M. Fabien Gay. Exactement !
M. Pascal Savoldelli. Après cinquante jours de gouvernement démissionnaire, il confie le pouvoir à un Premier ministre issu d’un parti plafonnant à 5 % aux élections législatives, rendant inéluctable, par cette offense au suffrage universel, la censure de Michel Barnier.
Le budget présenté pour 2025 était un budget de continuation du macronisme, aménagé un peu en bien, mais surtout en mal. La censure par l’Assemblée nationale, seule réponse possible au 49.3, était un acte politique fort et nécessaire, et notre force politique l’assume.
Ce projet de loi spéciale aurait pu être présenté dans le cadre d’une nouvelle séquence où le Président de la République aurait enfin tenu compte du dernier scrutin, en nommant une ou un Premier ministre issu de la force arrivée en tête aux élections législatives, pour ensuite, au Parlement, avancer texte par texte.
Malheureusement, Emmanuel Macron, conseillé par ses mentors de la finance, s’est enfermé dans ses certitudes ultralibérales. Il a choisi de continuer vaille que vaille, sans rien changer, en foulant aux pieds les bulletins de vote, consacrant le coup de force démocratique enclenché le 9 juin dernier.
Il faut changer de logiciel, il faut ouvrir en grand les vannes de la démocratie, construire une loi de finances pour 2025, avec et pour les citoyens et les citoyennes !
Cette loi, il faut la mettre en débat partout, dans les métropoles comme dans les bourgs et les villages, sur les lieux de travail, avec les organisations professionnelles et avec les 250 000 salariés dont les emplois sont menacés.
M. Roger Karoutchi. Les soviets !
M. Pascal Savoldelli. Cette loi ne pourra en aucun cas être un copier-coller du texte qui fut présenté par Michel Barnier.
Mme Cécile Cukierman. Très bien !
M. Pascal Savoldelli. Nous n’allons pas reprendre nos travaux comme si de rien n’était !
M. Roger Karoutchi. Bah si… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Pascal Savoldelli. Ce texte était récessif ; du reste, hier, la Banque de France, par la voix de son gouverneur, a abaissé sa prévision de croissance de 1,2 % à 0,9 %.
Une telle réappropriation de la politique, au sens noble du terme, est possible par une mobilisation de tous, qui suppose une mobilisation des moyens de l’État.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Il n’y en a plus vraiment : 3 300 milliards d’euros de dette !
M. Pascal Savoldelli. En attendant, l’adoption certaine de ce projet de loi spéciale marquera la fin d’une funeste séquence de communication destinée à faire peur à nos compatriotes.
Non, les cartes vitales ne sont pas dévitalisées ! Les collectivités territoriales pourront être financées et leur dotation reconduite, grâce à un ajout de l’Assemblée nationale ! Et si un projet de loi de finances est adopté avant la fin du mois d’avril prochain, les travailleurs ne paieront pas plus d’impôts !
Ces mensonges ont sali le débat politique : oui, ils ont sali le débat politique ! Et l’heure de la vérité a sonné. Cette loi spéciale vise à assurer la continuité de l’État et des services publics, et c’est tout.
Pour la clarté de nos débats, je redis notre profond rejet du précédent projet de loi de finances. Or c’est ce texte insincère, injuste et récessif qui servira de base aux décrets du Gouvernement.
Mes chers collègues, nous ne disposons d’aucune information, ou presque, quant aux décrets qui seront pris par le Gouvernement. Voilà le résultat du flou de l’article 45 de la Lolf !
Il n’est pas acceptable que les parlementaires, avant de voter la loi spéciale, ne connaissent ni la nature ni le montant global des crédits qui seront ouverts. Il est impératif de ne pas ajouter à l’incertitude politique une incertitude budgétaire.
Il est frappant, à l’heure où chacun vante le parlementarisme, que députés et sénateurs se voient privés de leur droit d’amendement. Je pense, par exemple, au refus d’indexer le barème de l’impôt sur le revenu, au seul motif que le Conseil d’État aurait affirmé l’impossibilité d’inclure une telle disposition dans une loi spéciale. L’adoption de cet amendement était d’intérêt national et favorisait l’apaisement !
Ce projet de loi est un consensus construit dans l’urgence, une urgence qui acte l’échec de sept années de politique macroniste.
Le peuple français a raison de continuer à espérer vivre mieux, malgré les mauvais coups du président Macron et de la finance. Oui, le groupe communiste continuera à demander l’abrogation de la réforme des retraites et la revalorisation des salaires !
Comme l’écrivait si bien le poète Pablo Neruda, « Ils pourront couper toutes les fleurs, ils ne seront jamais maîtres du printemps ». (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST. – M. Christian Bilhac applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Thomas Dossus. Monsieur le président, messieurs les ministres démissionnaires, mes chers collègues, j’ajoute évidemment les mots du groupe écologiste aux paroles de solidarité formulées par tous ici à propos de Mayotte.
Alors que, selon le calendrier initial, nous aurions déjà bouclé le projet de loi de finances 2025, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner un texte spécial, mais vital en ces temps troublés, le projet de loi spéciale prévue par l’article 45 de la loi organique relative aux lois de finances.
Ce texte a vocation non pas à réorienter les grandes lignes de notre politique budgétaire, mais à garantir le fonctionnement de l’État dans une période d’incertitude. Il permet la collecte de l’impôt, le paiement des fonctionnaires et des pensions de retraite et la continuité des services publics, sur la base des services votés pour 2024.
Un tel texte est aujourd’hui indispensable. C’est pourquoi, dans une logique de responsabilité, je mets fin au suspense : le groupe écologiste le votera.
M. Emmanuel Capus. Excellent !
M. Thomas Dossus. Toutefois, comment en sommes-nous arrivés là ? Cette loi spéciale, nécessaire par sa nature, n’en demeure pas moins le symptôme aigu d’une crise politique et budgétaire majeure.
Ne cherchons pas trop loin les responsables : la situation budgétaire catastrophique de la France en 2025 est la conséquence de sept ans de votre politique économique, messieurs les ministres démissionnaires. Celle-ci s’est transformée en une crise politique par l’effet d’une méthode, ou plutôt d’un cocktail où les LR, de retour au Gouvernement, étaient mélangés aux macronistes.
Ce cocktail fut amer pour les Français, Michel Barnier faisant le choix de placer la destinée du pays dans les mains de Marine Le Pen et d’ignorer le reste du Parlement, ce qui a abouti à sa chute au bout de trois mois.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Avec l’aide de La France Insoumise, tout de même…
M. Thomas Dossus. Oui, la situation budgétaire catastrophique de la France est l’aboutissement de vos choix depuis 2017. Le Président de la République et son inamovible ministre de l’économie, Bruno Le Maire, ont appliqué sans relâche, jusqu’à l’absurde, une politique de l’offre, multipliant les cadeaux fiscaux aux grandes entreprises et aux ménages les plus aisés, sans jamais exiger de contrepartie, et ce quelles que soient les crises que traversait le pays.
Voici le résultat de ces milliards d’euros pour quelques-uns et de ces cadeaux fiscaux financés par la dette : 9 millions de pauvres, des plans sociaux qui se multiplient, nos collectivités qui se demandent comment boucler leur budget, un pays désarmé face aux catastrophes climatiques et le chaos qui envahit nos services publics sous-financés.
Cette crise budgétaire s’est transformée en crise politique, résultat d’un aveuglement politique qui vire au déni. La censure du Premier ministre Barnier est le dernier épisode en date de ce qui ressemble à une véritable débâcle institutionnelle due à un entêtement à poursuivre une politique dont la légitimité n’a plus de base démocratique.
En nommant François Bayrou Premier ministre-maire, le Président de la République s’enfonce dans le déni. Nous le répétons, les mêmes causes produiront les mêmes effets : les mêmes ronds de jambe à Marine Le Pen et le même mépris pour la coalition de gauche arrivée en tête aux législatives aboutiront à la même chute de M. Bayrou.
Le chef de l’État et ses soutiens ne cessent, depuis la censure, de pointer du doigt la responsabilité des oppositions. Ce faisant, ils semblent ignorer que la censure n’est que l’expression institutionnelle d’un principe simple : le Gouvernement est responsable devant le Parlement. C’est cette responsabilité qui a été ignorée, une amnésie certainement provoquée par l’abus de 49.3… (Sourires sur les travées du groupe GEST.)
Les responsables – les agents du chaos – sont donc bien à trouver au banc des ministres. Je me dois de rappeler que, en toute responsabilité, nous étions parvenus dans cet hémicycle, sur certains points du budget pour 2025, à trouver des compromis, mais que, trois jours avant de chuter, le Gouvernement, dans son mépris habituel, a préféré imposer de secondes délibérations pour balayer les nouvelles recettes que nous avions inscrites dans le projet de loi.
Osons donc un conseil : dans l’intérêt du pays, le mépris du travail parlementaire doit quitter Bercy dans les valises des ministres démissionnaires. Cette loi spéciale, si elle est nécessaire pour éviter le chaos, n’est qu’un palliatif. Notre pays a besoin d’un véritable budget qui soit à la hauteur des défis sociaux, environnementaux et économiques auxquels nous faisons face.
Nous, écologistes, appelons de nos vœux un budget fait de priorités claires et de réels investissements dans la transition écologique, qui organise la solidarité et qui redonne des moyens à nos services publics, le tout financé par la justice fiscale.
Mes chers collègues, de cela, nous ne débattrons pas aujourd’hui, mais cela ne veut pas dire que ces sujets ont disparu. Il est urgent que le Gouvernement dépose un projet de loi de finances ; nous sommes prêts à y travailler rapidement.
Soucieux de l’intérêt général, nous voterons le projet de loi spéciale qui nous est présenté aujourd’hui, mais nous serons intransigeants face à toute tentative destinée à prolonger cette fuite en avant et cet attentisme qui affaiblissent le pays, creusent les inégalités et réduisent chaque jour un peu davantage notre capacité budgétaire collective à faire face aux défis de notre époque.
Il n’y a plus de temps à perdre ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Pascal Martin applaudit également.)
M. Stéphane Sautarel. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, qui aurait pu imaginer que nous en soyons là – que la France en soit là ? Aventure constitutionnelle, innovation institutionnelle, loi spéciale, et après ? On évite le shutdown en assurant la continuité de l’État de manière temporaire et exceptionnelle… Et après ?
Reconduire la trajectoire 2024 non corrigée de nos finances publiques ne consolide pas l’ancre des 5 % de déficit à la fin de 2025, un objectif que Michel Barnier et son gouvernement, dont je veux saluer l’action (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.), s’étaient engagés à tenir.
L’urgence budgétaire demeure donc et va même s’amplifiant, dans une déliquescence politique qui semble ne jamais s’arrêter.
Je me réjouis pourtant que, au désordre de nos comptes et à l’incertitude politique du moment, on n’ajoute pas une aventure juridique. Que la France soit un État de droit, disposant encore d’institutions fortes et d’un système administratif efficace, voilà sans doute le dernier signe de la crédibilité et de la stabilité de notre pays ; ne le galvaudons pas !
Notre groupe souhaite donc que nous en restions aux quatre articles adoptés par l’Assemblée nationale, des dispositions prévues par la Lolf, en adoptant ce texte conforme.
Pour autant, malgré la robustesse de nos institutions, ne laissons pas croire que ceux qui ont voté la censure n’ont pas précipité notre pays dans une difficulté accrue.
La liste est longue, et je n’en donne qu’un aperçu : non-redressement de nos comptes, qui va accroître le coût et le volume de notre dette ; mise en difficulté des ménages par la non-revalorisation du barème de l’impôt sur le revenu ; non-réponse à l’urgence agricole ; risque pesant sur l’investissement local du fait de l’impossibilité de mobiliser les dotations d’investissement aux collectivités – dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), fonds vert.
Notre économie est en panne. Les nouvelles prévisions de croissance sont bien inférieures au 1,1 % escompté pour 2025. Les défaillances d’entreprises se multiplient. Patronat et syndicats s’unissent pour alerter sur les risques d’une crise économique aux conséquences sociales dramatiques.
Par-delà cette loi spéciale, qui agit comme un respirateur artificiel, nécessaire mais limité, il faut traiter l’urgence budgétaire sur le fond. Je souhaite donc la reprise des travaux du Sénat, déjà proposée par d’autres orateurs ; ainsi pourrons-nous doter très vite notre pays d’un véritable budget, eu égard notamment aux réponses à apporter aux quelques questions majeures que je viens d’énumérer, et donner enfin des perspectives, tout en agissant sur le quotidien.
Ce dont nous avons besoin, ce n’est pas d’un projet de loi portant diverses mesures économiques et financières et mettant la question budgétaire sous le tapis – cela, c’est ce que demandent ceux qui ont empêché le PLF d’aboutir.
Ce dont nous avons besoin, c’est d’une loi de finances initiale sérieuse, réduisant encore davantage la dépense publique, susceptible d’être corrigée en cours d’exercice par le biais d’un PLFR (projet de loi de finances rectificative) et dans laquelle seraient d’ores et déjà fléchées des réformes structurelles à venir, ces réformes dont notre pays a tant besoin.
Je le rappelle, trouver 60 milliards d’euros sur un périmètre de dépenses publiques de 1 600 milliards d’euros, cela correspond à une économie de 3,75 %. Quelle entreprise, quel ménage n’est pas capable de faire un tel arbitrage ?
Repartir d’une feuille blanche pour bâtir un nouveau budget, voici ce que cela signifierait : pas de budget avant avril prochain au plus tôt, et encore ! Outre qu’il emporterait des décisions trop tardives pour les Français, en particulier d’un point de vue fiscal, ce calendrier, de fait, creuserait encore davantage le déficit.
Je ne veux pas agiter le chiffon rouge du chaos : la peur n’est jamais bonne conseillère et elle est souvent contraire au bon sens, des expériences récentes l’ont encore montré. Je crois davantage à la pédagogie et je veux faire confiance à l’intelligence de chacun, ainsi qu’à notre intelligence collective.
Toutefois, je sais aussi que, comme l’écrivait Tocqueville, « ce qu’il y a souvent de plus difficile à apprécier et à comprendre, c’est ce qui se passe sous nos yeux ». Formons le vœu que nous sachions voir clair et loin dès le début de l’année 2025, après cette incroyable année 2024 qui compte quatre Premiers ministres et 366 jours – comme si 365 jours n’auraient pas suffi à une telle année ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Hervé Maurey. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’examen de ce projet de loi spéciale répond à une situation totalement inédite.
Certes, en 1979, il y a quarante-cinq ans, un texte similaire avait été soumis au Parlement, mais le contexte était très différent : il s’agissait uniquement d’un problème de procédure, qui avait conduit le Conseil constitutionnel à annuler la loi de finances, laquelle avait pu être promulguée dès le 18 janvier suivant.
La situation n’est malheureusement pas de même nature aujourd’hui, puisque nous terminerons l’année sans loi de financement de la sécurité sociale, sans loi de finances, sans réelle visibilité sur le calendrier dans lequel ces textes pourront être adoptés, et sans gouvernement. Cette loi spéciale est donc indispensable pour éviter la paralysie totale de l’État et permettre son bon fonctionnement minimal.
Pour autant, elle ne réglera pas tout, tant s’en faut. Malgré son adoption, de nombreuses difficultés demeureront jusqu’à la promulgation de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale, qui n’interviendront probablement pas avant plusieurs mois.
Je voudrais, à cet égard, souligner l’irresponsabilité de ceux qui ont voté cette motion de censure, qui n’a que des effets négatifs pour la France et les Français. (M. Laurent Burgoa approuve.)
Elle aura des conséquences sur 18 millions de Français, qui verront leur impôt sur le revenu augmenter ou qui deviendront assujettis à cet impôt. Elle privera, pour plusieurs mois, les agriculteurs de mesures financières attendues, les forces de l’ordre de moyens supplémentaires, la Nouvelle-Calédonie des crédits dont elle a besoin pour se reconstruire.
Je pourrais également évoquer les conséquences de cette motion sur le chèque-restaurant, le prêt à taux zéro et la prise en charge des frais de transport par les employeurs. Je pourrais aussi, et surtout, évoquer les conséquences économiques et financières de cette censure. La dégradation de la note de la France par l’agence Moody’s en est le premier signe et vient renforcer les inquiétudes des investisseurs et des consommateurs.
Quant aux collectivités locales, elles vont – pour la première fois – commencer l’année sans la moindre visibilité sur les concours dont elles bénéficieront pour mettre en place leur budget. Il ne sera pas facile de l’établir dans ces conditions !
La France et les Français peuvent dire un grand merci aux irresponsables qui ont mis notre pays dans une telle situation. Nous n’en avions vraiment pas besoin !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Très juste !
M. Hervé Maurey. Je dirai à présent quelques mots sur le futur projet de loi de finances. Celui-ci devra, de mon point de vue, proposer plus d’économies que le projet de loi de finances initial, qui comptait trop de hausses de fiscalité et pas assez d’économies.
Mme Silvana Silvani. Vous y allez fort !
M. Hervé Maurey. Je comprends que les délais contraints qui ont été imposés au gouvernement de Michel Barnier et qui s’imposeront à celui de Français Bayrou rendent la tâche particulièrement difficile.
C’est pourquoi j’en appelle au Gouvernement pour que, dès maintenant, il s’attelle, en vue du budget pour 2026, à une revue générale des dépenses publiques, qu’il interroge ligne par ligne, euro par euro, l’utilité de chaque dépense, comme nous savons le faire dans nos collectivités.
De toute évidence, il existe des économies potentielles importantes parmi les nombreuses agences de l’État qui se sont multipliées au fil des ans (M. André Reichardt approuve.) ou dans la gestion du parc immobilier de l’État, qui doit être rationalisée. Le pilotage des ressources humaines doit également être optimisé et la lutte contre la fraude – chère à notre collègue Nathalie Goulet – renforcée. Par ailleurs, les politiques publiques doivent être revues, voire supprimées pour certaines d’entre elles.
Il faut s’atteler rapidement, et avec détermination, à la recherche de ces indispensables économies structurelles.
Le Gouvernement ne partira pas d’une feuille blanche. Il peut s’appuyer sur de nombreux rapports du Parlement, mais aussi de la Cour des comptes et des inspections de l’État. Il est temps d’en faire bon usage ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Khalifé Khalifé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Khalifé Khalifé. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour faire face à une situation exceptionnelle, imposée par une censure au sujet de laquelle nous sommes en droit de nous interroger. Quelles sont ses réelles motivations ? En revanche, nous n’avons aucun doute sur ses conséquences, qui seront néfastes à la fois pour les finances de l’État et pour la population.
L’énorme travail réalisé pour établir le budget général et celui de la sécurité sociale, ainsi que les débats menés au sein de la commission mixte paritaire, est aujourd’hui réduit à néant. Messieurs les ministres, vous en conviendrez, un tel gâchis est attristant !
Nous voilà contraints de voter pour une loi « palliative » que nous n’avons pas souhaitée. La situation dans laquelle nous avons été entraînés nous oblige à faire cette sorte de faux témoignage consistant à adopter une loi sur la base d’un budget qui, rappelons-le, avait lui-même été adopté l’an dernier par 49.3… Mais quel autre choix avons-nous ?
Sans entrer dans les détails, et pour n’évoquer que l’article 3, je vous invite, mes chers collègues, à mesurer avec moi les effets néfastes de la perte de certaines avancées tant attendues.
Je pense tout d’abord à nos agriculteurs, déjà en grande difficulté. Leurs prétendus défenseurs ont mis en péril des dispositifs prévus, qu’il s’agisse de la revalorisation des pensions, de l’exonération des charges pour les travailleurs saisonniers ou des mesures en faveur des jeunes agriculteurs.
Pis encore, ils ont envoyé aux négociations complexes et difficiles du Mercosur un pays affaibli, avec un gouvernement démissionnaire.
Ceux qui prétendent « avoir le monopole du cœur » ont également privé, en votant la censure comme des moutons de Panurge, les personnes âgées, les personnes handicapées et, plus globalement, les personnes vulnérables d’un certain nombre de dispositifs urgents en leur faveur ou en faveur des structures médico-sociales qui les accueillent ! (MM. Alain Milon et Laurent Burgoa applaudissent. – Marques d’ironie sur les travées du groupe GEST.)
En matière de santé, leur comportement a retardé la lutte contre les déserts médicaux, la mise en place de mesures de prévention sanitaire, la lutte contre la fraude sociale et l’amélioration de la pertinence de l’offre de soins.
Mes chers collègues, cette loi spéciale dans le contexte actuel est une étape obligatoire. Mais cette solution technique et juridique que nous serons contraints d’adopter ne doit pas valider la notion de statu quo, qui conduit sans nul doute à aggraver le déficit. La maison brûle, ne restons pas aveugles !
Pour ma part, je reste confiant en notre capacité à réagir et à ne pas occulter les problèmes de fond qu’il est urgent d’aborder et de traiter. Je le rappelle aux uns et aux autres, les réformes, certes, sont peu populaires, mais demeurent vitales. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
projet de loi spéciale prévue par l’article 45 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances
Article 1er
Jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi de finances pour 2025, la perception des ressources de l’État et des impositions de toutes natures affectées à des personnes morales autres que l’État est autorisée conformément aux lois et règlements.
M. le président. La parole est à M. Robert Wienie Xowie, sur l’article. (Marques d’agacement sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Burgoa. Encore !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Mais qu’est-ce que c’est que cette attitude ! On a encore le droit de parler !
M. Robert Wienie Xowie. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord d’adresser mes condoléances et tout mon soutien aux Mahorais, dont le territoire a été très violemment frappé. L’État français doit déployer tous les moyens possibles pour leur venir en aide et permettre leur deuil : tout est à reconstruire.
L’objet de mon intervention dans le cadre de l’examen de cette loi spéciale est la situation de la Kanaky-Nouvelle-Calédonie. En effet, si la loi de fin de gestion a ouvert des crédits supplémentaires pour le pays, le projet de loi de finances est quant à lui en suspens.
Le débat budgétaire sur les crédits de la mission « Outre-mer » aurait été pour moi l’occasion de m’opposer à la logique de prêts envisagée pour la Nouvelle-Calédonie.
D’aucuns disent que la censure a pour conséquence de priver le pays de 1 milliard d’euros de crédits supplémentaires. Cependant, il convient également de préciser qu’il s’agissait de prêts, dans un contexte d’endettement de plus de 340 %.
Avec de tels prêts, l’endettement de la Kanaky-Nouvelle-Calédonie aurait alors atteint 650 % ! Quelles perspectives de développement reste-t-il à un territoire endetté à un tel niveau ? Il y a urgence à reprendre les débats budgétaires, pour apporter des réponses à la hauteur des besoins pour le début de l’année 2025.
En attendant, au vu de l’urgence économique et sociale caractérisée et admise par tous en Nouvelle-Calédonie, cette loi spéciale et les futurs décrets de services votés doivent permettre de débloquer des crédits discrétionnaires d’urgence pour soutenir la population et permettre au pays de se reconstruire. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Pierre Barros, sur l’article.
M. Pierre Barros. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, notre groupe s’inquiète du sort réservé à l’audiovisuel public, qui ne verra pas ses crédits reconduits par cette loi spéciale à la suite du rejet pour irrecevabilité en commission de notre amendement. (Marques d’agacement sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. Eh oui !
M. Pierre Barros. L’audiovisuel public est financé désormais via un compte de concours financiers, abondé pour 2025 par un amendement au Sénat, donc en cours de discussion dans le cadre du projet de budget abandonné. Il aurait pu faire l’objet d’un prélèvement sur recettes exceptionnel pour assurer la continuité du service public sans contrevenir à la loi organique du 13 décembre 2024 portant réforme du financement de l’audiovisuel public.
De même, nous sommes étonnés par le rejet pour irrecevabilité en commission de notre amendement ayant pour objet l’indexation des trois premières tranches du barème de l’impôt sur le revenu, c’est-à-dire pour tous les revenus inférieurs à 82 341 euros annuels.
Nous l’avons appris tout à l’heure, cette disposition redeviendra peut-être recevable prochainement et sera prise par décret… Cette mesure attendue par nos concitoyens aurait pu être votée dans le cadre de ce projet de loi spéciale.
À toutes fins utiles, nous rappelons qu’une proposition analogue avait été déclarée recevable en 1979, lors du seul précédent rencontré à ce jour en matière de discussion d’un projet de loi spéciale. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)