Mme Nicole Bonnefoy. Cet amendement est la traduction de l’une des préconisations de la mission d’information relative au transport de marchandises face aux impératifs environnementaux, dont le rapport, que j’ai rendu avec mon collègue Rémy Pointereau, a été adopté à l’unanimité en 2021 par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
Nous proposons d’informer le consommateur de l’impact environnemental de ces livraisons afin, à terme, de l’inciter à des comportements plus vertueux en la matière.
En effet, près de 90 % du fret français est aujourd’hui assuré par voie routière, ce qui entraîne de nombreuses nuisances.
Par ailleurs, lutter contre la fast fashion doit également passer par une meilleure information des consommateurs et une responsabilisation de leur acte d’achat.
C’est le double objectif de cet amendement. Commander en ligne ou retourner un produit ne peut plus être un acte banal : les consommateurs doivent appréhender les conséquences qui en découlent sur l’environnement et sur le modèle économique du producteur.
Conformément aux recommandations de la rapporteure lors des débats en commission, j’ai recentré le dispositif de cet amendement sur les seuls produits relevant de la mode éphémère.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure. Il est impératif d’informer le consommateur des impacts environnementaux liés non seulement à la production de vêtements et au traitement des déchets textiles, mais aussi au transport massif de colis.
Le modèle économique de la mode express repose sur la vente sur internet et donc sur la livraison rapide des produits, parfois par voie aérienne. Il participe ainsi largement aux émissions de gaz à effet de serre émanant du transport de marchandises. Le nombre de colis livrés en Europe en provenance de Chine a été multiplié concomitamment au développement de la mode ultra-express.
Lorsque le consommateur fait le choix de se faire livrer des colis par voie aérienne de l’autre bout du monde en des temps records, il doit être pleinement informé des conséquences économiques de son achat.
Cette disposition résulte d’une préconisation de l’excellent rapport d’information sur le transport de marchandises face aux impératifs environnementaux de Nicole Bonnefoy et Rémy Pointereau de 2021.
La commission émet un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Votre amendement vise à informer le consommateur sur l’impact environnemental de la livraison de produits définis à l’article 1er. C’est certes une réalité, mais il ne faudrait pas laisser croire au consommateur qu’il s’agit du seul impact environnemental lié à la fast fashion.
D’après les données d’Ecobalyse, la livraison ne représente que 9 % de l’impact environnemental total d’un pull en coton issu de la mode ultra-éphémère fabriqué en Chine.
Il est important que le consommateur puisse faire des choix éclairés en matière d’impact environnemental. Il serait contreproductif de laisser entendre que le principal impact réside dans la part liée au transport, sans évoquer les 91 % restants.
Pour cette raison, l’avis du Gouvernement est défavorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 37 rectifié, présenté par Mme Bonnefoy, M. Gillé, Mme Bélim, MM. Devinaz, Fagnen, Jacquin, Omar Oili, Ouizille, Uzenat, M. Weber et Kanner, Mmes Espagnac et Linkenheld, M. Michau, Mmes Monier, Canalès et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« … – Dans la promotion par les personnes qui ont recours à la pratique commerciale mentionnée au I d’un produit, le terme “gratuit” ne peut être utilisé comme outil marketing et promotionnel dans le cadre d’une relation commerciale. »
La parole est à Mme Nicole Bonnefoy.
Mme Nicole Bonnefoy. Cet amendement, comme le précédent, traduit l’une des recommandations du rapport de la mission d’information que j’ai menée avec mon collègue Rémy Pointereau.
Il vise à prévoir l’interdiction de la mention « livraison gratuite » ainsi que de toute publicité mettant en avant la gratuité de la livraison d’un produit. Il s’agit, là encore, de mieux informer et sensibiliser le consommateur. Nous ne pouvons laisser entendre que les livraisons n’auraient aucun coût financier ni aucun impact environnemental.
En outre, il s’agit de participer à l’accélération de la transition écologique du transport de marchandises en limitant cette pratique commerciale, qui est bien souvent le corollaire de la fast fashion.
Les dispositions de cet amendement ne visent que les produits relevant de la mode éphémère, pour éviter de tomber sous le coup de l’article 45 de la Constitution. Madame la ministre, j’espère que son adoption sera un premier pas vers une interdiction plus large et complète de cet argument commercial mensonger, qui repose sur une logique économique ultra-productiviste et délétère pour notre environnement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure. Cet amendement s’inscrit également dans la continuité des travaux de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable : la mission d’information sur le transport de marchandises face aux impératifs environnementaux, qui a rendu ses travaux en 2021 et dont vous étiez rapporteur, aux côtés de Rémy Pointereau, avait mis en lumière le sentiment de dénigrement éprouvé par les transporteurs en raison de l’« invisibilisation » de leur activité.
Il est donc tout à fait opportun d’interdire la mention « livraison gratuite » pour les vêtements issus de la mode éphémère, qui est trompeuse : la livraison emporte un coût économique et environnemental qu’il convient d’afficher.
Une telle interdiction constitue un premier pas vers la responsabilisation du consommateur : avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Mon avis est motivé par un argument juridique, puisque nous sommes tenus par le droit.
Vous avez complètement raison : toute livraison a un coût aussi bien économique qu’environnemental, même si elle peut être « offerte » aux consommateurs, à défaut d’être « gratuite ».
Je comprends donc l’intention de l’auteure de cet amendement. Cependant, ce type d’interdiction est contraire à la directive relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur. Aux termes mêmes de ladite directive, il n’est pas possible d’interdire la mention de la gratuité de la livraison d’un produit dans une publicité ou dans le cadre d’une pratique commerciale. Or, s’agissant d’une directive d’harmonisation maximale, les États membres ne peuvent imposer des exigences plus strictes que celles qu’elle définit.
Vous pouvez donc adopter cet amendement, mais sachez qu’il n’aura aucune portée juridique : il s’agira d’un amendement de témoignage. (Mme Nicole Bonnefoy manifeste sa désapprobation.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 37 rectifié.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Xavier Iacovelli.)
PRÉSIDENCE DE M. Xavier Iacovelli
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion de la proposition de loi visant à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus aux amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 1er.
Après l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 57 rectifié, présenté par Mmes Romagny et Vermeillet, MM. Cambier, Folliot et Rochette, Mme Josende, M. Bruyen, Mme Jacquemet, MM. Maurey, Haye et Delahaye, Mmes Herzog et Housseau, MM. S. Demilly et Menonville, Mmes Bourcier et Devésa, MM. Canévet, Henno, Wattebled, Perrin et Rietmann, Mmes Doineau et Billon, M. Kern, Mmes Perrot, O. Richard et Saint-Pé, M. Chasseing, Mmes Demas et Joseph, MM. Capo-Canellas et L. Hervé, Mmes Guidez et Hybert, M. Michallet, Mme Berthet et M. Duffourg, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 541-9-1 du code de l’environnement, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. 541-9-1-… – L’origine de fabrication du vêtement ou du textile vendu en ligne doit être clairement identifiable du consommateur sur la plateforme numérique. La mention relative à l’origine géographique des textiles est inscrite de façon visible et lisible, en caractères d’une taille égale à celle de l’indication du prix, à proximité de celui-ci. »
La parole est à Mme Marie-Lise Housseau.
Mme Marie-Lise Housseau. Cet amendement d’Anne-Sophie Romagny vise à rendre visible l’origine géographique de fabrication du produit textile vendu sur une plateforme numérique ou un site internet : elle devra figurer sur la page internet à proximité du prix de vente unitaire de l’article.
Cette traçabilité constitue une information claire et un signal permettant aux consommateurs d’arbitrer leurs achats en fonction de leurs préoccupations environnementales ou sociales. Cette mesure peut favoriser l’acquisition de vêtements fabriqués en France ou en Europe, dont le bilan carbone est bien meilleur que celui des produits fabriqués en Asie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure. Je comprends l’intention des auteurs de l’amendement, qui veulent assurer une plus grande traçabilité de l’origine géographique des vêtements. Je m’interroge toutefois sur le coût et la faisabilité d’une telle mesure, qui concernerait l’ensemble de la filière textile et non pas simplement les produits de la mode express, et dont il serait nécessaire de contrôler ensuite l’application.
Cette disposition, qui est intéressante, devrait faire l’objet d’une étude d’impact ou, a minima, de travaux de la part du Gouvernement, afin de garantir son applicabilité : avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Avis de sagesse, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Antoinette Guhl, pour explication de vote.
Mme Antoinette Guhl. Le groupe écologiste est favorable à cet amendement. Certes, la mesure envisagée nécessitera un peu de travail et d’investissement de la part des acteurs de la filière – revendeurs, fabricants, plateformes, etc. –, mais elle permettra une meilleure information des consommateurs. Il est important qu’elle puisse être inscrite dans le présent texte.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 57 rectifié.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 1er.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 106 rectifié n’est pas soutenu.
L’amendement n° 40 rectifié bis, présenté par M. Michau, Mme Bonnefoy, M. Gillé, Mme Bélim, MM. Devinaz, Fagnen, Jacquin, Omar Oili, Ouizille, Uzenat, M. Weber et Kanner, Mmes Espagnac, Linkenheld, Monier, Canalès et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les personnes physiques ou morales qui ont recours à la pratique commerciale mentionnée au I de l’article L. 541-9-1-1 du code de l’environnement ne sont pas éligibles à la réduction d’impôt mentionnée au 2 de l’article 238 bis du code général des impôts.
La parole est à M. Sébastien Fagnen.
M. Sébastien Fagnen. Cet amendement de notre collègue Jean-Jacques Michau, soutenu par le groupe socialiste, vise à supprimer l’abattement fiscal de 60 % dont bénéficient les acteurs de la mode éphémère sur leurs dons d’invendus aux associations.
Si cette mesure partait d’une bonne intention et constituait une initiative vertueuse en elle-même pour lutter contre le gaspillage et encourager l’économie circulaire, elle est devenue, en raison de la frénésie suscitée par la mode éphémère, un véritable outil d’optimisation fiscale.
À titre d’exemple, un pantalon vendu par Shein peut bénéficier d’une réduction fiscale de 7,20 euros en cas de don, alors que son prix initial est de 12 euros. On constate que l’utilisation de l’argent public pour maintenir, voire encourager, des pratiques qui ne sont absolument pas vertueuses, aussi bien économiquement qu’écologiquement – comme nous avons pu le souligner lors de nos précédents échanges –, nous conduit à une impasse.
Bien évidemment, la suppression de l’abattement fiscal de 60 % concernerait seulement les acteurs de la mode éphémère.
M. le président. Les amendements nos 109 rectifié et 107 rectifié ne sont pas soutenus.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 40 rectifié bis ?
Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure. Les auditions menées dans le cadre des travaux préparatoires m’ont permis de constater la crise à laquelle fait face le réemploi dans le secteur textile, qui relève bien souvent de l’économie sociale et solidaire (ESS). L’explosion des ventes de vêtements de moindre qualité remet souvent en cause l’équilibre économique du secteur.
Que les acteurs de la mode express puissent bénéficier d’un crédit d’impôt à la suite de dons de produits textiles de mauvaise qualité est ubuesque ! Je ne peux donc qu’approuver cette proposition, qui met fin à un crédit d’impôt qui n’aurait jamais dû être.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Cet amendement porte sur un sujet qui n’est pas lié à la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, mais qui pose néanmoins problème, comme vous l’avez bien expliqué dans votre présentation, monsieur le sénateur, et dans votre avis, madame la rapporteure.
Bercy travaille sur le sujet et envisage des évolutions, en tenant notamment compte des conclusions de récentes enquêtes médiatisées. Toutefois, le Gouvernement n’ayant pas encore arrêté de solution, j’émettrai un avis de sagesse sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 40 rectifié bis.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 1er.
Article 1er bis A
(Non modifié)
Le III de l’article L. 541-9 du code de l’environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les agents de la direction générale de la prévention des risques et de ses services déconcentrés, les agents habilités en application de l’article L. 541-9-7, les agents des douanes et les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes sont autorisés, pour les besoins de leurs missions de contrôle prévues au présent III, à se communiquer, sur demande ou spontanément, tous les renseignements et les documents détenus ou recueillis dans l’exercice de leurs missions respectives. »
M. le président. L’amendement n° 96, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Après l’article L. 512-20-3 du code de la consommation, il est inséré un article L. 512-20-… ainsi rédigé :
« Art. L. 512-20-…. – Les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et les agents de la Commission nationale de l’informatique et des libertés peuvent se communiquer spontanément ou sur demande tous les renseignements et les documents détenus ou recueillis dans le cadre de leurs missions respectives et nécessaires à la recherche et à la constatation des infractions et des manquements à la réglementation relevant de leurs champs de compétences respectifs, sans que les dispositions de l’article 11 du code de procédure pénale ou celles relatives au secret professionnel fassent obstacle à une telle communication. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Cet amendement tend à créer une base juridique pour les échanges d’informations entre les agents de la DGCCRF et ceux de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), afin de lutter plus efficacement contre les fraudes relevant des champs de compétence respectifs de ces deux autorités.
L’objectif est de renforcer nos capacités de contrôle. Nous devrions nous retrouver sur cette mesure de bon sens.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure. Pour lutter contre la mode express, nous ne devons pas uniquement prévoir des sanctions ; il faut aussi que les contrôles soient efficaces face à des acteurs qui disposent de moyens de contournement considérables.
J’approuve cet amendement, qui me paraît de nature à renforcer la coopération entre les différents services de l’État, ce qui améliorera l’efficacité des contrôles.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 96.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er bis A, modifié.
(L’article 1er bis A est adopté.)
Article 1er bis
(Supprimé)
Article 2
Le code de l’environnement est ainsi modifié :
1° L’article L. 541-10-3 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « lesquels », sont insérés les mots : « l’impact environnemental, notamment les atteintes à la biodiversité et l’empreinte carbone, » et après le mot : « durabilité », sont insérés les mots : « , y compris, résultant des pratiques industrielles et commerciales, » ;
b) La dernière phrase du troisième alinéa est complétée par les mots : « , sauf pour les produits mentionnés au 11° de l’article L. 541-10-1, pour lesquels ce taux est fixé à 50 % » ;
2° L’article L. 541-10-9 est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
a bis) À la première phrase du second alinéa, le mot : « article » est remplacé par la référence : « I » ;
b) Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. – Lorsqu’une personne non établie en France est soumise au principe de responsabilité élargie du producteur en application de l’article L. 541-10 ou en application du premier alinéa du I du présent article, elle désigne, par mandat écrit, une personne physique ou morale établie en France en tant que mandataire chargé d’assurer le respect de ses obligations relatives au régime de responsabilité élargie des producteurs. Cette personne est subrogée dans toutes les obligations découlant du principe de responsabilité élargie du producteur dont elle accepte le mandat. » ;
3° L’article L. 541-10-27 est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
a bis) Au deuxième alinéa, le mot : « article » est remplacé par la référence : « I » ;
b) Sont ajoutés des II, II bis, III et IV ainsi rédigés :
« II. – Pour les produits soumis au principe de responsabilité élargie du producteur en application du 11° de l’article L. 541-10-1, les contributions financières mentionnées à l’article L. 541-10-3 sont modulées, en fonction notamment de leur durabilité liée à l’impact des pratiques industrielles et commerciales des producteurs. Le cahier des charges de l’éco-organisme prévoit que les compléments de contributions récoltés sont principalement réattribués sous forme de primes aux producteurs de produits qui remplissent des critères d’écoconception pour une meilleure performance environnementale.
« II bis. – Les produits soumis au principe de responsabilité élargie du producteur en application du 11° de l’article L. 541-10-1 qui sont affectés d’une pénalité en application du II du présent article ne peuvent bénéficier de primes.
« III. – Le montant des pénalités applicables aux produits soumis au principe de responsabilité élargie du producteur en application du 11° de l’article L. 541-10-1 et déterminées en fonction du critère défini au II du présent article est de 5 euros par produit en 2025, 6 euros par produit en 2026, 7 euros par produit en 2027, 8 euros par produit en 2028, 9 euros par produit en 2029 et 10 euros par produit en 2030.
« IV. – Une fraction des contributions financières versées par les producteurs des produits mentionnés au 11° de l’article L. 541-10-27 doit être utilisée par les éco-organismes pour financer des infrastructures de collecte et de recyclage sur le territoire national. »
M. le président. L’amendement n° 65, présenté par M. Hingray, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
La sous-section 3 de la section 2 du chapitre Ier du titre IV du livre V du code de l’environnement est complétée par un article ainsi rédigé :
« Art. L. 541-10-…. – I. – Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi n° du visant à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile, l’autorité de tutelle pour le secteur du textile établit, en concertation avec l’ensemble des parties prenantes de la filière, une feuille de route dite « Textile durable 2030 », reposant sur une stratégie mettant en œuvre une filière industrielle performante soutenant la transformation circulaire et, articulée autour des quatre piliers suivants :
« 1° Réparation : obligation pour les metteurs en marché de mettre à disposition des services de réparation pour leurs produits, directement ou par l’intermédiaire de réseaux partenaires ;
« 2° Réutilisation : mise en place ou adhésion à des plateformes de revente de seconde main ;
« 3° Recyclage : introduction progressive de quotas d’incorporation de matières recyclées dans la composition des produits textiles mis sur le marché ;
« 4° Réduction : engagement des producteurs sur la diminution des invendus, notamment sur la base des recommandations de l’Agence européenne de l’environnement, et sur la promotion d’une consommation responsable dans les campagnes de communication.
« II. – Les contributions financières versées par les producteurs dans le cadre de la responsabilité élargie du producteur (REP) sont modulées afin de favoriser l’atteinte de ces objectifs. Une part significative de ces contributions est fléchée vers le financement de la transformation durable du secteur textile, notamment par le soutien au recyclage, à l’innovation circulaire et à la structuration des filières locales.
« III. – Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de deux ans suivant l’entrée en vigueur de la présente loi, un rapport d’évaluation des effets de la feuille de route sur les performances environnementales de la filière et sur l’équilibre concurrentiel entre acteurs nationaux et internationaux. Ce rapport peut formuler des propositions d’ajustement, y compris en matière de dispositifs financiers complémentaires. »
La parole est à M. Jean Hingray.
M. Jean Hingray. Face aux défis environnementaux posés par l’industrie textile, il est impératif d’agir non seulement avec détermination, mais aussi avec discernement.
L’objectif de cet amendement est double : renforcer l’efficacité environnementale de la régulation, tout en préservant l’équité concurrentielle entre tous les acteurs, français comme internationaux.
Loin d’encourager une forme de protectionnisme punitif ou de guerre commerciale, ma proposition veut établir une trajectoire commune, réaliste et exigeante, permettant à l’ensemble des metteurs en marché – grandes marques comme PME, distributeurs européens comme importateurs – de s’inscrire dans une dynamique de progrès environnemental.
L’amendement vise à compléter utilement les dispositions de l’article 2 de la proposition de loi en instaurant une logique de coconstruction sectorielle. Il impose aux éco-organismes d’élaborer sous l’autorité de tutelle, avec l’ensemble des parties prenantes, une feuille de route « Textile durable 2030 » fondée sur quatre piliers stratégiques : réparation, réutilisation, recyclage et réduction.
Plutôt que de recourir à un régime de sanctions administratives complexes, cette feuille de route s’appuie sur la modulation des contributions des filières à responsabilité élargie du producteur. Elle oriente ainsi les redevances vers la transformation effective du secteur, tout en simplifiant la gestion administrative et en assurant la compatibilité du dispositif avec le droit européen.
En résumé, cet amendement tend à passer d’une logique de confrontation à une logique d’engagement partagé et incitatif, dans un esprit de responsabilité écologique, d’équité économique et de transformation concrète du secteur textile.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure. Je vous remercie, mon cher collègue, de me donner l’opportunité d’insister ici sur la nécessité d’une stratégie industrielle dans la gestion des déchets textiles.
Pour gérer au mieux nos déchets et assurer la transition du textile vers l’économie circulaire, il est indispensable que l’État établisse une stratégie concertée avec l’ensemble des acteurs économiques, qui assure l’existence de débouchés sur le territoire, dans le respect de la hiérarchie des modes de traitement.
Toutefois, la fixation d’une telle stratégie me paraît, à ce stade, trop rigide. Je vous invite à vous rapprocher de Marta de Cidrac et de Jacques Fernique, rapporteurs pour la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable sur la mission d’information relative au bilan de la loi Agec de 2020. Je sais qu’ils s’intéressent à la question de la structuration industrielle de l’économie circulaire. Vos réflexions pourront très certainement enrichir les conclusions de leur rapport.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Monsieur le sénateur, votre amendement vise à mettre en place une feuille de route pour renforcer la circularité de la filière textile dans une démarche de coconstruction.
Aujourd’hui, un tiers seulement des textiles usagés sont collectés, le reste terminant sa vie dans les poubelles. Sur le tiers collecté, seuls 30 % sont recyclés, majoritairement hors d’Europe. En outre, la filière est confrontée depuis 2024 à une fermeture progressive de ses débouchés à l’export, entraînant la fragilisation des opérateurs de collecte et de tri.
J’ai donc lancé une réforme de la filière REP des textiles. Elle permettra d’améliorer l’écoconception des produits, d’augmenter la collecte, le réemploi et le recyclage de la matière, notamment en France, et d’améliorer la traçabilité des flux collectés. Un amendement gouvernemental vise d’ailleurs à soutenir cette refonte de la filière.
En parallèle, la récente révision de la directive-cadre Déchets concerne notamment le secteur textile : elle impose à l’ensemble des États membres la mise en place d’une filière REP pour les textiles, sujet sur lequel la France est précurseur.
Si je partage votre volonté de transformation concrète de la filière, il me semble plus approprié de poursuivre le travail qui vient d’être engagé aux échelons et français et européen. Si vous en êtes d’accord, je vous associerai à ces travaux avec l’ensemble de la filière.
Je vous propose donc de retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Hingray, l’amendement n° 65 est-il maintenu ?
M. Jean Hingray. Oui, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour explication de vote.
M. Jacques Fernique. M. Hingray maintient son amendement, dont l’intention est louable et intéressante. L’idée d’une feuille de route partagée me convient.
L’amendement tend néanmoins à réécrire totalement l’article 2, lequel serait alors vidé de sa substance, alors qu’il renforce les critères d’écomodulation dans la filière REP des producteurs de textiles. Il est dès lors impossible de remplacer l’article 2 par cet amendement…
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 65.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.