Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annick Billon, rapporteure. Nous proposons de laisser une possibilité aux chefs d’établissement : cela n’est en aucun cas une obligation, et en aucun cas les chefs d’établissement et les CPE ne s’improviseraient officiers de police judiciaire (OPJ).
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Je souhaite que l’on puisse assurer la sécurité dans les établissements, et y éviter notamment tout port, et a fortiori tout usage, d’armes blanches.
Je suis favorable à ce que l’on continue les inspections visuelles des sacs qui sont actuellement autorisées, mais j’appelle votre attention sur le fait qu’aujourd’hui ce sont le plus souvent les assistants d’éducation qui les réalisent.
Mme Monique de Marco. Oui !
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Cela ne correspond pas à la rédaction de l’article 6 bis.
En outre, en ce qui concerne les fouilles, je souhaite que l’éducation nationale travaille avec tous ses partenaires à l’échelon local pour qu’elles puissent être organisées par les forces de l’ordre sous le contrôle de l’autorité judiciaire.
Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 9, présenté par Mmes Monier et Brossel, MM. Kanner et Chantrel, Mme Daniel, M. Lozach, Mme S. Robert, MM. Ros, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
peut faire
par le mot :
fait
La parole est à Mme Colombe Brossel.
Mme Colombe Brossel. Défendu !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annick Billon, rapporteure. Cet amendement tendrait à rendre la fouille obligatoire. Une telle mesure fragiliserait les chefs d’établissement en leur conférant des responsabilités extrêmement lourdes.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 6 bis.
(L’article 6 bis est adopté.)
Article 6 ter (nouveau)
I. Le code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Le tableau du second alinéa du I de l’article L. 165-1 est ainsi modifié :
a) La sixième ligne est remplacée par trois lignes ainsi rédigées :
« |
L. 111-3 |
Résultant de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 précitée |
|
L. 111-3-1 et L. 111-3-2 |
Résultant de la loi n° … du … visant à protéger l’école de la République et les personnels qui y travaillent |
||
L. 111-4 |
Résultant de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 précitée |
» ; |
b) La quarante-huitième ligne est ainsi rédigée :
« |
L. 141-5-1 |
Résultant de la loi n° … du … visant à protéger l’école de la République et les personnels qui y travaillent |
» ; |
2° La vingt et unième ligne du tableau du second alinéa du I de l’article L. 375-1 est ainsi rédigée :
« |
L. 312-15 |
Résultant de la loi n° … du … visant à protéger l’école de la République et les personnels qui y travaillent |
» ; |
3° La deuxième ligne du tableau du second alinéa du I de l’article L. 565-1 est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :
« |
L. 511-1 |
Résultant de la loi n° … du … visant à protéger l’école de la République et les personnels qui y travaillent |
|
L. 511-2 |
Résultant de l’ordonnance n° 2000-549 du 15 juin 2000 |
» |
II. Le premier alinéa de l’article 804 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Le présent code est applicable, dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … visant à protéger l’école de la République et les personnels qui y travaillent, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, sous réserve des adaptations prévues au présent titre et aux seules exceptions : » – (Adopté.)
Article 7
Les conséquences financières résultant pour l’État de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
Mme la présidente. L’amendement n° 37, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la ministre d’État.
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Il s’agit de l’amendement visant à lever le gage, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annick Billon, rapporteure. Favorable.
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole est à Mme Colombe Brossel, pour explication de vote.
Mme Colombe Brossel. Le cœur de la proposition de loi que nous allons voter dans quelques instants, c’est d’accroître la protection que la République et l’État doivent aux enseignants et à l’ensemble de ceux qui font vivre les communautés scolaires.
Nous devons ce vote à ceux qui ont été attaqués : les noms de Samuel Paty et de Dominique Bernard ont résonné dans l’hémicycle à plusieurs reprises. Nous le devons aussi à l’ensemble des enseignants qui, hussards noirs de la République du XXIe siècle, font progresser notre pays et y construisent le commun dont il a bien besoin.
J’espère que ce texte recueillera le vote unanime qu’il mérite. À l’évidence, il ne correspond pas à celui que les sénateurs et sénatrices socialistes auraient rédigé, mais c’est là que réside la beauté de notre débat démocratique.
Je remercie chaleureusement et sincèrement Laurent Lafon et Annick Billon des échanges que nous avons eus, en toute liberté, dans un esprit constructif.
Si, avec ce vote, nous pouvons montrer aux enseignants de notre pays que nous sommes d’accord sur l’essentiel, que nous sommes capables de nous rassembler pour les protéger et de reconnaître la place importante qu’ils occupent dans notre société, nous aurons alors contribué à consolider notre République.
M. Pierre Ouzoulias. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique de Marco, pour explication de vote.
Mme Monique de Marco. Notre groupe se dirigeait plutôt vers l’abstention, constatant qu’aucun de nos amendements ou presque n’a été adopté.
Mme Annick Billon, rapporteure. Si, un !
Mme Monique de Marco. Certains étaient pourtant très pertinents. Il faudra notamment réfléchir à la suppression de l’article 6 bis.
Toutefois, par sagesse, pour que le vote du Sénat soit unanime, nous voterons en faveur de la proposition de loi. (Marques de satisfaction sur plusieurs travées.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à protéger l’école de la République et les personnels qui y travaillent.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Union Centriste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 213 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l’adoption | 341 |
Le Sénat a adopté à l’unanimité. (Applaudissements.)
La parole est à Mme la ministre d’État.
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Je remercie le Sénat de ce vote par lequel nous envoyons aux enseignants et aux personnels de l’éducation nationale un message fort : nous sommes à leurs côtés pour les protéger face à la montée de la violence.
Madame la rapporteure, monsieur le président de la commission, je vous remercie tout particulièrement d’avoir conduit ce travail qui a abouti à un vote unanime. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Annick Billon, rapporteure. Je remercie Mme la ministre d’État, ainsi que François-Noël Buffet et Laurent Lafon qui avaient mené ensemble le travail préparatoire à cette proposition de loi.
Je remercie également tous les groupes politiques, de la gauche à la droite de l’hémicycle, d’avoir travaillé sur ce texte pour la sécurité des enseignants, notamment pour leur accorder automatiquement la protection fonctionnelle et faciliter le dépôt de plainte.
Je reviens à ma proposition sur la fouille. Grâce au plan Vigipirate, une inspection visuelle est déjà possible. Dans notre quotidien, mineurs et adultes, nous sommes tous soumis à des fouilles. Il me paraît normal, dans la mesure où l’école subit des actes d’une violence encore inimaginable il y a quelques années, d’autoriser la fouille des sacs et des casiers si l’élève et les familles l’acceptent, faute de quoi les forces de police et de sécurité devront intervenir.
Mes chers collègues, je vous remercie de ce travail constructif. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport. Je remercie la rapporteure Annick Billon pour le travail qu’elle a réalisé. Mes chers collègues, je vous remercie également, les uns et les autres, de votre esprit de responsabilité qui a permis l’adoption de ce texte à l’unanimité : le message envoyé n’est évidemment pas le même que s’il avait été adopté à la majorité relative.
Cette issue positive vient reconnaître le travail accompli depuis plus d’un an et demi que nous avons accompli avec François-Noël Buffet et les membres des deux commissions des lois et de la culture, que je remercie de leur assiduité aux auditions de notre mission conjointe de contrôle.
Cette étape est importante, et nous vous remercions, madame la ministre d’État, de votre soutien, même si nous avons bien compris que des discussions interministérielles ont toujours lieu.
Par cette proposition de loi, nous voulons envoyer un message fort aux personnels éducatifs et reconnaître les spécificités de certains métiers de la fonction publique. En l’occurrence, la sécurité du personnel éducatif est devenue une question spécifique, qui doit être traitée comme telle. C’est pour cette raison que nous insistons autant pour que la protection fonctionnelle soit automatiquement accordée au personnel éducatif. (Applaudissements.)
M. Pierre Ouzoulias. Très bien !
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures quinze, est reprise à quatorze heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Pierre Ouzoulias.)
PRÉSIDENCE DE M. Pierre Ouzoulias
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
3
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
4
Modifications de l’ordre du jour
M. le président. Mes chers collègues, par lettre en date du 3 mars, M. Claude Malhuret, président du groupe Les Indépendants – République et Territoires, a demandé le remplacement, à l’ordre du jour de l’espace réservé à son groupe du jeudi 20 mars, de la proposition de loi encadrant l’activité des plateformes de revente agissant en qualité de tiers de confiance par un débat, sous forme de discussion générale, sur le thème : « Revente de billets pour les manifestations sportives et culturelles : quelles actions pour protéger les consommateurs et lutter contre les fraudes et la spéculation ? ».
Acte est donné de cette demande.
Nous pourrions fixer le délai limite d’inscription des orateurs des groupes au mercredi 19 mars à 15 heures.
Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
Par ailleurs, nous pourrions inscrire par priorité, à la demande du Gouvernement, en premier point de l’ordre du jour du lundi 17 mars la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports.
Nous pourrions en conséquence débuter la séance à 16 heures, et fixer le délai limite d’inscription des orateurs des groupes au vendredi 14 mars à 15 heures.
Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
À la demande du Premier président de la Cour des comptes, nous pourrions par ailleurs débuter la séance du jeudi 27 mars, consacrée au débat à la suite du dépôt du rapport public annuel de la Cour des comptes, à 11 heures.
Y a-t-il des observations ?…
Il en est ainsi décidé.
Mes chers collègues, Mme la ministre Agnès Pannier-Runacher nous ayant informés qu’elle aurait un peu de retard, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quatorze heures quarante-neuf, est reprise à quatorze heures cinquante.)
M. le président. La séance est reprise.
5
Risque d’incendie lié aux batteries au lithium et cartouches de protoxyde d’azote
Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Union Centriste, de la proposition de loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre le risque incendie lié aux batteries au lithium et aux cartouches de protoxyde d’azote dans les installations de collecte, de tri et de recyclage, présentée par MM. Jean-François Longeot, Cyril Pellevat et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 79, texte de la commission n° 368, rapport n° 367).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Je vous rappelle que l’examen de ce texte est inscrit dans le cadre de l’espace réservé au groupe Union Centriste, limité à une durée de quatre heures. Dans ces conditions, je me verrai dans l’obligation d’arrêter la séance à seize heures dix.
Si nous n’avions pas achevé l’examen du texte, il appartiendrait à la conférence des présidents d’inscrire la suite de cette proposition de loi à l’ordre du jour d’une séance ultérieure.
Discussion générale
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-François Longeot, auteur de la proposition de loi.
M. Jean-François Longeot, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, selon Santé publique France, 13 % des 18-24 ans ont déjà expérimenté l’usage récréatif du protoxyde d’azote. Facile d’accès, cette drogue aux effets dévastateurs n’est malheureusement plus une nouveauté.
La loi du 1er juin 2021 tendant à prévenir les usages dangereux du protoxyde d’azote, qui avait été initialement déposée par Valérie Létard, alors sénatrice, a marqué une première avancée, en interdisant la vente aux mineurs.
Un autre enjeu, de taille, reste encore à traiter : les conséquences environnementales de cette pollution silencieuse.
Je suis régulièrement alerté par des élus locaux qui assistent, démunis, à la prolifération de bonbonnes de protoxyde d’azote abandonnées dans l’espace public, à des arrêts de bus, dans des caniveaux ou des parcs. Ces déchets s’amoncellent sans solution efficace de ramassage et de traitement.
Plus grave encore, lorsque les bonbonnes jetées dans les corbeilles de rue sont envoyées dans les usines d’incinération, elles deviennent de véritables bombes à retardement. Le gaz restant dans les cartouches provoque des explosions durant la phase de traitement des déchets.
Ce texte vise ainsi à prévenir cette catastrophe permanente vécue par nos collectivités et nos infrastructures de traitement des déchets. Dans la droite ligne de loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (Agec), il tend à appliquer, enfin, le principe pollueur-payeur aux producteurs de cartouches de protoxyde d’azote.
Les conséquences sont en effet désastreuses : une seule explosion représente en moyenne un coût de 150 000 euros en raison de l’arrêt des installations. En outre, ces explosions mettent en danger les agents et perturbent l’approvisionnement en énergie des réseaux de chaleur. Ce scandale environnemental et financier ne peut plus durer.
Face à cette situation intenable, le Sénat doit prendre ses responsabilités. J’ai déposé cette proposition de loi afin que les producteurs de cartouches de protoxyde d’azote assument enfin les leurs, en prenant en charge les coûts de collecte et de traitement de ces déchets dangereux. Face à l’urgence de la situation, les articles 3 et 4 prévoient des solutions concrètes pour protéger nos territoires.
Je forme le vœu que cette proposition de loi soit adoptée à l’unanimité, comme l’a fait la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, puis que la navette aille jusqu’à son terme, au bénéfice direct de l’environnement, de nos collectivités et de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Patricia Schillinger applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat, auteur de la proposition de loi.
M. Cyril Pellevat, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le président Longeot et moi-même avons décidé de mettre en commun nos travaux respectifs, les siens sur les risques liés aux cartouches de protoxyde d’azote, les miens sur les risques liés aux batteries au lithium – j’interviendrai donc sur ce dernier sujet.
Les batteries au lithium, extrêmement inflammables en cas de choc ou de contact avec de l’eau, se trouvent aujourd’hui dans de nombreux objets du quotidien. Chaussures ou bonnets lumineux, brosses à dent électriques, jouets, cartes de vœux musicales, elles sont partout et ne peuvent parfois pas être retirées des objets qui les contiennent, faute d’écoconception.
Ces objets se retrouvent alors dans les centres de tri des déchets où, en raison d’une orientation inadéquate lors du processus du recyclage, ils causent des incendies aux conséquences parfois désastreuses.
Rien qu’en 2023, près de la moitié des vingt-quatre incendies déclarés dans des centres de tri étaient liés à des batteries au lithium. Le Bureau d’analyse des risques et pollutions industriels (Barpi) recense autant d’accidents entre 2016 et 2019 que durant les quinze années précédentes. Et nous ne parlons là que des incendies qui se sont propagés dans les installations, et non du nombre bien plus important de départs de feu ayant pu être maîtrisés avant de se transformer en incendies.
Face à la hausse du nombre d’incendies, les centres de tri sont en difficulté. La sécurité de leurs employés est en jeu et leur activité économique est affectée, les centres de traitement étant bien souvent mis à l’arrêt après un incendie. La viabilité économique des entreprises concernées est alors mise à mal, en raison des coûts de reconstruction et des investissements nécessaires pour prévenir ces incendies.
En outre, facteur aggravant, les centres de tri ont de plus en plus de difficultés à se faire assurer, leurs franchises explosant au motif que leur activité serait désormais trop accidentogène.
Enfin, les incendies dans les centres de tri ont des conséquences pour les collectivités, qui peuvent se retrouver sans solution pour trier les déchets le temps que le centre soit reconstruit.
Face à ce constat, il devient urgent d’agir pour prévenir les incendies liés aux batteries dans les centres de tri. C’est ce qui a conduit au dépôt de cette proposition de loi.
Nous prévoyons donc, par ce texte, de créer une obligation de communication dite négative pour les metteurs sur le marché de produits contenant des batteries au lithium, qui les oblige à prévenir activement les consommateurs du danger des produits contenant des batteries, et du fait qu’ils ne doivent pas être recyclés dans les bacs jaunes.
En effet, si les éco-organismes mènent régulièrement des campagnes positives au sujet des objets à trier et à recycler, ils ne mènent aucune opération de sensibilisation pour alerter sur l’importance de collecter les piles et les batteries dans des circuits différenciés.
Nous avions initialement prévu de créer un fonds visant à répartir la charge économique liée aux erreurs de tri des piles et batteries entre les metteurs sur le marché, fonds qui aurait servi à participer à l’indemnisation des centres de tri victimes d’incendie.
Toutefois, lors de l’examen en commission, le choix a été fait de se concentrer sur les solutions préventives plutôt que curatives, ce qui a conduit à supprimer le fonds pour le remplacer par une obligation pour les éco-organismes de participer au financement de la prévention des accidents. J’entends la volonté d’axer le texte sur la prévention, et j’ai donc accepté ladite suppression.
Nous savons néanmoins que, dans n’importe quel domaine, la prévention ne suffit pas toujours. Après l’entrée en vigueur de cette loi, qui, je l’espère, sera rapide, il sera donc nécessaire de mener une évaluation afin de voir les effets de ces efforts de prévention sur le nombre d’incendies dans les centres de tri. S’il s’avère que la hausse du nombre d’incendies se poursuit, il faudra alors nous ressaisir de la question de l’indemnisation. Dans l’attente, nous nous contenterons d’un accroissement des efforts de prévention.
À la suite de la réécriture du texte en commission, il m’a cependant paru nécessaire de préciser en quoi consistera la contribution des éco-organismes au financement de la prévention.
En effet, financer, par exemple, la création de simples panneaux prévenant du danger ne suffira pas. Il est donc nécessaire que le financement porte notamment sur des équipements visant à prévenir les incendies, tels que des mécanismes d’extinction automatique ou encore des systèmes de détection automatique des incendies.
De même, la répartition du financement entre les éco-organismes et les centres de tri devra être précisée par voie réglementaire. J’ai déposé un amendement en ce sens, avec l’accord de la rapporteure, que je vous présenterai en détail tout à l’heure.
Je tiens pour finir à remercier Mme la rapporteure, qui a su comprendre l’urgence de légiférer pour préserver nos entreprises du secteur du recyclage, et le président Jean-François Longeot pour notre collaboration en vue de l’élaboration de cette proposition de loi.
Je vous invite, mes chers collègues, à voter ce texte qui est d’une importance capitale tant pour les entreprises du recyclage que pour nos territoires. (M. Pascal Martin, Mme Mireille Jouve et M. Daniel Chasseing applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Jocelyne Antoine, rapporteure de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis heureuse de vous présenter la position de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable sur la proposition de loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre le risque incendie lié aux batteries au lithium et aux cartouches de protoxyde d’azote dans les installations de collecte, de tri et de recyclage, déposée par le président Longeot et Cyril Pellevat, que je salue.
En 2023, 20 % des accidents et incidents technologiques recensés concernaient la filière des déchets. La tendance est malheureusement à la hausse depuis une décennie, en raison de l’émergence de nouveaux produits. L’introduction de ces déchets dangereux réinterroge les responsabilités respectives des acteurs du cycle de vie du produit, du producteur à l’opérateur de traitement des déchets, en passant par le consommateur et les collectivités territoriales.
J’évoquerai d’abord les batteries au lithium, à l’origine de la moitié des départs de feu dans les installations de traitement des déchets.
L’usage des batteries au lithium s’est démultiplié ces dernières années en raison du développement des piles boutons, ces piles de petite taille présentes dans divers objets du quotidien comme l’a rappelé M. Pellevat. Ces batteries hautement inflammables au contact de l’oxygène et de l’eau constituent un risque pour la santé des agents, pour l’environnement, en raison de leurs rejets toxiques dans l’air et dans l’eau, ainsi que pour l’équilibre économique des gestionnaires d’installations de traitement de déchets, confrontés, seuls, à la multiplication des incendies.
Cela engendre en retour une hausse exponentielle des primes d’assurance, qui met en péril la viabilité financière de certaines installations.
Deux tiers de ces incendies sont liés à des erreurs de tri : entre 15 % et 20 % des batteries au lithium, notamment les plus petites, échappent à la collecte sélective et se retrouvent dans les bacs de tri jaunes ou avec les ordures ménagères. Si elles ne sont pas détectées à temps, elles provoquent ensuite des incendies dans les installations de traitement.
Pour y remédier, l’article 1er prévoit l’organisation d’une campagne de sensibilisation inter-filières par les éco-organismes concernés.
Initialement, l’article 2 visait à créer un fonds d’indemnisation des dommages causés aux installations de traitement des déchets. Mais ce dispositif n’est pas conforme au droit européen.
La commission a préféré adopter une position d’équilibre, plus équitable et opérationnelle : nous avons substitué à ce fonds une obligation de financement par les producteurs des actions de prévention des incendies, pour passer d’une approche curative à une approche préventive.
Cette solution permet de ne pas désengager les assureurs, d’éviter d’imposer une charge disproportionnée aux producteurs et d’encourager l’investissement dans des dispositifs de prévention. Par ailleurs, dans 60 % des cas, l’implication des batteries au lithium dans un incendie n’est que supposée, d’après la direction générale de la prévention des risques (DGPR), ce qui rendait l’indemnisation complexe et juridiquement incertaine.
Le second sujet d’importance traité par la proposition de loi est la prévention des explosions dans les incinérateurs liées aux cartouches de protoxyde d’azote.
Nous connaissons malheureusement déjà tous les conséquences sanitaires de cette nouvelle drogue – le président Longeot les a rappelés. Au-delà de cet aspect sanitaire, qui sera traité dans une autre proposition de loi que nous examinerons en fin d’après-midi, l’essor du protoxyde d’azote a également des conséquences pour la filière de traitement des déchets : une fois consommées, les bouteilles ou les cartouches sont bien souvent jetées dans des corbeilles de rue ou abandonnées sur la voie publique.
Pourtant, une bouteille de protoxyde d’azote est un déchet dangereux. La chaleur extrême du four dans les unités de valorisation énergétique entraîne une dilatation du gaz encore présent dans les bouteilles et provoque une explosion. M. Longeot a indiqué les coûts importants que cela représente pour les gestionnaires. Ces explosions peuvent, en outre, perturber le service d’approvisionnement en énergie des usagers raccordés au réseau de chaleur, ce qui est également coûteux pour les collectivités territoriales.
Au total, le préjudice économique lié aux réparations et aux arrêts de production subséquents aux explosions s’établit, selon les estimations, dans une fourchette entre 15 millions et 20 millions d’euros.
Pour limiter ces accidents, l’article 3 intègre les bouteilles et les cartouches de gaz à la filière à responsabilité élargie des producteurs (REP) des déchets diffus spécifiques (DDS), qui traite les déchets dangereux. Cette intégration implique que les producteurs devront verser des écocontributions suffisantes pour assurer le traitement approprié de ces déchets et mener des campagnes de sensibilisation sur les règles de tri appropriées. La commission a souhaité exclure du champ de cet article les bouteilles de gaz rechargeables, à usage souvent professionnel, pour lesquelles des dispositifs de collecte et de consigne fonctionnels existent aujourd’hui.
Cette disposition ne résoudra, bien sûr, pas tout. La réponse au phénomène d’explosion des bonbonnes de protoxyde d’azote ne peut pas être que nationale ; une évolution des règles européennes de conception de ces contenants serait nécessaire pour imposer la présence de soupapes de sécurité, afin de limiter les explosions à la source. Nous avons eu l’occasion d’échanger longuement sur ce sujet avec vos services, madame la ministre, et je tiens à les remercier pour leur écoute.
Au-delà des explosions dans les incinérateurs, les cartouches de protoxyde d’azote sont également à l’origine de surcoûts pour les collectivités territoriales, en raison de la prolifération dans l’espace public urbain de bouteilles abandonnées.
Il convient d’assurer, en application du principe pollueur-payeur, la prise en charge par le producteur ou son éco-organisme des coûts de ramassage et de traitement des déchets issus des cartouches ou des bouteilles de gaz abandonnées. C’est l’objet de l’article 4.
Enfin, la commission a également souhaité modifier l’intitulé de cette proposition de loi afin, d’une part, de préciser que le texte vise à lutter contre les risques d’accident en général, et non pas seulement contre le risque d’incendie – les cartouches de protoxyde d’azote sont en effet sources d’explosions plutôt que d’incendies – et, d’autre part, d’élargir le champ des installations considérées, qui ne sont pas uniquement les installations de collecte, de tri et de recyclage, mais l’ensemble des installations de traitement des déchets, y compris par exemple les centres de stockage ou de transfert.
Je souhaite, en conclusion, saluer la qualité de la collaboration tout au long de mes travaux préparatoires avec les deux auteurs de cette proposition de loi, Jean-François Longeot et Cyril Pellevat, qui m’ont permis d’enrichir ce texte sans trahir leur volonté initiale.
Je tiens aussi à remercier mes collègues de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable qui ont adopté ce texte à l’unanimité : je m’en réjouis car cela témoigne d’une prise de conscience collective de l’urgence de cet enjeu. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDPI. – M. Jacques Fernique applaudit également.)