M. Othman Nasrou, secrétaire d’État. L’an dernier, on avait dû prélever 300 000 euros sur le FIPD pour élever à 1 million d’euros le budget de la Miviludes, car celle-ci devait réaliser ses campagnes d’intervention et de communication.
Je vous le confirme, ces crédits ne diminuent pas. Ils seront même sacralisés ; j’en prends l’engagement. Au reste, sachez que les crédits étaient déjà répartis en deux volets de 700 000 et 300 000 euros.
Le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-822 et II-1093.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° II-989, présenté par MM. Kerrouche et Durain, Mme de La Gontrie, MM. Bourgi, Chaillou et Darras, Mme Harribey, M. Jacquin, Mmes Linkenheld, Monier et Narassiguin, MM. Roiron, Ros, Uzenat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
- |
Administration territoriale de l’État dont titre 2 |
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Vie politique dont titre 2 |
1 |
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1 |
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Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur dont titre 2 |
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1 |
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1 |
TOTAL |
1 |
1 |
1 |
1 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Éric Kerrouche.
M. Éric Kerrouche. La dissolution n’est pas seulement un acte irresponsable. Elle a des conséquences matérielles réelles, notamment pour les communes qui organisent le vote.
Je l’ai rappelé lors de la discussion générale, le montant de la subvention allouée pour l’organisation des élections, qui s’élève à 44,73 euros par bureau de vote et à 0,10 euro par électeur, n’a pas été révisé depuis 2006.
Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, il s’agit d’un amendement d’appel. En octroyant un euro symbolique au programme « Vie politique », il vise à alerter le Gouvernement sur la nécessité de revaloriser la subvention précitée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Florence Blatrix Contat, rapporteure spéciale. Je souscris tout à fait à l’analyse de M. Kerrouche : il faudra revaloriser cette subvention.
En attendant, la commission sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Othman Nasrou, secrétaire d’État. Cet appel est entendu : nous sommes disposés à dialoguer avec les associations d’élus, en particulier avec l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF), pour envisager une telle revalorisation.
Je le répète, les communes sont un maillon très important de l’organisation et de l’animation de la vie démocratique de notre pays. Nous prenons donc cet appel en considération.
Pour le reste, je sollicite le retrait de cet amendement.
M. le président. Monsieur Kerrouche, l’amendement n° II-989 est-il maintenu ?
M. Éric Kerrouche. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° II-989 est retiré.
Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
(Les crédits sont adoptés.)
Demande de priorité
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des finances a déposé un amendement visant à supprimer l’article 64 du projet de loi de finances pour 2025, lequel porte un dispositif qui a été rejeté unanimement par les collectivités territoriales. Dans le même temps, elle a élaboré une mesure de lissage conjoncturel bien plus favorable aux collectivités que le fonds de réserve prévu par le Gouvernement.
L’article 64 et les amendements portant articles additionnels qui lui sont rattachés sont probablement ceux qui emporteront les conséquences les plus importantes pour les collectivités en 2025. Il nous semble donc indispensable de les discuter cet après-midi.
Aussi, au nom de la commission des finances et en vertu de l’article 44, alinéa 6, du règlement, je demande l’examen par priorité de l’article 64 et de l’ensemble des amendements qui s’y rapportent, de l’amendement n° II-11 rectifié de la commission des finances et de ses sous-amendements, ainsi que de l’amendement n° II-248 de la commission des lois.
Cet article, ces amendements et ces sous-amendements seraient ainsi examinés juste après la discussion générale et avant les amendements portant sur les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».
M. le président. Je suis donc saisi par la commission des finances d’une demande de priorité sur l’article 64, ainsi que sur l’amendement n° II-11 rectifié, les sous-amendements nos II-1545 rectifié bis et II-1757 et l’amendement n° II-248.
Aux termes de l’article 44, alinéa 6, de notre règlement, la priorité est de droit quand elle est demandée par la commission saisie au fond, sauf opposition du Gouvernement.
Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité formulée par la commission ?
M. le président. La priorité est ordonnée.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Pierre Ouzoulias.)
PRÉSIDENCE DE M. Pierre Ouzoulias
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
Relations avec les collectivités territoriales
Compte de concours financiers : Avances aux collectivités territoriales et aux collectivités régies par les articles 73, 74 et 76 de la Constitution
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (et articles 61, 62, 63 et 64) et du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales et aux collectivités régies par les articles 73, 74 et 76 de la Constitution ».
La parole est à M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Stéphane Sautarel, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre du partenariat avec les territoires et la décentralisation, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, mes chers collègues, nous débattons de cette mission dans un contexte très particulier : ce budget, inédit à bien des égards, a été construit dans des délais très courts ; il affiche un objectif de réduction du déficit public essentiel pour la souveraineté et la crédibilité du pays ; il ouvre, comme vous l’avez affirmé, madame la ministre, des voies d’amélioration ; enfin, il sort du procès en responsabilité intenté aux collectivités territoriales quant au niveau du déficit national.
Or il ne tient plus désormais qu’à un fil, en raison de la motion de censure que l’Assemblée nationale est susceptible de voter, plongeant notre pays dans l’inconnu.
En ce 4 décembre 2023, nous sommes les otages du temps et d’un vote crucial qui interviendra ce soir vers vingt heures. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à être concis et à aller à l’essentiel, afin que nous adoptions les crédits et articles de cette mission budgétaire avant que le couperet ne tombe, s’il devait tomber.
Il s’agit là d’une mesure de précaution conservatoire : le budget modifié que nous pourrions adopter préserve l’essentiel pour nos collectivités. Il serait souhaitable qu’il soit conservé, voire amélioré demain, quel que soit le nouveau visage du Gouvernement.
Les moyens des collectivités concernent la vie quotidienne de chacun dans nos territoires. Aussi cette question revêt-elle une importance particulière pour nous, au Sénat, chambre des territoires, pour les élus locaux engagés chaque jour sur le terrain au service de leurs concitoyens, mais aussi pour tous les Français, bien au-delà de la situation des collectivités elles-mêmes.
Notre démarche s’inscrit non dans une posture corporatiste, mais bien dans une logique d’intérêt général et de justice territoriale. Il y va de nos services publics de proximité et du quotidien, mais aussi de l’investissement public et de l’emploi dans notre pays.
Le niveau global des contributions des collectivités à l’effort de redressement des comptes publics s’élèverait pour 2025, au terme de nos débats, à 2,2 milliards d’euros, au lieu des 5 milliards d’euros initialement proposés par le Gouvernement.
Cela s’explique par la suppression, en première partie, de la mesure touchant au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), par l’acceptation de l’écrêtement de la fraction de TVA réservée aux collectivités et donc par la limitation à un milliard d’euros du nouveau dispositif de lissage, que nous proposons, en lieu et place du fonds de réserve confiscatoire initialement proposé par le Gouvernement.
La hausse, même étalée de trois à quatre ans, de la cotisation à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) s’ajoute à ce montant.
Toutefois, il convient aussi de comptabiliser les possibilités offertes au titre des ressources nouvelles dont les collectivités pourraient se doter si elles en décidaient ainsi : la revalorisation des bases du foncier pour le bloc communal, dont les conditions ne sont pas remises en cause ; la possibilité d’augmenter le taux des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) de 0,5 % pour les départements, avec une affectation de crédits complémentaire à la péréquation que nous proposerons par amendement pour garantir que cela bénéficiera à tous ; la possibilité d’allouer une part de versement mobilité (VM) ou de quotas carbone aux régions ; enfin, la possibilité de revaloriser les tarifs de carte grise.
Je souhaite surtout insister sur le dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales (Dilico), que nous proposons d’instaurer et que nous avons adopté ce matin en commission des finances.
Il s’agit d’un dispositif de mise en réserve des moyens de la collectivité, une sorte d’épargne forcée dans un compte au Trésor, qui n’est donc pas confiscatoire et qui permet de réduire le volume global de la dépense publique, améliorant ainsi notre solde public. Ainsi, l’effort réel des collectivités sera ramené à 1,2 milliard d’euros, tandis que les mesures fiscales qui les concernent, sans parler des décisions sectorielles s’attachant aux départements, peuvent produire encore davantage.
Je reviendrai en détail sur le Dilico lors de la présentation de mon amendement, mais sachez d’ores et déjà qu’il réduira l’effort des départements de 1 milliard d’euros, en exemptant cinquante départements et en rendant cet effort progressif pour tous, sans jamais atteindre 2 % des recettes réelles de fonctionnement.
M. Jean-François Husson. Très bien !
M. Stéphane Sautarel, rapporteur spécial. Les autres éléments de la mission s’inscrivent dans une grande stabilité, malgré le contexte.
L’article 61 porte diverses mesures en lien avec la répartition de la dotation globale de fonctionnement (DGF) en 2025, en particulier des composantes péréquatrices de cette dotation, à hauteur de 300 millions d’euros.
L’article 62 prévoit une réforme des modalités de répartition du prélèvement au titre du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (Fpic) dans le cadre de la métropole du Grand Paris, à la suite d’une censure du Conseil constitutionnel.
L’article 63 porte diverses mesures de répartition de la fiscalité afférente aux déchets radioactifs, un sujet important pour les territoires de la Meuse et de la Haute-Marne, qui sont les premiers concernés.
Enfin, l’article 64, dont j’ai déjà parlé, porte un dispositif trop brutal et inabouti pour être acceptable. Ma collègue Isabelle Briquet et moi-même partageons cette appréciation ; nous proposons donc de le supprimer purement et simplement et de lui substituer un dispositif nouveau n’opérant aucun prélèvement de ressources au profit de l’État, mais visant uniquement à lisser dans le temps les recettes des collectivités territoriales qui sont en mesure de contribuer au redressement des comptes publics.
Nous attendons aussi, et peut-être surtout, des réformes plus structurelles portant sur la DGF et la fiscalité locale, mais également sur la débureaucratisation et sur la simplification. Ces chantiers devront être engagés au cours du premier semestre 2025, afin que nous disposions de vraies marges de manœuvre dans la perspective d’un budget 2026 qui devra conjuguer réformes de l’État et de ses agences, en particulier, et renforcement de la décentralisation comme de l’État territorial.
Dans notre pays, la dépense des collectivités ne représente que 19 % de la dépense publique totale, contre 34 % en Europe.
En conclusion, la commission des finances a donné un avis favorable sur l’adoption des crédits de la mission et du compte de concours financier, modifié par son amendement de crédit ; elle donne également un avis favorable sur l’adoption de l’article 61, sous réserve de l’adoption de son amendement, ainsi qu’à l’adoption des articles 62 et 63 ; elle appelle, enfin, au rejet de l’article 64 et à l’adoption du nouveau dispositif de lissage qu’elle propose.
Tels sont, mes chers collègues, les points qui me paraissent essentiels dans cette mission et, plus largement, dans ce projet de loi de finances, pour nos collectivités, pour nos territoires et pour ceux qui y vivent, dans ce moment si particulier.
Madame la ministre, je vous remercie sincèrement de votre travail de confiance et d’écoute en vue de trouver un chemin que nous partageons. Même si nous n’avons pu entièrement le valider, nous avançons dans la même direction.
Je forme le vœu que nous puissions poursuivre ce travail en l’approfondissant, en abordant la réforme de la commande publique et la construction d’un véritable contrat de confiance autour des libertés locales et de la capacité d’agir des élus locaux, en responsabilité, avec une visibilité renforcée, dans un respect réciproque et au service des Français. Pour autant, j’ai bien conscience que nous ne sommes pas encore tout à fait à la période des vœux ! (Sourires.)
D’ici là, le vide risque de s’ouvre sous nos pieds. Heureusement, les collectivités sont là ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure spéciale. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Isabelle Briquet, rapporteure spéciale de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (RCT) s’ouvre dans des circonstances très particulières : le budget présenté cette année contraint largement les possibilités d’action des collectivités et ses conditions d’examen sont perturbées par l’actualité politique, puisque le gouvernement actuel ne sera peut-être plus en fonctions avant la fin de nos travaux.
Depuis quelques heures, j’entends beaucoup le terme « responsabilité ». Les collectivités ont toujours su assumer leurs responsabilités et méritent d’être considérées comme de véritables partenaires pour porter les politiques publiques, et non comme de simples variables d’ajustement budgétaire.
Certes, les comptes publics exigent un redressement. Mais, après le gel de la DGF, le plafonnement de la TVA, l’augmentation des cotisations à la CNRACL, déjà très contestable, était-il nécessaire d’ajouter un prélèvement ? Je ne le crois pas. Si je tiens à saluer le travail mené par mon collègue Stéphane Sautarel, qui tente de rendre ce dispositif moins inacceptable, je ne puis pour autant y souscrire.
M. Jean-François Husson. C’est dommage !
Mme Isabelle Briquet, rapporteure spéciale. Cette année, nous vous présenterons donc cette mission avec des voix dissonantes.
Les crédits de cette mission ne représentent qu’une petite partie des transferts financiers de l’État aux collectivités : ils s’élèvent à 4 milliards d’euros dans le projet de loi de finances pour 2025, quand les transferts de l’État sont estimés à près de 104 milliards d’euros et même à 151 milliards d’euros au sens large, si l’on inclut les fractions compensatrices de TVA accordées en contrepartie des réformes fiscales.
Les crédits du programme 119, qui portent les dotations de soutien à l’investissement local, ainsi que les dotations de décentralisation, ont été maintenus en autorisations d’engagement à leur niveau de 2024 et enregistrent une légère hausse en crédits de paiement.
Ainsi, la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), la dotation de soutien à l’investissement des départements (DSID) et la dotation politique de la ville (DPV) restent stables par rapport à la loi de finances initiale pour 2024 ; il en va de même des dotations générales de décentralisation des communes, des départements et des régions.
Enfin, le projet de loi de finances ne revient pas sur les hausses récentes de la dotation pour les titres sécurisés (DTS) et la dotation de soutien aux communes pour les aménités rurales (DSCAR), qui ont vu chacune leurs crédits rehaussés à 100 millions d’euros.
Pour mémoire, la DTS avait été augmentée par le projet de loi de fin de gestion pour 2023, afin de traiter l’afflux des demandes de titres d’identité dans un délai raisonnable, et son montant avait été repris en loi de finances initiale pour 2024.
Quant à la DSCAR, l’ancienne dotation budgétaire de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité et pour la valorisation des aménités rurales, elle est passée de 41,6 millions d’euros à 100 millions d’euros en loi de finances pour 2024.
Sur ce point, Stéphane Sautarel et moi-même souhaitons saluer une réforme qui s’inscrit dans le sens des conclusions du rapport d’information de la commission des finances sur le verdissement des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales.
La DSCAR offre désormais une reconnaissance de l’importance du travail réalisé par les communes rurales dans les zones classées. Elle gagnerait sans doute à être étoffée, et la commission a voté en première partie un amendement pour en porter le niveau à 110 millions d’euros.
Beaucoup d’entre nous partagent ce satisfecit, mais souhaitent augmenter le nombre de communes bénéficiaires ou en modifier les critères de répartition. Assurément, cette nouvelle dotation pourra être évaluée de manière à identifier de nouveaux axes d’amélioration.
Les dotations pour l’investissement allouées aux collectivités dans ce projet de loi de finances pour 2025 sont donc stables par rapport à la loi de finances initiale pour 2024. Je ne saurais m’en contenter, à titre personnel, tout d’abord parce que cette stabilité dénote, malgré tout, un effort des collectivités, dans la mesure où le coût de l’inflation, dont le taux est prévu à 1,8 % en 2025, n’est pas compensé, mais aussi parce que ces crédits s’inscrivent dans un projet de loi de finances qui, dans son ensemble, demande un effort sans précédent aux collectivités pour combler un déficit que celles-ci n’ont pas créé.
Le simple maintien du niveau de ces dotations n’est donc pas à la hauteur des enjeux auxquels les collectivités sont confrontées. Celles-ci devront, en effet, faire face dans les prochaines années à des investissements colossaux, d’une part, pour leurs bâtiments, afin de répondre aux enjeux du réchauffement climatique et de la transition écologique, et, d’autre part, dans les transports, pour répondre aux nécessités de nouvelles mobilités.
Je saisis cette occasion pour saluer la loi du 29 mars 2024 tendant à tenir compte de la capacité contributive des collectivités territoriales dans l’attribution des subventions et dotations destinées aux investissements relatifs à la transition écologique des bâtiments scolaires, lesquels représentent 50 % du parc immobilier des collectivités.
Cette loi, issue de la mission d’information du Sénat sur le bâti scolaire à l’épreuve de la transition écologique, permet désormais de diminuer de moitié le reste à charge de la collectivité maître d’ouvrage et, ainsi, de mieux mobiliser les fonds alloués par l’État.
Je souhaite enfin aborder l’avancée du plan Marseille en grand, notamment son volet concernant l’école, pour lequel une dotation dédiée de 250 millions d’euros avait été ouverte en loi de finances initiale pour 2022, au sein du programme 119.
Dans le cadre de notre mission d’information réalisée cette année sur le sujet, nous avions émis des doutes sur la capacité de la Société publique des écoles marseillaises, créée dans le cadre dudit plan, à engager les consultations, lancer les travaux et livrer les équipements dans un délai prévu entre 2025 et 2031.
La lenteur de sa montée en charge se confirme, puisque, avec 56,8 millions d’euros inscrits en crédits de paiement au PLF pour 2025, l’ensemble des paiements effectués depuis 2022 atteindra 125 millions d’euros, soit moins de la moitié de l’enveloppe de 250 millions d’euros que j’ai mentionnée. Les raisons ayant poussé au lancement de ce plan restent néanmoins plus que jamais d’actualité, et j’appelle les élus à faire le nécessaire pour que celui-ci puisse être mené à son terme.
Enfin, les crédits du programme 122, qui concernent essentiellement les aides destinées à soutenir les collectivités faisant face à des situations exceptionnelles, enregistrent simultanément une forte baisse. Cette évolution résulte essentiellement de l’extinction des autorisations d’engagement pour le fonds de soutien exceptionnel pour les collectivités touchées par la tempête Ciaran.
Contrairement aux années précédentes, les deux rapporteurs spéciaux divergent donc quant à l’opportunité d’adopter les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Jean-François Husson applaudit également.)
M. Jean-Michel Arnaud, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, dans le cadre de ce marathon budgétaire, nous sommes appelés à examiner la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Pour évoquer des acronymes connus et reconnus par nos élus locaux, il s’agit de la mission qui traite notamment de la DETR, de la DSIL ou encore de la DSCAR…
Comme l’ont exposé mes deux collègues rapporteurs spéciaux de la commission des finances, le montant des crédits de cette mission reste faible. Toutefois, cette relative stabilité ne doit pas occulter le contexte général des finances locales, et particulièrement la participation au redressement des comptes publics qui est demandée aux collectivités locales.
Je tiens à rappeler la position de la commission des lois à cet égard : si nos collectivités doivent effectivement prendre part à l’effort budgétaire, leur mise à contribution doit être juste et proportionnée. C’est pourquoi je défendrai, au nom de la commission des lois, un amendement tendant à supprimer le fonds de réserve prévu à l’article 64.
Par cohérence et en responsabilité, la commission des lois soutiendra en parallèle le nouveau dispositif proposé par la commission des finances, le fameux Dilico, qui vient d’être présenté par M. Stéphane Sautarel.
Ce dispositif est plus acceptable que le mécanisme prévu initialement : il ne prévoit aucun prélèvement de ressources au profit de l’État, mais vise uniquement à lisser dans le temps les recettes des collectivités territoriales qui sont en mesure de contribuer au redressement des comptes publics, au travers d’une prise en compte plus fine de leur capacité contributive.
Par ailleurs, le Sénat a toujours été un défenseur des territoires ruraux, qui sont souvent les premières victimes des coupes budgétaires. C’est dans un esprit d’équité territoriale que je vous proposerai, au nom de la commission des lois, un amendement tendant à revaloriser de 10 millions d’euros la DSCAR, qui passera ainsi de 100 millions à 110 millions d’euros.
Dans ce contexte budgétaire particulièrement contraint, dans ce contexte politique notoirement imprévisible, la commission des lois a émis un avis favorable sur l’adoption des crédits de la mission.
Pour finir, je profite du temps qui me reste pour interpeller le Gouvernement sur la question des dotations de soutien aux collectivités victimes de catastrophes naturelles. Indéniablement, une réforme en profondeur est indispensable au regard des limites du système actuel, qui conduit le Gouvernement, à chaque aléa climatique, à déployer en urgence des crédits exceptionnels pour venir en soutien des collectivités concernées.
La ministre Françoise Gatel a ainsi annoncé jeudi dernier une enveloppe de 48 millions d’euros en faveur de quatre départements sinistrés, dont celui des Hautes-Alpes, que je représente à la Haute Assemblée. Si je salue cette annonce bienvenue, je souhaite obtenir, peut-être au cours de ce débat, davantage de précisions quant à l’architecture budgétaire envisagée. Comment les crédits se répartiront-ils entre les exercices 2024 et 2025 ?
Ce sujet éclaire d’ailleurs les débats d’actualité qui nous réunissent aujourd’hui, dans un contexte politique singulier : ceux qui prendront la responsabilité de censurer le Gouvernement ont-ils bien conscience qu’ils risquent de censurer également les moyens qui ont été développés ces dernières semaines pour venir au soutien, en catastrophe, aux collectivités locales frappées par les intempéries ?
Je remercie Mme la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, ainsi que Mme Françoise Gatel et le président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de leur écoute durant ces derniers mois et ces dernières semaines pour travailler à l’orientation de ce budget.
Je rappelle que la commission des lois a émis un avis favorable sur l’adoption des crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps de l’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la mission « Relations avec les collectivités territoriales » revêt cette année un caractère bien singulier.
Singulière, elle l’est inévitablement au Sénat, où son examen doit durer de longues heures, tant elle traite de ce qui se trouve au cœur de notre République décentralisée : la vie et l’avenir des collectivités territoriales. Singulière, elle l’est plus encore aujourd’hui, car, nous le savons tous, ce débat ne sera pas mené à son terme.
La comparaison avec le marathon est régulièrement utilisée – nous sommes ainsi en plein marathon budgétaire –, mais il est toujours périlleux de s’engager dans une telle épreuve sans s’y être préparé, sans s’être échauffé et sans avoir constitué une équipe. Il s’agit de parcourir plus de quarante kilomètres, et il est toujours désastreux de s’arrêter au bout d’une vingtaine de kilomètres à cause d’un malencontreux claquage…
Ce serait désastreux, car les maires sont inquiets de ce qui peut advenir. Nous sommes nombreux à les avoir rencontrés ce week-end encore, malgré les contraintes liées à l’examen de la première partie du projet de loi de finances : ils sont préoccupés des conséquences, y compris budgétaires, de ces événements pour l’avenir des collectivités.
Cette inquiétude les taraude d’ailleurs depuis plusieurs semaines, car ils éprouvent de plus en plus de difficultés à se projeter et à élaborer un budget pour 2025 susceptible de répondre aux besoins d’investissements et de fonctionnement de leurs collectivités.
Leur inquiétude vient également de ce qu’ils assistent à un spectacle peu réjouissant : celui d’un homme qui, le soir des élections européennes, a décidé seul de dissoudre l’Assemblée nationale ; d’un homme qui, pendant tout l’été, a choisi, seul, de reporter de plus de cinquante jours la nomination d’un Premier ministre ; et, pardonnez-moi de le dire avec beaucoup de respect, mes chers collègues, d’un homme qui a résolu de nommer un Premier ministre qui n’appartenait pas au camp qui avait remporté les élections législatives.
À partir de ce que j’oserais qualifier, dans cette instance républicaine, de péché originel démocratique, la censure est devenue inévitable, comme en 1962, ainsi que le relevait M. Jean-Louis Debré ce matin même. Il ne restait plus qu’à connaître le jour et l’heure de son vote : ce sera très certainement ce soir.
Il s’agit d’un défi, car les maires et les élus locaux sont inquiets. Dans un certain nombre de nos départements, ils ont vu l’extrême droite se renforcer ; ils ont vu nombre des députés avec lesquels ils avaient l’habitude de travailler jusqu’alors, et qui savaient les accompagner, être balayés par l’élection.
Ils sont préoccupés, car le choix de ne pas s’adresser à la gauche de l’hémicycle parlementaire a inévitablement replacé le Rassemblement national au centre du débat démocratique. Ce choix a été fait et assumé, et nous aurons malheureusement à en payer collectivement les conséquences.
Pour autant, sur le fond, cette mission est finalement peu singulière et plutôt répétitive : chaque gouvernement a le même objectif et, considérant les collectivités territoriales comme un coût plutôt que comme un atout, il cherche à les faire contribuer à l’effort de réduction de la dépense publique.
Cette année, à l’article 64, le fonds de réserve vise, d’une autre manière que les contrats de Cahors, à diminuer de manière draconienne les dotations aux collectivités, au risque de mettre certaines d’entre elles en difficulté.
Pis encore, si l’on en croit certains éléments de langage, le Gouvernement cherche de plus en plus à opposer les collectivités entre elles. Ce jeu de l’opposition systématique entre les petits et les grands, entre les ruraux, les urbains et les périurbains, entre les territoires métropolitains et ultramarins, fracture et divise chaque jour un peu plus la République. Sur un tel terreau, aucune politique progressiste ne saurait trouver sa voie et prospérer.
Enfin, mes chers collègues, vous avez singulièrement accepté, dimanche dernier, de revenir sur la contemporanéité du FCTVA, que nous avions pourtant votée. Les dispositions de cet amendement nous auront au moins appris une chose : les collectivités territoriales prennent actuellement à leur charge 6,5 milliards d’euros que leur doit l’État.
Cela montre à quel point une autre mission que celle qui nous est proposée ici est nécessaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe SER.)