Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Francis Szpiner, rapporteur. Monsieur Daubresse, je reconnais volontiers la cohérence des deux amendements que nous venons de voter. De même, je comprends la logique des dispositions que vous proposez à présent. Elles n’en posent pas moins, à mon sens, un certain nombre de difficultés.

Tout d’abord, on ne peut pas placer un mineur en rétention sans le contrôle d’un magistrat du siège, contrôle qui, en l’occurrence, n’est pas prévu.

Ensuite, l’intervention des représentants légaux du mineur n’est pas prévue non plus.

J’y insiste, je comprends la logique de vos amendements, qui tendent à traiter un vrai problème. Lorsque le non-respect des mesures éducatives ne peut être sanctionné, ces mesures perdent une partie de leur sens. Mais, si louables soient vos intentions, les conditions dans lesquelles nous examinons ce texte ne permettent pas d’aller plus loin.

En conséquence, je vous prie de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Ces dispositions font écho à celles que Mme Carrère-Gée a défendues précédemment.

Aujourd’hui, si le mineur ne respecte pas les mesures éducatives dont il fait l’objet, il ne se passe rien. Grâce à cette proposition de loi, encore renforcée par les deux amendements de M. Daubresse que le Sénat vient d’adopter, une sanction sera prononcée, par exemple lorsque le jeune brave l’interdiction de voir telle ou telle connaissance, typiquement une personne avec laquelle il a l’habitude de faire de mauvais coups…

En quoi consiste la sanction ? Pour commencer, on prévient les forces de l’ordre, l’autorité parentale et le magistrat. Puis – c’est l’objet de l’amendement n° 26 rectifié quater –, le mineur est placé, non pas en détention, mais en rétention, dans un centre éducatif fermé. Je précise que le magistrat est avisé de cette mesure : il peut donc s’y opposer s’il la juge disproportionnée.

Ces dispositions traduisent sans doute l’idée que la droite de l’hémicycle se fait de la sanction et de la privation de liberté. Dans cet esprit, Mme Carrère-Gée proposait une courte peine en milieu carcéral, dont la durée était fixée à un mois. Pour sa part, M. Daubresse suggère une retenue en centre éducatif fermé : il ne s’agit pas d’une détention prononcée sans contrôle du juge.

Aussi, contrairement à M. le rapporteur, je suis favorable à cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Francis Szpiner, rapporteur. Je rends hommage à l’inventivité juridique de M. le garde des sceaux. La notion qu’il vient de présenter nous était jusqu’alors inconnue : tout en privant de la liberté d’aller et venir la personne à qui elle s’applique, la « rétention » dont il s’agit ne serait pas considérée comme une peine privative de liberté !

En pratique, soit on est placé en garde à vue, sous le contrôle d’un magistrat du parquet, soit on est mis en détention, sous le contrôle d’un magistrat du siège. Je vois mal comment, sous cette forme, la rétention proposée pourrait prospérer constitutionnellement.

Monsieur le garde des sceaux, vous souhaitez instaurer des sanctions en cas de non-respect des mesures éducatives : je ne suis bien sûr pas hostile à cette idée. Mais – je le répète –, telles que vous les concevez, et telles que l’amendement de M. Daubresse tend à les mettre en œuvre, ces sanctions me paraissent difficilement compatibles avec les exigences constitutionnelles. On ne prive pas quelqu’un de liberté, en France, sans qu’un magistrat donne son accord.

Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Monsieur le rapporteur, sauf erreur de ma part, l’adoption du précédent amendement garantit que le mineur sera présenté devant le juge des enfants.

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Les amendements de M. Daubresse tendent à assurer une gradation par rapport aux dispositions proposées par Mme Carrère-Gée.

Tout d’abord, la mesure éducative est prononcée. Si cette dernière n’est pas respectée, une sanction doit être prise – vous approuvez d’ailleurs ce principe. Non seulement l’autorité judiciaire doit en être informée, mais le mineur doit être présenté devant le juge des enfants. Puis, le cas échéant, l’intéressé est retenu en centre éducatif fermé sur décision du juge des enfants, afin de respecter la mesure éducative. On passe donc bien par un magistrat.

Monsieur Daubresse, j’espère ne pas avoir trahi votre cinétique,…

M. Marc-Philippe Daubresse. Pas du tout, monsieur le garde des sceaux !

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. … qui, d’ailleurs, est connue !

M. Marc-Philippe Daubresse. Nous nous connaissons bien, monsieur le ministre, nous parlons la même langue… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. Monsieur Daubresse, je suppose que l’amendement n° 26 rectifié quater est maintenu ?

M. Marc-Philippe Daubresse. Bien sûr, madame la présidente. Cette série d’amendements forme un tout cohérent.

M. Francis Szpiner, rapporteur. C’est peut-être cohérent, mais ce n’est pas constitutionnel…

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 26 rectifié quater.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 10.

L’amendement n° 24 rectifié quinquies, présenté par M. Daubresse, Mme Eustache-Brinio, M. H. Leroy, Mme Micouleau, MM. Savin, Sol et Panunzi, Mme Gruny, MM. Reichardt et Frassa, Mmes Vérien, Lassarade, Belrhiti et Duranton, M. Brisson, Mme Valente Le Hir, M. Meignen, Mmes Josende et Carrère-Gée, M. Patriat, Mmes Ramia et Schillinger, MM. Buis, Buval et Rohfritsch, Mme Cazebonne et MM. Lemoyne et Lévrier, est ainsi libellé :

Après l’article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.- L’article L. 422-1 du code de la justice pénale des mineurs est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« 3° Demander au mineur de ne pas aller et venir sur la voie publique aux conditions et pour les motifs déterminés par le procureur de la République, pour une durée qui ne saurait excéder six mois » ;

II.- Au 11° de l’article 230-19 du code de procédure pénale après le mot « code » sont insérés les mots : « ainsi que l’interdiction prononcée en application du 3° de l’article L. 422-1 du code de la justice pénale des mineurs ».

La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse.

M. Marc-Philippe Daubresse. M. le garde des sceaux a déjà apporté les explications nécessaires. Je considère donc cet amendement comme défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Francis Szpiner, rapporteur. Favorable !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Même avis !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 24 rectifié quinquies.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 10.

L’amendement n° 51, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au 7° de l’article L. 112-2 du code de la justice pénale des mineurs, les mots : « entre 22 heures et 6 heures sans être accompagné de l’un de ses représentants légaux » sont remplacés par les mots : « , aux conditions et pour les motifs déterminés par la juridiction ».

La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, il ne faudrait pas que le Conseil constitutionnel, en lisant le compte rendu de nos débats, en vienne à faire sienne l’analyse développée à l’instant par M. le rapporteur.

Je tiens donc à rappeler les termes de l’amendement n° 26 rectifié quater, formant désormais article additionnel : « Le mineur ne peut être retenu plus de douze heures. »

M. Francis Szpiner, rapporteur. « Retenu » !

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Oui, monsieur le rapporteur : retenu ! Mais les retenues sont monnaie courante. En outre – je poursuis –, « À l’issue de la mesure, le juge des enfants peut ordonner que le mineur soit conduit devant lui ». La décision est prise sous l’autorité de la justice, et les magistrats sont préalablement informés.

Si la mesure éducative n’est pas respectée, les différentes autorités, dont le magistrat, en sont informées et une retenue est prononcée à l’encontre du mineur. Il s’agit effectivement d’une forme de parallélisme avec la garde à vue applicable aux majeurs, mais cette retenue a lieu en centre éducatif fermé : avouez que c’est un peu mieux qu’au commissariat de police ou à la brigade de gendarmerie… Au bout de douze heures – le présent texte le précise expressis verbis –, le magistrat statue.

Ces dispositions me semblent donc parfaitement constitutionnelles. Cela dit, on verra bien ce qu’il adviendra en commission mixte paritaire, puis ce que jugera le Conseil constitutionnel…

Ces précisions étant apportées, j’en viens à l’amendement n° 51, dont j’ai déjà évoqué la teneur en répondant à Mme Carrère-Gée au sujet des courtes peines.

Le couvre-feu peut déjà être prononcé entre vingt-deux heures et six heures du matin ; mais il se trouve que les rixes ont assez rarement lieu à vingt-deux heures, vingt-trois heures ou minuit. Cela peut arriver, mais ce n’est pas la majorité des cas.

Nous proposons donc, sur le modèle espagnol, un couvre-feu applicable individuellement. En dehors des heures dédiées à ses apprentissages, à son travail ou à d’autres obligations prises en considération par le magistrat – on peut penser, par exemple, à des rendez-vous médicaux –, le mineur concerné doit être chez lui, y compris le week-end. La violation de cette mesure l’exposerait aux diverses sanctions évoquées par M. Daubresse.

Il s’agit là d’une disposition très importante, à même, selon moi, de se substituer aux courtes peines de détention proposées il y a quelques instants.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Francis Szpiner, rapporteur. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 51.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 10.

Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 28 rectifié quater, présenté par MM. Daubresse et Frassa, Mme Canayer, MM. Reichardt, Panunzi, Sol et Savin, Mme Micouleau, M. H. Leroy, Mmes Eustache-Brinio, Lassarade, Belrhiti et Duranton, M. Brisson, Mme Valente Le Hir, M. Meignen, Mmes Josende et Carrère-Gée, M. Patriat, Mmes Ramia et Schillinger, MM. Buis, Buval, Rohfritsch et Fouassin, Mme Cazebonne et MM. Lemoyne et Lévrier, est ainsi libellé :

Après l’article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Par dérogation à l’article L. 231-4 du code de la justice pénale des mineurs, à titre expérimental et pour une durée de 18 mois à compter de la publication du décret mentionné au II du présent article, dans deux tribunaux judiciaires désignés par arrêté du garde des sceaux, le nombre des assesseurs composant le tribunal pour enfants en application de l’article L. 231-4 du code de la justice pénale des mineurs, choisis conformément aux dispositions de l’article L. 251-4 du code de l’organisation judiciaire, est porté à quatre lorsque le tribunal pour enfants connaît des crimes commis par les mineurs de moins de seize ans en application du 2° de l’article L. 231-3 du code de la justice pénale des mineurs.

Les articles L. 251-5 et L. 251-6 du code de l’organisation judiciaire sont applicables.

Au plus tard six mois avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport procédant à son évaluation.

II. – Un décret précise les modalités d’application du présent article, notamment les modalités de conduite et d’évaluation de l’expérimentation.

La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse.

M. Marc-Philippe Daubresse. J’ai bien écouté Mme Rossignol tout à l’heure…

Mme Laurence Rossignol. C’est gentil ! (Sourires.)

M. Marc-Philippe Daubresse. Ma chère collègue, je vous écoute toujours avec beaucoup d’intérêt. (Nouveaux sourires.)

Vous nous demandiez si certains d’entre nous avaient, comme vous, déjà assisté au délibéré du procès d’assises d’un mineur. Parallèlement, nous avons débattu des moyens de mieux associer les citoyens à la marche de la justice, en vue de leur responsabilisation.

Dans cet esprit, nous proposons une expérimentation relative à la composition du tribunal pour enfants. Il s’agirait, plus précisément, d’en doubler le nombre d’assesseurs.

On m’a mis en garde au début de l’examen de ce texte : les assesseurs devant être indemnisés, ces dispositions doivent être gagées, en vertu de l’article 40.

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Mais le gage est levé !

M. Marc-Philippe Daubresse. Néanmoins, M. le garde des sceaux a levé le gage, et je l’en remercie : il nous permet ainsi de débattre. Je précise au passage que le montant de cette indemnité n’est pas très élevé.

L’objectif est de renforcer le rôle de la société dans la prise de décision à l’égard des mineurs. Une telle expérimentation aurait un réel intérêt.

Mme la présidente. L’amendement n° 40 rectifié, présenté par Mme Ramia, M. Rohfritsch, Mme Schillinger, MM. Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Iacovelli, Lemoyne et Lévrier, Mmes Nadille et Phinera-Horth et M. Théophile, est ainsi libellé :

Après l’article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – À titre expérimental et pour une durée de dix-huit mois à compter de la publication du décret visé au II, dans deux tribunaux désignés par arrêté du garde des sceaux, le nombre des assesseurs composant le tribunal pour enfants en application de l’article L. 231-4 du code de la justice pénale des mineurs, choisis conformément aux dispositions de l’article L. 251-4 du code de l’organisation judiciaire, est porté à quatre.

Au plus tard six mois avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport procédant à son évaluation.

II. – Un décret précise les modalités d’application du présent article, notamment les modalités de conduite et d’évaluation de l’expérimentation.

La parole est à Mme Salama Ramia.

Mme Salama Ramia. Actuellement, le tribunal pour enfants est présidé par un juge des enfants, auprès duquel siègent deux assesseurs titulaires. À titre expérimental, nous proposons de porter le nombre de ces assesseurs à quatre.

Les critères de sélection resteraient les mêmes : on privilégierait l’engagement en faveur des jeunes en difficulté et de la justice des mineurs.

Cette évolution permettrait de renforcer l’implication de la société dans les décisions de justice concernant les mineurs, en associant davantage les citoyens au processus judiciaire. Elle renforcerait, en outre, le caractère solennel des audiences.

J’espère que le département de Mayotte, dont je suis l’élue, sera choisi comme territoire d’expérimentation.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Francis Szpiner, rapporteur. Avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Même avis !

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Mme Laurence Rossignol. À l’évidence, les citoyens doivent être mieux associés aux juridictions chargées des mineurs.

Dans cette logique, il pourrait être judicieux de supprimer les cours criminelles départementales (CCD), qui excluent délibérément les citoyens du jugement d’un certain nombre d’affaires…

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 28 rectifié quater.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 10, et l’amendement n° 40 rectifié n’a plus d’objet.

Après l’article 10
Dossier législatif : proposition de loi visant à aménager le code de la justice pénale des mineurs et certains dispositifs relatifs à la responsabilité parentale
Après l’article 11

Article 11

Après le mot : « loi », la fin des articles L. 721-1, L. 722-1 et L. 723-1 du code de la justice pénale des mineurs est ainsi rédigée : « n° … du … visant à aménager le code de la justice pénale des mineurs et certains dispositifs relatifs à la responsabilité parentale, sous réserve des adaptations prévues au présent chapitre. »

Mme la présidente. L’amendement n° 21 rectifié ter, présenté par MM. Daubresse, Frassa et Reichardt, Mmes Canayer et Gruny, MM. Panunzi, Sol et Savin, Mme Micouleau, M. H. Leroy, Mmes Eustache-Brinio, Lassarade, Belrhiti et Duranton, M. Brisson et Mmes Valente Le Hir et Josende, est ainsi libellé :

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

II. – L’article 2 est applicable en Polynésie française et dans les îles Wallis-et-Futuna.

III. – L’article 3 est applicable dans les îles Wallis et Futuna.

La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse.

M. Marc-Philippe Daubresse. Compte tenu des modifications adoptées à l’article 2, cet amendement de coordination n’a plus lieu d’être : je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 21 rectifié ter est retiré.

Je mets aux voix l’article 11.

(Larticle 11 est adopté.)

Article 11
Dossier législatif : proposition de loi visant à aménager le code de la justice pénale des mineurs et certains dispositifs relatifs à la responsabilité parentale
Intitulé de la proposition de loi (début)

Après l’article 11

Mme la présidente. L’amendement n° 41 rectifié, présenté par MM. Fialaire et Bilhac, Mme Briante Guillemont, M. Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Gold et Grosvalet, Mmes Guillotin, Jouve et Pantel et M. Roux, est ainsi libellé :

Après l’article 11

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet annuellement au Parlement un rapport comprenant un suivi statistique de la délinquance des mineurs.

Ce rapport détaille les situations des victimes et mineurs mis en cause sur l’ensemble de la chaîne pénale, et comprend une étude sociologique des auteurs des faits de délinquance et des suivis de cohortes.

Il chiffre les faits de récidive et de réitération.

Il évalue l’efficacité des mesures éducatives et des mesures alternatives aux poursuites mises en œuvre.

La parole est à Mme Maryse Carrère.

Mme Maryse Carrère. Dans un rapport sénatorial de 2022 intitulé Prévenir la délinquance des mineurs – Éviter la récidive, notre collègue Bernard Fialaire dressait le constat suivant : sur les mineurs mis en cause par les forces de l’ordre, les pouvoirs publics ne disposent de statistiques fiables et détaillées que depuis 2016.

Grâce aux chiffres produits, il est désormais possible de distinguer les crimes des délits. En outre, ces données permettent de connaître les caractéristiques des auteurs. Quant aux infractions secondaires et aux contraventions, elles sont elles aussi prises en compte, mais seulement pour la police.

Les statistiques disponibles ne couvrent pas toutes les infractions et ne distinguent pas toujours les crimes des délits. Dès lors, elles ne permettent pas de tirer des conclusions définitives quant à l’évolution de la délinquance des mineurs. Pour combler ce manque, nous sollicitons la remise d’un rapport au Parlement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Francis Szpiner, rapporteur. Ma chère collègue, vous le savez, nous refusons en général les demandes de rapport : il ne tient qu’au Sénat de faire usage de ses pouvoirs de contrôle pour obtenir telle ou telle information. Aussi, la commission émet un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 41 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Après l’article 11
Dossier législatif : proposition de loi visant à aménager le code de la justice pénale des mineurs et certains dispositifs relatifs à la responsabilité parentale
Intitulé de la proposition de loi (fin)

Intitulé de la proposition de loi

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 8 rectifié est présenté par Mme Vérien, MM. J.M. Arnaud et Bitz, Mme Florennes, MM. Marseille et Parigi, Mmes Patru, Tetuanui et Guidez, MM. Delahaye et Mizzon, Mmes de La Provôté, Billon, Herzog et Jacquemet, M. Lafon, Mmes Romagny et Housseau, M. Delcros, Mme Devésa, M. Duffourg et Mme Sollogoub.

L’amendement n° 15 rectifié est présenté par Mme Ramia, M. Rohfritsch, Mme Schillinger, MM. Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, M. Patient, Mme Phinera-Horth et MM. Rambaud et Théophile.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Rédiger ainsi cet intitulé :

Proposition de loi visant à restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents

La parole est à Mme Dominique Vérien, pour présenter l’amendement n° 8 rectifié.

Mme Dominique Vérien. À l’issue de son examen en commission, le présent texte avait perdu une bonne part de son ambition initiale : c’est pourquoi M. le rapporteur a souhaité modifier son titre. Mais, en séance, nous avons pris soin d’en renforcer les dispositions. En conséquence, je propose de revenir à l’intitulé initial : proposition de loi visant à restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents.

Mme la présidente. La parole est à Mme Salama Ramia, pour présenter l’amendement n° 15 rectifié.

Mme Salama Ramia. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Francis Szpiner, rapporteur. Mes chères collègues, si j’ai souhaité ce changement, c’est parce que l’intitulé initial du présent texte me semblait péjoratif, voire blessant, pour l’institution judiciaire.

Que signifiait un tel titre ? Que la justice des mineurs était en déliquescence avant que M. Attal ne se penche sur son sort ? Qu’elle n’avait plus aucune autorité, que ce soit à l’égard des mineurs ou des parents, mais que, surgissant tel Zorro, notre collègue député venait restaurer l’autorité de la justice par cette proposition de loi magique ? Si j’étais magistrat pour enfant, éducateur ou membre de la protection judiciaire de la jeunesse, je le prendrais plutôt mal…

Le législateur doit savoir faire preuve de modestie et, je vous le confirme, le titre choisi en commission me paraît plus adéquat. « Proposition de loi visant à aménager le code de la justice pénale des mineurs et certains dispositifs relatifs à la responsabilité parentale » : cet intitulé est, à mon sens, plus adapté à la réalité du travail que nous venons d’accomplir.

En conséquence, je suis défavorable à ces deux amendements identiques.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Mollement sagesse, madame la présidente… (Sourires. – M. le rapporteur rit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Mme Laurence Rossignol. Les arguments de M. le rapporteur nous ont convaincus.

Pour notre part, nous avions mille autres idées d’intitulé pour ce texte : « Proposition de loi visant à en finir avec l’ordonnance de 1945 et la justice des mineurs » ; « Proposition de loi visant à engager la suppression de l’ordonnance de 1945 » ; « Proposition de loi visant à juger les enfants comme des adultes » ; « Proposition de loi visant à privilégier l’incarcération des mineurs par rapport aux mesures éducatives ».

On pourrait en proposer quantité d’autres, beaucoup plus conformes à l’esprit qui a animé notre assemblée tout au long de ce débat. Mais il me paraît bien suffisant de l’intituler « Proposition de loi portant diverses dispositions relatives à l’organisation de la justice des mineurs ».

Chers collègues de la majorité sénatoriale, vous l’avez vous-mêmes admis tout au long de nos discussions : on ne sait pas vraiment si ces dispositions sont applicables, d’autant qu’après l’examen du Conseil constitutionnel il n’en restera sûrement pas grand-chose.

M. Marc-Philippe Daubresse. Attendez la CMP !

Mme Laurence Rossignol. Le titre retenu doit donc être modeste, à l’instar de l’ambition réelle de ce texte. Mais, à l’évidence, vous êtes très fiers de votre travail : dès lors, peut-être préférerez-vous le titre initial…

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 8 rectifié et 15 rectifié.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, nadopte pas les amendements.)

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Christophe Chaillou, pour explication de vote.

M. Christophe Chaillou. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous arrivons au terme d’un débat qui nous a interpellés à plus d’un titre.

La justice des mineurs est un sujet à la fois très important et, bien entendu, extrêmement sensible. Chacun d’entre nous, sans exception, est conscient des enjeux que représentent les réponses à apporter aux violences, désormais quotidiennes, commises par des personnes de plus en plus jeunes. Ces faits divers choquent profondément nos concitoyens, et ce à juste titre.

En commission, le présent texte a fait l’objet d’un travail approfondi. De très nombreuses auditions ont été menées et des débats extrêmement intéressants ont eu lieu. Je salue notamment la qualité de l’éclairage juridique apporté par M. le rapporteur.

La rédaction issue des travaux de la commission a suscité une large adhésion dans notre assemblée, même si, sur certains sujets, on peut être surpris des positions assez changeantes de plusieurs membres de la commission des lois…

En outre, ce débat est symptomatique d’une certaine dérive de notre assemblée, comme le démontrent divers amendements adoptés depuis hier.

Je déplore un grave manque de recul quant aux règles en vigueur, qu’il s’agisse de leur mise en œuvre, de leur efficacité ou des moyens qu’elles supposent. Ce constat vaut également pour des modifications extrêmement récentes du code de la justice pénale des mineurs.

Il n’y a pas de réflexion quant à l’efficacité des dispositifs, ou si peu ! On fait fi des positions du monde judiciaire et de la prévention, dont les acteurs sont unanimement opposés à ce texte. On se rit, à bien des égards, de la constitutionnalité des dispositions votées. Et, à plusieurs reprises – en tout cas lors de nos débats d’hier –, M. le garde des sceaux a eu la tentation de renvoyer l’arbitrage à la CMP.

Tel qu’il résulte de nos débats, le présent texte va, selon nous, véritablement à l’encontre des principes fondamentaux de la justice des mineurs : atténuation de la responsabilité pénale en fonction de l’âge, primauté de l’éducatif et spécialisation des juridictions.

Nous avions indiqué un certain nombre de lignes rouges. Sur deux sujets notamment, ces dernières ont été franchies : la comparution immédiate dès 15 ans et l’atténuation des peines pour les mineurs.

Mes chers collègues, vous ne serez donc pas surpris d’apprendre que nous voterons contre ce texte. S’il devait être confirmé par la CMP, le juge constitutionnel ne manquerait pas de s’y intéresser de très près.