinéa du 1 est complété par les mots : "ainsi que les dépenses payées, entre le 1er janvier 2004 et le 31 décembre 2005, pour l'acquisition de chaudières à condensation utilisant les combustibles gazeux". »
« 2° Compléter le texte proposé par le b du 2° du II par une phrase ainsi rédigée : "Ce taux est également porté à 25 %, à compter du 1er janvier 2004, pour les équipements de production d'énergie fonctionnant à l'énergie solaire et les chaudières à condensation utilisant les combustibles gazeux."
« 3° Pour compenser la perte de recettes résultant du 1° et du 2° ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'extension de l'application du crédit d'impôt pour dépenses d'équipements de l'habitation principale prévu à l'article 200 quater du code général des impôts et de l'augmentation du taux de ce crédit d'impôt sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Max Marest.
M. Max Marest. L'amendement n° II-160 rectifié vise à répondre aux soucis de protection de l'environnement.
Il est envisagé de renforcer à travers la prise en compte de certaines dépenses supportées par les particuliers le bénéfice du dispositif prévu à l'article 200 quater du code général des impôts, afin de favoriser le respect de l'environnement. Il est ainsi proposé d'étendre l'application du crédit d'impôt pour dépenses d'équipements de l'habitation principale prévu à l'article 200 quater du code général des impôts aux dépenses d'acquisition de chaudières à condensation payées entre le 1er janvier 2004 et le 31 décembre 2005. Le taux est porté à 25 %.
Il est aussi proposé de porter le taux de ce crédit d'impôt de 15 % à 25 % pour les dépenses d'équipements de production d'énergie fonctionnant à l'énergie solaire réalisées à compter du 1er janvier 2004.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission est un peu perplexe. D'un côté, cet amendement crée une niche fiscale supplémentaire ; d'un autre côté, il s'agit de dispositifs intéressants en termes de développement durable qui peuvent être utilisés, par exemple, par des personnes âgées dont on a intérêt à garantir le maintien à domicile. Ce dispositif comporte donc des buts sociaux auxquels on ne peut être que sensible. En outre, nos collègues Serge Lepeltier et Max Marest ont travaillé sur cette question et nous ont fait part de leurs convictions.
Compte tenu de tous ces éléments légèrement contradictoires, la commission, tout en réaffirmant qu'elle n'est pas favorable à la multiplication de dispositifs sur mesure ou trop complexes sur le plan des principes, souhaite entendre le Gouvernement sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Pour vous rassurer, monsieur le rapporteur général, je veux préciser qu'il s'agit non pas de la création d'une nouvelle niche, mais de l'élargissement d'une niche existante. Ce n'est peut-être pas beaucoup mieux, mais cela devrait apaiser votre tourment. (Sourires.)
Cet amendement vise à développer l'utilisation des énergies renouvelables. Il s'intègre par conséquent dans le « plan climat 2003 » et va dans le sens des préoccupations du Gouvernement, soucieux de recentrer à terme l'ensemble des dispositions de cet article vers de tels objectifs.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur l'amendement n° II-160 rectifié. En conséquence, je lève le gage, monsieur le président.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° II-160 rectifié bis.
Quel est, en définitive, l'avis de la commission ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le président, la commission s'en remet à la sagesse du Sénat, mais je voudrais faire partager une conviction à mes collègues sénateurs : le développement durable, c'est ne pas sacrifier l'avenir au présent. A cet égard, monsieur le ministre, je voudrais que nous puissions tous ensemble adhérer au principe selon lequel le déficit public contrarie le développement durable !
M. Alain Lambert, ministre délégué. Bien sûr !
M. Philippe Marini, rapporteur général. En métropole et outre-mer ! Partout !
M. le président. La parole est à M. Max Marest, pour explication de vote.
M. Max Marest. J'ai bien entendu ces explications, et je souhaite rassurer M. le président de la commission des finances : le développement durable prôné par cet amendement va induire un développement économique, qui favorisera de nouvelles recettes.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-160 rectifié bis.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 61, modifié.
(L'article 61 est adopté.)
I. - Le code général des impôts est ainsi modifié :
A. - L'article 199 ter B est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Le crédit d'impôt pour dépenses de recherche défini à l'article 244 quater B est imputé sur l'impôt sur le revenu dû par le contribuable au titre de l'année au cours de laquelle les dépenses de recherche prises en compte pour le calcul du crédit d'impôt ont été exposées. L'excédent de crédit d'impôt constitue au profit de l'entreprise une créance sur l'Etat d'égal montant. Cette créance est utilisée pour le paiement de l'impôt sur le revenu dû au titre des trois années suivant celle au titre de laquelle elle est constatée puis, s'il y a lieu, la fraction non utilisée est remboursée à l'expiration de cette période. Toutefois, la créance constatée au titre de l'année de création et des deux années suivantes est immédiatement remboursable aux entreprises créées à compter du 1er janvier 2004 qui remplissent les conditions mentionnées au III de l'article 44 sexies et dont le capital est entièrement libéré et détenu de manière continue à 50 % au moins :
« - par des personnes physiques ;
« - ou par une société dont le capital est détenu pour 50 % au moins par des personnes physiques ;
« - ou par des sociétés de capital-risque, des fonds communs de placement à risques, des sociétés de développement régional, des sociétés financières d'innovation ou des sociétés unipersonnelles d'investissement à risque à la condition qu'il n'existe pas de lien de dépendance au sens des deuxième à quatrième alinéas du 12 de l'article 39 entre la société en cause et ces dernières sociétés ou ces fonds. » ;
b) Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par exception aux dispositions du premier alinéa, les entreprises ayant fait l'objet d'un jugement prononçant leur mise en redressement ou liquidation judiciaire peuvent demander le remboursement de leur créance non utilisée à compter de la date de ce jugement. Ce remboursement est effectué sous déduction d'un intérêt appliqué à la créance restant à imputer. Cet intérêt, dont le taux est celui de l'intérêt légal applicable le mois suivant la demande de l'entreprise, est calculé à compter du premier jour du mois suivant la demande de l'entreprise jusqu'au terme des trois années suivant celle au titre de laquelle la créance est constatée. » ;
2° Le II est abrogé.
B. - Le b du 1 de l'article 223 O est ainsi rédigé :
« b. Des crédits d'impôt pour dépenses de recherche dégagés par chaque société du groupe en application de l'article 244 quater B. Le crédit d'impôt imputable par la société mère est égal à la somme des parts en volume et des parts en accroissement constatées pendant l'année par les sociétés membres. Si la somme des parts en accroissement est négative, elle est imputée dans les conditions prévues au quatrième alinéa du I de l'article 244 quater B. Lorsque le crédit d'impôt d'une société membre excède le plafond visé au I précité, le montant de la part en accroissement et de la part en volume pris en compte pour le calcul du crédit d'impôt imputable par la société mère est calculé dans les conditions prévues au huitième alinéa du I de l'article précité.
« Par exception aux dispositions de l'article 244 quater B, et à compter du crédit d'impôt recherche calculé au titre de 2004, l'option pour le crédit d'impôt est formulée par la société mère au nom de l'ensemble des sociétés membres du groupe qui, au sein de ce groupe, ont bénéficié du crédit d'impôt au titre d'au moins une année depuis leur entrée dans le groupe et qui ont exposé des dépenses de recherche au cours de l'année pour laquelle l'option est exercée ou au cours des deux années précédentes.
« Les dispositions de l'article 199 ter B s'appliquent au crédit d'impôt imputable par la société mère ainsi déterminé ; ».
C. - L'article 244 quater B est ainsi modifié :
1° Les cinq premiers alinéas du I sont remplacés par dix alinéas ainsi rédigés :
« Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 octies et 44 decies qui exposent des dépenses de recherche peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt égal à la somme :
« a. D'une part égale à 5 % des dépenses de recherche exposées au cours de l'année, dite part en volume ;
« b. Et d'une part égale à 45 % de la différence entre les dépenses de recherche exposées au cours de l'année et la moyenne des dépenses de même nature, revalorisées de la hausse des prix à la consommation hors tabac, exposées au cours des deux années précédentes, dite part en accroissement.
« Lorsque cette dernière est négative, elle est imputée sur les parts en accroissement calculées au titre des dépenses engagées au cours des cinq années suivantes. Le montant imputé est plafonné à la somme des parts positives de même nature antérieurement calculées.
« Le crédit d'impôt négatif qui trouvait son origine en 2003 ou au cours d'une année antérieure s'impute sur les parts en accroissement relatives aux dépenses engagées à compter du 1er janvier 2004 dans les mêmes conditions.
« En cas de fusion ou opération assimilée, la part en accroissement négative du crédit d'impôt de la société apporteuse non encore imputée est transférée à la société bénéficiaire de l'apport.
« A l'exception du crédit d'impôt imputable par la société mère dans les conditions prévues à l'article 223 O, le crédit d'impôt est plafonné pour chaque entreprise, y compris les sociétés de personnes, à 8 000 000 EUR. Il s'apprécie en prenant en compte la fraction de la part en accroissement et de la part en volume du crédit d'impôt correspondant aux parts des associés de sociétés de personnes mentionnées aux articles 8 et 238 bis L et aux droits des membres de groupements mentionnés aux articles 239 quater, 239 quater B et 239 quater C, le cas échéant majoré de la part en accroissement et de la part en volume calculées au titre des dépenses de recherche que ces associés ou membres ont exposées.
« Lorsque la somme de la part en volume et de la part en accroissement du crédit d'impôt des sociétés et groupements visés à la dernière phrase de l'alinéa précédent excède le plafond mentionné à ce même alinéa, le montant respectif de ces parts pris en compte pour le calcul du crédit d'impôt dont bénéficient leurs associés ou leurs membres est égal au montant du plafond multiplié par le rapport entre le montant respectif de chacune de ces parts et leur somme avant application du plafond. Lorsque la part en accroissement est négative, la part en volume prise en compte est limitée au plafond précité et la part en accroissement prise en compte est la part en accroissement multipliée par le rapport entre le plafond et le montant de la part en volume.
« Les dispositions du présent article s'appliquent sur option annuelle de l'entreprise. Par exception, l'option est exercée pour cinq ans lorsqu'elle est formulée par des sociétés de personnes mentionnées aux articles 8 et 238 bis L et par des groupements mentionnés aux articles 239 quater, 239 quater B et 239 quater C.
« Lorsque l'option, après avoir été exercée, n'est plus exercée au titre d'une ou de plusieurs années, le crédit d'impôt de l'année au titre de laquelle l'option est exercée à nouveau est calculé dans les mêmes conditions que si l'option avait été renouvelée continûment. » ;
2° Le II est ainsi modifié :
a) Au d, les mots : « ou à des universités » sont remplacés par les mots et une phrase ainsi rédigée : « , à des universités ou à des centres techniques exerçant une mission d'intérêt général. Ces dépenses sont retenues pour le double de leur montant à la condition qu'il n'existe pas de liens de dépendance au sens des deuxième à quatrième alinéas du 12 de l'article 39 entre l'entreprise qui bénéficie du crédit d'impôt et l'organisme, l'université ou le centre technique exerçant une mission d'intérêt général » ;
b) Après le e, il est inséré un e bis ainsi rédigé :
« e bis. Les frais de défense de brevets, dans la limite de 60 000 EUR par an » ;
c) Après le i, il est inséré un j ainsi rédigé :
« j. Les dépenses de veille technologique exposées lors de la réalisation d'opérations de recherche, dans la limite de 60 000 EUR par an » ;
3° Au second alinéa du III, les mots : « de la variation des dépenses de recherche, de la part de cette variation » sont remplacés par les mots : « de la part en accroissement, de la variation de dépenses ».
II. - Les dispositions du b du 1° du A du I s'appliquent aux créances nées à compter du 1er janvier 2004 et à celles existant à cette date. Les autres dispositions du I s'appliquent au crédit d'impôt relatif aux dépenses de recherche exposées à compter du 1er janvier 2004.
M. le président. L'amendement n° II-105, présenté par MM. Adnot et Lachenaud, est ainsi libellé :
« A. - Rédiger ainsi le début de la dernière phrase du premier alinéa du texte proposé par le a du 1° du A du I de cet article pour remplacer le premier alinéa de l'article 199 ter B du code général des impôts :
« Toutefois la créance constatée est immédiatement remboursable aux jeunes entreprises innovantes au sens de l'article 44 sexies-0 A ainsi, au titre de l'année de création et des deux années suivantes, qu'aux entreprises créées... »
« B. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du A ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Les pertes de recettes résultant du remboursement immédiat aux jeunes entreprises innovantes de leur crédit d'impôt sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Jean-Philippe Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Mon collègue Philippe Adnot et moi-même souhaiterions que les jeunes entreprises innovantes, dont le statut vient d'être institué, puissent bénéficier du remboursement du crédit d'impôt lorsqu'elles rencontrent des difficultés sans attendre le délai de trois ans.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout d'abord, je formulerai quelques remarques sur l'article 62, car nous abordons le premier amendement d'une série qui concerne le crédit d'impôt-recherche.
Je voudrais, monsieur le ministre, en ce début de discussion, vous poser une question simple et directe concernant l'application aux jeunes entreprises innovantes du dispositif du crédit d'impôt-recherche. Votre réponse éclairera, bien entendu, notre point de vue sur les amendements n°s II-105 et II-95 de nos collègues Philippe Adnot et Pierre Laffitte. Ma question est la suivante : lorsqu'une jeune entreprise innovante ne dégage pas de résultat imposable sur lequel puisse venir s'imputer son crédit d'impôt-recherche, soit en raison des exonérations qui lui sont accordées, soit tout simplement parce qu'elle est en déficit, la créance correspondant à ce crédit d'impôt lui est-elle intégralement remboursée dès l'année qui suit celle au cours de laquelle les dépenses concernées ont été exposées ?
S'agissant de l'amendement n° II-105, très logiquement, nous souhaitons également connaître l'avis du Gouvernement à ce sujet.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. M. le rapporteur général pose une question qui me paraît pouvoir éclairer notre débat sur les amendements qui vont suivre. J'essayerai d'y répondre le plus précisément possible.
Lorsqu'une jeune entreprise innovante ne dégage pas de résultat imposable sur lequel puisse venir s'imputer son crédit d'impôt-recherche, soit en raison des exonérations qui lui sont accordées, soit parce qu'elle est en déficit, je vous confirme que la créance correspondante à ce crédit d'impôt lui est remboursée dès l'année qui suit celle au cours de laquelle les dépenses concernées ont été constatées.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Alain Lambert, ministre délégué. En effet, une entreprise qui répond aux critères requis pour être qualifée de jeune entreprise innovante - activité nouvelle, au sens du code général des impôts, et indépendance juridique - réunit les conditions légales lui permettant d'obtenir la restitution du crédit d'impôt-recherche.
Pour ce qui est de l'amendement n° II-105, dans le souci d'encourager les entreprises à développer leurs efforts de recherche et par exception au principe selon lequel les crédits d'impôt ne peuvent bénéficier à des entreprises exonérées de l'impôt sur les sociétés, le Gouvernement a proposé de permettre, d'une manière non ambiguë, aux jeunes entreprises innovantes de bénéficier du crédit d'impôt-recherche dans les conditions que je viens de préciser.
Dès lors, monsieur Lachenaud, votre amendement se trouve satisfait par le texte actuel. C'est ce qui m'incite à vous demander de le retirer. Cela m'évitera d'émettre un avis de rejet.
M. le président. Monsieur Lachenaud, l'amendement n° II-105 est-il maintenu ?
M. Jean-Philippe Lachenaud. Si j'ai bien compris la réponse de M. le ministre, la jeune entreprise pourrait obtenir le remboursement du crédit d'impôt dans l'année comptable qui suit la présentation des résultats. Est-ce bien cela, monsieur le ministre ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Lambert, ministre délégué. Jean-Philippe Lachenaud innove un peu sur le plan du débat budgétaire et fiscal, car il pose une question qui m'oblige à lui apporter une réponse précise. Cela rend mon rôle plus difficile, mais éclairera beaucoup mieux le redevable. Ma réponse est : « oui » !
M. le président. La parole est à M. Jean-Philippe Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Je vous remercie, monsieur le ministre, et, bien évidemment, je retire l'amendement.
M. le président. L'amendement n° II-105 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-95, présenté par MM. Laffitte et Othily, est ainsi libellé :
« A. - Rédiger comme suit le texte proposé par le b du 1° du A du I de cet article pour compléter l'article 199 ter B du code général des impôts :
« Par exception aux dispositions du premier alinéa, lorsque la créance sur l'Etat visée à cet alinéa est détenue par une jeune entreprise innovante, l'Etat la rembourse au bénéficiaire dans l'année qui suit celle au titre de laquelle elle est constatée. »
« B. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du A ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat du remboursement au bénéficiaire du crédit d'impôt - recherche de sa créance fiscale dès l'année suivante sont compensées à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° II-181, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi la première phrase du texte proposé par le b du 1° du A du I de cet article pour compléter l'article 199 ter B du code général des impôts :
« Par exception aux dispositions du premier alinéa, les entreprises ayant fait l'objet d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire peuvent demander le remboursement de leur créance non utilisée à compter de la date du jugement qui a ouvert ces procédures. »
La parole est à M. Pierre Laffitte, pour présenter l'amendement n° II-95.
M. Pierre Laffitte. Mon amendement est proche de celui qui a été présenté par M. Lachenaud. Très souvent, le crédit d'impôt était remboursé l'année n + 3. Mais M. le ministre vient de nous préciser que sa restitution interviendrait dès l'année où il a été constaté. Par conséquent, je retire l'amendement.
M. le président. L'amendement n° II-95 est retiré.
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n° II-181.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est un amendement essentiellement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-181.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° II-137 rectifié est présenté par MM. du Luart et Marest.
L'amendement n° II-147 est présenté par M. Badré et les membres du groupe de l'Union centriste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« I. - Compléter in fine le dernier alinéa du 1° du C du I de cet article par une phrase ainsi rédigée : "Toutefois, si la période pour laquelle les dépenses de recherche doivent être reconstituées, en vertu de ce principe, a une durée supérieure à cinq ans, seules les dépenses éligibles des sept années qui précèdent le retour dans le dispositif sont à considérer."
« II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes pour l'Etat résultant de la limitation à sept années précédant le retour dans le dispositif du crédit d'impôt du nombre d'années pour lesquelles les dépenses de recherche doivent être reconstituées est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Max Marest, pour présenter l'amendement n° II-137 rectifié.
M. Max Marest. Le caractère incitatif du dispositif de crédit d'impôt-recherche, prévu par l'article 62, peut être compromis par les mesures pénalisantes relatives aux modalités de retour dans le dispositif.
En effet, en l'absence de limitation dans le temps, ce texte peut se révéler très dissuasif pour certaines entreprises qui envisagent de renouer avec le crédit d'impôt-recherche en optant pour le nouveau dispositif.
Tel est le cas d'une entreprise ayant bénéficié du crédit d'impôt-recherche entre 1988 et 1990 et qui n'a opté pour le crédit d'impôt-recherche ni en 1991 ni au titre d'aucune année postérieure. En l'état actuel du texte, cette entreprise pourrait être tenue de déterminer le montant de ses dépenses de recherche pour treize années. Or il est pratiquement impossible d'identifier les activités éligibles et de reconstituer les dépenses correspondantes pour une période aussi longue.
Par souci de réalisme et d'efficacité, il convient donc de limiter à sept ans, au maximum, le nombre d'années pour lesquelles l'entreprise doit reconstituer ses dépenses de recherche aux fins d'un retour dans le dispositif de crédit d'impôt-recherche.
M. le président. La parole est à M. Joseph Kerguéris, pour défendre l'amendement n° II-147.
M. Joseph Kerguéris. Je n'ai rien à ajouter au propos de M. Marest.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ces deux amendements identiques concernent les conditions de retour dans le dispositif des entreprises n'ayant plus exercé d'options pour le crédit d'impôt-recherche pendant plusieurs années.
L'article 62 prévoit qu'en cas de retour dans le dispositif le crédit d'impôt-recherche est calculé comme si l'option avait été renouvelée continûment. Les crédits d'impôts négatifs accumulés depuis 1992 peuvent ainsi venir s'imputer sur les crédits positifs constatés lors du retour dans le dispositif et réduire, sinon annuler, l'avantage correspondant.
Cette situation pourrait s'avérer dissuasive. C'est pourquoi MM. du Luart, Marest, Badré et leurs collègues proposent de prendre en compte uniquement les résultats des sept dernières années lorsque le retour dans le dispositif est effectué plus de cinq ans après la dernière option levée.
Ce problème, très technique, semble réel et nécessite l'avis du Gouvernement avant que la commission ne précise sa position.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Pour des raisons d'équité et afin d'éviter les abus, il convient que la transformation de l'option en une option annuelle ne conduise pas à maximiser le montant du crédit d'impôt-recherche par des effets d'aller et retour.
Cela étant, je partage la volonté qui est la vôtre de ne pas mettre en place des obligations que les entreprises ne pourraient pas remplir pour des raisons matérielles. Néanmoins, la question mérite une expertise complémentaire. Je m'engage à la conduire en concertation avec les entreprises, afin que nous mettions définitivement en place un dispositif qui corresponde à leur souhait.
Je m'engage également à ce que ces préoccupations soient prises en compte dans un sens qui simplifie la gestion du dispositif pour les entreprises et qui tende à fixer une durée raisonnable pour la reconstitution des crédits d'impôt.
Ma réponse est donc ouverte. Je ne suis pas sûr, d'ailleurs, que la question doive nécessairement être traitée définitivement par la loi, dans un souci de gain de temps.
En tout état de cause, nous ne sommes pas en état de régler ce problème ce soir. Comme je vous l'ai dit, monsieur le rapporteur général, je partage votre volonté de ne pas mettre en place des obligations matérielles que ne pourraient pas remplir les entreprises. Une concertation sera donc engagée avec celles-ci, afin d'instaurer le système le plus approprié.
M. le président. Quel est, en définitive, l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Compte tenu des explications données par M. le ministre, qui a bien pris en compte les observations formulées, nos collègues pourraient retirer leurs amendements en attendant que le dispositif soit affiné. Je pense qu'ils ne manqueront pas de faire remarquer au Gouvernement, si l'étude annoncée ne s'accomplit pas avec toute la diligence nécessaire, que leurs préoccupations subsistent et qu'elles doivent être satisfaites.
M. le président. L'amendement n° II-137 rectifié est-il maintenu, monsieur Marest ?
M. Max Marest. Compte tenu des explications données par M. le ministre et, surtout, de son engagement à prendre en compte nos préocccupations, et connaissant par ailleurs son souci de simplifier la vie des entreprises, nous retirons notre amendement.
M. le président. L'amendement n° II-137 rectifié est retiré.
Monsieur Badré, l'amendement n° II-147 est-il maintenu ?
M. Denis Badré. Je remercie M. le ministre d'avoir confirmé qu'il existait un vrai problème en la matière et de s'engager à y trouver une solution.
En conséquence, je retire cet amendement n° II-147.
M. le président. L'amendement n° II-147 est retiré.
L'amendement n° II-106, présenté par MM. Adnot et Lachenaud, est ainsi libellé :
« A. - Après le 1° du C de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...°) dans le dernier alinéa du I, le montant : "100 000 EUR" est remplacé par le montant : "200 000 EUR". »
« B. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du A ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Les pertes de recettes résultant de l'élévation du plafond de crédit d'impôt pour les dépenses relatives à l'élaboration de collections nouvelles sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Jean-Philipppe Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Je souhaite tout d'abord excuser l'absence de mon collègue Philippe Adnot, qui m'a demandé de présenter cet amendement.
Il s'agit de soutenir l'activité du secteur cuir-textile-habillement en appliquant le dispositif du crédit d'impôt-recherche, tout en respectant les règles communautaires.
Il est clair que l'activité de ce secteur rencontre en France de grandes difficultés. Il est également évident que c'est par un effort en termes de qualité que ce secteur pourra se développer et retrouver la place qui lui revient face à une concurrence internationale extrêmement rude.
La réalisation de nouvelles collections s'inscrit tout à fait dans un effort de recherche. Nous souhaiterions donc que le Gouvernement et notre assemblée examinent la possibilité de porter le plafond de déduction du crédit d'impôt-recherche de 100 000 euros à 200 000 euros.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. S'agissant d'un secteur en grande difficulté et dont l'avenir dépend de sa capacité d'innovation, la commission est sensible à la démarche de nos collègues.
Bien entendu, les dépenses de recherche industrielle de ce secteur sont déjà prises en compte pour le calcul du crédit d'impôt-recherche dans les conditions de droit commun. Un crédit spécifique pour l'élaboration de collections nouvelles a été créé en 1992. Il est plafonné, depuis 1999, à 100 000 euros. Il est proposé de le doubler.
MM. Philippe Adnot et Denis Badré anticipent en cela sur les résultats d'une demande française en cours tendant à doubler la limite des aides dites « de minimis », qui n'ont pas, vous le savez, à être notifiées à Bruxelles.
D'une certaine manière, nos collègues prennent au mot le commissaire européen Pascal Lamy, qui vient de déclarer que le salut de l'industrie textile européenne face à la concurrence de la Chine et d'autres pays à bas coût de main-d'oeuvre tient à la qualité du design. Il me semble que cette déclaration peut être partagée par notre assemblée.
La commission s'en remet donc à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Le Gouvernement est tout à fait conscient des difficultés que rencontre cette filière. Simplement, monsieur Lachenaud, le présent amendement n'est pas respectueux, me semble-t-il, du droit communautaire. Par conséquent, quelle que soit la légitimité de votre préoccupation eu égard aux problèmes que connaît ce secteur, il ne me paraît pas possible d'émettre un avis favorable.
Le plafond prévu permet au dispositif en faveur des entreprises textiles d'être en conformité avec la législation communautaire, ce qui représente une sécurité sur le plan juridique, qu'il convient de préserver. Par le passé, nous avons connu des difficultés qu'il importe de ne pas reproduire.
Par ailleurs, je rappelle que les entreprises de ce secteur qui réalisent des opérations répondant à la définition générale de la recherche bénéficieront du nouveau plafond de 8 millions d'euros.
Il serait donc sage de retirer cet amendement. A défaut, nous risquerions de donner de vains espoirs aux entreprises en question et de les placer dans une situation d'insécurité juridique au regard de la législation communautaire, ce qui serait très négatif pour elles.
M. le président. Monsieur Lachenaud, l'amendement n° II-106 est-il maintenu ?
M. Jean-Philippe Lachenaud. Compte tenu des explications de M. le ministre et souhaitant inscrire le développement de ce secteur dans un cadre communautaire, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° II-106 est retiré.
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-131, présenté par MM. Trégouët et Adnot, est ainsi libellé :
« Après les mots : "ainsi rédigée", rédiger comme suit la fin du deuxième alinéa (a) du 2° du C du I de cet article : ", à des établissements publics d'enseignement supérieur, à des centres techniques exerçant une mission d'intérêt général ou à des fondations d'utilité publique du secteur de la recherche. Ces dépenses sont retenues pour le double de leur montant à la condition qu'il n'existe pas de liens de dépendance au sens des deuxième à quatrième alinéas du 12 de l'article 39 entre l'entreprise qui bénéficie du crédit d'impôt et l'organisme, l'établissement public d'enseignement supérieur, le centre technique exerçant une mission d'intérêt général ou la fondation d'utilité publique du secteur de la recherche ;". »
L'amendement n° II-133, présenté par M. Deneux et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :
« I. - Dans le deuxième alinéa (a) du 2° du C du I de cet article, après les mots : ", à des universités", insérer les mots : "à des instituts techniques agricoles".
« II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes pour l'Etat de la possibilité pour les instituts techniques agricoles de bénéficier des dispositions du d du II de l'article 2440 quater B du code général des impôts est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° II-146, présenté par MM. Adnot et Lachenaud, est ainsi libellé :
« I. - Dans le deuxième alinéa (a) du 2° du C du I de cet article, après les mots : "ou à des centres techniques exerçant une mission d'intérêt général", insérer les mots : ", notamment les centres techniques agricoles et agroalimentaires".
« II. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant de la possibilité pour les centres techniques agricoles et agroalimentaires de bénéficier des dispositions du d du 2° du II de l'article 244 quater B du code général des impôts sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° II-131 n'est pas soutenu.
La parole est à M. Denis Badré, pour présenter l'amendement n° II-133.
M. Denis Badré. Les instituts techniques agricoles sont aujourd'hui agréés par le ministère de la recherche au titre du crédit d'impôt-recherche. Ainsi, la recherche contractualisée qui leur est confiée par les entreprises est éligible au crédit d'impôt-recherche.
Cet amendement prévoit que les instituts puissent bénéficier de la mesure consistant à prendre en compte les dépenses de recherche confiées à des organismes de recherche publics pour le double de leur montant. Une telle disposition encouragerait le partenariat entre les entreprises et les centres techniques.
M. le président. La parole est à M. Jean-Philippe Lachenaud, pour présenter l'amendement n° II-146.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Il s'agit d'un amendement d'appel au Gouvernement : nous souhaitons avoir confirmation du fait que les centres techniques agricoles et agroalimentaires sont bien concernés par le dispositif et sont inclus dans la catégorie des centres techniques exerçant une mission d'intérêt général.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'Assemblée nationale a étendu aux coopérations avec les centres techniques exerçant une mission d'intérêt général la possibilité de prendre en compte des dépenses de recherche pour le double de leur montant dans le calcul du crédit d'impôt-recherche.
L'amendement n° II-133 tend à en faire bénéficier de façon certaine les instituts techniques agricoles, et l'amendement n° II-146 de MM. Adnot et Lachenaud, les centres techniques agricoles et agroalimentaires.
Pour savoir si des centres techniques exerçent une mission d'intérêt général, il faut se référer à une loi de 1948 et à la jurisprudence du Conseil d'Etat, qui n'est pas toujours d'interprétation facile. Dans le doute, MM. Deneux, Adnot et Lachenaud proposent de viser nommément les instituts techniques agricoles et les centres techniques agricoles et agroalimentaires.
Mais leur mission est-elle d'intérêt général ? Ne s'agit-il pas plutôt d'organismes privés pouvant être agréés et relevant, dans ce cas, de l'alinéa suivant de l'article 244 quater B du code général des impôts ? Or, pour ces organismes-là, le montant des dépenses prises en compte n'est pas doublé.
Ces deux amendements sont intéressants, et la commission estime nécessaire de connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. L'Assemblée nationale a étendu le bénéfice de cette mesure aux centres techniques qui exercent des missions d'intérêt général, comme le rappelait à l'instant M. le rapporteur général. En conséquence, les centres techniques agricoles qui répondent à cette définition pourront, bien entendu, bénéficier de cette mesure. Cependant, la notion d'« institut technique agricole » ne me paraît pas suffisamment précise pour servir de fondement à un amendement.
J'ajoute que ces organismes peuvent d'ores et déjà réaliser - et pourront continuer à faire - des dépenses de recherche pour le compte d'entreprises, dès lors qu'ils sont agréés.
Enfin, il convient de conserver une certaine cohérence à la liste des organismes visés, afin d'assurer l'efficacité du dispositif.
C'est ce qui m'amène à demander le retrait de l'amendement n° II-133. A défaut, je serai obligé d'émettre un avis défavorable.
S'agissant maintenant de l'amendement n° II-146, étant donné que l'Assemblée nationale a étendu le bénéfice de la mesure aux centres techniques qui exercent des missions d'intérêt général, les centres techniques agricoles et agroalimentaires, répondant à cette définition, pourront, bien entendu, en bénéficier.
Aussi cet amendement ne me paraît-il pas utile, ce qui me conduit à en solliciter le retrait.
M. le président. Monsieur Badré, l'amendement n° II-133 est-il maintenu ?
M. Denis Badré. Je n'ai pas été complètement convaincu par les propos de M. le ministre. A l'évidence, le fait que les instituts techniques agricoles bénéficient de l'agrément du ministère de la recherche au titre du crédit d'impôt-recherche confirme le caractère général de leur mission.
Pour ce qui est du montant, je ne comprends pas plus la réponse de M. le ministre.
Cela dit, j'imagine que M. Deneux aurait suivi le ministre et retiré son amendement ; il m'est donc difficile d'insister. J'aurais cependant aimé avoir un peu plus d'arguments pour lui expliquer pourquoi j'ai finalement retiré cet amendement !
M. le président. L'amendement n° II-133 est retiré.
Monsieur Lachenaud, l'amendement n° II-146 est-il maintenu ?
M. Jean-Philippe Lachenaud. Convaincu et rassuré par les explications de M. le ministre, je retire l'amendement.
M. le président. L'amendement n° II-146 est retiré.
L'amendement n° II-102, pésenté par MM. Laffitte et Othily, est ainsi libellé :
« Après le a du 2° du C du I de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés ;
« ...) Après le d bis, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ... Les dépenses liées à l'évaluation des risques relatifs tant au système de production industrielle qu'aux substances produites. »
La parole est à M. Pierre Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Il s'agit de faire entrer dans le périmètre des dépenses éligibles au crédit d'impôt-recherche les recherches liées, au titre du génie des procédés, à l'évaluation des risques, notamment dans le domaine des industries de la chimie et de la métallurgie,
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission a compris que cet amendement était un amendement de questionnement ou d'appel invitant le Gouvernement à préciser les contours du dispositif.
En d'autres termes, les études d'évaluation des risques industriels sont-elles comprises dans le champ des dépenses éligibles ou en sont-elles exclues ? Rappelons qu'entrent dans ce champ des recherches fondamentales contribuant à la résolution de problèmes techniques en vue d'analyser des propriétés, des structures, ou des recherches appliquées pour trouver des solutions nouvelles permettant à l'entreprise d'atteindre un objectif déterminé choisi à l'avance.
Au vu de cette définition assez générale, il semblerait bien que les dépenses liées à l'évaluation des risques individuels doivent être comprises dans ce champ d'application. La commission s'associe donc à M. Laffitte et souhaiterait connaître votre réponse, monsieur le ministre.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Je tiens à insister sur le fait que notre dispositif de crédit d'impôt-recherche est en parfaite harmonie avec les définitions internationales de la recherche, notamment avec le manuel de Frascati, établi sous l'égide de l'OCDE. Cela nous permet de garantir que le fonctionnement du crédit d'impôt-recherche est conforme aux engagements internationaux de la France et a un champ d'application incontestable au regard tant de l'Union européenne que de l'OMC.
Les dépenses que vous visez paraissent éloignées de la recherche. Cela étant, il semble que la prise en compte des dépenses de veille technologique, introduites par le dispositif, soit de nature à répondre à votre préoccupation.
J'attire votre attention sur le fait que cet amendement n'est pas gagé, ce qui me donne un motif supplémentaire pour vous demander de bien vouloir le retirer, monsieur le sénateur.
M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur Laffitte ?
M. Pierre Laffitte. Monsieur le ministre, il se développe, à Bruxelles, une nouvelle réglementation du génie des procédés, qui conduira à des recherches fondamentales et appliquées dans la modification des procédés, donc dans le domaine du génie des procédés, dans lequel la France n'est pas en avance. Nous avons donc besoin des recherches en ingénierie.
Nous sommes, il est vrai, dans le dispositif de recherche, parfois considérés à la limite, puisque cette recherche est, en général, le fait d'ingénieurs et non de personnes qui seraient qualifiées de chercheurs au CNRS, mais, dans ce domaine, il n'y a que des ingénieurs qui puissent faire les recherches correspondantes.
Cela étant, si vous pensez que cette interprétation précise est la bonne, et qu'il n'est pas besoin d'amender, je suis prêt à retirer mon amendement.
M. le président. Monsieur le ministre, n'y a-t-il pas d'incompatibilité entre l'intervention de M. Laffitte à l'instant et votre propre explication ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Monsieur le président, le débat parlementaire ne saurait servir de consultation fiscale ! J'ai simplement fait entendre à M. Pierre Laffitte qu'une insistance trop forte à maintenir son amendement m'obligerait à lui faire remarquer qu'il y manque le gage, ce qui n'est pas rien. Je crois avoir été, ce faisant, aussi loin que je pouvais dans mon argumentation !
M. le président. Monsieur Laffitte, l'amendement n° II-102 est-il retiré ?
M. Pierre Laffitte. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° II-102 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-108, présenté par M. Badré et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :
« I. - Après le C du I de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Avant l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - En matière de crédit d'impôt recherche, le délai de reprise de l'administration fiscale s'exerce jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle au titre de laquelle le crédit d'impôt a été calculé. »
« II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du A ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes pour l'Etat résultant de la modification du délai de reprise de l'administration fiscale en matière de crédit d'impôt recherche est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus par les articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° II-136 rectifié, présenté par MM. du Luart et Marest, est ainsi libellé :
« Après le C du I de cet article, insérer un nouveau paragraphe, ainsi rédigé :
« ... - Il est inséré avant l'article L. 169 du livre des procédures fiscales un nouvel article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - En matière de crédit d'impôt recherche, le délai de reprise de l'administration fiscale s'exerce jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle au titre de laquelle le crédit d'impôt a été calculé. »
La parole est à M. Denis Badré, pour défendre l'amendement n° II-108.
M. Denis Badré. Il s'agit non plus du champ des dépenses éligibles, mais des modalités d'application du dispositif.
L'administration considère que son droit de reprise s'exerce jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle au titre de laquelle le crédit d'impôt-recherche a été imputé ou restitué.
Cette disposition oblige les entreprises à conserver les documents comptables et techniques, et à se ménager la possibilité de prouver le caractère éligible des dépenses sur une période pouvant aller jusqu'à neuf ans.
L'amendement tend à légaliser l'ancienne doctrine, qui prévoyait que le point de départ de la prescription du droit de contrôle était l'année de calcul du crédit d'impôt.
M. le président. La parole est à M. Max Marest, pour présenter l'amendement n° II-136 rectifié.
M. Max Marest. Cet amendement, quasi identique à celui que vient de défendre M. Badré, vise à simplifier la vie des entreprises.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Depuis le 1er janvier 1999, l'administration considère que son droit de reprise s'exerce jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle au titre de laquelle le crédit d'impôt-recherche a été imputé ou restitué.
Avant le 1er janvier 1999, n'était prise en considération que la seule année de calcul du crédit d'impôt. Nos collègues proposent de revenir à cette pratique et de modifier en conséquence le livre des procédures fiscales.
Ce qui nous est proposé en matière de prescription nous semble assez raisonnable. Nous souhaiterions toutefois, avant de nous prononcer, savoir si cette proposition est susceptible de retenir l'accord du Gouvernement et si elle lui semble opérationnelle.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Le sujet est un peu complexe, mais mes explications serviront à la bonne application de la loi en la matière.
Quelles sont les raisons du système actuel de reprise ? La doctrine de l'administration a été modifiée justement parce que les règles d'imputation l'ont été.
Auparavant, le crédit d'impôt devait être utilisé immédiatement, dès l'année de réalisation des dépenses. Le délai de reprise était donc calculé sur l'année de calcul, qui était aussi l'année d'utilisation du crédit.
Désormais, le crédit peut être imputé sur l'impôt dû au titre des trois années suivantes. Il est donc tout à fait conforme aux règles normales de prescription que le délai de reprise soit calculé en fonction de l'année d'utilisation réelle du crédit et non de la seule année de calcul.
Si la règle actuelle était modifiée, cela aboutirait à faire expirer le délai de reprise dès que le crédit est utilisé, dans les cas de figure où il n'est utilisé que la troisième année après sa constitution.
La mesure proposée conduirait à des situations totalement incohérentes. Ainsi, l'administration contrôlerait, par exemple, l'impôt sur les sociétés dû au titre d'une année donnée, sans pouvoir remettre en cause pour cette année-là un crédit d'impôts-recherche qui viendrait pourtant en diminution de l'impôt dû.
Cette mesure introduirait donc une inégalité entre contribuables en fonction de la date d'utilisation du crédit. Elle aurait aussi un effet négatif sur les finances publiques, puisqu'elle accroîtrait naturellement le nombre de cas dans lesquels une entreprise pourrait indûment bénéficier d'un crédit d'impôt.
La sécurité juridique des entreprises est, par ailleurs, garantie, puisqu'elles ont la possibilité de s'assurer auprès de l'administration fiscale que leur projet de recherche ouvre bien droit au crédit d'impôt-recherche, ce qui est une précieuse sécurité.
Si l'objectif est de réduire le nombre de contrôles réalisés en matière d'impôt-recherche, le remède proposé en la circonstance paraît excessif, car il aboutirait à interdire tout contrôle. D'ailleurs, je n'imagine pas un instant que telle ait pu être l'ambition des auteurs des amendements.
Les contrôles effectués sur le crédit d'impôt-recherche constituent l'une de mes préoccupations. Je peux affirmer à la représentation nationale, pour rassurer celles et ceux qui, comme moi, ont pu entendre, ici et là, des échos divergents, que le nombre de contrôles réalisés en la matière est bien inférieur à ce qui a pu être affirmé.
Au surplus et pour l'avenir, je m'engage à veiller à ce que mes services continuent à pratiquer la modération nécessaire en la matière, de façon à ne pas briser l'élan de recherche des entreprises innovantes. Ce souci de modération ne saurait cependant m'inciter à accepter des dispositions législatives qui pourraient donner le sentiment que le contribuable peut échapper à tout contrôle.
Sous le bénéfice de ces explications, j'invite les auteurs des amendements à bien vouloir les retirer. A défaut, je serai obligé de demander au Sénat de les rejeter.
M. le président. Quel est, en définitive, l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Les explications de M. le ministre sont extrêmement précises et convaincantes, tant sur le plan technique que sur le plan du droit fiscal et des procédures fiscales. Forts de toutes ces précisions, nos collègues seraient bien inspirés de retirer leurs amendements.
M. le président. Monsieur Badré, l'amendement n° II-108 est-il maintenu ?
M. Denis Badré. La commission a jugé raisonnable notre préoccupation. Cela étant, les explications de M. le ministre m'ont largement convaincu. Je lui fais confiance pour demander à ses services de pratiquer une modération de bon aloi dans une matière qui peut tout de même poser problème à certaines entreprises.
M. le président. L'amendement n° II-108 est retiré.
Monsieur Marest, l'amendement n° II-136 rectifié est-il maintenu ?
M. Max Marest. Comme M. Badré, j'ai pris bonne note des instructions de modération que M. le ministre ne manquera pas de donner à ses services, et je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° II-136 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° II-161 est présenté par M. Paul Girod.
L'amendement n° II-176 est présenté par MM. Braun et Grignon.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« I. - Insérer à la fin du C du I de cet article trois paragraphes ainsi rédigés :
« ... - Au premier alinéa du h du II, les mots : "les entreprises industrielles du secteur textile-habillement-cuir" sont remplacés par les mots : "les entreprises industrielles des secteurs textile-habillement-cuir et ameublement" ;
« ... - Au 1° du h du II, les mots : "stylistes et techniciens des bureaux de style" sont remplacés par les mots : "stylistes, designers et techniciens des bureaux de style et de design" ;
« ... - Au i du II les mots : "les entreprises industrielles du secteur textile-habillement-cuir à des stylistes ou bureaux de style" sont remplacés par les mots : "les entreprises industrielles des secteurs textile-habillement-cuir et ameublement à des stylistes, designers ou bureaux de style ou de design". »
« II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recette résultant pour l'Etat de l'extension du crédit d'impôt recherche aux entreprises de l'ameublement est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Ces amendements ne sont pas soutenus.
Je mets aux voix l'article 62, modifié.
(L'article 62 est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-deux heures.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2004, adopté par l'Assemblée nationale.
Dans la suite de la discussion des articles non rattachés de la deuxième partie, nous en sommes parvenus aux amendements tendant à insérer des articles additionnels après l'article 62.
Articles additionnels après l'article 62
M. le président. L'amendement n° II-96 rectifié, présenté par MM. Laffitte et Othily, est ainsi libellé :
« Après l'article 62, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le II de l'article 163 bis-G du code général des impôts, est inséré un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... Les sociétés qualifiées de jeunes entreprises innovantes visées à l'article 44 sexies-0 A peuvent attribuer aux membres de leur conseil de surveillance ou de leur conseil d'administration ou de leurs organes de direction, dans le cas des sociétés par actions simplifiées, des bons de souscription de parts de créateur d'entreprise dans les conditions du II, les dispositions des 2 et 3 du II n'étant toutefois pas applicables dans ce cas. »
La parole est à M. Pierre Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Cet amendement est le complément de certaines dispositions prévues par l'article 6 du projet de loi de finances pour 2004, dont j'ai déjà évoqué l'importance fondamentale puisqu'elles consistaient à créer les jeunes entreprises innovantes.
Il s'agit d'inciter des scientifiques et des dirigeants industriels expérimentés à entrer dans les instances de gouvernance des jeunes entreprises innovantes, en leur proposant des participations dans l'entreprise.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission est favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Le dispositif proposé par Pierre Laffitte dénaturerait le dispositif fiscal en lui faisant perdre beaucoup de sa pertinence.
Je rappelle que l'attribution des bons de souscription par une société éligible est réservée aux salariés et aux dirigeants qui sont soumis au régime fiscal des salariés. Il s'agit en effet d'intéresser au développement de l'entreprise les seuls acteurs qui participent activement et étroitement à la valorisation de ces titres.
Sans méconnaître le rôle et l'importance des administrateurs et des membres du conseil de surveillance, le Gouvernement considère que leur implication dans la gestion de l'entreprise n'est pas comparable à celle des salariés ou des dirigeants salariés. Dès lors, il est justifié que seuls ces derniers aient accès aux bons de souscription.
Cette explication, je l'espère, vous aura montré, monsieur le sénateur, à la fois la bonne volonté du Gouvernement et la limite à ne pas dépasser, sauf à dénaturer le principe même du dispositif ; je sollicite donc de votre part le retrait de cet amendement. A défaut, je demanderai au Sénat de bien vouloir le rejeter.
M. le président. Monsieur Laffitte, l'amendement est-il maintenu ?
M. Pierre Laffitte. Je n'ai pas la moindre intention de dénaturer l'action du Gouvernement dans ce domaine puisque je la trouve excellente. Je regrette simplement qu'on se limite à cela, car cette incitation aurait tout de même eu quelque intérêt. Néanmoins, compte tenu de la demande de M. le ministre et malgré l'avis favorable de la commission, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° II-96 rectifié est retiré.
L'amendement n° II-99, présenté par M. Laffitte, est ainsi libellé :
« Après l'article 62, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« A. - Le premier alinéa du I de l'article 199 terdecies-0 A du code général des impôts est complété par les mots : "et égale à 12,5 % des souscriptions en numéraire au capital initial ou aux augmentations de capital de sociétés cotées sur le nouveau marché."
« B. - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant du paragraphe A sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Pierre Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Cet amendement est motivé par une comparaison avec la Grande-Bretagne où, pour le marché des petites capitalisations, l'épargne investie dans le marché bénéficie d'avantages fiscaux. Je conçois toutefois cet amendement comme un amendement d'appel.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission souhaiterait connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Je rappelle que le dispositif dit « Madelin », qui a été mis en place en 1994, a pour objectif de drainer l'épargne de proximité vers les fonds propres des PME. Or vous conviendrez avec le Gouvernement, cher Pierre Laffitte, que son extension à des sociétés qui ont accès aux marchés financiers ne correspondrait pas à l'esprit initial du dispositif, étant précisé au demeurant qu'il n'est pas possible d'en réserver les bénéfices au marché français.
Cela étant, la relance du nouveau marché passe probablement par d'autres voies que la création d'une nouvelle niche fiscale.
Tout en ayant bien compris vos préoccupations, je souhaite que ces explications vous convainquent de retirer votre amendement, faute de quoi je serai contraint d'émettre à son sujet un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Laffitte, l'amendement est-il maintenu ?
M. Pierre Laffitte. J'ai tout de suite précisé qu'il s'agissait d'un amendement d'appel visant à attirer l'attention sur un point qui me paraît fondamental, car le dynamisme des nouveaux marchés conditionne très fortement les apports de liquidités des capitaux-risqueurs et, par conséquent, la santé du système de l'innovation dans son ensemble.
Cela étant, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° II-99 est retiré.
L'amendement n° II-100, présenté par M. Laffitte, est ainsi libellé :
« Après l'article 62, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 80 B du livre des procédures fiscales est complété par un 4° ainsi rédigé :
« 4° Lorsque l'administration n'a pas répondu de manière motivée dans un délai de deux mois à un contribuable de bonne foi qui a demandé, à partir d'une présentation écrite précise et complète de la situation de fait, si son entreprise constitue une jeune entreprise innovante au sens de l'article 44 sexies-0 A du code général des impôts. Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application du présent alinéa concernant les documents et informations qui doivent être fournis. »
La parole est à M. Pierre Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Cet amendement a pour objet d'étendre la procédure de « rescrit fiscal » pour apporter aux entreprises une plus grande sécurité juridique en s'assurant qu'elles remplissent les critères de la jeune entreprises innovante.
Ce mécanisme ne peut être efficace que si une réponse est apportée dans un bref délai. A cette fin, il est proposé d'encadrer la procédure de rescrit applicable aux jeunes entreprises innovantes.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pierre Laffitte souhaite une réduction à deux mois du délai de six mois prévu par l'article 6 du présent projet de loi de finances. S'il acceptait de rectifier son amendement pour adopter une durée intermédiaire de quatre mois, la commission s'en remettrait à la sagesse du Sénat.
M. le président. Monsieur Laffitte, acceptez-vous de rectifier votre amendement en ce sens ?
M. Pierre Laffitte. Bien volontiers !
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement, n° II-100 rectifié, présenté par M. Laffitte, et ainsi libellé :
« Après l'article 62, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 80 B du livre des procédures fiscales est complété par un 4° ainsi rédigé :
« 4° Lorsque l'administration n'a pas répondu de manière motivée dans un délai de quatre mois à un contribuable de bonne foi qui a demandé, à partir d'une présentation écrite précise et complète de la situation de fait, si son entreprise constitue une jeune entreprise innovante au sens de l'article 44 sexies-0 A du code général des impôts. Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application du présent 4° concernant les documents et informations qui doivent être fournis. »
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Le 5° de l'article 6 du projet de loi de finances que le Sénat a adopté en des termes identiques à ceux qui ont été votés par l'Assemblée nationale donne déjà la possibilité aux entrepreneurs de s'assurer auprès de l'administration qu'ils remplissent les conditions requises pour bénéficier des avantages fiscaux prévus en faveur des jeunes entreprises innovantes.
Sur le fond, le texte que vous proposez, monsieur Laffitte, ne diffère pas de celui qui a été adopté, sauf sur la durée du délai au terme duquel le silence de l'administration vaut accord. Vous souhaiteriez que ce délai soit réduit de six mois à deux mois ou, désormais, à quatre mois puisque vous venez de rectifier votre amendement. Le délai de deux mois n'était de toute façon pas suffisant pour permettre à l'administration de se prononcer en connaissance de cause, d'autant que les services fiscaux doivent se rapprocher des services de la recherche et que l'avis de l'administration fiscale vaut également pour les exonérations sociales.
Cela étant, le Gouvernement souhaite oeuvrer de manière positive avec vous. Je souhaite que cette voie fiscale puisse prospérer. Faisons donc en sorte de ne pas l'enfermer dans des délais qui nuiraient à sa réputation. M. le rapporteur général vient de vous inviter à porter le délai à quatre mois, mais, si cette voie assortie d'un délai de quatre mois s'avère ne pas être de nature à favoriser un examen aussi complet que nous pouvons le souhaiter, la Haute Assemblée aura une part de responsabilité dans la critique que le dispositif lui-même pourrait encourir.
Pour que vous ne doutiez pas de ma très bonne volonté, je m'en remets à la sagesse du Sénat, mais je vous demande de prendre en considération le fait qu'il s'agit là de voies fiscales modernes et prometteuses qu'il ne faut pas trop déformer dès le départ, car nous risquerions de leur faire perdre beaucoup de leurs effets.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-100 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 62.
L'amendement n° II-97, présenté par M. Laffitte, est ainsi libellé :
« Après l'article 62, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« A titre expérimental et pour une période ne pouvant excéder trois ans, le contrôle des dépenses engagées par les établissements publics à caractère scientifique et technologique est effectué a posteriori.
« Le contrôleur d'Etat de ces établissements participe à toute réunion stratégique de leur direction comportant engagements de dépenses. »
La parole est à M. Pierre Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Je vous prie d'excuser cette kyrielle d'amendements, mes chers collègues, mais M. le président de la commission a bien voulu y voir tout à l'heure une preuve d'imagination et d'innovation...
Cet amendement n° II-97 vise à proposer de substituer, à titre expérimental, un contrôle a posteriori au contrôle a priori, en renforçant d'ailleurs le rôle du contrôleur d'Etat auprès des établissements publics de recherche à caractère scientifique et technologique.
La participation du contrôleur d'Etat aux réunions de direction permettrait, à mon sens, de mieux encadrer les responsabilités des directeurs d'établissement, alors que le contrôle d'Etat, pour toute une série de raisons, est actuellement relativement inefficace et conduit de plus à déresponsabiliser d'une certaine façon le responsable d'un projet dans le cadre d'un budget fixé. Le principe de subsidiarité conduirait au contraire à déléguer l'ordonnancement des dépenses à ce même responsable, qui est tout de même le meilleur juge de son opportunité.
Je rappelle que la mesure est proposée à titre expérimental. J'ajoute que le contrôle a posteriori renforcé implique une bonne connaissance des objectifs stratégiques, et donc la participation du contrôleur d'Etat à l'évaluation des stratégies.
Les avantages de la mesure seront considérables, car les milieux scientifiques, qui estiment être trop absorbés par des tâches diminuant leur productivité, pourront en être déchargés, ce qui sera une source d'amélioration du fonctionnement de l'Etat.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission souhaite entendre le Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Le contrôle des dépenses engagées ne représente qu'une contrainte faible sur la gestion des établissements, puisque le contrôleur financier ne vise qu'un nombre limité d'actes, essentiellement les mesures de personnel et les marchés publics.
La mise en oeuvre du nouveau cadre budgétaire et comptable des EPST, les établissements publics de recherche à caractère scientifique et technologique, permettra aux établissements de recherche de bénéficier, à compter de 2005, d'un cadre budgétaire et comptable rénové, qui va leur garantir une souplesse accrue dans leur fonctionnement, notamment grâce à une fongibilité très large de leurs crédits.
Dans ce nouveau cadre, un assouplissement du contrôle financier pourrait être envisagé, à la condition toutefois que les établissements disposent d'instruments de suivi et de comptes rendus fiables, qui sont la contrepartie nécessaire de leur responsabilisation.
Je peux prendre l'engagement auprès de Pierre Laffitte de rester attentif à la mise en oeuvre du dispositif, quitte à ce que l'on introduise le moment venu, si nécessaire, une souplesse supplémentaire mais je pense que, au stade où nous sommes, il n'est pas possible de le faire.
C'est la raison pour laquelle je sollicite le retrait de l'amendement tout en comprenant l'objectif.
L'expérience devrait nous permettre de déterminer ce qui pourrait être utilement ajusté, mais, en l'état actuel des choses, je ne crois pas que l'on puisse aller plus loin.
M. le président. Monsieur Laffitte, l'amendement est-il maintenu ?
M. Pierre Laffitte. Monsieur le ministre, je comprends, d'après votre argumentation, que vous partagez mon point de vue puisque vous évoquez la possibilité d'une évolution et d'une diminution des contraintes de fonctionnement des établissements publics concernés.
Je rappelle d'ailleurs à cette occasion que les EPIC, les établissements publics à caractère industriel ou commercial, ne sont pas soumis à un contrôle financier a priori. Or, de façon générale, je ne crois pas qu'il y ait des errements inadmissibles dans leur gestion. Mais il est en effet probablement nécessaire de donner à l'évolution le temps de se faire, et, compte tenu des explications données par M. le ministre, je retire l'amendement.
M. le président. L'amendement n° II-97 est retiré.
L'amendement n° II-98, présenté par M. Laffitte, est ainsi libellé :
« Après l'article 62, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« La validité du label de l'Agence nationale de valorisation de la recherche est attribuée pour une durée de cinq ans pour les sociétés innovantes qui poursuivent une activité de recherche. »
La parole est à M. Pierre Laffitte.
M. Pierre Laffitte. C'est souvent après trois ans que les sociétés ont besoin de faire appel à un nouveau tour de financement. La durée actuelle du label de l'ANVAR, l'Agence nationale de valorisation de la recherche, qui est de trois ans, est donc trop courte. L'objet de cet amendement est de la porter à cinq ans, mesure qui n'a aucune incidence fiscale.
M. le président. Quel est donc l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission souhaiterait connaître l'opinion du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Le Gouvernement souscrit à l'objectif, qui anime le Sénat et l'auteur de l'amendement en particulier, d'améliorer les conditions de financement de l'innovation. C'est d'ailleurs tout l'objet des FCPI, les fonds communs de placement dans l'innovation, qui sont des véhicules d'investissements intermédiés orientés vers l'innovation et qui répondent à une logique d'appel public à l'épargne pour le financement d'entreprises innovantes. Mais l'octroi d'une réduction d'impôt à la souscription d'un FCPI pour les investisseurs est justifié par le risque encouru.
Votre proposition, qui vise à porter à cinq ans la durée de validité du label de l'ANVAR, ne peut pas être acceptée par le Gouvernement, monsieur Laffitte. En effet, elle diminuerait le risque encouru par les souscripteurs en permettant de retenir dans le quota d'investissement de 60 % du FCPI des sociétés plus matures. Dès lors, elle ne justifierait plus une réduction d'impôt aussi importante pour les souscripteurs.
Elle créerait de plus un effet d'éviction pour les autres entreprises innovantes, plus jeunes, susceptibles de bénéficier du financement des FCPI.
Le Gouvernement a cependant comme vous la volonté de drainer les capitaux vers les entreprises innovantes, raison pour laquelle il vous a proposé, à l'article 6 du projet de loi de finances, un statut fiscal très avantageux en faveur des jeunes entreprises innovantes et, à l'article 62, un renforcement du crédit d'impôt recherche.
Enfin, il proposera au Sénat, à l'article 64, d'adopter un statut spécifique pour les business angels.
Nous partageons donc les mêmes objectifs, mais je crois qu'on ne peut pas multiplier les outils. Ils sont déjà nombreux dans cette loi de finances, ce qui devrait vous amener à considérer que nous faisons déjà beaucoup et à accepter de retirer votre amendement.
M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur Laffitte ?
M. Pierre Laffitte. Je ne comprends pas très bien le lien entre la durée du label de l'ANVAR et les obligations des FCPI, qui correspondent à un investissement de leurs parts dans des sociétés innovantes dans un délai fixé. Cela n'a pas de rapport avec la durée du label de l'ANVAR, qui est souvent jugé indispensable par les capitaux-risqueurs quelle que soit leur nature, et pas uniquement par les sociétés.
Je ne veux pas risquer un avis défavorable du Gouvernement et je retire l'amendement, mais je souhaiterais que la question soit étudiée par vos services, monsieur le ministre, car il me semble qu'il y a là une certaine confusion.
M. le président. L'amendement n° II-98 est retiré.
I. - Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L'article 220 sexies ainsi rédigé :
« Art. 220 sexies. - I. - Les entreprises de production cinématographique soumises à l'impôt sur les sociétés qui assument les fonctions d'entreprises de production déléguées peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de production mentionnées au III correspondant à des opérations effectuées en France en vue de la réalisation d'oeuvres cinématographiques de longue durée agréées et pouvant bénéficier du soutien financier de l'industrie cinématographique prévu à l'article 57 de la loi de finances pour 1996 (n° 95-1346 du 30 décembre 1995).
« II. - Les oeuvres cinématographiques mentionnées au I doivent être réalisées dans les conditions suivantes :
« 1° Les oeuvres cinématographiques de fiction ainsi que les oeuvres cinématographiques documentaires doivent être réalisées avec le concours :
« a) De techniciens collaborateurs de création ainsi que d'ouvriers de la production qui sont soit de nationalité française, soit ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne, d'un Etat partie à la convention européenne sur la télévision transfrontière du Conseil de l'Europe ou d'un Etat tiers européen avec lequel la Communauté européenne a conclu des accords ayant trait au secteur audiovisuel, et pour lesquels les cotisations sociales sont acquittées auprès des organismes régis par le code de la sécurité sociale. Les étrangers, autres que les ressortissants européens précités, ayant la qualité de résidents français, sont assimilés aux citoyens français ;
« b) D'industries techniques de la cinématographie qui sont établies en France et qui y effectuent personnellement les prestations liées au tournage ainsi que les prestations de post-production. Ces industries techniques doivent être titulaires de l'autorisation prévue à l'article 14 du code de l'industrie cinématographique lorsque celle-ci est obligatoire ;
« 2° Les oeuvres cinématographiques d'animation doivent être réalisées avec le concours :
« a) De techniciens collaborateurs de création ainsi que de collaborateurs chargés de la préparation et de la fabrication de l'animation qui sont soit de nationalité française, soit ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne, d'un Etat partie à la convention européenne sur la télévision transfrontière du Conseil de l'Europe ou d'un Etat tiers européen avec lequel la Communauté européenne a conclu des accords ayant trait au secteur audiovisuel, et pour lesquels les cotisations sociales sont acquittées auprès des organismes régis par le code de la sécurité sociale. Les étrangers, autres que les ressortissants européens précités, ayant la qualité de résidents français, sont assimilés aux citoyens français ;
« b) De prestataires spécialisés dans les travaux de préparation et de fabrication de l'animation qui sont établis en France et qui effectuent personnellement ces travaux ;
« c) D'industries techniques de la cinématographie qui sont établies en France et qui effectuent personnellement les prestations de post-production. Ces industries techniques doivent être titulaires de l'autorisation prévue à l'article 14 du code de l'industrie cinématographique lorsque celle-ci est obligatoire ;
« 3° Le respect des conditions prévues au 1° et au 2° est apprécié au moyen d'un barème de points attribués aux personnels et aux prestations mentionnés aux a et b du 1° et aux a, b et c du 2° répartis en groupes de professions et d'activités. Ce barème est fixé par décret.
« III. - A. - Le crédit d'impôt, calculé au titre de chaque exercice, est égal à 20 % du montant total des dépenses suivantes correspondant à des opérations effectuées en France :
« 1° Pour les oeuvres cinématographiques de fiction ainsi que pour les oeuvres cinématographiques documentaires :
« a) Les salaires et charges sociales afférents aux techniciens et ouvriers de la production cinématographique engagés par l'entreprise de production et pour lesquels les cotisations sociales sont acquittées auprès des organismes régis par le code de la sécurité sociale ;
« b) Les dépenses liées à l'utilisation de studios de prises de vues, y compris la construction de décors, d'effets spéciaux de tournage, ainsi que les dépenses de costumes, de coiffure et de maquillage ;
« c) Les dépenses de matériels techniques nécessaires au tournage ;
« d) Les dépenses de post-production, y compris les effets spéciaux ;
« e) Les dépenses de pellicules et autres supports d'images et les dépenses de laboratoires ;
« 2° Pour les oeuvres cinématographiques d'animation :
« a) Les salaires et charges sociales afférents aux techniciens de la production cinématographique et aux collaborateurs chargés de la préparation et de la fabrication de l'animation engagés par l'entreprise de production et pour lesquels les cotisations sociales sont acquittées auprès des organismes régis par le code de la sécurité sociale ;
« b) Les dépenses liées au recours à des prestataires spécialisés dans les travaux de préparation et de fabrication de l'animation ;
« c) Les dépenses de matériels techniques nécessaires à la mise en images ;
« d) Les dépenses de post-production, y compris les effets spéciaux ;
« e) Les dépenses de pellicules et autres supports d'images et les dépenses de laboratoires.
« B. - Pour les dépenses correspondant aux prestations mentionnées au A, les prestataires auxquels fait appel l'entreprise de production doivent être établis en France et y effectuer personnellement ces prestations.
« C. - Les dépenses ouvrent droit au crédit d'impôt à compter de la délivrance par le directeur général du Centre national de la cinématographie d'un agrément à titre provisoire attestant que l'oeuvre cinématographique remplira les conditions prévues au II. Cet agrément est délivré sur la base de pièces justificatives, comprenant notamment un devis détaillé des dépenses de production individualisant les dépenses prévues en France ainsi que la liste nominative des salariés, industries techniques et prestataires spécialisés, précisant leur nationalité. Pour les salariés mentionnés au a du 1° et au a du 2° du II, l'entreprise de production doit également fournir copie de la déclaration prévue à l'article L. 320 du code du travail et du document en accusant réception par l'organisme destinataire.
« IV. - Les subventions publiques non remboursables reçues par les entreprises et directement affectées aux dépenses visées au III sont déduites des bases de calcul du crédit d'impôt.
« V. - La somme des crédits d'impôt calculés au titre d'une même oeuvre cinématographique ne peut excéder 500 000 EUR pour une oeuvre cinématographique de fiction ou une oeuvre cinématographique documentaire et 750 000 EUR pour une oeuvre cinématographique d'animation.
« En cas de coproduction déléguée, le crédit d'impôt est accordé à chacune des entreprises de production, proportionnellement à sa part dans les dépenses exposées. » ;
2° Après l'article 220 E, il est inséré un article 220 F ainsi rédigé :
« Art. 220 F. - Le crédit d'impôt défini à l'article 200 sexies est imputé sur l'impôt sur les sociétés dû par l'entreprise au titre de l'exercice au cours duquel les dépenses définies au III de l'article précité ont été exposées. Si le montant du crédit d'impôt excède l'impôt dû au titre dudit exercice, l'excédent est restitué.
« La part du crédit d'impôt obtenu au titre de dépenses relatives à des oeuvres cinématographiques n'ayant pas reçu, dans un délai maximum de huit mois à compter de la délivrance du visa d'exploitation, l'agrément à titre définitif du directeur général du Centre national de la cinématographie attestant que l'oeuvre cinématographique a rempli les conditions visées au II de l'article 220 sexies fait l'objet d'un reversement. Cet agrément est délivré sur la base de pièces justificatives, comprenant notamment un document comptable certifié par un expert comptable indiquant le coût définitif de l'oeuvre, les moyens de son financement et faisant apparaître précisément les dépenses engagées en France, ainsi que la liste nominative définitive des salariés, industries techniques et prestataires spécialisés, précisant leur nationalité. Pour les salariés mentionnés au a du 1° et au a du 2° du II de l'article 220 sexies, l'entreprise de production doit également fournir copie des bordereaux récapitulatifs des cotisations mentionnés à l'article L. 244-3 du code de la sécurité sociale et de la déclaration annuelle des données sociales visée à l'article 87.
« Il en est de même de la part du crédit d'impôt obtenu au titre de dépenses relatives à des oeuvres cinématographiques n'ayant pas reçu de visa d'exploitation dans les deux ans qui suivent la clôture de l'exercice au titre duquel le crédit d'impôt a été obtenu. » ;
3° Le 1 de l'article 223 O est complété par un g ainsi rédigé :
« g. Des crédits d'impôt dégagés par chaque société du groupe en application de l'article 220 sexies ; les dispositions de l'article 220 F s'appliquent à la somme de ces crédits d'impôts. »
II. - Un décret fixe les conditions d'application du I et notamment les obligations déclaratives incombant aux entreprises concernées.
III. - Ces dispositions du I s'appliquent aux dépenses exposées pour la production d'oeuvres cinématographiques dont les prises de vues commencent à compter du 1er janvier 2004.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, sur l'article.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Cet article 62 bis institue un crédit d'impôt en faveur du cinéma afin d'encourager les réalisateurs à tourner les films sur le territoire national.
L'inspiration est certainement judicieuse, mais cet article doit nous inciter à faire, si j'ose ainsi m'exprimer, un examen de conscience fiscale.
Je me demande parfois si le législateur n'est pas parfois sujet à une sorte de schizophrénie dont le crédit d'impôt en faveur du cinéma serait un symptôme.
Dans le même projet de loi de finances, d'un côté on instaure un nouvel avantage fiscal en faveur du cinéma, secteur certes important mais dont on peut dire qu'il bénéficie déjà de régimes fiscaux dérogatoires, de l'autre, à la suite, notamment, du rapport du Conseil des impôts, on proclame une nette volonté de limiter l'importance et le nombre des niches fiscales ou, à tout le moins, de mieux en apprécier l'impact.
Tel est l'objet de l'article 71 bis, introduit par les députés sur l'initiative de leur commission des finances, soucieuse donc de limiter le nombre et l'importance des niches fiscales et qui s'est inquiétée de l'impact des dispositions que le Parlement adopte, parmi lesquelles les dispositions de la loi relative au mécénat du 1er août 2003.
Le dispositif qui nous est proposé se défend tout à fait, et je ne suis pas là pour le contester. Dans son commentaire, M. le rapporteur général justifie amplement la nécessité d'une mesure de ce type, compte tenu des difficultés que rencontrent les industries techniques du cinéma. On pourrait y ajouter les difficultés que connaît l'audiovisuel. En effet, chacun a présent à l'esprit le triste fait divers de Vilnius, au début du mois d'août. Le président de la commission des finances a d'autant moins de raisons de trouver à redire à ce dispositif que ce dernier faisait partie des propositions du rapport d'information de nos collègues Yann Gaillard et Paul Loridant, intitulé Revoir la règle du jeu, dans lequel ils s'efforçaient d'évaluer l'efficacité des aides publiques au cinéma.
Pourtant, je m'interroge. S'agissant du fond, je ne peux qu'être sensible, bien sûr, à l'idée qui consiste à mettre en place un crédit d'impôt destiné à aider à la localisation sur le territoire français d'activités qui ont tendance à être délocalisées, en raison de coûts élevés et de l'existence de phénomènes de concurrence fiscale. En effet, nos partenaires considèrent moins le cinéma comme un produit culturel qu'il convient d'encourager, pour des raisons de prestige et de rayonnement culturel, que comme une activité industrielle créatrice d'emplois et de richesses.
Mon propos a trait à la méthode : dans quelle mesure est-il légitime de créer un nouvel avantage fiscal sans s'être interrogé sur l'efficacité des mesures existantes ? La moindre des choses serait, en effet, de se demander s'il est légitime de cumuler cette nouvelle niche avec celle que constitue déjà le système des SOFICA, les sociétés de financement de l'industrie cinématographique et de l'audiovisuel, dont l'efficacité a été mise en cause par plusieurs rapports administratifs, même si le dernier d'entre eux, celui du conseiller d'Etat M. Jean-Pierre Leclerc, préconisait la rénovation de ce dispositif.
En définitive, je voudrais simplement signaler que l'on ne pouvait ajouter à la dépense fiscale des SOFICA, évaluée par le fascicule des voies et moyens à 20 millions d'euros, une nouvelle dépense fiscale de l'ordre de 20 à 30 millions d'euros sans se poser la question de la remise à plat de l'ensemble de notre système d'aides, y compris, le cas échéant, celui des aides directes attribuées par le compte de soutien aux industries cinématographiques, sur l'efficacité duquel nos deux collègues Yann Gaillard et Paul Loridant se sont interrogés.
Cette mesure antidélocalisation nous fait mesurer le caractère presque pathétique de ces phénomènes. Ce soir, nous avons eu une discussion sur le crédit d'impôt-recherche appliqué à la confection, aux industries textiles. S'agissant des industries du meuble, un amendement avait été préparé, que nous n'avons pas examiné.
Monsieur le ministre, il faudra, je crois, aller loin dans la redéfinition des politiques économiques, mais aussi sans doute des politiques sociales, pour essayer de contenir ces phénomènes de délocalisation qui aujourd'hui s'accélèrent.
Je comprends bien que le cinéma mérite un sort particulier. Cependant ayons un instant à l'esprit la situation mais aussi l'inquiétude et l'angoisse d'hommes et de femmes qui participent à d'autres activités économiques et qui se trouvent aujourd'hui menacés par la concurrence internationale, par les mesures que prennent d'autres Etats et qui, d'une certaine façon, mettent en péril la cohésion sociale et sans doute le retour de la croissance.
Voilà les deux observations que je souhaitais faire à l'occasion de l'introduction, dans le code général des impôts, d'un nouveau dispositif, sans doute utile mais qui ne va pas totalement dans le sens de la simplification et à propos duquel il y a, me semble-t-il, matière à réfléchir s'agissant de l'efficacité de l'ensemble des mesures que la puissance publique met à la disposition du cinéma et de l'audiovisuel.
M. le président. Sur l'article 62 bis, je suis saisi de deux amendements.
L'amendement n° II-55, présenté par M. Gaillard, est ainsi libellé :
« I. - Dans le 1° du II du texte proposé par le 1° du I de cet article pour l'article 220 sexies du code général des impôts, après le mot : "réalisées", insérer le mot : "essentiellement".
« II. - Dans le 2° du II du même texte, après le mot : "réalisées", insérer le mot : "principalement". »
L'amendement n° II-54 rectifié, également présenté par M. Gaillard, est ainsi libellé :
« Après le premier alinéa du texte proposé par le 2° du I de cet article pour l'article 220 F du code général des impôts, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L'excédent de crédit d'impôt constitue au profit de l'entreprise une créance sur l'Etat d'un montant égal. Cette créance est inaliénable et incessible, sauf dans les conditions prévues par les articles L. 313-23 à L. 313-35 du code monétaire et financier. »
La parole est à M. Yann Gaillard, pour présenter ces deux amendements.
M. Yann Gaillard. Je ne m'attendais pas à cette sortie du président de la commission des finances en prélude à deux amendements, d'ailleurs très chétifs et très techniques, qui ne sont absolument pas à la mesure de son propos aussi éclairé.
Puisqu'il m'a tendu la perche, je vais, à mon tour, faire un peu de schizophrénie, car nous sommes tous un peu schizophrènes. (Sourires.) Il est vrai que l'on commence à s'interroger sur l'efficacité profonde de notre système d'aides au cinéma. Je rappelle, à cet égard, l'ouvrage extraordinairement remuant et provocateur de notre ancien collègue, éminent secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences morales et politiques, Jean Cluzel, Propos impertinents sur le cinéma français, qu'il a d'ailleurs présenté dans la salle René-Coty. Décidément, on ne quitte pas véritablement la niche sénatoriale, si je puis dire ! (Sourires.) M. Paul Loridant et moi avons initié un peu cette idée du crédit d'impôt, non pas pour le cinéma dans son ensemble, mais pour les industries techniques de tournage, dont la situation actuelle est effectivement très difficile.
J'en viens aux amendements, qui sont mineurs.
L'amendement n° II-55 tend, par l'insertion des adverbes « essentiellement » et « principalement », à donner un peu de mou à la production cinématographique s'agissant du choix des prestataires. Il est vrai que, quand on tourne un film, certaines spécialités peuvent ne pas exister sur le sol français.
Quant à l'amendement n° II-54 rectifié, il vise à permettre aux bénéficiaires du crédit d'impôt-cinéma de s'aligner sur le régime du crédit d'impôt-recherche - vous le constatez, nous sommes de plus en plus schizophrènes ! (Sourires) - en les autorisant à céder la créance représentée par un excédent de crédit d'impôt conformément aux dispositions du code monétaire et financier, lorsqu'ils n'ont pas pu imputer la totalité de ce trop généreux crédit d'impôt.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je ne sais pas si ces amendements sont chétifs. Sans doute sont-ils techniques. En tout cas, la commission considère que ces propositions sont réalistes et utiles. C'est pourquoi elle émet un avis favorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Comme M. Yann Gaillard, le Gouvernement a entendu les paroles de M. le président de la commision des finances et continue de les méditer ; il n'est pas sûr de pouvoir être à la hauteur de la portée que celui-ci leur a donnée.
Monsieur le président de la commission des finances, je n'ai pas de conseils à vous donner mais, puisque j'ai eu la chance et l'honneur d'exercer vos fonctions, permettez-moi de vous dire que c'est votre rôle de rappeler en permanence à tous les Français que, lorsque le Gouvernement est amené à prévoir des dispositifs particuliers d'aide dans un domaine, cela signifie purement et simplement que nos prélèvements fiscaux et sociaux ont atteint un niveau beaucoup trop élevé.
Si nous voulons maintenir l'activité économique et l'emploi dans notre pays, il faut avoir des niveaux de prélèvements moins élevés et, pour ce faire, il faut dépenser moins, encore dépenser moins, toujours dépenser moins. Il faudrait copier cette phrase cent fois chaque matin pour nous en souvenir et ne jamais proposer un euro de dépenses supplémentaires. Si nous tenions à l'euro près les budgets de tous nos comptes publics pendant dix ans, nous aurions guéri la France de la maladie dont elle souffre, c'est-à-dire son excès de dépenses. Puisque vous nous avez invités à la méditation, monsieur le président de la commission des finances, j'en resterai là.
J'en viens aux amendements présentés par M. Gaillard. Je ne sais pas s'ils sont chétifs ou non. En tout cas, ils ont le mérite de la précision.
L'amendement n° II-55 vise à ne pas priver du dispositif des oeuvres cinématographiques pour lesquelles certaines dépenses ne peuvent pas être exposées en France. Ces dépenses doivent bien sûr rester accessoires, mais c'est, je crois, l'esprit qui a animé M. Gaillard. La circonstance pour laquelle elles ne sont pas exposées en France doit être justifiée par des raisons de force majeure ou par des nécessités artistiques. Cela étant dit, le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
Quant à l'amendement n° II-54 rectifié, il a pour objet de conférer de la souplesse aux conditions d'utilisation du crédit d'impôt-cinéma. Le Gouvernement émet également un avis favorable sur cet amendement.
M. Roland du Luart. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jack Ralite, pour explication de vote sur l'amendement n° II-55.
M. Jack Ralite. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant de dire quelques mots sur l'amendement relatif au crédit d'impôt, je voudrais donner mon sentiment sur l'intervention de M. le président de la commission des finances.
Bien évidemment, il faut toujours examiner les choses avec sérieux et équilibre. Mais il reste que la situation du cinéma français est actuellement préoccupante. La concurrence des Etats-Unis est de plus en plus forte : ce pays, qui se dit non protectionniste, pratique, dans ce domaine, la politique la plus protectionniste et cachée qui soit. Sur le plan du crédit d'impôt, nous sommes, malgré cette initiative, en deçà de nos pays amis de l'Europe. Et la France subit, s'agissant du financement du cinéma, les conséquences de l'affaire Messier, avec l'ébranlement du financement essentiel qui était celui de Canal Plus. Si on retenait la proposition du président de la commission des finances, on abîmerait, je le crains, l'actuelle situation du cinéma français, et on porterait atteinte, pour reprendre une expression que l'on entend souvent à l'heure actuelle, au « coeur du métier » de la culture et de la création d'image dans un pays comme le nôtre.
J'ai lu les propos de M. Cluzel, et dernièrement, je l'ai entendu à la radio. Certes, il a évoqué la nécessité de faire des économies, mais sur l'aide sélective, c'est-à-dire sur l'aide au cinéma d'auteur, dimension que la France s'est toujours honorée d'assumer dans le domaine de la création, c'est-à-dire l'auteur, la dimension culturelle, sans ignorer l'aspect industriel mais en ne faisant pas ce dernier l'élément déterminant.
En ce qui me concerne, je suis pour ce crédit d'impôt. C'est une idée intéressante, une bonne chose pour les entreprises de production cinématographique qui travaillent en France. On sait en effet dans quelle situation elles se trouvent aujourd'hui, notamment avec les délocalisations. En 2002, 18 % de tournages supplémentaires ont eu lieu à l'étranger. Au surplus, la prise en compte de la spécificité du cinéma d'animation est aussi une innovation heureuse. « C'est une vraie bouffée d'oxygène pour rapatrier les savoir-faire en France », a commenté un professionnel.
Mais je tiens à faire un certain nombre de remarques. A mon avis, il aurait été sans doute opportun de conditionner l'octroi de crédits au respect de la dimension sociale du travail dans ces industries, en prenant en compte, par exemple, les conventions collectives ou le droit du travail. En effet, trop souvent, chez nous, les avantages fiscaux sont offerts sans la moindre garantie.
Je dis cela comme un principe qui devrait être intangible, mais, surtout, je pense que les entreprises de l'audiovisuel auraient dû pouvoir bénéficier de ce crédit d'impôt - quand on songe, par exemple, que les épisodes du Commissaire Maigret produits par le service public, sont tournés en République tchèque -, mais avec un droit de regard des pouvoirs publics sur les pratiques des employeurs de l'audiovisuel, notamment par rapport à l'intermittence, pour contribuer à régler la question des abus, qui touche particulièrement le monde de l'audiovisuel.
Le crédit d'impôt devra, quand cela sera fait - et le plus tôt, me semble-t-il, sera le mieux - venir à bout de l'intermittence au profit de la permanence. J'ajouterai qu'au Sénat s'est tenu récemment un colloque sur le cinéma d'animation. Outre ce qui y a été pris en compte, avait été évoquée, dans le cadre du crédit d'impôt, la prise en compte des auteurs. Cela n'a pas été fait. Ce point mérite sans doute réflexion. Mais il faudra y revenir un jour.
Enfin, il faut surtout que ce crédit d'impôt soit toujours considéré comme « en plus » par rapport à ce qui est et doit rester, à savoir le soutien aux oeuvres. Or, aujourd'hui, ce soutien me paraît entamé par diverses mesures. Par exemple, l'enveloppe du compte sélectif a été réduite de 11,3 %.
Par ailleurs, le ministère prépare une réforme du compte de soutien, ce qui, en soi, n'est pas anormal, car il existe depuis un certain nombre d'années et doit être adapté. Mais cette réforme pénalisera les programmes audiovisuels modestes par leur financement, ceux qui bénéficient d'un apport horaire d'une chaîne inférieur à 6 000 euros par heure. Ces programmes ne sont plus sûrs de toucher leur compte de soutien : ils devront d'abord tenter d'obtenir l'agrément de la commission sélective. Celle-ci va ainsi se trouver confrontée à une masse de travail considérable. Pourra-t-elle, sans renforcement, continuer de traiter correctement les dossiers qui lui seront soumis ? De toute façon, le Centre national du cinéma vient d'annoncer que la somme octroyée aux producteurs concernés sera soumise à un coefficient de 0,5, c'est-à-dire divisée par deux. Les producteurs de ces oeuvres faiblement capitalisées, qui sont souvent des producteurs en régions, seront donc soumis à ce que l'on pourrait appeler « une double peine ».
Je ne terminerai pas ce court propos, qui n'est pas étranger à l'intermittence, sans mentionner que, cet après-midi, j'ai participé à une manifestation de plusieurs milliers d'intermittents, dont certains sont venus des régions, sur l'initiative de très nombreuses organisations culturelles, manifestation qui est allée du Panthéon au ministère des affaires sociales. En outre, j'ai participé, ce matin, à l'Assemblée nationale, à une conférence de presse d'intermittents,...
M. Jean Bizet. Quel programme !
M. Jack Ralite. ... en présence de parlementaires des deux assemblées, afin de soutenir l'initiative qui a été prise d'envoyer un courrier à M. le Président de la République, pour lui demander de débloquer la situation actuelle.
M. Philippe Marini, rapporteur général. On est un peu en dehors du sujet !
M. Jack Ralite. Toutes les sensibilités étaient représentées : il y avait des parlementaires socialistes, Verts, communistes, UDF, et un parlementaire UMP a même exprimé sa solidarité par courrier. (Exclamations sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. Jean Chérioux. Des noms !
M. Jack Ralite. Selon moi, à quelques jours de Noël, ce crédit d'impôt, que nous allons voter, devrait être accompagné d'un geste démocratique du Gouvernement : la réouverture des négociations de l'accord du 26 juin, d'autant que nombre de solutions ont été proposées depuis lors, tant par la CGT que par les coordinations et les organisations culturelles, et qu'existe toujours l'accord FESAC qui avait été signé notamment par la CFDT et les employeurs et qui, de manière incompréhensible, a été laissé de côté. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-55.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-54 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 62 bis, modifié.
(L'article 62 bis est adopté.)
I. - Le code général des impôts est ainsi modifié :
A. - Au 2° du 1 de l'article 39, les mots : « y compris ceux qui auraient été différés au cours d'exercices antérieurs déficitaires, » sont supprimés.
B. - Le second alinéa de l'article 39 B est supprimé.
C. - L'article 209 est ainsi modifié :
1° Le troisième alinéa du I est ainsi modifié :
a) Dans la deuxième phrase, les mots : « successivement sur les exercices suivants jusqu'au cinquième exercice qui suit l'exercice déficitaire » sont remplacés par les mots : « sur les exercices suivants » ;
b) La dernière phrase est supprimée ;
2° Le quatrième alinéa du I est supprimé ;
3° Au premier alinéa du II, les mots : « dans la limite édictée » sont remplacés par les mots : « dans les conditions prévues » ;
4° Le III est abrogé ;
5° Le III bis est ainsi modifié :
a) Dans la deuxième phrase, les mots : « dans les conditions prévues aux I à III » sont remplacés par les mots : « dans les conditions prévues aux I et II » ;
b) La dernière phrase est supprimée.
D. - Dans le premier alinéa du I de l'article 220 quinquies, les mots : « des troisième et quatrième alinéas » sont remplacés deux fois par les mots : « du troisième alinéa ».
E. - Le second alinéa de l'article 223 C est ainsi rédigé :
« Le déficit d'ensemble est reporté dans les conditions prévues au troisième alinéa du I de l'article 209. »
F. - L'article 223 I est ainsi modifié :
1° Au a du 1, les mots : « y compris la fraction de ces déficits correspondant aux amortissements régulièrement comptabilisés mais réputés différés en période déficitaire, » sont supprimés ;
2° Au huitième alinéa du 6, les mots : « dans la limite édictée » sont remplacés par les mots : « dans les conditions prévues ».
G. - Au quatrième alinéa de l'article 223 S, les mots : « aux troisième et quatrième alinéas » sont remplacés par les mots : « au troisième alinéa ».
H. - Le troisième alinéa du II de l'article 236 est supprimé.
II. - Les dispositions du I s'appliquent aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2004. Le droit au report illimité des déficits prévu au 1° du C du I s'applique également aux déficits restant à reporter à la clôture de l'exercice précédent le premier exercice ouvert à compter du 1er janvier 2004.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° II-90 est présenté par MM. Miquel, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Haut, Lise, Marc, Massion, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste et rattachée.
L'amendement n° II-165 est présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° II-79, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« A. - Compléter le I de cet article par un I (i majuscule) ainsi rédigé :
« I (i majuscule). - Le I de l'article 156 est modifié comme suit :
« 1° Au premier alinéa et au 1°, le mot : "cinquième" est remplacé (deux fois) par le mot : "sixième" ;
« 2° Au premier alinéa du 1° bis, ainsi qu'aux 2°, 5° et 6°, le mot : "cinq" est remplacé (quatre fois) par le mot : "six".
« B. - En conséquence, remplacer la première phrase du II de cet article par deux phrases ainsi rédigées : "Les dispositions des A à H du I s'appliquent aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2004. Les dispositions du I (i majuscule) du I s'appliquent à compter de l'imposition des revenus de l'année 2004."
« C. - Pour compenser la perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions des A et B ci-dessus, compléter in fine cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« III. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'augmentation de cinq à six ans du délai de report des déficits au titre de l'impôt sur le revenu est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Claude Haut, pour présenter l'amendement n° II-90.
M. Claude Haut. Il s'agit d'un amendement de suppression de l'article.
Nous ne contestons pas le principe du report en avant des pertes des entreprises. C'est un concept utile à la bonne gestion de celles-ci.
Mais de là à étendre la possibilité actuelle de reporter les déficits sur cinq ans, alors même que le contexte budgétaire ne devrait pas permettre de multiplier les largesses, il y a un pas. Aussi, le pas qui est franchi en l'occurrence nous paraît vraiment excessif.
Quand les bornes sont franchies, il n'y a plus de limite ! Nous risquons donc de voir fleurir les provisionnements, ainsi que tout une panoplie de manoeuvres comptables destinées à diminuer l'imposition des entreprises !
Aussi le groupe socialiste vous demande-t-il, mes chers collègues, de voter son amendement de suppression.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour présenter l'amendement n° II-165.
M. Thierry Foucaud. L'article 63 du présent projet de loi de finances pourrait surprendre plus d'un contribuable s'il faisait l'objet d'une certaine publicité. Nous sommes en effet en présence d'un outil fiscal nouveau, dont la justification économique est pour le moins discutable et qui vise à transformer l'impôt sur les sociétés en compte à vue, en trésorerie disponible pour les entreprises.
Avec cet article, le Gouvernement ne fait que céder à l'une des plus anciennes revendications du patronat. Tout se passe comme si, sur ce point comme sur bien d'autres, dans le présent projet de loi de finances comme dans la loi relative à l'initiative économique, l'on mettait en pratique un principe : la liquidation programmée de l'impôt sur les sociétés par l'amoncellement de dispositifs dérogatoires ou incitatifs en dévitalisant sa raison d'être.
Nous avons à maintes reprises expliqué ces stratégies juridiques et comptables des plus sophistiquées, qui se fondent sur la réduction de la valeur ajoutée propre de chaque unité de production, sur la sous-traitance, sur l'externalisation et la délocalisation de tout ou partie du processus de production. Elles consacrent l'instrumentalisation de la fiscalité au profit de la stratégie des grands groupes et au détriment de la solidarité nationale, fondement même de l'impôt.
C'est sous le bénéfice de ces observations que je ne peux que vous inviter, mes chers collègues, à adopter cet amendement de suppression.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n° II-79 et pour donner l'avis de la commission sur les amendements identiques n°s II-90 et II-165.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mes chers collègues, nous abordons un domaine assez technique.
Il convient d'observer que la suppression du régime des amortissements réputés différés comporte des conséquences pour les petites entreprises, les entreprises individuelles assujetties à l'impôt sur le revenu. Nous voulons compenser ces conséquences, du moins les atténuer, en portant de cinq à six ans le délai de report des déficits.
Monsieur le ministre, l'Assemblée nationale a adopté un amendement d'objet équivalent dans le collectif budgétaire. Cependant, de façon quelque peu surprenante, cet amendement ne prendrait effet qu'à compter de l'imposition des revenus au titre de 2010, soit en 2011. Cela semble se justifier d'un point de vue technique, mais l'on m'accordera que cela échappe un peu au bon sens. Notre amendement, qui produit ses premiers effets en 2005, me semble donc préférable.
Quant aux amendements n°s II-90 et II-165, la commission y est défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Je m'adresserai d'abord aux auteurs des amendements n°s II-90 et II-165. Certaines entreprises, en particulier celles du secteur industriel, bénéficiaient déjà de cette faculté de report illimitée via le mécanisme des amortissements réputés différés, tandis que, dans le secteur des services, cette possibilité n'existait pas.
Les services, qui sont pourtant un secteur dont on espère qu'il se développera au cours des années à venir, étaient « handicapés » par une base d'amortissements réduite liée à des infrastructures amortissables beaucoup moins importantes.
J'ajoute que cette mesure, présentée de manière un peu diabolique, vise tout simplement à nous mettre sur un pied d'égalité avec nos voisins, en alignant la durée de report des déficits des entreprises sur celle qui est en vigueur chez nos principaux partenaires européens, tels le Royaume-Uni, les Pays-Bas et l'Allemagne. Voulons-nous continuer à être un pays qui chasse ceux qui entreprennent ? Il faut vraiment que nous acceptions de nous moderniser !
L'avis du Gouvernement est donc vraiment extrêmement défavorable sur ces deux amendements.
A propos de l'amendement n° II-79, je suis bien embarrassé, monsieur le rapporteur général.
Vous avez rappelé que l'Assemblée nationale avait adopté un amendement qui visait à compenser, pour les exploitants individuels, les effets potentiellement négatifs de la mesure qui consiste à supprimer la possibilité de reporter indéfiniment la fraction de déficit correspondant aux amortissements.
Votre proposition semble s'inscrire dans le prolongement de ce dispositif, en l'étendant cependant à des déficits qui ont déjà pu bénéficier dans le passé du régime applicable aux amortissements réputés différés. A cet égard, je précise que les amortissements réputés différés, les ARD, constitués jusqu'au 31 décembre 2003 continueront d'être imputables de manière illimitée sur des bénéfices ultérieurs de même nature.
Dans ces conditions, la proposition que vous faites, monsieur le rapporteur général, ne semble pas justifiée au regard des raisons qui ont conduit à allonger de cinq ans à six ans la durée du report des déficits.
Tel est l'état actuel de ma réflexion sur le sujet, monsieur le rapporteur général. Je ne souhaite pas que nous soyons en désaccord sur le fond, désaccord qui ne serait dû qu'à une incompréhension entre les deux dispositifs.
A ce stade, je ne vous cache pas que je suis un peu à la limite de mes explications sur ce sujet, mais peut-être avez-vous, sur la base de ce que je viens de vous indiquer, des éléments complémentaires à nous proposer.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce n'est pas un sujet simple, et je parle sous le contrôle de M. le président de la commission des finances qui est fort compétent en matière de comptabilité et de fiscalité des entreprises.
Rappelons que l'article 63 du projet de loi de finances tend à rendre indéfiniment reportables « en avant » les déficits des sociétés assujetties à l'impôt sur les sociétés. En conséquence, il vise à supprimer le régime dérogatoire des amortissements réputés différés en période déficitaire qui étaient d'ores et déjà indéfiniment reportables.
Or ce régime des ARD profitait aussi aux personnes, qu'il s'agisse de professionnels ou de personnes privées, assujetties à l'impôt sur le revenu. Certes, ces personnes conserveront le droit de reporter indéfiniment les ARD constitués jusqu'en 2003, jusqu'à la réforme, mais elles ne pourront plus en constituer de nouveaux en 2004. Elles sont donc globalement perdantes.
Sans doute la perte est-elle limitée - mais nous poursuivons tous une impossible équité - et y a-t-il là un point qu'il faut tâcher de régler.
C'est donc en vertu de cette analyse, que nous partageons, monsieur le ministre, que vous vous êtes engagé devant l'Assemblée nationale à prendre des mesures palliatives.
L'Assemblée nationale a suivi le même raisonnement que nous, mais elle a retenu, dans le collectif budgétaire, en première lecture, un dispositif qui est techniquement différent. Elle a ainsi adopté un amendement qui ne serait applicable qu'au déficit constaté à compter de l'imposition des revenus au titre de 2004.
En d'autres termes, par rapport à la législation existante, qui permet d'ores et déjà de reporter ces déficits pendant cinq ans, jusqu'en 2009, ce dispositif ne prendrait effet qu'à compter de l'imposition des revenus au titre de 2010, soit en 2011. Ce choix se justifie d'un point de vue technique. En effet, les contribuables assujettis à l'impôt sur le revenu ne seront effectivement perdants qu'à raison des ARD qu'ils n'auront pas constitués à partir de 2004, soit, en fait, à partir de 2011.
En revanche, notre amendement, dont le dispositif technique est différent, est applicable à compter de l'imposition des revenus au titre de 2004, c'est-à-dire qu'il prendrait effet dès 2005. Ce choix se justifie de notre point de vue, car il s'agit, dans le contexte de l'institution, d'un report illimité des déficits pour les sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés, ce qui permet de donner aux contribuables assujettis à l'impôt sur le revenu, globalement perdants dans la réforme, un signal favorable et plus tangible qu'un dispositif qui ne porterait d'effets concrets qu'à partir de 2011.
Je ne sais pas si j'ai été beaucoup plus clair que M. le ministre qui, pourtant, l'avait été. En tout cas, s'agissant d'un enjeu budgétaire probablement très faible - quelques centaines de milliers d'euros -, nous plaidons pour notre solution, qui nous semble un peu plus compréhensible pour les entreprises directement concernées, si l'on fait l'effort de vulgarisation nécessaire, bien entendu.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s II-90 et II-165.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. le ministre, sur l'amendement n° II-79.
M. Alain Lambert, ministre délégué. Le Gouvernement et le rapporteur général n'ont pas de divergence sur le fond, c'est l'essentiel ! J'ai identifié que le problème portait plutôt sur l'entrée en vigueur.
Il reste une question de cohérence législative. Dans le collectif qui sera prochainement soumis à la Haute Assemblée, un texte, qui n'est pas complètement identique au vôtre, monsieur le rapporteur général, traite de ce sujet. Si nous introduisons ce soir dans la présente loi de finances, un tel dispositif, il faudra bien que, en commission mixte paritaire, le Sénat se mette d'accord avec l'Assemblée nationale sur le véhicule législatif à privilégier, sinon des dispositions quasiment identiques figureraient dans deux textes.
Je sais bien que, au nom de la modernité, nous travaillerons simultanément sur tous les textes à la fois, et je reconnais qu'il ne s'agit pas d'une méthode législative très exigeante.
Monsieur le rapporteur général, ne pourrait-on pas convenir que vous vous réserviez d'apporter votre touche finale dans le collectif qui viendra prochainement en discussion devant le Sénat ? A cette occasion, vous aurez la possibilité de revoir le dispositif voté par l'Assemblée nationale. Nous nous revoyons la semaine prochaine !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le président, monsieur le ministre, je remarque que cette fin de session est caractérisée par une certaine accélération et que nous allons aborder, avec le collectif, un très grand nombre de dispositions qu'il nous faudrait étudier beaucoup plus longuement si nous voulions les analyser correctement.
Je dois dire que, de ce point de vue, le collectif de 2003 n'est pas meilleur que les précédents. Mais il s'agit certainement d'une loi du genre, quelles que soient les configurations.
Monsieur le ministre, pour nous faire gagner du temps, j'accepte bien volontiers, si le président de la commission n'y voit pas d'inconvénient, de retirer l'amendement, de sorte que nous puissions reprendre le débat à l'occasion de l'examen du collectif budgétaire. Nous proposerons alors notre disposition, qui pourra sans doute améliorer celle qui a été votée par l'Assemblée nationale.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je souhaiterais poser quelques questions à M. le ministre.
Est-ce un inconvénient que les mêmes dispositions s'appliquent pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés et pour l'impôt sur le revenu, qu'il s'agisse des BIC, les bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles, ou des BNC, les bénéfices non commerciaux ?
Il est vraisemblable que l'application doive être marginale. Mais, puisqu'on en est aux principes, quelle est la motivation de l'absence de limitation dans le temps pour l'imputation des bénéfices soumis à l'impôt sur les sociétés ? Il me semble que rien ne s'oppose à ce que l'on porte le délai de cinq à six ans pour les entreprises individuelles et que l'on applique les mêmes dispositions pour l'assiette d'impôt sur les sociétés et l'assiette d'impôt sur le revenu.
Cela dit, je retire l'amendement n° II-79.
M. le président. L'amendement n° II-79 est retiré.
Je mets aux voix l'article 63.
(L'article 63 est adopté.)
Les terminaux permettant l'accès à l'internet haut débit par satellite acquis entre le 1er janvier 2004 et le 31 décembre 2006 peuvent faire l'objet d'un amortissement accéléré sur douze mois à compter de la date de leur mise en service. - (Adopté.)
I. - Le code général des impôts est ainsi modifié :
A. - Après l'article 208 C, il est inséré un article 208 D ainsi rédigé :
« Art. 208 D. - I. - 1. Sont exonérées d'impôt sur les sociétés jusqu'au terme du dixième exercice suivant celui de leur création, les sociétés par actions simplifiées à associé unique, dites sociétés unipersonnelles d'investissement à risque, détenues par une personne physique, qui ont dès leur création pour objet social exclusif la souscription en numéraire au capital initial ou aux augmentations de capital de sociétés ayant leur siège dans un Etat de la Communauté européenne, dont les titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé français ou étranger, qui exercent une activité mentionnée à l'article 34 et qui sont soumises à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun au taux normal ou y seraient soumises dans les mêmes conditions si l'activité était exercée en France.
« Les sociétés unipersonnelles d'investissement à risque doivent détenir au moins 5 % des droits financiers et au plus 20 % des droits financiers et des droits de vote des sociétés dans lesquelles elles investissent.
« 2. Les sociétés dont les titres figurent à l'actif de la société unipersonnelle d'investissement à risque doivent également remplir les conditions suivantes :
« a. Elles ont été créées depuis moins de cinq ans à la date de la première souscription par la société unipersonnelle d'investissement à risque ;
« b. Elles sont nouvelles au sens de l'article 44 sexies ou créées pour la reprise de l'activité d'une entreprise pour laquelle est intervenu un jugement ordonnant la cession en application des articles L. 621-83 et suivants du code de commerce, en l'absence de tout plan de continuation, ou prononçant sa liquidation judiciaire ;
« c. Elles sont détenues majoritairement par des personnes physiques ou par des personnes morales détenues majoritairement par des personnes physiques.
« 3. L'associé d'une société unipersonnelle d'investissement à risque, son conjoint et leurs ascendants et descendants détiennent ensemble, directement ou indirectement, moins de 25 % des droits financiers et des droits de vote des sociétés dont les titres figurent à l'actif de la société et n'ont pas atteint ce niveau de détention depuis leur création. Ils n'exercent dans ces sociétés aucune des fonctions énumérées au 1° de l'article 885 O bis.
« 4. Par dérogation aux dispositions du 1, les sociétés unipersonnelles d'investissement à risque peuvent consentir, dans la limite de 15 % de leur actif brut comptable, des avances en compte courant aux sociétés dans lesquelles elles ont investi. Elles peuvent également détenir d'autres éléments d'actifs dans la limite de 5 % de leur actif brut comptable.
« II. - Le non-respect de l'une des conditions mentionnées au I entraîne la perte de l'exonération prévue au même I, pour l'exercice en cours et les exercices suivants.
« Toutefois, l'exonération d'impôt sur les sociétés est maintenue jusqu'au terme du dixième exercice suivant celui de la création de la société unipersonnelle d'investissement à risque, lorsque les actions de la société sont transmises à titre gratuit à la suite du décès de l'associé unique initial et que les conditions prévues au I, autres que celles relatives à l'unicité de l'associé, sont respectées. »
B. - Après l'article 163 quinquies C, il est inséré un article 163 quinquies C bis ainsi rédigé :
« Art. 163 quinquies C bis. - Les distributions effectuées par les sociétés unipersonnelles d'investissement à risque mentionnées à l'article 208 D sont exonérées d'impôt sur le revenu et de la retenue à la source mentionnée au 2 de l'article 119 bis lorsque les conditions suivantes sont réunies :
« 1° Elles sont prélevées sur des bénéfices exonérés d'impôt sur les sociétés ;
« 2° L'associé a son domicile fiscal en France ou dans un pays ou territoire ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales ;
« 3° Les actions ouvrant droit aux distributions concernées ont été souscrites par l'associé unique initial ou transmises à titre gratuit à la suite du décès de cet associé. »
C. - Après le 6° de l'article 158 quater et après le 6° du 3 de l'article 223 sexies, il est inséré un 6° bis ainsi rédigé :
« 6° bis Par les sociétés unipersonnelles d'investissement à risque définies à l'article 208 D lorsque ces distributions sont prélevées sur des bénéfices exonérés en application de ce même article ; ».
D. - Au premier alinéa du III de l'article 199 terdecies-0 A, après les mots : « de l'article 81 », sont insérés les mots : « et les souscriptions au capital de sociétés unipersonnelles d'investissement à risque visées à l'article 208 D ».
E. - Au onzième alinéa de l'article 223 septies, les références : « 207 et 208 » sont remplacées par les références : « 207, 208 et 208 D ».
F. - Les articles 238 bis HI et 238 bis HQ sont complétés par les mots : « , ni du régime prévu en faveur des sociétés unipersonnelles d'investissement à risque mentionnées à l'article 208 D ».
G. - Au deuxième alinéa du II de l'article 163 octodecies A, après les mots : « des sociétés de capital-risque, », sont insérés les mots : « des sociétés unipersonnelles d'investissement à risque, ».
II. - Au 8° du II de l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale et au 8° du II de l'article 16 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, après les mots : « l'article 163 quinquies C du même code », sont insérés les mots : « et celles effectuées par les sociétés unipersonnelles d'investissement à risque dans les conditions prévues à l'article 163 quinquies C bis du même code ».
III. - Un décret précise les modalités d'application du présent article, notamment en ce qui concerne les conditions d'éligibilité mentionnées à l'article 208 D et les obligations déclaratives des sociétés unipersonnelles d'investissement à risque.
IV. - Les dispositions du présent article sont applicables aux sociétés unipersonnelles d'investissement à risque créées à compter du 1er janvier 2004.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, sur l'article.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet article 64 est assez complexe, et je n'ai probablement pas tout compris !
M. Paul Girod. Ce n'est pas possible !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je voudrais donc vous interroger sur les relations entre les sociétés unipersonnelles d'investissement à risque et les jeunes entreprises innovantes, les JEI.
J'en profite par ailleurs pour saluer le nouvel instrument juridique que représentent les SUIR, les sociétés unipersonnelles d'investissement à risque. C'est une solution élégante et tout à fait utile pour les investisseurs providentiels.
L'article 6 du présent projet de loi de finances que nous avons voté, sans enthousiasme d'ailleurs de la part de la commission des finances, autorise expressément la participation, qui peut même être majoritaire, de sociétés unipersonnelles d'investissement à risque dans le capital d'une jeune entreprise innovante.
Mais l'article 64 que nous allons examiner prévoit que les sociétés au capital desquels les SUIR peuvent souscrire doivent être soumises à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun au taux normal. Qu'en est-il des JEI lorsqu'elles sont exonérées de cet impôt au bénéfice des dispositions que nous avons votées à l'article 6 ? Les SUIR peuvent-elles souscrire à leur capital pendant ces périodes d'exonération ? La situation est-elle identique pour les autres cas d'exonération partielles et temporaires ?
On conviendra que ces dispositions méritent au minimum d'être coordonnées.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Lambert, ministre délégué. La question du rapporteur général est tout à fait légitime. Je voudrais lui confirmer que, aux termes de l'article 64 du projet de loi, les SUIR en question doivent être soumises à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun au taux normal.
Je précise que ce dispositif ne fait pas obstacle à une prise de participation au capital des jeunes entreprises innovantes, quand bien même cette prise de participation interviendrait pendant la période d'application de l'exonération propre à ces jeunes entreprises innovantes.
J'ajoute que cette réponse s'applique mutatis mutandis aux cas d'exonérations dès lors qu'elles ne sont que temporaires.
M. le président. Sur l'article 64, je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° II-91 est présenté par MM. Miquel, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Haut, Lise, Marc, Massion, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste et rattachée.
L'amendement n° II-166 est présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
La parole est à M. Claude Haut, pour défendre l'amendement n° II-91.
M. Claude Haut. L'article 64 du projet de loi de finances crée la société unipersonnelle d'investissement à risque, nouvelle niche fiscale destinée aux investisseurs dits providentiels, avec, à la clé, dix ans d'exonération d'impôt sur les sociétés.
Ne pensez-vous pas, mes chers collègues, qu'il y a suffisamment de niches fiscales actuellement alors que tant de Français sont à la peine ? Il y a eu les niches fiscales créées par la loi relative à l'initiative économique, les niches fiscales créées par le présent projet de loi de finances, les allégements de l'impôt sur le revenu pour les contribuables imposables et les allégements de l'impôt de solidarité sur la fortune pour les contribuables fortunés !
Ne pensez-vous pas que cela est aujourd'hui suffisant ?
Croyez-vous vraiment que le dispositif de l'article 64 sera favorable à l'investissement et à l'emploi ? Permettez-moi, monsieur le ministre, d'en douter ! A force de multiplier les niches fiscales, on ne fait que créer un environnement économique et financier dans lequel les niches deviennent la norme et le droit commun l'exception !
Le Conseil des impôts, organisme qu'on ne saurait suspecter de parti pris, n'a-t-il pas mis en garde les responsables de notre pays contre l'extension de la fiscalité dérogatoire et l'inefficacité qui en découle ?
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, le groupe socialiste vous propose de supprimer l'article 64.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour présenter l'amendement n° II-166.
M. Thierry Foucaud. L'article 64 constitue un nouvel outil d'optimisation fiscale en même temps qu'un dispositif à la portée pour le moins hypothétique.
Plus qu'un débat sur le coût éventuel de la mesure qui nous est proposée, c'est un débat sur la doctrine fiscale qu'il convient d'avoir au sujet de cet article, qui paraît destiné à légitimer des comportements d'investisseurs s'apparentant à ceux de joueurs de poker ou de Monopoly.
Ce que l'on nous propose, c'est, d'une certaine manière, de faire supporter par la collectivité le coût éventuel des errements et des placements aléatoires de certains investisseurs.
Venant après l'adoption des dispositions relatives au report en arrière des déficits, les présentes dispositions ne constituent finalement qu'une forme complémentaire d'optimisation fiscale destinée à une infime minorité de contribuables et directement inspirée par la logique qui a prévalu notamment dans l'élaboration de la loi pour l'initiative économique.
Il s'agit, encore une fois, de « socialiser » les risques encourus par l'investisseur et de compenser les aléas liés à des pertes éventuelles en capital ou en numéraire par la mise en place d'une sorte de « rentabilisation fiscale » des investissements.
On observera que l'article 64 vient compléter les dispositions de l'article 44 sexies du code général des impôts, dispositif au demeurant quelque peu « fatigué », à la pertinence approximative - 205 millions d'euros de dépense fiscale estimée - et impropre à résoudre le problème posé.
C'est tout de même une étrange conception du libéralisme économique que celle qui consiste à franchiser les investissements de quelques gros particuliers qualifiés en mauvais franglais de business angels et à faire supporter à la collectivité le coût de leurs « aventures » financières.
Au demeurant, les termes mêmes de l'exposé des motifs de cet article sont tout à fait éclairants : « A cet effet, il serait créé un régisme fiscal spécifique leur permettant de gérer leur portefeuille de participations, en bénéficiant pendant une période de dix ans d'une exonération d'impôt sur les sociétés. »
Une telle justification des dispositions de cet article est proprement sidérante.
Dans ces conditions, nous ne pouvons qu'inviter le Sénat à adopter cet amendement de suppression de l'article 64.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Eh bien, ce sont ces amendements de suppression qui, à moi, me paraissent sidérants, pour reprendre le mot de Thierry Foucaud. Comment, en effet, peut-on s'opposer à une mesure qui a pour effet de permettre l'appel de fonds propres en faveur d'entreprises qui se créent et donc d'inciter à cette prise de risque ? Une telle mesure, en vérité, devrait faire l'unanimité !
Il y a suffisamment de gens qui ont de bonnes idées dans notre pays et qui sont en mesure de créer une entreprise mais qui ne trouvent pas de financements ! Et l'on passe son temps à se plaindre de cette situation !
Pour une fois que l'on présente quelque chose qui devrait permettre, avec un cadre juridique et fiscal adapté, de donner suite à des projets d'amorçage d'entreprise, il est tout à fait dommage que certains puissent s'y opposer. Je suis donc très déçu, et j'émets un avis défavorable. (Sourires.)
M. Jean Chérioux. Déçu, mais pas étonné !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Je partage la peine du rapporteur général : avis très défavorable. (Nouveaux sourires.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s II-91 et II-166.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 64.
(L'article 64 est adopté.)
I. - Le deuxième alinéa du I de l'article 44 sexies du code général des impôts est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Le bénéfice des dispositions du présent article est réservé aux entreprises qui se créent à compter du 1er janvier 1995 jusqu'au 31 décembre 2009 dans les zones d'aménagement du territoire ou dans les territoires ruraux de développement prioritaire définis au premier alinéa de l'article 1465 ou dans les zones de redynamisation urbaine définies au I bis et, à compter du 1er janvier 1997, au I ter de l'article 1466 A, à la condition que le siège social ainsi que l'ensemble de l'activité et des moyens d'exploitation soient implantés dans l'une de ces zones. Lorsqu'une entreprise exerce une activité non sédentaire, réalisée en partie en dehors des zones précitées, la condition d'implantation est réputée satisfaite dès lors qu'elle réalise au plus 15 % de son chiffre d'affaires en dehors de ces zones. Au-delà de 15 %, les bénéfices réalisés sont soumis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun en proportion du chiffre d'affaires réalisé en dehors des zones déjà citées. Cette condition de chiffre d'affaires s'apprécie exercice par exercice.
« Toutefois, les entreprises qui se créent à compter du 1er janvier 2004 jusqu'au 31 décembre 2009 dans les zones de revitalisation rurale mentionnées à l'article 1465 A sont exonérées d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés, à l'exclusion des plus-values constatées lors de la réévaluation des éléments d'actif, jusqu'au terme du quarante-septième mois suivant celui de leur création et déclarés selon les modalités prévues à l'article 53 A. Les bénéfices ne sont soumis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés que pour le quart, la moitié ou les trois quarts de leur montant selon qu'ils sont réalisés respectivement au cours de la première, de la deuxième ou de la troisième période de douze mois suivant cette période d'exonération.
« Les zones d'aménagement du territoire visées au deuxième alinéa s'entendent des zones éligibles à la prime d'aménagement du territoire classées pour les projets industriels. »
II. - Au e du 3° du I de l'article 125-0 A et au c du 3 du I de l'article 150-0 C du même code, les mots : « quatrième alinéa » sont remplacés par les mots : « sixième alinéa ». - (Adopté.)
I. - A. - Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Les articles 158 bis, 158 ter, 158 quater, 209 bis, 209 ter et 242 quater sont abrogés ;
2° A l'article 208, les mots : « du 3° de l'article 209 ter » sont supprimés. Au a du 1 de l'article 223 O, les mots : « avoirs fiscaux et » sont supprimés ;
3° Les articles 223 H, 223 sexies et 1679 ter sont abrogés ;
4° Les 2 et 3 de l'article 146, le dernier alinéa du 1 de l'article 187 et le 2 de l'article 223 O sont abrogés ;
5° a. Au dixième alinéa du 3° quater de l'article 208, les mots : « , du 3° de l'article 158 quater » et les mots : « et du 3° du 3 de l'article 223 sexies » sont supprimés ;
b. Au premier alinéa de l'article 223 A, les mots : « du précompte et » sont supprimés et le mot : « dus » est remplacé par le mot : « due » ; au dernier alinéa du même article, les mots : « et du précompte » sont supprimés ;
c. Au premier alinéa du I de l'article 1655 quater, les mots : « n'est imposée sur ses bénéfices que lors de leur distribution, dans les conditions prévues à l'article 223 sexies » sont remplacés par les mots : « est exonérée d'impôt sur les sociétés » ;
6° Le 3 de l'article 158 est ainsi modifié :
a) Les deux premiers alinéas deviennent un 1° ;
b) Les troisième à dixième alinéas sont remplacés par les 2° à 5° ainsi rédigés :
« 2° Les revenus distribués par les sociétés passibles de l'impôt sur les sociétés ou d'un impôt équivalent, ayant leur siège dans un Etat de la Communauté européenne ou dans un Etat ou territoire ayant conclu avec la France une convention fiscale en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôt sur les revenus et résultant d'une décision régulière des organes compétents, sont retenus, pour le calcul de l'impôt sur le revenu, pour 50 % de leur montant. A compter du 1er janvier 2009 pour les sociétés étrangères n'ayant pas leur siège dans un Etat de la Communauté européenne, cette disposition est réservée aux revenus distribués par des sociétés établies dans un Etat ou territoire ayant conclu une convention fiscale qui contient une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale ;
« 3° Les dispositions du 2° ne s'appliquent pas :
« a. Aux produits des actions des sociétés d'investissement mentionnées au 1° bis et au 1° ter de l'article 208 et des sociétés de capital-risque mentionnées au 3° septies du même article ;
« b. Aux produits des actions des sociétés mentionnées au 1° bis A de l'article 208 et des sociétés d'investissement de même nature établies hors de France et soumises à un régime fiscal équivalent ;
« c. Aux revenus distribués qui ne constituent pas la rémunération du bénéficiaire en sa qualité d'associé ou d'actionnaire ;
« d. Aux revenus distribués mentionnés au a de l'article 111 ;
« e. Aux bénéfices ou revenus mentionnés à l'article 123 bis ;
« 4° Les dispositions du 2° sont également applicables pour la part des revenus de la nature et de l'origine de ceux mentionnés au 2°, sous réserve du 3°, distribués ou répartis par :
« a. Les organismes de placement collectif en valeurs mobilières régis par les articles L. 214-2 et suivants du code monétaire et financier ;
« b. Les organismes de placement collectif en valeurs mobilières établis dans d'autres Etats membres de la Communauté européenne et bénéficiant de la procédure de reconnaissance mutuelle des agréments prévue par la directive 85/611/CE du Conseil du 20 décembre 1985 portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) ;
« c. Les sociétés mentionnées aux 1° bis, 1° ter et 3° septies de l'article 208.
« Pour la détermination de cette part, il est également tenu compte des revenus mentionnés au premier alinéa distribués ou répartis au profit de l'organisme ou de la société concerné par l'intermédiaire d'autres organismes ou sociétés mentionnés aux a, b et c.
« L'application de ces dispositions est conditionnée à la ventilation par les organismes ou sociétés en cause de leurs distributions ou répartitions en fonction de leur nature et origine ;
« 5° Il est opéré un abattement annuel de 1 220 EUR pour les contribuables célibataires, divorcés ou veufs et de 2 440 EUR pour les contribuables mariés soumis à une imposition commune sur le montant net des revenus déterminé dans les conditions du 2°. » ;
7° Il est inséré un article 200 septies ainsi rédigé :
« Art. 200 septies. - 1. Les contribuables qui ont leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 B bénéficient d'un crédit d'impôt égal à 50 % du montant des revenus imposés selon les modalités du 2° du 3 de l'article 158 avant application des abattements prévus aux 2° et 5° du 3 du même article, ainsi que des revenus de même nature et de même origine perçus dans un plan d'épargne en actions et déclarés dans les conditions du 1 de l'article 170.
« Ce crédit est retenu dans les limites annuelles de 115 EUR pour les contribuables célibataires, divorcés ou veufs et 230 EUR pour les contribuables mariés soumis à une imposition commune.
« 2. Le crédit d'impôt est imputé sur l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année au cours de laquelle les revenus sont perçus après imputation des réductions d'impôt mentionnées aux articles 199 quater B à 200, des autres crédits d'impôt et des prélèvements ou retenues non libératoires. S'il excède l'impôt dû, l'excédent est restitué. » ;
8° Au dernier alinéa du 1 de l'article 170, après les mots : « n'a pas été exercée », sont insérés les mots : « , les revenus de la nature et de l'origine de ceux mentionnés au 2°, sous réserve du 3°, et au 4° du 3 de l'article 158 perçus dans un plan d'épargne en actions » ;
9° Au 1° du IV de l'article 1417, après le a, il est inséré un a bis ainsi rédigé :
« a bis) Du montant de l'abattement mentionné au 2° du 3 de l'article 158 pour sa fraction qui excède l'abattement non utilisé prévu au 5° du 3 du même article ; ».
B. - Les bénéfices distribués ou répartis par les organismes ou sociétés mentionnés aux a et c du 4° du 3 de l'article 158 du code général des impôts à compter du 1er janvier 2005 n'ouvrent plus droit au transfert de l'avoir fiscal, quelle que soit l'origine des revenus distribués ou répartis.
C. - A l'avant-dernier alinéa du I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale et au quatrième alinéa du I de l'article 15 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, les mots : « et au 3 et au 4 bis de l'article 158 » sont remplacés par les mots : « , aux 2° et 5° du 3 ainsi qu'au 4 bis de l'article 158 ». Le dernier alinéa du I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale est supprimé.
D. - Les dispositions des 1° , 2° et 6° à 9° du A et les dispositions du B et du C sont applicables aux revenus distribués ou répartis perçus à compter du 1er janvier 2005. La disposition prévue au a du I du C du II est applicable à compter du 1er janvier 2005.
Toutefois, pour les personnes autres que les personnes physiques, les dispositions du 1° du A sont applicables aux crédits d'impôt utilisables à compter du 1er janvier 2005.
Les dispositions des 3° à 5° du A sont applicables aux distributions mises en paiement à compter du 1er janvier 2005.
E. - Un décret fixe les modalités d'application du présent I.
II. - A. - Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le e du 2 de l'article 119 ter est abrogé ;
2° Au premier alinéa du 1 de l'article 145, les mots : « aux articles 146 et » sont remplacés par les mots : « à l'article » ;
3° Au IV de l'article 163 quinquies D, les mots : « avoirs fiscaux et » sont supprimés ;
4° Le quatrième alinéa de l'article 193 est ainsi rédigé :
« L'impôt dû par le contribuable est calculé à partir de l'impôt brut diminué, s'il y a lieu, des réductions d'impôt prévues par les articles 199 quater B à 200, et, le cas échéant, des retenues à la source et crédits d'impôt mentionnés aux articles 182 A, 182 B, 199 ter, 199 ter A et 200 quater à 200 septies. » ;
5° Le II de l'article 199 ter et le c du 1 de l'article 220 sont ainsi modifiés :
a) Aux premier et dernier alinéas, les mots : « et avoirs fiscaux » sont supprimés ;
b) Au dernier alinéa, les mots : « et avoirs » sont supprimés ;
6° L'article 199 ter A est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « et avoirs fiscaux » sont supprimés ;
b) Au dernier alinéa, les mots : « et aux avoirs fiscaux » sont supprimés ;
7° Au premier alinéa du I de l'article 220 quinquies, les mots : « d'avoirs fiscaux ou » sont supprimés ;
8° Au IV des articles 235 ter ZA et 235 ter ZC, les mots : « avoirs fiscaux ou » sont supprimés ;
9° Le IV de l'article 239 bis B est abrogé ;
10° Au 4 bis de l'article 1668, les mots : « et avoirs fiscaux » sont supprimés.
B. - Au dernier alinéa du I de l'article L. 111 du livre des procédures fiscales, les mots : « , du montant de l'impôt mis à la charge de chaque redevable et du montant de l'avoir fiscal » sont remplacés par les mots : « et du montant de l'impôt mis à la charge de chaque redevable ».
C. - 1. La loi n° 92-666 du 16 juillet 1992 relative au plan d'épargne en actions, est ainsi modifiée :
a) Le 1 bis du I de l'article 2 est complété par un c ainsi rédigé :
« c) De parts ou actions d'organismes de placement collectif en valeurs mobilières établis dans d'autres Etats membres de la Communauté européenne bénéficiant de la procédure de reconnaissance mutuelle des agréments prévue par la directive 85/611/CE du Conseil du 20 décembre 1985 portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) et qui emploient plus de 75 % de leurs actifs en titres et droits mentionnés aux a, b et c du 1. » ;
b) Dans le 1 de l'article 3, les mots : « avoirs fiscaux et » sont supprimés.
2. Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions que doivent respecter les organismes mentionnés au c du 1 bis du I de l'article 2 de la loi n° 92-666 du 16 juillet 1992 relative au plan d'épargne en actions ou leur gérant ou représentant légal pour permettre à leurs porteurs de parts ou actionnaires de justifier de l'éligibilité de leur investissement au plan d'épargne en actions.
C bis. - 1. Dans le dernier alinéa du I de l'article 4 de la loi n° 87-416 du 17 juin 1987 sur l'épargne et au 2 de l'article 3 de la loi n° 92-666 du 16 juillet 1992 précitée, les mots : « avoirs fiscaux et » sont supprimés.
2. Au 1 de l'article L. 432-13 du code monétaire et financier, les mots : « à l'avoir fiscal mentionné à l'article 158 bis du code général des impôts ou au crédit d'impôt prévu au b du 1 de l'article 220 du même code » sont remplacés par les mots : « au crédit d'impôt prévu au b du 1 de l'article 220 du code général des impôts ».
3. Le 2 du II de l'article 20 de l'ordonnance n° 67-821 du 23 septembre 1967 sur les groupements d'intérêt économique est abrogé.
4. Le b de l'article 6 de l'ordonnance n° 67-837 du 28 septembre 1967 relative aux opérations de crédit-bail et aux sociétés immobilières pour le commerce et l'industrie est abrogé.
5. Dans le b du II de l'article 30 de la loi n° 80-531 du 15 juillet 1980 relative aux économies d'énergie et à l'utilisation de la chaleur, les mots : « 158 bis, 158 ter et 223 sexies du code général des impôts relatifs à l'avoir fiscal et au précompte ainsi que celles des articles 145 et 216 » sont remplacés par les mots : « 145 et 216 du code général des impôts ».
6. Dans la première phrase du II de l'article 12 de la loi n° 93-1444 du 31 décembre 1993 portant diverses dispositions relatives à la Banque de France, à l'assurance, au crédit et aux marchés financiers, les mots : « à l'avoir fiscal mentionné à l'article 158 bis du code général des impôts ou au crédit d'impôt prévu au b du 1 de l'article 220 du même code » sont remplacés par les mots : « au crédit d'impôt prévu au b du 1 de l'article 220 du code général des impôts ».
7. La troisième phrase du troisième alinéa de l'article 163 bis AA et du premier alinéa du II de l'article 163 bis B du code général des impôts est ainsi rédigée :
« Par dérogation aux dispositions de l'article 199 ter, les crédits d'impôt attachés à ces revenus sont restituables. »
8. Le b du II de l'article 1er de la loi de finances rectificative pour 1969 (n° 69-1160 du 24 décembre 1969) est abrogé.
D. - Les dispositions du présent II sont applicables aux revenus distribués ou répartis perçus à compter du 1er janvier 2005.
M. le président. La parole est à M. le ministre, sur l'article.
M. Alain Lambert, ministre délégué. Nous parvenons à un article important. Je veux donc en exposer les motifs explicites, expliciter les choix que nous avons opérés et dissiper quelques malentendus.
Il est tout à fait légitime qu'un sujet aussi complexe suscite un débat, mais je dois avouer que le dispositif proposé par le Gouvernement en remplacement de l'avoir fiscal et du précompte me paraît vraiment constituer le compromis le plus équilibré. Je suis, toutefois, naturellement à l'écoute des réflexions de votre commission des finances et de la Haute Assemblée. Toute autre solution qui pourrait être proposée requerra toute mon attention, même si je n'en ai pas vu émerger au-delà des éléments d'information que je vais porter à votre connaissance.
Pourquoi cette réforme ?
Il faut rappeler que l'avoir fiscal et le précompte ont été créés afin d'éliminer la double imposition des dividendes, du côté de la société qui les distribue et du côté de l'actionnaire. C'est la seule raison d'être de ce dispositif, qui a très bien fonctionné pendant plusieurs décennies, puis s'est progressivement altéré.
Du reste, ceux de nos partenaires qui utilisaient le même dispositif, en particulier le Royaume-Uni et l'Allemagne, l'ont abandonné - l'Italie le fera prochainement - au profit d'autres techniques d'élimination de la double imposition.
Tout d'abord, en effet, le précompte est de plus en plus pénalisant dans la mesure où les groupes français sont amenés à distribuer de plus en plus souvent des bénéfices de source étrangère qui ont déjà supportés l'impôt à l'étranger, mais qui ne sont pas assortis d'avoir fiscal. L'application du précompte revient donc à les taxer une deuxième fois, ce qui ne correspond manifestement pas à l'objectif premier d'un mécanisme d'élimination de la double imposition.
L'internationalisation de nos entreprises, et pas seulement des plus grandes d'entre elles, nous conduit nécessairement à nous interroger sur ce dispositif très complexe.
Par ailleurs, l'évolution du coût budgétaire de l'avoir fiscal est préoccupante, et le rapport de la commission des finances donne des informations très éclairantes sur ce sujet. La tendance est à un doublement du coût de l'avoir fiscal sur les dix dernières années et à un quadruplement du coût du remboursement de l'avoir fiscal aux non-résidents.
Soyons clairs : cela ne conduit pas à remettre en cause le principe même d'un mécanisme d'élimination de la double imposition des dividendes, mais nous devons nous interroger sur la pertinence de certaines particularités de l'avoir fiscal français, devenu quasi unique dans le monde.
Il s'agit du remboursement de cet avoir fiscal aux non-résidents, mais aussi aux résidents lorsque leurs dividendes sont logés dans des produits qui sont eux-mêmes exonérés tels que le plan d'épargne en actions. Dans ce cas, nous allons très au-delà de l'objectif premier du dispositif, à savoir l'élimination de la double imposition.
J'ajoute que les évolutions en cours chez nos partenaires vont, sans exception, toutes dans le même sens : l'abandon de l'avoir fiscal pour les motifs que je viens d'indiquer.
Mais il se trouve aussi que ce dispositif n'est plus conforme au droit communautaire dans la mesure où il crée une discrimination entre entreprises nationales et entreprises étrangères.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je n'ai donc aucun doute sur le fait que cette réforme est nécessaire, inévitable et, j'y reviendrai, urgente. Nous ne pouvons pas nous contenter d'un simple aménagement du dispositif existant.
Pourquoi le dispositif retenu par le Gouvernement est-il, de mon point de vue, le meilleur compromis possible ?
Nous avions quatre options et, si vous vous donnez la peine d'opérer le même travail, vous retrouverez ces quatre mêmes options ; je ne pense pas que vous en trouverez une cinquième.
Première option : rétablir la double imposition des dividendes en supprimant purement et simplement l'avoir fiscal et le précompte. C'est ce qu'ont fait les Etats-Unis. C'eût été absurde dans le cas français, car nos taux d'imposition marginaux sont élevés au titre tant de l'impôt sur les sociétés que de l'impôt sur le revenu. Il fallait donc, naturellement, conserver un système d'élimination de la double imposition.
Deuxième option : supprimer le précompte et garder l'avoir fiscal. Nous avons écarté cette option, qui ne repose sur aucune logique puisqu'elle consiste à accorder un crédit d'impôt - l'avoir fiscal - y compris lorsqu'il n'y a pas eu d'impôt au niveau de la société distributrice. C'était une solution incohérente et coûteuse.
Troisième option : appliquer un prélèvement libératoire aux dividendes. Cette voie a été évoquée par le passé et certains de nos partenaires l'ont retenue, par exemple le Royaume-Uni. Nous l'avons écartée, car elle est inéquitable. En effet, seuls les contribuables imposés à un taux marginal élevé bénéficient, dans ce cas, de l'atténuation de la double imposition du dividende ; les autres en sont exclus.
Quatrième option : appliquer le système de demi-base. C'est la solution que nous avons retenue, à l'instar de l'Allemagne. A la différence du prélèvement libératoire, elle permet en effet à tous les contribuables, quel que soit leur niveau d'imposition, de bénéficier de l'élimination de la double imposition.
Nous aurions pu en rester là. C'est d'ailleurs ce qu'ont fait les Allemands. Mais nous sommes allés plus loin en proposant des crédits d'impôt de 75 et 150 euros, qui neutralisent les conséquences de la réforme pour plus des deux tiers des titulaires de PEA et pour plus de 80 % des détenteurs d'actions en direct. L'Assemblée nationale a relevé le montant des crédits d'impôt à 115 et 230 euros, ce qui réduit encore plus sensiblement le nombre des « perdants ».
Existe-t-il, mesdames, messieurs les sénateurs, une autre voie possible ? Encore une fois, je ne le crois pas, mais je reste ouvert à des propositions alternatives fondées sur un travail effectif, tel que celui que j'ai, pour ma part, mené.
Je crois maintenant nécessaire de faire litière de quelques idées fausses ou qui me paraissent devoir être au moins contestées.
Première idée fausse : cette réforme pénaliserait les actionnaires au profit de l'Etat. Je sais que personne ne le pense dans cette assemblée, mais cela peut se lire ici ou là.
En réalité, cette réforme est budgétairement neutre ou, plus exactement, elle est légèrement coûteuse pour le budget de l'Etat. Les gains réalisés, notamment sur les non-résidents, sont recyclés en totalité au profit des actionnaires.
De la deuxième idée que je souhaite évoquer je ne dirai pas qu'elle est fausse par respect pour le rapporteur général. Celui-ci considère que l'urgence de la mesure qui vous est proposée n'est pas avérée. Je prétends, au contraire, qu'il y a urgence. En juger autrement, ce serait refuser - et l'exécutif ne peut faire ce choix - de prendre en considération les contentieux en cours, aussi bien devant la Cour de justice des Communautés européennes contre l'avoir fiscal finlandais, qui est totalement identique au nôtre, que devant les juridictions françaises, s'agissant du précompte.
Nous disposons sur ce point d'éléments qui sont apparus depuis la discussion à l'Assemblée nationale. En effet, la Cour de justice vient de nous transmettre la position de la Commission européenne, et se trouvent ainsi confirmées toutes les prévisions que nous avions faites en la matière : la Commission estime que le mécanisme de l'avoir fiscal a pour effet de dissuader l'investissement en actions de sociétés établies dans d'autres Etats membres de l'Union européenne. Elle en conclut qu'« il est évident que la législation finlandaise est contraire à l'article 56 du traité ». Si la législation finlandaise l'est, il est fort à craindre que ce ne soit également le cas de la législation française.
Selon le Gouvernement, cette réforme ne peut donc être remise à plus tard.
Nous avons toutefois proposé que son entrée en vigueur ne soit pas immédiate, de manière à permettre à chacun de prendre toutes les précautions nécessaires. Il reste que nous montrons à ceux qui observent l'attitude de la France que celle-ci est déterminée à évoluer pour se mettre à niveau avec le droit communautaire.
Le sens des responsabilités qui doit être celui de l'exécutif, et que nous partageons tous dans cet hémicycle, j'en suis sûr, doit nous conduire à anticiper le risque de contentieux, qui est incontestable.
Je veux également souligner que, contrairement à ce que j'entends ici ou là, cette réforme ne bénéficie pas aux plus grandes entreprises.
En fait, toutes les entreprises sont concernées par la suppression du précompte, y compris les plus petites lorsqu'elles distribuent des résultats qui sont soumis au taux réduit de l'impôt sur les sociétés.
Il est non moins inexact de dire que la suppression du précompte bénéficie à la seule entreprise, car, en vérité, l'avantage qu'elle retire de la suppression du précompte profite nécessairement à l'actionnaire, soit directement sous forme d'une augmentation des distributions, soit indirectement, si le bénéfice est partiellement ou totalement mis en réserve, par la valorisation du titre.
Quatrième idée qui me paraît devoir être combattue : cette réforme pénaliserait les actionnaires moyens et défavoriserait le placement en actions.
Non, car le crédit d'impôt permet de neutraliser les conséquences de la réforme pour les portefeuilles petits et moyens.
Non, car le maintien de l'abattement sur les dividendes à son niveau actuel, c'est-à-dire 1 220 euros et 2 440 euros pour un couple, équivaut en fait à un triplement de ce montant et permet d'exonérer d'impôt un portefeuille d'une valeur d'environ 250 000 euros pour un couple marié.
Non, enfin, parce que l'essentiel du rendement d'un portefeuille d'actions ou d'un PEA vient des plus-values réalisées et non des dividendes reçues. La progression du CAC 40 depuis le début de l'année, qui est d'environ 12 %, est un facteur autrement plus important que le rendement stricto sensu des portefeuilles, qui est de l'ordre de 2,7 % pour les sociétés cotées, dont 0,9 % d'avoir fiscal.
Si j'évoque ces chiffres, c'est pour que chacun, dans cette assemblée, soit bien conscient des enjeux réels de cette affaire et dont il va être question lorsque nous allons examiner les amendements déposés sur cet article.
En résumé, ne pas faire cette réforme aujourd'hui, c'est prendre devant les Français la responsabilité de dépenser beaucoup plus d'argent public demain, en pure perte pour notre économie.
De façon simplifiée, cette réforme s'analyse comme le rapatriement annuel, au profit de l'économie française, de 500 millions à 600 millions d'euros, qui correspondent à l'avoir fiscal versé à l'étranger.
Enfin, si l'on ajoute à ces sommes les 500 millions d'euros d'avoir fiscal versés aujourd'hui dans les PEA, on constate que l'on recycle plus de un milliard d'euros au profit de l'économie française - je veux parler des entreprises et des actionnaires -, alors même que cette somme n'était pas la contrepartie d'une double imposition, sauf à de rares exceptions pour certains Etats étrangers.
En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que le Gouvernement vous propose, c'est non pas un simple ravalement de façade, mais bien une réforme.
Si nous partons du principe - et j'insiste sur ce point parce que nous sommes un pays réputé rétif à la réforme - que les seules réformes de notre pays qui soient envisageables sont celles où tout le monde gagne, sans aucune exception, nous sommes mal partis : cela signifie que nous n'en ferons jamais aucune, au risque de laisser notre pays redescendre en seconde division - ce que le Gouvernement n'acceptera pas -, car nous créons une contrainte impossible et nous nous condamnons à ne pouvoir faire ce que nos partenaires et concurrents réalisent sous nos yeux. Ils ont en effet mis en place des dispositifs qui ont été acceptés par leur opinion publique. Pour notre part, nous proposons un dispositif plus favorable que ceux qui ont été instaurés ailleurs.
Cela me permet de vous dire combien le Gouvernement souhaite que le Sénat le soutienne dans cette réforme en acceptant de voter cet article.
M. le président. Je suis saisi de sept amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° II-179 est présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° II-92 est présenté par MM. Miquel, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Haut, Lise, Marc, Massion, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste et rattachée.
L'amendement n° II-167 est présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° II-168 présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Dans la première phrase du deuxième alinéa (2°) du b du 6° du A du I de cet article remplacer la mention : "50 %" par la mention : "les deux tiers". »
L'amendement n° II-169, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Supprimer le dernier alinéa du b du 6° du A du I de cet article. »
L'amendement n° II-170, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le texte proposé par le 7° de cet article pour insérer un article 200 septies dans le code général des impôts :
« Art. 200 septies. - 1. Les contribuables qui ont leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 B bénéficient d'un crédit d'impôt égal au tiers du montant des revenus imposés selon les modalités du 2° du 3 de l'article 158, ainsi que les revenus de même nature et de même origine perçus dans un plan d'épargne en actions et déclarés dans les conditions du 1 de l'article 170.
« Ce crédit est retenu dans les limites annuelles de 115 euros pour les contribuables célibataires, divorcés ou veufs et 230 euros pour les contribuables mariés soumis à une imposition commune.
« 2. Le crédit d'impôt est imputé sur l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année au cours de laquelle les revenus sont perçus après imputation des réductions d'impôt mentionnées aux articles 199 quater B à 200, des autres crédits d'impôt et des prélèvements ou retenues non libératoires. S'il excède l'impôt dû, l'exédent est reportable sur les deux années suivantes. »
L'amendement n° II-177 rectifié, présenté par M. Plasait, est ainsi libellé :
« I. - Dans le deuxième alinéa du texte proposé par le 7° du A du I de cet article pour l'article 200 septies du code général des impôts, remplacer la somme : "115 EUR" par la somme : "300 EUR" et la somme : "230 EUR" par la somme : "600 EUR".
« II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'augmentation du plafond du crédit d'impôt visé à l'article 200 septies du code général des impôts est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n° II-179.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Si le Parlement est un lieu où l'on débat - c'est sa vocation et sa noblesse -, souffrez, monsieur le ministre, que je vous contredise avec des arguments, et des chiffres issus d'une analyse qui a été menée en toute rigueur par la commission.
Tout d'abord, plaçons-nous sur le terrain économique et examinons la question du précompte ou plutôt de sa suppression. A cet égard, je ne peux que souscrire à vos arguments : le précompte doit être supprimé et sa disparition sera une simplification appréciable de notre droit fiscal. Le précompte est très complexe et extrêmement difficile à gérer pour les entreprises. Son coût peut être élevé pour certaines d'entre elles. Le précompte ne constitue pas seulement le gage de l'avoir fiscal - ce qu'il était à l'origine -, mais il tend à devenir un impôt à la charge de l'entreprise, donc un facteur de double imposition.
La commission partage ces arguments qui forment le tronc commun de nos propos respectifs.
Toutefois, il y a lieu de nuancer les arguments habituellement invoqués en faveur de la suppression du précompte.
Il faut se souvenir que le paiement de cet impôt repose sur une base très étroite. A la page 156 du tome III du rapport écrit de la commission des finances figure - et c'est une source du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie - la répartition par tranche des entreprises ayant acquitté le précompte en 2002. Elle montre que 442 entreprises ont acquitté le précompte et que son produit est très concentré puisque, en 2002, 90 % ont été versés par 10 % des assujettis. Autrement dit, 46 entreprises ont acquitté plus de 1 million d'euros de précompte.
Il est clair qu'un petit nombre de sociétés ou de groupes est aujourd'hui très pénalisé par le précompte. Bien entendu, il ne faudrait pas en déduire que l'on doive se désintéresser d'eux. Néanmoins, il convient, pour bien apprécier la suite, de se concentrer sur cet élément et de voir que les bénéficiaires de la réforme, pour une somme substantielle, ne représentent qu'une cinquantaine de groupes.
Afin d'examiner les effets macroéconomiques de la réforme et dans le souci d'informer le Sénat, la commission a établi un tableau complexe des gains et des coûts du point de vue des différents acteurs. Il figure à la page 159 du rapport écrit de la commission.
Sous l'angle macroéconomique, le dispositif de suppression du précompte et de la réforme de l'avoir fiscal s'apparente à un transfert de charges entre, d'une part, les 442 entreprises que j'ai évoquées qui enregistraient globalement un gain de 1,2 milliard d'euros chaque année et, d'autre part, trois catégories d'acteurs : les épargnants en actions, les non-résidents et l'Etat.
S'agissant de l'Etat, vous avez raison, monsieur le ministre, de dire qu'il ne gagne a priori rien au passage puisque, à compter de 2006 et au moins en 2006, 2007 et 2008, la réforme devrait comporter au contraire un coût net, donc une charge budgétaire correspondante, comprise entre 300 millions d'euros et 350 millions d'euros. Il faut constater que, dans cette réforme, l'Etat est non pas bénéficiaire mais contributeur.
Les non-résidents sont également contributeurs, ce qui est logique puisque l'avoir fiscal ne leur est plus restitué, pour un montant de près de 500 millions d'euros.
Quant aux épargnants en actions, ils perdraient chaque année globalement un peu moins de 200 millions d'euros.
Il est important de souligner que je n'ai trouvé nulle part de contestations de ces chiffres. Par conséquent, nous pouvons débattre sur une base stable et à partir d'éléments ayant un caractère de certitude.
Si l'on examine plus précisément ce qui se passe chez les épargnants en actions, il convient de distinguer deux situations : d'une part, celle des détenteurs de PEA et, d'autre part, celle des détenteurs en direct, détenteurs de comptes de titres en actions.
Les perdants les plus importants sont logiquement les détenteurs de PEA. En raison de la suppression de l'avoir fiscal, ces derniers perdent globalement 785 millions d'euros chaque année. Le crédit d'impôt nouvellement créé, selon le niveau où il sera fixé, ramène cette perte à une somme, qui reste substantielle, de 585 millions d'euros, compte étant tenu du relèvement opéré par l'Assemblée nationale.
En ce qui concerne les détenteurs de comptes titres en actions, il faut reconnaître que la réforme serait globalement neutre, car elle serait favorable à certains épargnants et, au contraire, défavorable à d'autres. Nous y reviendrons ultérieurement.
Les conditions dans lesquelles cette répartition des conséquences s'opère au sein de la catégorie des actionnaires individuels nous posent naturellement un certain nombre de problèmes, car nous devons nous assurer de l'équité des effets de la réforme.
Je souhaite aborder un autre aspect : l'attractivité de la place de Paris.
Vous vous réjouissez, monsieur le ministre, et vous avez raison d'un point de vue budgétaire, de la suppression de l'avoir fiscal des non-résidents. C'est effectivement un élément positif pour un ministre du budget.
Toutefois, ces 480 millions d'euros ne sont-ils pas une incitation à choisir des actions cotées sur la place de Paris plutôt que sur d'autres places européennes, incitation destinée aux investisseurs institutionnels lesquels raisonnent sur le plan mondial et arbitrent entre les places ? La suppression brutale de cet avoir fiscal des non-résidents ne comporte-t-elle pas un risque réel de réallocation d'actifs au profit d'autres places financières ?
Parallèlement, le dispositif proposé incite fortement les épargnants français à diversifier leur portefeuille d'actions en y incluant une part significative d'actions étrangères. Cela peut se comprendre aisément, puisque, à l'heure actuelle, les actions françaises sont favorisées par le système de l'avoir fiscal, contrairement aux actions étrangères qui n'y donnent pas droit. Dès lors que l'avoir fiscal est supprimé, il est logique que les épargnants soient moins réticents à diversifier la répartition de leur portefeuille afin d'acquérir des actions étrangères plutôt que des actions françaises. Je cite deux exemples, pages 160 et 161 de mon rapport écrit, de cette forme d'arbitrage et de comparaison de la situation avant la réforme et après la réforme pour des contribuables dont les caractéristiques fiscales sont précisées.
Pardonnez-moi, monsieur le ministre, d'avoir quelque peu insisté sur cet aspect relatif à la compétitivité de la place de Paris, mais il ne peut laisser le Sénat indifférent, quelques mois après le vote d'une loi de sécurité financière dont l'objectif était d'assurer la meilleure compétitivité possible de cette place.
J'en viens à la question de l'urgence et à celle des contentieux. Je ne peux qu'abonder dans votre sens, monsieur le ministre, et reconnaître qu'il n'est jamais agréable d'être sous le coup de possibles condamnations judiciaires, surtout lorqu'elles sont coûteuses. Les risques existent, vous nous l'avez dit, mais en termes de délais et de jurisprudence, la certitude est peut-être moins totale que certains propos ne le laissent penser.
Nous sommes bien informés de l'action intentée par six grandes entreprises françaises devant les juridictions nationales. Ces entreprises contestent le bien-fondé de l'imposition au précompte de certaines de leurs distributions.
L'enjeu est en effet considérable. Ces requérants contestent le caractère discriminatoire, selon eux, de la législation française à l'égard des dividendes de source étrangère. A ma connaissance, ce contentieux en est à son début et, en tout état de cause, la loi fiscale nouvelle ne changera rien par rapport à la situation de droit qui sera appréciée un jour, en dernier ressort, par une cour.
En ce qui concerne l'avoir fiscal et sa compatibilité avec le droit européen, j'observe que la Commission européenne peut être conduite à prendre des positions diverses sur une même question dans un faible laps de temps. En effet, s'agissant du PEA, dont certains aspects sont jugés discriminatoires par la Commission européenne à l'égard des pays tiers, le commissaire chargé du marché intérieur, M. Bolkestein, pourtant réputé pour son intransigeance, a décidé de reporter sa proposition d'ouvrir une procédure d'infraction contre la France en attendant que la situation évolue par ailleurs sur le plan des institutions européennes.
Vous nous avez cité à juste titre, monsieur le ministre, le contentieux avec la Finlande. Notre pays n'est pas encore directement l'objet d'une action. Cette dernière s'ouvrira peut-être et prendra un certain temps avant d'arriver à son terme.
La réforme de l'avoir fiscal nous pose des problèmes, non pas tant parce que nous contestons l'opportunité ou la nécessité de supprimer un jour le précompte, mais parce qu'il nous semble que nous risquons de procéder à cette réforme à contretemps.
Tout d'abord, est-ce le meilleur moment de procéder à une telle réforme, alors que nous sommes à la sortie d'une période de crise boursière, et que nous commençons seulement à reprendre espoir ?
Par ailleurs, nous avons en mémoire les dispositions qui ont été votées sur l'initiative du Sénat en loi de finances pour 2003 pour redonner confiance aux actionnaires individuels. A cet égard, on se souviendra que, parmi d'autres mesures, le plafond du plan d'épargne en actions a été relevé de 120 000 euros à 132 000 euros et que les épargnants ont été incités à investir des montants plus élevés dans leur PEA. La commission ne voudrait pas que ces épargnants puissent penser que le Sénat a contribué à les piéger ou, si cette expression est trop forte, qu'un changement de pied, intervenu quelques mois plus tard, a compromis leur situation.
Il existe même des cas, dont je fais état dans mon rapport écrit, sans doute particuliers mais représentatifs, où l'on peut démontrer que les effets de la réforme de l'avoir fiscal annulent ceux de la baisse de 3 % du barème de l'impôt sur le revenu.
En conclusion, mes chers collègues, regardons ce qu'il en est du côté des épargnants. Le régime du PEA, vu de Sirius ou de l'étranger, peut apparaître comme un régime généreux cumulant, avec la distribution de l'avoir fiscal, différents avantages. Mais tel est le PEA, et le contrat de confiance qui lui est lié entre les épargnants et l'Etat ne date pas d'aujourd'hui. C'est un produit au poids économique certain et extrêmement diffusé dans la population. C'est la raison pour laquelle il ne faut y toucher qu'avec beaucoup de précautions.
Il m'est arrivé de lire ou d'entendre dire que l'une des motivations de cette réforme serait de faire obstacle à des manoeuvres frauduleuses consistant à utiliser le PEA comme instrument détourné, pour y placer des opérations financières et se faire restituer des volumes considérables d'avoirs fiscaux.
Il est tout à fait clair que des situations de ce genre doivent être pourchassées comme elles le méritent sur le terrain de l'abus de droit. D'après les informations que nous nous sommes procurées, il y aurait bien entre 1,5 million et 2 millions de PEA sur 7 millions au total qui seraient perdants à la réforme, ce qui n'est pas négligeable.
Au demeurant, c'est une réforme extrêmement délicate sur laquelle bien des choses ont été dites au cours des années passées. Pour illustrer nos incertitudes, je ne peux que faire référence à un colloque que la commission des finances avait organisé au mois de mai 2001 avec le centre d'étude de la fiscalité des entreprises de Paris, le CEFEP. Ce colloque, extrêmement intéressant, nous avait plongé dans la perplexité la plus complète tant sa technicité était grande.
J'ai relevé dans les actes de ce colloque - que l'on n'y voie pas de malice particulière - un propos tenu par le directeur de la législation fiscale : « Cette réforme ne serait pas neutre pour l'actionnaire. Nos modèles suggèrent que la transposition vers un dispositif à l'allemande ou vers un prélèvement libératoire, tout en maintenant l'abattement de 8 000 ou 16 000 francs au niveau actuel se traduirait par 3 millions de perdants, à savoir les contribuables qui déclaraient dans leur feuille d'impôt des dividendes, ce qui est hors de question. »
Pour ne pas vous faire perdre de temps, je vous renvoie aux simulations que nous avons opérées et qui ont été difficiles à mettre au point, il faut le reconnaître. Il a fallu vraiment tout le talent mathématique des collaborateurs de la commission pour élaborer ces courbes. Le fait suivant ressort : pour les détenteurs de comptes titres, la réforme est favorable jusqu'à un seuil assez bas. Elle devient défavorable pour les épargnants qui sont peu fiscalisés et qui se situent, par exemple, au milieu du barème progressif de l'impôt sur le revenu.
Enfin, des patrimoines plus importants détenus par des personnes fiscalisées au taux marginal peuvent se trouver avantagés par la réforme.
Monsieur le ministre, la réforme que vous préconisez en toute bonne foi - nous ne saurions bien entendu mettre en doute les intentions qui vous animent - risque de notre point de vue de faire des « dégâts collatéraux » non négligeables.
J'ai déjà évoqué les épargnants assez âgés qui reçoivent une pension de retraite, dont le niveau de fiscalité est assez faible, et qui comptent sur le dividende pour compléter leur budget annuel. Il s'agit aussi de personnes morales, de fondations reconnues d'utilité publique, d'associations qui tirent leur revenu du produit de leur patrimoine. Ce patrimoine peut être constitué en actions, et le Sénat avait obtenu l'an dernier, dans la loi de finances, le vote d'une mesure qui restituait l'avoir fiscal à ces organismes. Nous ne voudrions pas nous retrouver un an après dans la situation inverse et que ceux-ci essuient des pertes suceptibles de remettre en cause leurs perspectives d'activité.
Au terme de cet exposé trop long, mais effectué avec une bonne foi égale à celle du Gouvernement, mes chers collègues, nous pensons que les choses ne sont pas mûres et que cette réforme pourrait être reportée d'une année.
J'ai bien entendu, monsieur le ministre, le discours de la réforme que vous avez tenu, et qui peut d'ailleurs s'appliquer à une infinité de sujets dans la gestion de l'Etat. Je me demande, comme vous, si une réforme incontestable est possible en se limitant à la fiscalité des actions, et si une démarche plus globale, qui aurait consisté à réexaminer beaucoup plus largement la fiscalité de l'épargne selon les principes de la commission, ne nous aurait pas apporté les marges de manoeuvre permettant véritablement de neutraliser la suppression de l'avoir fiscal pour le plus grand nombre des actionnaires.
Nous regrettons de ne pas vous avoir convaincu, monsieur le ministre, et nous espérons encore y parvenir, même si le ton et la clarté de votre propos ne nous laissent guère de doute.
Une heureuse surprise est toutefois toujours possible, et peut-être partagerez-vous le regret que j'ai exprimé.
J'évoquerai, pour terminer, le regret plus circonstanciel : que l'on ait pu considérer que, Parlement ou pas Parlement, la réforme était faite. Telle est, en effet, la tendance de nos concitoyens : à partir du moment où une réforme est annoncée à la presse, avant même, bien souvent, que le projet de loi soit adopté par le conseil des ministres, les choses sont faites ! Nous avons été quelques-uns à être choqués que l'on commente cette réforme comme si elle était déjà décidée, le Parlement n'ayant pas encore voté, et que l'on participe même à des rencontres, à des colloques, pour faire des commentaires à propos d'une mesure qui continue, malgré tout, de poser des problèmes.
Telles sont, monsieur le ministre, les raisons pour lesquelles la commission des finances a estimé devoir proposer la suppression de l'article, c'est-à-dire le report de la réforme, car il ne s'agit pas d'en contester les prémices, à savoir la nécessité de supprimer un jour le précompte.
M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, pour présenter l'amendement n° II-92.
M. Gérard Miquel. Je suis d'accord avec vous, monsieur le ministre, sur la nécessité de réformer l'avoir fiscal. Ce qui nous sépare, c'est la méthode utilisée.
En effet, la réforme de l'avoir fiscal instaurée aux termes de l'article 66 pose un problème au groupe socialiste, parce qu'il s'agit, une fois de plus, d'un dispositif favorable aux ménages dont les revenus sont les plus importants. La mise en place d'un abattement de 50 % des revenus distribués assure un avantage fiscal d'autant plus grand que les tranches d'imposition concernées sont élevées.
Là encore, même dans le monde des épargnants, le Gouvernement favorise les gros par rapport aux petits : les gros épargnants par rapport aux petits épargnants, les gros contribuables par rapport aux contribuables modestes, les gros actionnaires par rapport aux actionnaires individuels, un petit nombre de grosses entreprises par rapport aux petits épargnants qui sont appelés à les financer.
Le cas de figure est bien connu, mais terriblement injuste. La situation ainsi créée est d'autant plus étrange que ce sont les classes moyennes s'étant constitué un capital de retraite qui sont visées par le nouveau dispositif, au moment même où le Gouvernement veut mettre en place un mécanisme d'épargne retraite, sans parler de la suppression quasi totale des avantages dont bénéficiaient les porteurs de PEA.
Parce que l'activité des entreprises françaises est de plus en plus mondialisée et que le coût du remboursement de l'avoir fiscal aux non-résidents devient de plus en plus cher, une réforme de l'avoir fiscal est sans doute utile. Mais encore faut-il y réfléchir à deux fois.
Là encore, le Gouvernement pratique sa politique désormais bien connue de la ponction compensatrice : la baisse de l'impôt sur le revenu pour les plus favorisés ne cesse de se payer par la hausse des autres prélèvements. Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste demande la suppression de l'article 66.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour présenter les amendements n°s II-167, II-168, II-169 et II-170.
M. Thierry Foucaud. Avec l'article 66 du projet de loi de finances, nous débattons de la réforme de l'avoir fiscal.
On pourrait nous demander pour quels motifs nous sommes partisans de la suppression pure et simple de cet article réformant l'avoir fiscal, comme le propose d'ailleurs une partie de la majorité sénatoriale. Les raisons qui nous animent sont assez nettement différentes de celles qui président aux préoccupations exprimées ici ou là. Nous persistons à penser que l'avoir fiscal constitue une authentique fiction juridique qui ne permet qu'à quelques contribuables relativement fortunés de bénéficier d'un avantage fiscal indû dont le poids en termes de dépenses fiscales constitue l'un des multiples éléments de valorisation des placements financiers dont notre fiscalité est truffée.
L'avoir fiscal, ne l'oublions pas, est parfois associé au versement de dividendes d'entreprises en déficit et constitue, de fait, un élément complémentaire de dévitalisation des fonds propres des entreprises concernées. Il est une rémunération supplémentaire de l'actionnariat qui n'a souvent que peu de rapport avec la réalité économique d'une entreprise puisque le montant du dividende finalement attribué ne procède que du bon vouloir de l'assemblée des actionnaires.
Il n'est en définitive qu'une confiscation au profit des actionnaires d'une partie du travail et de la richesse créée par les salariés. Nous sommes donc clairement opposés à tout dispositif de cette nature dans notre législation.
La disparition programmée de l'avoir fiscal, telle qu'elle est prévue par le présent article, recouvre également d'autres motivations. On ne peut manquer de relever que le système français procède, en la matière, de l'« exceptionnalité », aucun de nos partenaires économiques essentiels n'ayant, comme cela a été rappelé, un tel dispositif législatif dans son droit fiscal.
Cela dit, nous ne pouvons évidemment résister au bonheur de rappeler une partie de l'exposé des motifs du présent article : « Le régime fiscal français des distributions, qui repose sur le mécanisme de l'avoir fiscal et du précompte versé par les entreprises, est source de complexité tant pour les entreprises que pour l'actionnaire. Il pénalise la compétitivité des entreprises françaises, en particulier au regard de leur développement international. »
Pourquoi avoir attendu si longtemps ? Il vaut donc mieux mettre un terme à l'expérience et adopter cet amendement de suppression pure et simple de l'article 66.
Les amendements n°s II-168, II-169 et II-170 sont des amendements de repli. Comme je l'ai indiqué, une véritable réforme de l'avoir fiscal passe en fait par sa suppression, cet instrument de dépense fiscale constituant ce que l'on peut appeler une « fiction juridique ».
Ces trois amendements ne font donc que cadrer un peu plus le dispositif qui nous est présenté par l'article 66, rendu obligatoire aux yeux de certains, compte tenu d'une certaine forme d'harmonisation européenne.
Nous ne sommes pas, comme la commission des finances, choqués par le fait que les revenus du capital cesseraient de tirer parti de l'avoir fiscal. Des sommes sont peut-être à recadrer, et ces amendements y contribuent. En effet, rien ne justifie que le taux d'abattement soit fixé à 50 % lorsque le taux de l'impôt sur les sociétés est de 33,33 %. C'est le sens de l'amendement n° II-168.
Rien ne justifie davantage qu'existe une sorte de crédit d'impôt minimal destiné en pratique à éviter aux plus petits épargnants les effets de toute réforme du système. Que vaut ce dispositif au regard de l'abattement de 50 % ? Soyons clairs, ceux qui bénéficiaient le plus de l'avoir fiscal, M. Miquel vient de le rappeler, ce sont les détenteurs des plus gros revenus et non les retraités ou les petits épargnants qui sont souvent d'ores et déjà non imposables avant toute application du crédit d'impôt. C'est le sens de l'amendement n° II-170.
L'amendement n° II-169 consacre notre position de principe de non-reversement du bénéfice de l'avoir fiscal pour les entreprises dont le siège est situé hors du territoire de l'Union européenne. Comme nous l'avons maintes fois souligné, l'avoir fiscal ne règle pas, loin de là, la question du financement des entreprises. Il n'est définitivement qu'un outil d'optimisation fiscale qui ne profite réellement qu'aux plus gros patrimoines et bien sûr aux plus gros revenus.
C'est en dernière instance pour l'ensemble de ces raisons que je vous invite à adopter ces amendements, mes chers collègues.
M. le président. L'amendement n° II-177 rectifié n'est pas soutenu.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je le reprends, au nom de la commission.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° II-177 rectifié bis.
La parole est à M. le rapporteur général, pour le présenter et pour donner l'avis de la commission sur les autres amendements.
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'amendement n° II-177 rectifié bis constitue de mon point de vue un amendement de repli. Il vise à relever le plafond du crédit d'impôt défini par l'article 66 du projet de la loi de finances de 115 à 300 euros pour un célibataire et de 230 à 600 euros pour un couple. Cet amendement limiterait les effets de la réforme de l'avoir fiscal pour les épargnants en quadruplant le plafond du crédit d'impôt proposé initialement par le Gouvernement.
En ce qui concerne les PEA, le relèvement à ce niveau du crédit d'impôt permettrait un bénéfice comparable à l'avoir fiscal pour les épargnants disposant d'un portefeuille d'actions inférieur à 32 700 euros. Aux termes de cet amendement, 500 000 PEA sur 7 millions resteraient touchés par la réforme, ce qui nous semble raisonnable.
Le coût budgétaire de ce relèvement serait, selon des calculs qu'il convient de confirmer, de l'ordre de 140 millions d'euros par an pour les seuls PEA, et probablement d'environ 240 millions d'euros par an en incluant les comptes titres.
J'en viens maintenant à l'avis de la commission. Je suis évidemment favorable aux amendements n°s II-92 et II-167 de suppression, même si je n'en partage pas les motivations. Je suis même assez surpris de voir que Thierry Foucaud, habituel pourfendeur de l'avoir fiscal, conteste sa disparition. Mais chacun gère ses contradictions !
M. Roland du Luart. Il est solidaire de la commission des finances !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il est vrai que Thierry Foucaud est un membre éminent de la commission des finances, et c'est probablement une marque de solidarité envers la majorité de celle-ci !
M. Roland du Luart. C'est bien ce que j'avais compris !
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission n'est pas favorable à l'amendement n° II-169.
Quant à l'amendement n° II-168, je le trouve quelque peu surprenant, car il augmente l'abattement sur le dividende, ce qui a clairement pour effet d'améliorer la situation des patrimoines de ceux qui sont le plus fortement imposés au titre de l'impôt sur le revenu.
Par ailleurs, l'amendement n° II-170 vise à réduire le crédit d'impôt.
De ce fait, il porterait préjudice aux détenteurs plus modestes et plus faiblement imposés.
Il est donc clair que la commission ne peut qu'émettre un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Je souhaite répondre à M. le rapporteur général, qui a bien voulu nous donner son éclairage et celui de la commission sur tous ces sujets. Il a divisé son propos en trois parties. J'interviendrai en particulier sur la première partie, qu'il a lui-même qualifiée de « macroéconomique ».
La base étroite du précompte correspond à l'essentiel de la capitalisation du CAC 40. Il est vrai, monsieur le rapporteur général, que le précompte est très concentré. Toutefois, cet impôt peut aussi concerner des PME lorsqu'elles bénéficient par exemple du taux réduit de l'impôt sur les sociétés de 15 %. Elles paient le précompte sur la différence entre le taux de 15 % et celui de 33,33 %.
Vous avez indiqué, monsieur le rapporteur général, que cette réforme avait un coût pour l'Etat, et vous m'aidez, en cela, à tordre le cou à la légende selon laquelle ce serait le moyen pour l'Etat de récupérer de l'argent. Toutes choses égales par ailleurs, même si l'Etat est contributeur - vous avez évoqué le chiffre de 300 à 350 millions d'euros pendant trois ans -, il sera finalement gagnant, car il évite la croissance régulière du coût de l'avoir fiscal, qui s'élève, je le rappelle, à 500 millions d'euros par an. Si nous raisonnons ainsi, le gain potentiel de l'Etat sera de 200 millions d'euros par an.
Quoi qu'il en soit, la dynamique de cet avoir fiscal, que vous avez vous-même observée, est telle qu'il faut absolument la maîtriser.
J'en viens maintenant à l'aspect « désincitatif » de cette mesure : cette dernière pourrait-elle nuire à l'attractivité de la place de Paris ? Si l'avoir fiscal était le gage de l'attractivité de la place de Paris, cela ne constituerait pas un bon signal pour la place de Paris elle-même. En effet, nous pouvons penser qu'elle a d'autres raisons d'attirer les investisseurs étrangers : ceux-ci s'intéressent plus, me semble-t-il, aux perspectives de plus-values qu'au seul rendement sous forme de dividendes et d'avoir fiscal. En tout cas, espérons-le pour les entreprises !
Je crois aussi que, depuis la diminution du taux de l'avoir fiscal pour les sociétés qui ne disposent pas du régime mère-fille - il est passé de 50 % à 10 % - on n'a constaté aucune baisse de participation étrangère, notamment s'agissant des fonds de pension, sur ce seul motif.
Europlace ne m'a pas fait part de craintes s'agissant de l'attractivité de la place de Paris au regard de l'avoir fiscal. Le marché boursier parisien a bien évolué depuis 1965 et cet avantage compétitif ne me paraît pas décisif pour son avenir.
J'en viens maintenant aux questions relatives à l'urgence. Je connais l'esprit de responsabilité du Sénat. Mais des contentieux sont en cours et tous les éléments juridiques vont à l'encontre de nos positions. L'exécutif ne peut donc pas, sur un tel sujet, prétendre que cela lui indiffère.
Vous dites, monsieur le rapporteur général, qu'il n'y a pas urgence, parce que les juridictions ne statueront pas en dernier ressort avant la prochaine loi de finances. J'espère que vous avez raison. Cependant, cela revient à accroître potentiellement le coût financier de ces contentieux. Par conséquent, il nous faut assumer pleinement nos responsabilités.
Si encore vous me disiez, monsieur le rapporteur général, que vous songez à un projet de réforme nettement plus satisfaisant que ma proposition, que vous avez besoin de deux mois supplémentaires pour le mettre totalement au point et qu'il sera opérationnel, je serais prêt à attendre, car nous ne sommes pas à deux mois près dans ces circonstances-là. Mais, comme je l'ai dit dans mon intervention sur l'article, il n'existe pas de solution alternative. D'ailleurs, vous n'en avez pas proposé !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce serait trop cher, monsieur le ministre !
M. Alain Lambert, ministre délégué. Si c'est cher cette année, il en sera de même les autres années ! De lourds contentieux nous menacent et il faut absolument que nous puissions les prévenir.
Vous avez dit également qu'il ne fallait pas engager de réforme à contretemps et qu'il convenait de faire appel à la confiance. Eh bien ! monsieur le rapporteur général, je ne peux pas prétendre connaître les marchés financiers aussi bien que vous, mais je peux espérer que nous nous rejoindrons s'agissant de la confiance. En effet, subir une réforme masquée, une réforme non avouée, une réforme réputée incontournable, sans en connaître le contenu, est encore pire, pour les épargnants, qu'une réforme dont ils ont connaissance. Car, dans ce cas, ils savent au moins où ils vont.
Le Gouvernement agit ainsi à leur égard dans la clarté, dans la transparence et dans le respect de la parole donnée. Il s'agit là d'un élément qui peut, au contraire, favoriser la confiance.
Monsieur le rapporteur général, vous nous avez invités à nous reporter aux travaux du CEFEP, auquel la commission des finances du Sénat s'est associée à l'occasion d'un colloque qui s'est tenu le 16 mai 2001. Vous avez cité le directeur de la législation fiscale, personnalité très respectable, d'autant qu'elle n'a pas les moyens de prendre la parole. Mais il est une autre personnalité...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je sais ce que vous allez dire...
M. Alain Lambert, ministre délégué. ... c'est Philippe Marini lui-même, rapporteur général, qui a prononcé, au cours de ce colloque, des paroles sinon définitives, en tout cas qui m'ont convaincu. Vous aviez alors, monsieur le rapporteur général, une vision un peu critique de la législation actuelle en matière de précompte et d'avoir fiscal.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je suis toujours critique !
M. Alain Lambert, ministre délégué. Je citerai quelques extraits de cette vision que vous nous avez alors livrée.
« La France continue de faire vivoter un système que presque tous qualifient de moribond. [...]
« Aujourd'hui, le système de l'avoir fiscal et du précompte est ainsi l'antithèse de ce qu'il faut faire en matière fiscale, puisqu'il est complexe [...], coûteux en gestion pour les entreprises, coûteux pour le budget de l'Etat, instable et surtout incohérent.
« Il serait temps de faire preuve à nouveau d'un peu de modernité fiscale pour moderniser notre système d'imposition des distributions. [...] Ce "vieux" dispositif n'est plus un "bon" dispositif.
« Les pistes de solution sont désormais bien connues : suppression du précompte seule, régime du précompte optionnel ou suppression du précompte et de l'avoir fiscal avec l'instauration d'un abattement sur les dividendes, d'un prélèvement libératoire ou d'une retenue à la source, idéalement dans le cadre d'une véritable réforme du barème de l'impôt sur le revenu.
« On doit espérer que la réforme de ce système obsolète, que la commission des finances s'évertue à demander chaque année au Gouvernement, sera enfin inscrite dans le cadre de la prochaine loi de finances. »
Eh bien ! monsieur le rapporteur général, vous avez été entendu !
Tout à l'heure - et je le comprends -, vous vous êtes offusqué du fait que l'on ait commenté la réforme avant même qu'elle ait été décidée. Mais j'ai pris l'engagement, l'an dernier, dans cet hémicycle, de présenter une réforme lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2004. Je n'ai donc pas pris en traître la commission des finances !
Cette réforme est indispensable et le Gouvernement n'envisage pas d'y renoncer. C'est ce qui me conduit à émettre un avis défavorable sur tous les amendements de suppression.
Je précise à M. Miquel que c'est précisément pour les petits actionnaires que nous avons proposé la création d'un crédit d'impôt, contrairement à la réforme qui a été opérée en Allemagne, avec un gouvernement qui est plus proche de vos voeux. Vous nous reprochez donc, en quelque sorte, notre générosité.
Cela étant, le Gouvernement ne désire pas imposer une réforme contre la volonté du Sénat, notamment de la commission des finances. Il a voulu engager le dialogue.
Les souhaits exprimés dans l'amendement n° II-177 rectifié bis sont impossibles à satisfaire, car ils vont beaucoup trop loin. Si la commission des finances, après y avoir réfléchi, voulait s'orienter dans la voie d'un léger relèvement du crédit d'impôt, je serais ouvert à une telle disposition, mais à condition qu'elle reste dans des limites financièrement acceptables.
Telles sont les précisions que je souhaitais apporter.
Le Gouvernement est donc défavorable aux amendements identiques n°s II-167, II-179, II-92 et ainsi qu'aux amendements n°s II-168, II-169 et II-170.
S'agissant de l'amendement n° II-177 rectifié bis, le Gouvernement serait prêt à l'examiner s'il était modifié, afin d'aboutir à des chiffres qui seraient supportables.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous venons d'avoir un débat d'une haute qualité. Je me réjouis que des arguments aient pu être échangés entre M. le ministre et M. le rapporteur général avec autant de données objectives et de références historiques. Cela honore le Parlement.
En exprimant de nouveau avec force votre attachement à ce que cette réforme soit décidée dans les meilleurs délais, monsieur le ministre, vous nous avez invités à explorer l'ouverture que préfigure l'amendement de notre collège Bernard Plasait.
Je voudrais exprimer un souhait. Avec les propositions qui sont formulées, les entreprises échapperont au paiement du précompte, c'est-à-dire au versement de près de 2 milliards d'euros : ce sont les références de 2002, qui apparaissent dans l'analyse du rapporteur général.
Peut-on espérer que les entreprises disposant ainsi de ressources plus consistantes se dirigent vers une politique de dividendes plus généreuse ? En d'autres termes, sont-elles prêtes à restituer aux actionnaires une fraction significative de l'économie de précompte qu'elles pourraient réaliser ? On pourrait alors imaginer que les actionnaires perçoivent non plus l'avoir fiscal, mais un supplément de dividendes.
Cela étant, monsieur le président, à ce stade de la discussion, je demande une suspension de séance de quelques minutes, afin que la commission des finances puisse se réunir.
M. le président. Le Sénat va, bien sûr, accéder à votre demande, monsieur le président.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue le mardi 9 décembre 2003 à zéro heure dix, est reprise à zéro heure vingt-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission des finances, après en avoir délibéré, s'est résolue à faire un pas - presque un saut ! - dans le sens du Gouvernement.
M. Roland du Luart. Un saut à l'élastique !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous n'avons malheureusement pas convaincu M. le ministre. Celui-ci a d'ailleurs malicieusement rappelé, mais je lui avais peut-être tendu la perche, le colloque de mai 2001, montrant ainsi la grande difficulté du problème et les contradictions dans lesquelles nous pouvons nous trouver. A l'époque, le directeur de la législation fiscale, qui, je pense, dans le cadre de ses fonctions, a probablement, et tout à fait légitimement, milité pour ce que vous défendez, monsieur le ministre, et qui a acquis votre conviction, n'était pas, en mai 2001, très « chaud », si vous me permettez cette expression familière.
En ce qui me concerne, m'exprimant de façon un peu rapide, et participant, il est vrai, à beaucoup de colloques, en en assurant parfois de façon imprudente la conclusion (Sourires), j'ai tenu les propos que vous avez bien voulu rappeler, monsieur le ministre. Je confesse que je les ai tenus sans avoir fait procéder à aucune simulation à l'époque. Or, depuis, les simulations ont été faites avec beaucoup de rigueur et de sens du devoir par nos collaborateurs, et elles nous ont convaincus de la réalité des problèmes.
Bref, ne revenons pas sur un sujet aussi délicat, que chacun fasse preuve de modestie. La commission, pour sa part, n'a ni amour propre d'auteur ni fierté mal placée. En conséquence, monsieur le président, nous retirons l'amendement de suppression n° II-179.
M. le président. L'amendement n° II-179 est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Par ailleurs, nous souhaiterions que soit appelé par priorité l'amendement n° II-177 rectifié bis, mais qui deviendrait l'amendement n° II-177 rectifié ter à la suite d'une modification que nous souhaitons apporter.
M. Plasait proposait un crédit d'impôt de 300 euros pour une personne seule, et de 600 euros pour un couple. Nous voudrions, mes chers collègues, vous demander de voter les sommes de 230 euros pour une personne seule et de 460 euros pour un couple, soit le double des montants qui nous sont proposés par le Gouvernement, respectivement de 115 euros et de 230 euros.
La situation serait, de la sorte, un peu plus satisfaisante. Il est vraisemblable que 800 000 titulaires de PEA demeureraient touchés, alors que, dans le cadre qui nous est tracé par le Gouvernement, après passage à l'Assemblée nationale, ce nombre serait de 2 millions. Passer de 2 millions à 800 000, cela serait évidemment une amélioration !
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° II-177 rectifié ter, déposé par M. Marini, au nom de la commission des finances, et ainsi libellé :
« I. - Dans le deuxième alinéa du texte proposé par le 7° du A du I de cet article pour l'article 200 septies du code général des impôts, remplacer la somme : "115 EUR" par la somme : "230 EUR" et la somme : "230 EUR" par la somme : "460 EUR".
« II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'augmentation du plafond du crédit d'impôt visé à l'article 200 septies du code général des impôts est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
J'ai été saisi par la commission d'une demande de priorité de l'amendement n° II-177 rectifié ter.
Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Le Gouvernement n'y voit pas d'objection.
M. le président. La priorité est ordonnée.
Quel est donc l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° II-177 rectifié ter ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Je veux tout d'abord remercier la commission des finances d'avoir accepté de retirer son amendement de suppression. Cependant, parce que j'ai pour habitude de respecter les engagements que je prends et que, en l'occurrence, j'ai fait savoir, au moment de la suspension de séance, le montant au-delà duquel je ne donnerai pas mon accord, je m'y tiendrai.
Autrement dit, je ne peux pas donner un avis favorable à cet amendement. J'ai clairement indiqué qu'il était impossible pour moi d'aller au-delà de 150 euros et de 300 euros. Très franchement, dans les propositions que j'avais faites, je suis déjà allé au-delà du mandat qui était le mien. Donc, chacun prendra ses responsabilités : si le Sénat vote cet amendement, je serai contraint de demander une seconde délibération.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, la commission des finances a, ce soir, accompli plus qu'un pas en direction du Gouvernement. Notre souci est de sortir de cette discussion au Sénat après une délibération qui permette d'ouvrir le dialogue avec nos collègues députés au moment de la commission mixte paritaire.
Le vote de ce soir ne préjuge en aucune façon les conclusions de la commission mixte paritaire. Je souhaiterais donc que le Gouvernement veuille bien reconnaître l'importance significative du chemin que nous avons accompli en sa direction.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-177 rectifié ter.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, les amendements n°s II-92, II-167 et II-170 n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° II-168.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-169.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 66, modifié.
(L'article 66 est adopté.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
TEXTE SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil abrogeant le règlement (CE) n° 1031/2002 du Conseil du 13 juin 2002 instituant des droits de douane supplémentaires sur les importations de certains produits originaires des Etats-Unis d'Amérique.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E 2460 et distribué.
ORDRE DU JOUR
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mardi 9 décembre 2003, à neuf heures trente, à quinze heures et, éventuellement, le soir :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2004, adopté par l'Assemblée nationale (n°s 72 et 73, 2003-2004) (M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation).
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
Suite de l'examen des articles de la deuxième partie non joints à l'examen des crédits.
Aucun amendement aux articles de la deuxième partie n'est plus recevable.
Eventuellement, seconde délibération sur les articles.
Explications de vote sur l'ensemble.
Vote sur l'ensemble (scrutin public à la tribune de droit, en application de l'article 60 bis, troisième alinéa, du règlement.)
Délais limites pour les inscriptions
de parole et pour le dépôt des amendements
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité relatif à l'adhésion à l'Union européenne de la République tchèque, de l'Estonie, de Chypre, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Hongrie, de Malte, de la Pologne, de la Slovénie et de la Slovaquie (n° 88, 2003-2004) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 9 décembre 2003, à dix-sept heures.
Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité (n° 85, 2003-2004) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 9 décembre 2003, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 9 décembre 2003, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi de M. Jean-François Le Grand, portant création des communautés aéroportuaires (n° 83, 2003-2004) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 10 décembre 2003, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 10 décembre 2003, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi de M. Henri de Richemont et plusieurs de ses collègues, relative à la création du registre international français (n° 47, 2003-2004) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 10 décembre 2003, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 10 décembre 2003, à onze heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le mardi 9 décembre 2003, à zéro heure trente.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD
ERRATUM
Au compte rendu intégral de la séance du 21 novembre 2003
LOI DE FINANCES POUR 2004
Page 8515, 1re colonne, dans le texte proposé par l'amendement n° I-280, 3e alinéa (b) 1re ligne :
Au lieu de : « seuls ou ont »,
Lire : « seuls et ont ».
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON
QUESTIONS ORALES
REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT
(Application des articles 76 à 78 du réglement)
Conséquences de la fermeture de l'usine Formica à Quillan
377. - 8 décembre 2003. - M. Roland Courteau attire l'attention de Mme la ministre déléguée à l'industrie sur l'annonce brutale de la fermeture de l'usine Formica à Quillan, dans l'Aude, telle qu'elle vient d'être faite par la direction du groupe Formica, entraînant, par voie de conséquence, quelque 150 suppressions d'emplois sur cette commune. Il lui indique que cette délocalisation de fait, qualifiée par cette même direction « de redéploiement d'activité, vers les autres usines de Finlande, Angleterre ou Espagne », prend l'effet d'un véritable séisme social et économique à l'échelle d'une commune de 4 000 habitants et de l'ensemble de la haute vallée de l'Aude, déjà cruellement sinistré par la disparition du secteur de la chaussure voici quelques années et, plus récemment encore, de 41 emplois chez Hunstman. Face aux conséquences dramatiques au plan humain d'une telle dégradation économique, de surcroît dans un contexte départemental alarmant (Salsigne, Rouleau-Guichard, Micron Couleur, etc.), il lui demande de bien vouloir lui faire connaître son sentiment sur la situation locale de Quillan où la fatalité n'est pas acceptable... et si elle entend mettre tout en oeuvre pour que l'Etat soit à même d'apporter une réponse d'envergure, en termes de développement d'un secteur cruellement frappé.
ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du lundi 8 décembre 2003
SCRUTIN (n° 105)
sur les amendements n° II-14 rectifié, déposé par M. Gaston Flosse et plusieurs de ses collègues, et n° II-89, déposé par M. Gérard Miquel et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, tendant à supprimer l'article 60 A du projet de loi de finances pour 2004 (abattement d'impôt sur les retraites servies dans les territoires d'outre-mer).
Nombre de votants : 290
Nombre de suffrages
exprimés : 290
Pour : 283
Contre : 7
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Pour : 23.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (29) :
Pour : 2. _ M. Marcel Henry et Mme Anne-Marie Payet.
Contre : 4. _ MM. Jean Arthuis, Denis Badré, Maurice Blin et Michel Mercier.
N'ont pas pris part au vote : 23.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (17) :
Pour : 17.
GROUPE SOCIALISTE (83) :
Pour : 83.
GROUPE DE L'UNION POUR UN MOUVEMENT POPULAIRE (164) :
Pour : 158.
Contre : 3. _ MM. Yves Fréville, Philippe Marini et François Trucy.
N'ont pas pris part au vote : 3. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat, M. Daniel Hoeffel, qui présidait la séance, et M. Jean Chérioux.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (5) :
N'ont pas pris part au vote : 5.
Ont voté pour
Jean-Paul Alduy
Nicolas Alfonsi
Michèle André
Pierre André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Michel Bécot
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Claude Belot
Maryse Bergé-Lavigne
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Besson
Laurent Béteille
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Joël Billard
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Marie-Christine Blandin
Nicole Borvo
Didier Boulaud
Joël Bourdin
Brigitte Bout
André Boyer
Yolande Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Robert Bret
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Claire-Lise Campion
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Jean-Louis Carrère
Ernest Cartigny
Auguste Cazalet
Bernard Cazeau
Charles Ceccaldi-Raynaud
Monique Cerisier-ben Guiga
Gérard César
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Jacques Chaumont
Marcel-Pierre Cléach
Jean Clouet
Christian Cointat
Yvon Collin
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Gérard Cornu
Raymond Courrière
Roland Courteau
Jean-Patrick Courtois
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Robert Del Picchia
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Gérard Dériot
Rodolphe Désiré
Evelyne Didier
Eric Doligé
Claude Domeizel
Jacques Dominati
Michel Doublet
Michel Dreyfus-Schmidt
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Claude Estier
Jean-Claude Etienne
Jean Faure
André Ferrand
Guy Fischer
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
François Fortassin
Thierry Foucaud
Alain Fouché
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Jean-Claude Frécon
Bernard Frimat
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Charles Gautier
Patrice Gélard
André Geoffroy
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Jean-Pierre Godefroy
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Jean-Noël Guérini
Michel Guerry
Hubert Haenel
Claude Haut
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Odette Herviaux
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Alain Journet
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Yves Krattinger
Christian de La Malène
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Dominique Larifla
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Gérard Le Cam
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
André Lejeune
Serge Lepeltier
Louis Le Pensec
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Claude Lise
Gérard Longuet
Paul Loridant
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Hélène Luc
Brigitte Luypaert
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Max Marest
Pierre Martin
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Jean-Louis Masson
Serge Mathieu
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Lucette Michaux-Chevry
Gérard Miquel
Jean-Luc Miraux
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Michel Moreigne
Dominique Mortemousque
Georges Mouly
Bernard Murat
Roland Muzeau
Philippe Nachbar
Paul Natali
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Jean-Marc Pastor
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Guy Penne
Jean Pépin
Daniel Percheron
Jacques Peyrat
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Xavier Pintat
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jean Puech
Henri de Raincourt
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Roger Rinchet
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Roger Romani
Gérard Roujas
André Rouvière
Janine Rozier
Michèle San Vicente
Bernard Saugey
Claude Saunier
Jean-Pierre Schosteck
Michel Sergent
Bruno Sido
René-Pierre Signé
Louis Souvet
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Yannick Texier
Michel Thiollière
Jean-Marc Todeschini
Henri Torre
René Trégouët
Pierre-Yvon Trémel
André Trillard
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
André Vantomme
Alain Vasselle
Paul Vergès
André Vézinhet
Jean-Pierre Vial
Marcel Vidal
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Jean-Paul Virapoullé
Henri Weber
Ont voté contre
Jean Arthuis
Denis Badré
Maurice Blin
Yves Fréville
Philippe Marini
Michel Mercier
François Trucy
N'ont pas pris part au vote
Nicolas About
Philippe Adnot
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Claude Biwer
Annick Bocandé
Didier Borotra
Jean Boyer
Jean Chérioux
Philippe Darniche
Marcel Deneux
Sylvie Desmarescaux
Yves Détraigne
Jean-Léonce Dupont
Pierre Fauchon
Françoise Férat
Christian Gaudin
Gisèle Gautier
Jacqueline Gourault
Joseph Kergueris
Valérie Létard
Louis Moinard
Jacques Moulinier
Philippe Nogrix
Bernard Seillier
Daniel Soulage
Alex Türk
Jean-Marie Vanlerenberghe
François Zocchetto
N'ont pas pris part au vote
Christian Poncelet, président du Sénat, et Daniel Hoeffel, qui présidait la séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 292
Nombre de suffrages
exprimés : 292
Majorité absolue des suffrages exprimés : 147
Pour :
285
Contre : 7
Mais, après vérification, ces nombres ont été
rectifiés conformément à la liste ci-dessus.