M. Guy Benarroche. Cet amendement du groupe GEST vise à interdire à toute personne condamnée pour une infraction sexuelle ou violente, notamment sur mineur, d’exercer des activités auprès de mineurs ou de personnes vulnérables au sein des associations cultuelles.
Le rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase) a fait la lumière sur l’ampleur des abus sexuels sur mineurs et personnes vulnérables dans l’Église catholique en France depuis les années 1950. Cette commission dénombre 330 000 mineurs victimes au sein de l’Église depuis 1950, dont 216 000 de clercs, religieux et religieuses, et elle estime que le phénomène est « massif » et « systémique ». J’évoque l’Église, qui a elle-même remis en cause un certain nombre de ses modes de fonctionnement – cela n’a pas été le cas des autres religions –, mais c’est loin d’être la seule concernée.
Le rapport de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) complète ces données en démontrant qu’en dehors des cercles familiaux, les milieux religieux sont ceux qui enregistrent le plus grand nombre d’agressions sexuelles sur mineur. Selon le rapport, au sein d’une institution, l’agresseur est le plus souvent un homme religieux, à hauteur de 25 %. C’est plus que les professionnels de l’éducation – 19 % – ou les entraîneurs sportifs – 8 %.
Face à l’ampleur du phénomène, la première recommandation de la commission Sauvé est de vérifier systématiquement les antécédents judiciaires de toute personne que l’Église mandate ou affecte de manière habituelle auprès de mineurs ou de personnes vulnérables.
Cet amendement vise donc à appliquer aux personnes exerçant des missions au sein des associations cultuelles le régime d’incapacité prévu dans la présente proposition de loi pour les chauffeurs de transport collectif routier. Cette obligation pèserait sur l’ensemble des associations cultuelles, sans distinction de confession.
Les auteurs de la présente proposition sont conscients que celle-ci ne saurait suffire à elle seule. De nombreux mouvements et associations – nous y reviendrons lors de l’examen de l’amendement de Mme Richard – se constituent en dehors de la notion d’association cultuelle et n’ont pas fait l’objet de remontées chiffrées relatives aux abus sexuels sur mineurs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Je suis un peu surprise par cet amendement.
Certes, mon cher collègue, vous reprenez les conclusions des travaux de la commission Sauvé, que personne ne conteste. Mais vous indiquez que des risques existent aussi dans le reste du monde associatif, où des condamnations ont également été prononcées. Il me paraîtrait donc nécessaire de viser, au-delà des associations culturelles,…
M. Guy Benarroche. Non ! « Cultuelles » !
Mme Muriel Jourda, rapporteur. … l’ensemble du milieu associatif.
C’est l’objet de l’amendement de Mme Richard, que nous examinerons tout à l’heure. Le dispositif proposé par notre collègue renvoie en effet aux dispositions législatives relatives aux associations cultuelles et à la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association, qui inclut les associations cultuelles.
Je vous propose donc de retirer votre amendement, qui me semble trop partiel – « partial » serait un peu injuste –, au profit de celui de Mme Richard, dont le dispositif me paraît de surcroît relativement efficace.
En l’absence de retrait, l’avis de la commission serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Didier Migaud, garde des sceaux. Je partage l’avis de Mme la rapporteure.
Si l’objectif des auteurs de cet amendement peut être tout à fait légitime, le dispositif envisagé soulève des difficultés d’encadrement. Une réflexion complémentaire sur le sujet s’impose.
Le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Nous voterons évidemment des deux mains l’amendement de Mme Richard.
Mais il y a tout de même une différence entre ce qu’elle propose et le dispositif que je viens de présenter.
D’abord, son amendement couvre la totalité du champ des associations, dont les associations cultuelles.
Surtout, nous souhaitons « interdire » à toute personne condamnée pour une infraction sexuelle ou violente, notamment sur mineurs, d’exercer des activités auprès de mineurs ou de personnes vulnérables au sein des associations. L’amendement de Mme Richard, me semble-t-il, vise simplement à instituer une obligation de consultation, et non à interdire d’exercer ces activités. Ce n’est pas exactement la même chose, madame la rapporteure.
M. le président. La parole est à Mme Olivia Richard, pour explication de vote.
Mme Olivia Richard. Effectivement, monsieur Benarroche, mon amendement ne vise pas à « interdire » toute activité professionnelle, dans la mesure où c’est au juge qu’il appartient de décider d’une telle interdiction lorsqu’il prononce une peine complémentaire. À mon avis, le principe d’individualisation des peines ne joue pas en votre faveur.
J’aurais sans doute voté votre amendement s’il n’était pas couvert par le mien. Mais, dans la mesure où le mien est plus généraliste – il englobe les associations cultuelles –, je ne vois pas l’intérêt d’avoir un texte redondant.
Au demeurant, la demande d’attestation que vous souhaitez ajouter me paraît alourdir la procédure. Or je crois qu’il faut l’alléger le plus possible, à plus forte raison après avoir entendu que la consultation du Fijais en cas de recrutement demande plus d’un mois.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 14.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 4 (nouveau)
La sous-section 2 de la section 2 du chapitre II du titre IV du livre VII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° L’intitulé est complété par les mots : « ou à des infractions sexuelles ou violentes » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 742-6, après le mot : « pénal », sont insérés les mots : « ou pour une infraction mentionnée à l’article 706-47 du code de procédure pénale ».
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 2 est présenté par Mme Cukierman, M. Brossat, Mme Corbière Naminzo et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
L’amendement n° 4 est présenté par Mme de La Gontrie, MM. Durain, Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mmes Linkenheld et Narassiguin, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 11 est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
L’amendement n° 17 est présenté par le Gouvernement.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Ian Brossat, pour présenter l’amendement n° 2.
M. Ian Brossat. Cet amendement, qui est identique à ceux que mes collègues présenteront dans quelques instants, vise à supprimer l’article 4.
En effet, nous ne sommes pas favorables à l’augmentation de la durée de rétention administrative, pour trois raisons principales.
Premièrement, une telle mesure, qui a été introduite par la commission des lois, n’a absolument rien à faire dans une proposition de loi comme celle-ci : on ne voit pas bien le rapport avec la question du changement de nom…
Deuxièmement, tout le monde connaît le contexte – l’affaire Philippine, ce meurtre monstrueux – dans lequel la proposition d’augmenter la durée de rétention a été émise.
Or il se trouve que l’auteur des faits est resté 75 jours en centre de rétention administrative et que le laissez-passer consulaire a été délivré, me semble-t-il, trois jours après sa libération.
Aussi, rien ne justifie, dans les faits que je viens d’exposer, qu’on augmente la durée de rétention autorisée. En l’espèce, la limite des 90 jours réglementaires n’avait pas été atteinte.
Troisièmement, les centres de rétention ont été conçus comme des sas avant expulsion. Or, de fait, une rétention qui passerait à 180 jours, voire à 210 jours, n’aurait rien d’un sas ; ce serait bien plutôt un état qui dure.
Ces éléments soulèvent de nombreuses questions, en particulier sur le fonctionnement des CRA. Interrogeons-nous sur les conditions d’obtention des laissez-passer consulaires – nous nous rejoindrons sur ce point essentiel – plutôt que de vouloir augmenter indéfiniment la durée de rétention.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour présenter l’amendement n° 4.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Les ministres n’ayant pas souhaité répondre aux interventions de la discussion générale, je n’ai pas eu de réponse sur le point que j’ai soulevé lors de mon propos liminaire.
Je saisis donc l’occasion que m’offre la défense de cet amendement pour leur reposer la question : pour quelle raison une personne placée en détention et contre laquelle a été prononcée une décision judiciaire d’interdiction du territoire français n’a-t-elle pas, d’ores et déjà, fait l’objet d’une demande de laissez-passer consulaire de la part du parquet ou de la préfecture ?
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 11.
M. Guy Benarroche. Je m’associe pleinement à la question de Marie-Pierre de La Gontrie ainsi qu’aux développements de Ian Brossat.
Je rappelle que la durée de rétention, fixée à 10 jours par la loi Pasqua en 1993, est passée à 12 jours en 1998 avec la loi Chevènement, à 32 jours en 2003 avec la loi Sarkozy, à 45 jours avec la loi Besson en 2011, puis à 90 jours avec la loi Collomb en 2018.
Pour autant, et comme l’a démontré Ian Brossat, cet allongement de la durée de rétention n’a pas permis d’augmenter le nombre d’éloignements.
Le problème est donc ailleurs. L’écrasante majorité des éloignements ont lieu dans les quarante-cinq premiers jours de la rétention, contre 8 % seulement au-delà.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour présenter l’amendement n° 17.
M. Othman Nasrou, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur, chargé de la citoyenneté et de la lutte contre les discriminations. Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi d’abord de saluer le travail de la sénatrice Mercier, auteure de cette proposition de loi, ainsi que celui de la commission des lois et de sa présidente, Muriel Jourda.
Oui, la rétention administrative est un outil efficace pour rendre effectives les mesures d’éloignement. Elle est également efficace pour assurer la sécurité et la protection de nos concitoyens, lorsqu’elle vise des individus dangereux, pénalement caractérisés comme tels.
C’est bien l’objectif de cet article 4, un objectif que le Gouvernement partage pleinement et sans ambiguïté, ainsi que l’ont déjà indiqué le ministre de l’intérieur et le Premier ministre.
Le cadre réglementaire européen actuel – je ne parle pas de la révision prochaine de la directive Retour – nous permet d’aller bien au-delà de la durée de rétention que nous appliquons.
C’est d’ailleurs le choix que font la plupart de nos voisins, qui prévoient des durées bien plus élevées que celle qui est proposée à l’article 4.
L’objectif de l’article 4 est donc partagé et assumé. Si le Gouvernement demande sa suppression, c’est pour une seule et unique raison : pouvoir l’inscrire, en début d’année prochaine, dans un véhicule législatif adapté consacré aux questions migratoires et, ainsi, lui donner une pleine et entière portée. (M. Jean-Baptiste Olivier applaudit.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Et la réponse à ma question ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Je réfute les arguments qui ont été avancés par les premiers orateurs et qui consistent à dire que l’article 4 n’a aucun lien avec le texte en discussion.
Je rejoins M. le secrétaire d’État : les dispositions qu’il prévoit auraient une réelle efficacité sur la sécurité de nos concitoyens. Or – ou alors je n’y ai rien compris – ce texte est bien en lien avec la sécurité de nos concitoyens.
De la même façon que certaines dispositions de cette proposition de loi ont déjà été examinées dans le cadre d’autres textes législatifs, la mesure proposée à l’article 4 aurait pu trouver également sa place dans un futur texte sur l’immigration ; elle avait par ailleurs un lien avec le texte examiné en commission.
Pour autant, j’entends l’engagement du Gouvernement – celui de M. le secrétaire d’État confirme celui de M. le ministre de l’intérieur – à présenter prochainement un texte d’une plus grande ampleur, qui donnera sûrement aux dispositions envisagées une meilleure place.
La commission fait confiance à M. le secrétaire d’État et à M. le garde des Sceaux. En conséquence, et bien que ne partageant pas les motivations des amendements nos 2,4 et 11, elle émet un avis favorable sur les amendements identiques de suppression de l’article 4.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Didier Migaud, garde des sceaux. Madame la sénatrice de La Gontrie, le parquet ne peut pas émettre la demande de laissez-passer consulaire que vous réclamez ; seules les autorités préfectorales y sont habilitées. Les enjeux sont diplomatiques. Je ne peux donc pas vous répondre sur ce point.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Et le représentant du ministère de l’intérieur n’a pas la réponse ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2, 4, 11 et 17.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l’article 4 est supprimé, et l’amendement n° 3 n’a plus d’objet.
Après l’article 4
M. le président. L’amendement n° 20, présenté par Mme M. Jourda, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code pénal est ainsi modifié :
1° À la première phrase de l’article 222-48-4, après la première occurrence du mot : « prévue », sont insérés les mots : « aux articles 221-1 à 221-5, 222-1, 222-7 et 222-9 ou » ;
2° L’article 224-11 est rétabli dans la rédaction suivante :
« Art. 224-11. – Les personnes physiques coupables des infractions prévues par les sections 1 et 1 bis du présent chapitre encourent également l’interdiction d’exercer, soit à titre définitif, soit pour une durée de dix ans au plus, une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs.
« En cas de condamnation pour une infraction prévue aux mêmes sections commise sur un mineur, la peine complémentaire prévue au premier alinéa du présent article est prononcée à titre définitif. La juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur ou de la prononcer pour une durée de dix ans au plus. » ;
3° L’article 225-20 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – En cas de condamnation pour les infractions prévues aux sections 1 bis et 2 du présent chapitre, le prononcé de la peine complémentaire prévue au 7 du I, pour une durée de dix ans, est obligatoire. Lorsque les mêmes infractions ont été commises sur un mineur, la même peine complémentaire est prononcée à titre définitif.
« La juridiction peut, par une décision spécialement motivée lorsque la condamnation est prononcée par une juridiction correctionnelle, décider de ne pas prononcer cette peine, en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur ou, lorsque l’infraction a été commise sur un mineur, de la prononcer pour une durée de dix ans au plus. » ;
4° Au début de l’article 227-31-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de condamnation pour une infraction prévue aux articles 227-18 à 227-21, le prononcé de la peine complémentaire d’interdiction d’exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs prévue au 6 de l’article 227-29, pour une durée de dix ans, est obligatoire, sauf décision spécialement motivée de la juridiction. »
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Par cet amendement, il est proposé d’étendre le périmètre de la peine complémentaire obligatoire d’interdiction définitive d’exercer une activité au contact habituel des mineurs aux infractions suivantes, lorsqu’elles sont commises sur des mineurs : meurtres, assassinats et actes de torture et de barbarie ; réduction en esclavage et enlèvement-séquestration ; proxénétisme et traite des êtres humains.
En complément du mécanisme de condamnation obligatoire à une peine complémentaire définitive d’interdiction d’exercer une activité auprès des mineurs pour certaines infractions de mise en péril graves déjà prévue à l’article 227-31-1 du code pénal, je propose également la mise en place d’une peine complémentaire définitive d’interdiction d’exercer une activité auprès des mineurs, mais pour une durée de dix ans, en cas de condamnation pour incitation des mineurs à commettre une infraction ou à se mettre en danger.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 4.
L’amendement n° 6, présenté par Mme O. Richard, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 434-38-1 du code pénal, il est inséré un article 434-38-… ainsi rédigé :
« Art. 434-38-…. – I. – Par dérogation à l’article 434-40, la violation d’une interdiction d’exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs est punie de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.
« Dans le cas où l’infraction mentionnée au premier alinéa du présent I est commise à l’étranger par un Français ou par une personne résidant habituellement sur le territoire français, la loi française est applicable par dérogation au deuxième alinéa de l’article 113-6 et les dispositions de la seconde phrase de l’article 113-8 ne sont pas applicables.
« II. – La tentative du délit mentionné au I est punie des mêmes peines. »
La parole est à Mme Olivia Richard.
Mme Olivia Richard. Cet amendement a trois objectifs.
Premièrement, il tend à réprimer de façon autonome la violation d’une interdiction d’exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs.
Deuxièmement, il vise à réprimer la tentative de violation de cette interdiction.
Troisièmement – et c’est un élément important pour la sénatrice des Français de l’étranger que je suis –, il tend à étendre le périmètre de la répression à l’extérieur de nos frontières.
Pour rappel, la poursuite de délits commis par des Français ou des personnes résidant habituellement en France est conditionnée, lorsque ces délits sont commis à l’étranger, à l’existence d’une infraction similaire sur le territoire français.
En l’absence d’une telle infraction, on ne peut donc pas poursuivre un Français qui irait violer, à l’étranger, cette interdiction de contact avec des mineurs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Cet amendement tend à permettre des poursuites dans des conditions qui ne sont pas couvertes aujourd’hui par le droit commun.
Au regard des enjeux exposés par Mme Richard, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Didier Migaud, garde des sceaux. Malheureusement je ne suis pas de l’avis de Mme la rapporteure.
Madame la sénatrice, par votre amendement, vous souhaitez que soit sanctionnée de manière autonome la violation d’une interdiction d’exercer une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs, prononcée à titre de peine complémentaire. Pour ce faire, vous proposez de créer un nouveau délit au sein du code pénal.
Si je partage votre volonté d’assurer l’exécution et le respect des peines prononcées par l’autorité judiciaire, les dispositions actuelles du code pénal apparaissent d’ores et déjà suffisantes pour satisfaire à cet objectif.
En effet, l’article 434-40 réprime déjà le non-respect d’une telle interdiction d’exercer d’une peine de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.
Par ailleurs, l’article 113-6 du code pénal permet déjà de poursuivre puis de réprimer un tel délit, même lorsqu’il est commis à l’étranger, si la législation du pays où il est commis le réprime également.
Enfin, votre proposition de punir la tentative d’une telle violation d’exercer une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs serait source, selon nous, d’une incohérence certaine au sein de notre droit.
En effet, en application de l’article 131-11 du code pénal, si cette interdiction est prononcée à titre de peine principale par la juridiction de jugement, la seule tentative de sa violation ne pourra pas être sanctionnée, ce qui risque d’engendrer une rupture d’égalité entre les justiciables.
Par souci de maintenir la cohérence de nos règles de répression et d’assurer la lisibilité de notre droit, nous souhaiterions donc que vous retiriez votre amendement, quitte à retravailler cette question. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Olivia Richard, pour explication de vote.
Mme Olivia Richard. La condition de réciprocité d’incrimination est tout de même problématique pour l’exercice de poursuites à l’étranger.
Dans nombre de pays, les relations sexuelles avec des mineurs ne sont soumises à aucune sanction pénale. J’aurai plusieurs exemples à donner de personnes qui ont été condamnées en France et qui profitent opportunément de la mansuétude de pays étrangers pour y commettre des infractions en toute impunité.
Dans ces conditions, cet amendement me paraît très important.
Par ailleurs, je trouve quelque peu léger que la violation de cette interdiction d’entrer en contact avec des mineurs tombe dans le régime général des violations d’interdiction d’exercice d’activité professionnelle ou sociale.
Il est ici question d’actes graves, de crimes assortis d’une peine complémentaire dont la violation doit relever du délit.
Il faut selon moi accorder à cette protection de la décision du juge une force supplémentaire. Je maintiens donc mon amendement.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 4.
L’amendement n° 21, présenté par Mme M. Jourda, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 11-3 du code de procédure pénale, il est inséré un article 11-… ainsi rédigé :
« Art. 11-…. – I. – Par dérogation au I de l’article 11-2, le ministère public informe par écrit l’administration d’une condamnation à une peine complémentaire d’interdiction d’exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs prononcée à l’encontre d’une personne dont il a été établi au cours de l’enquête ou de l’instruction qu’elle exerce une telle activité et que cet exercice est contrôlé, directement ou indirectement, par l’administration.
« Il informe également, dans les mêmes conditions, les personnes publiques, les personnes morales de droit privé chargées d’une mission de service public ou les ordres professionnels des décisions mentionnées au premier alinéa prises à l’égard d’une personne dont l’activité professionnelle ou sociale est placée sous leur contrôle ou leur autorité.
« Les II à IV de l’article 11-2 sont applicables aux modalités de transmission et de conservation des informations mentionnées au présent article.
« II. – Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d’État. Ce décret précise :
« 1° Les formes de la transmission de l’information par le ministère public ;
« 2° Les professions et activités ou catégories de professions et d’activités concernées ;
« 3° Les autorités administratives destinataires de l’information. »
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Par cet amendement, il est proposé que le procureur de la République informe les administrations ou entités chargées d’une mission de service public lorsqu’une personne qui intervient auprès de mineurs placés sous leur autorité a été condamnée à une peine complémentaire d’interdiction de contact avec des mineurs.
Cette obligation nouvelle vient en complément de celles qui existent.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Didier Migaud, garde des sceaux. Madame la rapporteure, vous souhaitez créer une nouvelle obligation d’information du procureur de la République auprès des administrations, des personnes publiques, des personnes morales de droit privé chargées d’une mission de service public ainsi que des ordres professionnels dont l’activité implique un contact habituel avec des mineurs, lorsque l’une des personnes qu’ils emploient à titre salarié ou bénévole a été condamnée à une peine complémentaire d’interdiction d’exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un tel contact.
Je souscris évidemment à l’objectif de protection des mineurs qui est le vôtre au travers de votre amendement. Pour autant, le code de procédure pénale prévoit déjà des mécanismes d’information permettant d’y satisfaire.
En effet, en vertu de l’article 706-47-4 du code de procédure pénale, auquel vous faites vous-même référence, et de l’article D. 47-9-1 du même code, une condamnation, même non définitive, incluant ainsi toute peine complémentaire d’interdiction d’exercer une activité professionnelle ou bénévole en lien avec des mineurs, doit être portée à la connaissance de l’administration dont la personne concernée dépend.
En ce sens, le droit actuel permet déjà cette transmission d’information, et de manière plus large que ce que vous proposez, puisque l’information transmise concerne toutes les condamnations, y compris celles qui ne sont pas définitives.
Dans son alinéa 2, l’article 706-47-4 prévoit ainsi une information dès lors que la peine complémentaire d’interdiction est prononcée par le juge d’instruction dans le cadre d’un contrôle judiciaire.
Par ailleurs, le large périmètre d’application de ces dispositions couvre l’intégralité des infractions d’atteinte aux personnes susceptibles d’être commises à l’encontre des mineurs, qu’il s’agisse des infractions de nature sexuelle, des infractions à la législation sur les produits stupéfiants ou encore des actes de terrorisme ou de harcèlement.
De plus, conformément aux dispositions réglementaires, la liste des professions et activités exercées par les personnes relevant de l’article 706-47-4 ainsi que celle des administrations devant être informées par le ministère public est suffisamment large pour prendre en compte, tel que vous l’exposez dans votre amendement, en plus des administrations, « les personnes publiques, les personnes morales de droit privé chargées d’une mission de service public et les ordres professionnels dont l’activité implique un contact habituel avec les mineurs ».
Pour ces raisons, madame la rapporteure, nous souhaitons que vous retiriez votre amendement. À défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.