M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacky Le Menn, rapporteur. Cet amendement a pour objet d’en revenir à la facturation par chaque laboratoire des examens qu’il a effectués. Son adoption mettrait fin au principe de la facturation unique, qui figure, je le rappelle, dans l’ordonnance de 2010.
Ses auteurs prévoient par ailleurs la possibilité pour les hôpitaux de facturer directement aux patients les actes hors nomenclature qu’ils réalisent à la demande d’un autre laboratoire.
Cette mesure est essentiellement financière et n’a d’ailleurs qu’un lien ténu avec le reste de nos débats.
Sur le fond, je considère que la facturation unique est dans l’intérêt du patient. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Je considère également que la facturation unique va dans le sens de l’intérêt du patient. Ce débat nous a d’ailleurs déjà occupés puisque, lors de l’examen de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, plusieurs amendements – qui n’ont pas été adoptés – dont l’objet était de revenir sur le dispositif mis en place par l’ordonnance de 2010 avaient été présentés.
Je le répète, il me paraît préférable de maintenir le système en vigueur dans la mesure où il permet de simplifier les démarches à accomplir par le patient pour le règlement de ses factures.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 22.
M. Jean Desessard. Je vote comme Mme Génisson ! (Sourires.)
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 11 (nouveau)
Les dispositions du titre II du livre II de la sixième partie du code de la santé publique sont applicables à Saint-Barthélémy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, dans leur version antérieure à l’ordonnance n° 2010-49 du 13 janvier 2010 précitée.
M. le président. La parole est à M. Michel Magras, sur l'article.
M. Michel Magras. Cet article 11 a fort opportunément été introduit par la commission des affaires sociales pour garantir la permanence de l’offre de biologie médicale dans les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon.
En effet, l’accréditation garantira une biologie médicale de qualité, mais elle aura pour effet paradoxal de faire disparaître cette offre dans ces trois collectivités. C’est pourquoi il convient d’y rendre facultative la procédure d’accréditation et, considérant que les contrôles actuellement en vigueur permettent de disposer d’une biologie médicale fiable, de maintenir le régime d’autorisation et de contrôle en vigueur.
L’article 11 s’inscrit donc bien dans l’objectif visé par la présente proposition de loi, à savoir garantir la permanence et la qualité de l’offre de biologie médicale, même si, pour les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon, il est proposé un moyen différent.
En l’absence d’un laboratoire implanté sur leur territoire, la qualité de la biologie médicale ne serait plus garantie du fait, en premier lieu, de l’obligation d’effectuer les analyses à l’extérieur et, en second lieu, du risque lié au transport sur la stabilité des échantillons sanguins.
À Saint-Barthélemy, il n’existe localement aucune solution de remplacement à l’unique laboratoire qui, à des fins de contrôle sanitaire de l’eau, analyse les prélèvements pour le compte de la clientèle privée, de l’hôpital et de la collectivité.
Dans ces conditions, avec une population de 9 000 habitants, le volume de dossiers traités par le laboratoire est relativement stable et prévisible, de même, partant, que son chiffre d’affaires.
L’obtention de l’accréditation représente donc pour cet organisme un coût financier trop important qu’il ne sera pas en mesure de supporter.
Si le laboratoire devait fermer pour des raisons économiques, les analyses devraient alors être effectuées en dehors de l’île.
Je rappelle que les îles les plus proches soumises à la réglementation française sont Saint-Martin et la Guadeloupe, à 250 kilomètres.
À Saint-Martin, le même risque de fermeture pèse sur le laboratoire privé de l’île et le laboratoire de l’hôpital se trouverait engorgé s’il devait aussi recevoir les analyses de Saint-Barthélemy.
S’agissant de la Guadeloupe, la distance à parcourir ne garantirait ni la fiabilité des résultats ni la rapidité en cas d’urgence. Je ne parle même pas du coût supplémentaire que cela engendrerait. Ce serait de surcroît faire faire un bond de quinze ans en arrière à la collectivité de Saint-Barthélemy.
À Saint-Pierre-et-Miquelon, j’imagine que la question se pose avec davantage d’acuité encore puisque le territoire le plus proche de cette collectivité est le Canada.
Madame la ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, si ce texte devait être appliqué dans sa rédaction actuelle, c’est non pas la question de la qualité de la biologie médicale dans les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre et Miquelon qui se poserait, mais tout simplement celle de son existence.
M. Charles Revet. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 60, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après l’article L. 6213-6 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 6213-6-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 6213-6-1. – Un décret en Conseil d’État prévoit pour Saint-Barthélémy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon des modalités spécifiques d’aménagement de la procédure d’accréditation prévue à l’article L. 6221-1 des laboratoires de biologie médicale, dans le respect de l’exigence de qualité. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. J’ai écouté avec attention les propos de M. Magras, qui expose un problème à propos duquel la sénatrice de Saint-Pierre-et-Miquelon m’avait d’ailleurs aussi alertée.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a déposé cet amendement qui vise précisément à prendre en compte les spécificités insulaires de Saint-Barthélémy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon, lesquelles rendent l’accréditation plus coûteuse et plus complexe à organiser qu’en métropole. Les laboratoires seraient alors soumis à des contraintes si fortes qu’elles pourraient purement et simplement conduire à leur disparition, éventualité qui n’est pas acceptable.
Le Gouvernement propose ainsi de renvoyer à un décret en Conseil d’État la définition des modalités spécifiques d’aménagement de la procédure d’accréditation des laboratoires de biologie médicale dans ces trois collectivités.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacky Le Menn, rapporteur. La commission n’a pas eu l’occasion d’examiner cet amendement du Gouvernement. Il me semble néanmoins que ce dernier propose un compromis de nature à prendre en compte la spécificité des outre-mer, sans toutefois remettre en cause la garantie de qualité pour tous les citoyens.
La navette permettra éventuellement d’en parfaire la rédaction.
À titre personnel, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à M. Michel Magras, pour explication de vote.
M. Michel Magras. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, s’il y a une chose dont je vous prie de ne pas douter, c’est que mon soutien à l’article 11 est motivé par l’exigence de qualité des soins, d’une manière générale, pour les habitants de Saint-Barthélemy.
Et pour cause : en matière d’accès à des soins de qualité, l’investissement de notre collectivité n’est plus à démontrer. Tout ce qu’il était envisageable de faire pour compenser l’impossibilité de disposer, sur 24 kilomètres carrés, d’un accès à l’ensemble des soins a été mis en œuvre.
Ainsi, il existe un petit hôpital qui fonctionne avec l’aide de la collectivité ; nous nous apprêtons d’ailleurs à y installer un dispositif innovant de télémédecine, qui nous donnera le sentiment d’être moins isolés. En outre, nous achevons la construction d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, financé à plus de 90 % par la collectivité.
Notre action en faveur de la présence d’un laboratoire de biologie médicale procède de la même volonté de maintenir localement la permanence de l’offre de soins offerte aux résidents.
Pour autant, je connais les contraintes insurmontables auxquelles est confrontée notre île et je sais aussi que ces contraintes particulières tendent à rendre inadaptées, donc inapplicables, certains dispositifs législatifs qui ne sont pas pensés en tenant compte de cette insularité.
C’est le cas de certaines exigences requises pour l’accréditation des laboratoires de biologie médicale.
J’y insiste, il ne s’agit pas de créer les conditions d’une biologie médicale de moins bonne qualité, mais de ne pas faire disparaître ce qui existe en maintenant des exigences rendues structurellement irréalisables.
L’amendement que j’avais présenté en commission visait à rendre la procédure d’accréditation facultative. Implicitement, il s’agissait d’introduire de la souplesse pour que cette procédure puisse être menée à son terme dans les domaines où cela était possible. Le laboratoire a de toute façon déjà engagé celle-ci, mais il ne pourra la conduire au-delà d’une certaine limite.
L’enjeu de cet article 11 est donc, je le redis, de faire en sorte qu’un laboratoire puisse maintenir son activité à Saint-Barthélemy, car, à défaut, l’exigence de qualité sera remise en cause.
Pour ces raisons, l’amendement du Gouvernement me semble être une voie de compromis qui permettra d’adapter les dispositions de ce texte aux contraintes de délai, financières et géographiques qui se posent à Saint-Barthélemy, mais également aux autres collectivités.
C’est également mon souhait, et je voterai donc cet amendement.
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Alain Milon, pour explication de vote.
M. Alain Milon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nos débats ont été riches, mais ils n’ont pas abouti, selon nous, à un texte totalement satisfaisant.
Lors de l’examen de l’article 4, nous avons rappelé que la qualité de l’analyse du prélèvement jusqu’au résultat est plus facile à garantir lorsque ce prélèvement est effectué en laboratoire.
S’il est utile, notamment pour des raisons de proximité géographique des patients, de permettre aux infirmières ou aux médecins de réaliser des prélèvements à domicile, la rédaction de l’article 4 ne nous paraît pas pour autant satisfaisante.
Sur plusieurs travées de cet hémicycle, il a été proposé de restreindre le champ de l’examen de biologie médicale en dehors du laboratoire de biologie médicale au seul prélèvement des échantillons biologiques. Dans sa rédaction issue de nos débats, ce texte fait endosser aux biologistes une responsabilité qui n’est pas la leur.
La commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale et sa présidente, Catherine Lemorton, défendaient cette position en 2012 ; j’espère qu’elles sauront vous convaincre, madame la ministre.
Nous nous réjouissons de la suppression de l’article 6. En effet, l’ordonnance du 13 janvier 2010 n’a pas réservé l’exercice de la biologie médicale aux seuls détenteurs du diplôme d’études spécialisées de biologie médicale. Différentes voies dérogatoires sont d’ores et déjà prévues ; il était inutile d’en créer une autre.
La suppression de l’article 7 ter permet de tirer les conséquences de la médicalisation de la discipline. Il nous semble important de maintenir dans le code de la santé publique la définition précise des missions du biologiste médical : participer à la prescription des examens, proposer ceux qui sont les plus utiles et rendre la prescription la plus efficace et la plus pertinente possible.
Enfin, en ce qui concerne la lutte contre la financiarisation, nous estimons que nous ne sommes pas allés assez loin. En refusant de voter notre amendement tendant à insérer un article additionnel après l’article 8, chers collègues de la majorité, vous ne freinez pas la création de véritables oligopoles !
Enfin, comme à tous, la réglementation des tarifs du COFRAC nous a semblé légitime et nécessaire. J’espère que nos collègues députés conserveront cette disposition.
En conclusion, nous ne voudrions pas pénaliser les biologistes en nous opposant à ce texte : son rejet n’est pas la solution. Nous espérons en revanche que les débats à l’Assemblée nationale permettront de l’améliorer.
Pour toutes ces raisons, notre groupe s’abstiendra.
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche.
M. Gérard Roche. L’examen de cette proposition de loi a été un grand moment de débats parlementaires. Si tel a été le cas, c’est que, tant en commission qu’en séance plénière, il est apparu que ce texte, qui contient de nombreuses dispositions, était relativement consensuel.
En ce qui concerne l’accréditation, nous étions tous d’accord ; l’amendement de M. Barbier permettra de protéger les laboratoires de petite taille du monde rural.
En matière de définanciarisation – quel terme barbare ! – nous avons fait quelques avancées, notamment grâce à notre sous-amendement.
Le troisième invité dans le débat fut la responsabilisation. À cet égard, le praticien en zone de montagne que j’ai été pendant longtemps, en Haute-Loire, s’inquiète. J’aurai souhaité que l’on réservât un meilleur sort à l’article 4. Il aurait en effet fallu responsabiliser davantage l’analyse médicale, depuis le prélèvement jusqu’à la sortie du laboratoire. Cela n’a pas été fait. Nous ne pouvons que regretter que l’on ne soit pas allé plus loin sur cette voie, en diluant quelque peu la responsabilité du résultat.
Le groupe UDI-UC s’abstiendra lors du vote de cette proposition de loi, ce qui permettra l’adoption de celle-ci. Comme c’est un bon texte, nous lui souhaitons « bon vent », en espérant qu’il soit encore amélioré à l’Assemblée nationale !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Nous nous sommes efforcés, tout au long de cette discussion, de renforcer la sécurité des patients. Et, si nous n’avons pas porté un coup d’arrêt à la financiarisation, du moins l’avons-nous freinée.
Cela étant dit, nous avons, par moments, manqué d’audace. À l’article 8, nous sommes restés au milieu du gué. C’est dommage, car, compte tenu des dégâts qu’a provoqués la politique suivie pendant les dix dernières années en matière de santé, il aurait été nécessaire de prendre des mesures beaucoup plus radicales, plus protectrices que celles qui ont finalement été décidées. Nous le savons, les grands groupes financiers font preuve d’une imagination sans limites et ils arrivent toujours à détourner la loi !
Aussi, satisfaits des avancées qui ont été réalisées, mais déçus par leur timidité, le groupe CRC s’abstiendra sur le vote de cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.
Mme Catherine Génisson. L’intérêt de nos débats, tant en commission que dans cet hémicycle, prouve l’importance que nous attachons tous à la qualité de la biologie médicale, qui contribue à hauteur de 60 % au diagnostic des pathologies de nos concitoyens. Nous nous sommes efforcés, au cours de la discussion de cette proposition de loi, de sécuriser les biologistes médicaux, de réduire l’inégalité d’accès aux soins sur notre territoire, de donner du poids à l’accréditation afin que les biologistes médicaux se l’approprient, de créer les freins nécessaires à la montée de la financiarisation qui affecte nos laboratoires.
Je tiens à remercier une nouvelle fois notre rapporteur, Jacky Le Menn, qui, après un travail remarquable, a élaboré un texte de qualité que nous avons eu à cœur d’améliorer.
Je remercie également Mme la ministre de son écoute et de la qualité de ses propos.
Le texte issu de nos travaux est certes perfectible. Toutefois, au vu des améliorations que nous avons apportées au texte initial, qui était de qualité, le groupe socialiste le votera.
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Le groupe écologiste votera lui aussi cette proposition de loi dans la mesure où nous avons avancé sur les deux enjeux essentiels du texte, l’accréditation et la financiarisation.
L’accréditation, dont l’objet est de permettre une meilleure qualité des soins, a été largement traitée, même s’il reste des points à perfectionner.
Par ailleurs, nous avons pris des mesures de régulation et d’encadrement de la financiarisation galopante.
Nous espérons que le débat à l’Assemblée nationale viendra renforcer cette proposition de loi et nous remercions à notre tour M. le rapporteur de son travail et de son écoute. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Le groupe RDSE est composé essentiellement de sénateurs élus de milieux ruraux. Il faut bien reconnaître que, depuis quelques années, dans nombre de nos départements, la disparition progressive des laboratoires de biologie médicale et la mainmise des grands groupes posent un véritable problème d’aménagement du territoire, alors que ces laboratoires jouent un rôle essentiel dans le parcours de soins.
L’article 4, tel qu’il a été voté par le Sénat, retire, et je le regrette, une part de responsabilité au biologiste médical puisque la phase de pré-analyse est confiée à un acteur de santé signataire d’une convention. Scinder l’analyse biologique en tranches me paraît être une mauvaise solution.
Par ailleurs, un certain nombre d’amendements sont venus améliorer le texte.
J’ai suivi le débat qui a eu lieu l’an dernier à l’Assemblée nationale. Comme je l’ai dit, je suis extrêmement surpris que le rapporteur socialiste, pas plus que Mme la ministre d’ailleurs, n’ait entendu les préoccupations de notre collègue député Mme Catherine Lemorton. Elle exprimait pourtant notre volonté sincère à tous, c’est-à-dire éviter que la financiarisation qui est en marche, notamment du fait de la loi de 1990, n’aille encore plus loin.
Il est dommage que les sénateurs ne soient pas parvenus à s’entendre sur un texte très technique, qui pose de nombreuses questions, et que nous soyons obligés une fois encore de nous en remettre à l’Assemblée nationale. On le fait dans beaucoup de domaines. À titre personnel, je le regrette. Nous avons pour habitude, au Sénat, d’aborder les textes qui nous sont soumis sous un angle technique, de manière dépersonnalisée, sans excès de politisation. Je ne peux donc que souhaiter que l’Assemblée nationale améliore la rédaction de l’article 4.
Le groupe RDSE s’abstiendra sur cette proposition de loi, parce qu’il faut ratifier l’ordonnance de janvier 2010 et parce que nous ne devons pas rester plus longtemps dans la situation de non-droit dans laquelle nous sommes depuis plus de trois ans.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacky Le Menn, rapporteur. J’ai écouté avec attention les responsables des diverses sensibilités représentées dans notre hémicycle.
Permettez-moi tout d’abord de replacer les choses dans leur perspective. La présente proposition de loi a été signée par de nombreux sénateurs de notre groupe qui avaient étudié de près les propositions de l’Assemblée nationale.
Nous partons de loin, car l’ordonnance ne date pas d’hier ! Les groupes qui étaient alors en mesure de peser sur la politique gouvernementale en matière de santé, donc de biologie médicale, n’ont pas fait d’efforts considérables pour qu’un texte soit discuté plus tôt. On ne sait ainsi pas trop pourquoi la proposition de loi de Valérie Boyer et Jean-Luc Préel, adoptée par l’Assemblée nationale en janvier 2012, est restée bloquée en route…
Mon groupe a décidé qu’il ne fallait pas laisser les choses en l’état et il a pris la responsabilité de proposer au Sénat de ratifier l’ordonnance de 2010 : tel était l’objet de l’article 1er de la proposition de loi.
Il fallait ratifier l’ordonnance, mais il fallait aussi, dans un temps contraint, l’améliorer. Nous avons donc écouté l’ensemble de la profession et organisé plusieurs tables rondes.
Nous nous sommes également rapprochés de l’Assemblée nationale, mais, monsieur Barbier, sachez que je ne suis pas suiviste par nature : breton je suis, têtu sans doute ! Ce n’est pas parce qu’un député, fût-il éminent, a pris une position donnée que, dans la réflexion complémentaire conduite au Sénat, votre rapporteur et ses collègues devaient s’embrigader, en quelque sorte, et s’obliger à le suivre.
Nous ne sommes pas des suivistes par tempérament. Nous avons donc procédé à une nouvelle analyse de la situation. Et, avec les éclairages complémentaires du Gouvernement, nous avons, avec cet article 4 dont vous nous faites grief, trouvé la voie de la sagesse.
M. Gilbert Barbier. Les députés sont des sages !
M. Christian Bourquin. Ils sont ici, les sages !
M. Jacky Le Menn, rapporteur. Sur des points très techniques, comme la phase pré-analytique, je pense effectivement que la discussion à l’Assemblée nationale permettra d’aller plus loin.
Nous l’avons tous compris, au cœur et de cette proposition de loi, se trouvaient deux points essentiels.
Tout d’abord, quid de la qualité de la biologie médicale pour nos concitoyens ? C’est cette interrogation, objet de l’article 7, qui nous a guidés.
Certes, des améliorations peuvent toujours être apportées, des analyses plus fines être conduites. Nous avons adopté un dispositif d’accréditation par paliers, avec l’objectif de 100 %, qui nous semblait le plus à même de montrer à nos concitoyens que nous voulions aller vers une biologie de très haute qualité.
Il ne nous a pas échappé que cet objectif pouvait paraître quelque peu utopique, notamment pour la très haute technologie et l’innovation. Le COFRAC devra donc adapter les propositions d’accréditation ; il le fera, comme cela nous a été confirmé. J’espère, évidemment, que l’objectif pourra être atteint. En tout état de cause, si l’on ne se fixe pas un objectif, on est sûr de ne pas l’atteindre !
Ensuite, sur le second point, la financiarisation, je me suis très longuement exprimé en commission. Nous avons largement débattu de cette question, notamment avec MM. Barbier et M. Milon.
Il nous fallait trouver un point d’équilibre entre deux contraintes.
Les premières sont celles que nous imposent les règles européennes. Il fallait trouver le butoir, savoir jusqu’où l’on pouvait aller sans se faire retoquer. Nous aurions alors risqué de revenir loin en arrière, d’aller à contre-courant de la lutte contre la financiarisation, lutte pour laquelle un front commun s’était dessiné.
Les secondes contraintes tiennent au droit très complexe des sociétés qu’il fallait appréhender.
C’est entre ces deux bornes que nous avons travaillé afin de présenter une proposition qui me paraît équilibrée.
Peut-on aller plus loin ? L’Assemblée nationale verra dans sa sagesse, et après des discussions avec le Gouvernement, si c’est possible. Et peut-être nous retrouverons-nous en commission mixte paritaire. Je crois cependant que l’on ne pourra guère aller beaucoup plus loin, mais nous verrons.
Je regrette la chute de l’article 6. Avec cette suppression – je le dis sans rancœur –, nous ne contribuons pas à tirer vers le haut la recherche et l’enseignement. Il est déplorable de ne pas permettre à des médecins et à des pharmaciens non titulaires d’un diplôme d’études de spécialités, au bout de trois ans, dans le cadre de leur sur-spécialisation, de faire profiter l’ensemble des praticiens ou futurs praticiens, médecins et pharmaciens, de connaissances à la pointe de la recherche.
J’ajoute qu’avec la suppression de cet article, toutes les dispositions relatives aux centres anticancéreux sont devenues sans objet.
Là aussi, l’Assemblée nationale aura à se prononcer, mais j’aurais aimé que notre assemblée parvienne à se retrouver sur une position de sagesse. C’est mon seul regret.
Sur les autres points, nos travaux ont donné satisfaction aux uns et aux autres. Plusieurs d’entre vous, certains par conviction profonde – pour certains sans doute, pour d’autres j’en doute – ont choisi de s’abstenir.
Je me félicite malgré tout que, nonobstant ces abstentions, une majorité se dégage pour adopter cette proposition de loi, qui doit certainement être améliorée, et qui le sera probablement, mais qui a aujourd’hui le mérite d’exister. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. M. le rapporteur ayant dit tout ce que nous aurions pu dire, je souhaite simplement le remercier à mon tour.
Jacky Le Menn, chacun peut le reconnaître, a fourni un travail remarquable. Il a organisé de très nombreuses auditions. Malheureusement, peu d’entre nous ont pu participer à toutes – c’est mon cas, et je le regrette –, mais il a su donner de précieux éclaircissements aux membres de la commission.
Ce travail a permis de « déminer » en amont le texte et d’avoir en séance un vrai débat technique et de fond, car, vous avez raison, monsieur Barbier, il s’agit aussi d’un texte technique. C’est cependant avant tout un texte politique puisqu’il s’agit de savoir quelle politique nous voulons mettre en œuvre pour la biologie médicale dans notre pays.
À tous ces égards, notre collègue Jacky Le Menn nous a permis d’aller véritablement au fond des choses.
Enfin, je remercie Mme la ministre de ses explications, qui ont favorisé la haute teneur de la discussion. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur le président, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, puisque nous arrivons au terme de nos longs débats, je veux vous présenter au nom du Gouvernement, à chacune et à chacun d’entre vous comme à l’ensemble des groupes, mes remerciements pour la qualité de nos discussions.
Nous allons maintenant pouvoir adopter ce texte qui, s’il est complexe, n’est pas technique. Il est en effet éminemment politique, en même temps que très attendu par la profession. Il y va de la conception que nous avons de notre système de santé et de la participation de l’ensemble des acteurs à ce système, en particulier les laboratoires de biologie médicale.
Nous avons réaffirmé notre volonté d’avoir tant des professionnels que des laboratoires de proximité et de qualité sur l’ensemble du territoire.
Ce texte avait été élaboré sous la précédente majorité et présenté par l’ancien gouvernement, mais il n’avait pas pu aboutir ; il va maintenant connaître un sort meilleur.
Je voudrais remercier l’opposition de sa participation constructive à ces débats, même si je regrette qu’elle ne soit pas allée au terme d’une volonté constructive en votant pour un texte qui, je le répète, est très attendu.
Je remercie la majorité et le rapporteur d’avoir présenté ce texte. Même si l’opposition regrette que certaines dispositions n’y figurent pas ou que d’autres n’aillent pas plus loin, je veux rappeler que c’est sur un texte d’émanation parlementaire que vous allez vous prononcer dans un instant, mesdames, messieurs les sénateurs ; fruit d’un travail porté par le rapporteur et l’ensemble du groupe socialiste, il représente une avancée significative.
Comme M. le rapporteur, je regrette cependant la suppression de l’article 6, car l’avenir de notre système de santé, j’en ai l’intime conviction, ne réside pas dans les cloisonnements entre professions. Nous devons nous orienter vers une plus grande fluidité entre les professionnels, les parcours et les formations.
Ce n’est pas en interdisant à certains professionnels de santé d’exercer d’autres professions que nous irons vers une plus grande qualité, une proximité plus étroite, et que nous répondrons aux attentes de nos concitoyens.
Cela étant, je me réjouis que nous franchissions un premier pas et je suis convaincue que le travail se poursuivra à l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et sur certaines travées du groupe écologiste.)