M. le président. Les trois amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 9 rectifié ter est présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Rochette et Malhuret, Mme Lermytte, M. Wattebled, Mme L. Darcos, MM. Laménie, Brault, Grand et Chevalier, Mme Bourcier, MM. A. Marc et Chasseing, Mme Perrot et M. L. Hervé.
L’amendement n° 33 rectifié quinquies est présenté par Mme Housseau, M. Henno, Mme Billon, MM. Canévet et Kern, Mmes Jacquemet et Saint-Pé et MM. Levi, Folliot, Daubet et Duffourg.
L’amendement n° 72 rectifié quater est présenté par M. Menonville, Mme Devésa, MM. Bonneau, Parigi et Maurey et Mme Antoine.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – Après l’article L. 229-61 du code de l’environnement, il est inséré un article 229-61-… ainsi rédigé :
« Art. L. 229-61…. – Est interdite la publicité relative à la commercialisation de produits dans le cadre d’une pratique commerciale relevant de la mode éphémère, définie à l’article L. 541-9-1-1, ou faisant la promotion directe ou indirecte des entreprises, des enseignes ou des marques ayant recours à cette pratique commerciale dans la mesure où la production excessive de vêtements, de linge de maison et de chaussures compromet l’objectif de protection de l’environnement et de lutte contre le réchauffement climatique.
« La publicité mentionnée au premier alinéa du présent article inclut les pratiques des personnes physiques ou morales qui, à titre onéreux, utilisent leur notoriété auprès de leur audience pour communiquer au public, par voie électronique, des contenus visant à faire la promotion, directement ou indirectement, de biens, de services ou d’une cause quelconque et qui exercent l’activité d’influence commerciale par voie électronique. »
II. – Le I entre en vigueur le 1er janvier 2026.
La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour présenter l’amendement n° 9 rectifié ter.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Le présent amendement vise à réintroduire l’interdiction générale de la publicité pour les produits relevant de la mode éphémère.
En effet, seule une interdiction globale de la promotion publicitaire permettra d’éviter le report des dépenses vers d’autres supports ou médias, lequel provoquerait en outre un renchérissement du coût de la publicité pour les autres acteurs, y compris vertueux, du secteur.
Une interdiction de la publicité pour des motifs environnementaux n’est pas en soi inconstitutionnelle, mais sa pertinence et sa proportionnalité doivent être justifiées. Remis en décembre 2024, le rapport inter-inspections intitulé Contribution et régulation de la publicité pour une consommation plus durable, qui étudie spécifiquement le cas présent, constitue une base de travail solide en ce sens.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Lise Housseau, pour présenter l’amendement n° 33 rectifié quinquies.
Mme Marie-Lise Housseau. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 72 rectifié quater n’est pas soutenu.
L’amendement n° 39 rectifié, présenté par Mme Bonnefoy, M. Gillé, Mme Bélim, MM. Devinaz, Fagnen, Jacquin, Omar Oili, Ouizille, Uzenat, M. Weber et Kanner, Mmes Espagnac et Linkenheld, M. Michau, Mmes Monier, Canalès et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – Après l’article L. 229-61 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 229-61-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 229-61-1. – Est interdite la publicité relative à la commercialisation de produits dans le cadre d’une pratique commerciale consistant à renouveler très rapidement les collections vestimentaires et d’accessoires, définie à l’article L. 541-9-1-1, ou faisant la promotion directe ou indirecte des entreprises, des enseignes ou des marques ayant recours à cette pratique commerciale dans la mesure où la production excessive de vêtements, de linge de maison et de chaussures compromet l’objectif de protection de l’environnement et de lutte contre le réchauffement climatique.
« Tout manquement à cette interdiction est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale.
II. – Le I entre en vigueur le 1er janvier 2026.
La parole est à Mme Nicole Bonnefoy.
Mme Nicole Bonnefoy. Cet amendement vise à rétablir partiellement l’article 3, supprimé en commission par la rapporteure, et, partant, à instaurer une interdiction générale de la publicité pour les produits correspondant à la définition de la mode éphémère.
En commission, la rapporteure a justifié la suppression de cet article au motif qu’il présente un risque d’inconstitutionnalité. Or, à l’Assemblée nationale – je le rappelle une nouvelle fois –, une large majorité de députés ont jugé que tel n’était pas le cas.
La rapporteure du texte à l’Assemblée nationale, qui est membre du groupe Horizons, a estimé dans son rapport que cette restriction à la liberté d’entreprendre était « justifiée par la nécessité de limiter la surproduction de produits textiles afin d’en limiter les conséquences pour l’environnement ».
Nous considérons que l’article 3 bis, introduit en commission, qui ne vise que les influenceurs, ne compense pas la suppression du présent article. Par ailleurs, l’interdiction générale est à la fois justifiée par une raison d’intérêt général et proportionnée à l’objectif visé.
Madame la rapporteure, pourriez-vous préciser votre analyse constitutionnelle et nous expliquer en quoi le raisonnement de l’Assemblée nationale est selon vous erroné ?
M. le président. L’amendement n° 76 rectifié, présenté par MM. Dossus, Fernique, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, M. Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – Le code l’environnement est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 229-61, il est inséré un article L. 229-61-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 229-61-1. – Est interdite la publicité relative à la commercialisation de produits dans le cadre d’une pratique commerciale consistant à renouveler très rapidement les collections vestimentaires et d’accessoires, définie à l’article L. 541-9-1-1, ou faisant la promotion directe ou indirecte des entreprises, des enseignes ou des marques ayant recours à cette pratique commerciale dans la mesure où la production excessive de vêtements, de linge de maison et de chaussures compromet l’objectif de protection de l’environnement et de lutte contre le réchauffement climatique.
2° Au premier alinéa de l’article L. 229-63, après la référence : « L. 229-61 », est insérée la référence : « , L. 229-61-1 »
II. – Après le 32° de l’article L. 511-7 du code de la consommation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° De l’article L. 229-61-1 du code de l’environnement. »
III. – Le 1° du I entre en vigueur le 1er janvier 2026.
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. Cet amendement vise lui aussi à rétablir la disposition adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale, puis supprimée en commission par le Sénat. Je m’associe à la demande de précision formulée à l’instant par Nicole Bonnefoy, car je ne comprends pas bien les raisons justifiant l’inconstitutionnalité de cette disposition.
Soyons cohérents, mes chers collègues. Lors de la discussion générale, chacun a reconnu que la fast fashion et l’ultrafast fashion constituaient de véritables fléaux, en raison non seulement de leurs conséquences catastrophiques sur les ressources, mais aussi de leur modèle social fondé sur l’exploitation des travailleurs.
Si nous voulons mettre fin à ce modèle, il faut nous attaquer à son moteur, la publicité, qu’elle soit numérique et ciblée ou diffusée plus globalement dans l’espace public, les marques visées ayant dernièrement redoublé d’efforts en matière de communication.
En encadrant la publicité relative à la fast fashion, nous affirmons que nous ne voulons pas de ce modèle de consommation.
Vous avez décrit les dégâts de la fast fashion de manière très offensive, madame la rapporteure. Si nous voulons être cohérents avec les propos que nous avons tenus, mes chers collègues, il nous faut rétablir l’interdiction générale de publicité pour ces marques. Tel est l’objet de cet amendement important.
M. le président. L’amendement n° 100, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – Après l’article L. 229-61 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 229-61-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 229-61-1. – Est interdite la publicité relative à la commercialisation de produits dans le cadre de la pratique industrielle et commerciale définie à l’article L. 541-9-1-1, ou faisant la promotion directe ou indirecte des marques ayant recours à cette pratique industrielle et commerciale, dans la mesure où la production excessive de vêtements, de linge de maison et de chaussures compromet l’objectif de protection de l’environnement et de lutte contre le réchauffement climatique. »
II. – Le I en vigueur le 1er janvier 2026.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. L’objectif étant d’élaborer un texte robuste, cet amendement tend à rétablir l’interdiction générale de la publicité sur les médias classiques pour la mode ultra-éphémère.
Le risque d’inconstitutionnalité existe. La réduction des marges de manœuvre des acteurs économiques pouvant se justifier par un motif d’intérêt général, ce risque n’est toutefois peut-être pas aussi fondé qu’il y paraît.
Permettez-moi de citer quelques données relatives à la publicité.
Pas moins de sept Français sur dix se disent prêts à changer leurs habitudes d’achat de vêtements, ou l’ont déjà fait, afin d’en limiter les conséquences sur l’environnement, mais aussi pour leur portefeuille. En dépit de cette prise de conscience, les Français sont exposés à une publicité omniprésente, phénomène qui se traduit par des budgets publicitaires dont le montant atteint des dizaines de millions d’euros, voire davantage.
Un Français sur deux estime avoir effectué un achat après avoir été exposé à une publicité en ligne, sur les réseaux sociaux ou à la suite de la recommandation d’un influenceur.
Ces données montrent que, malgré la véritable volonté des Français de basculer vers un modèle de consommation vestimentaire plus durable, la pression publicitaire qui s’exerce constamment sur eux peut les conduire à des achats impulsifs – et souvent regrettés ensuite – de marchandises qui, hélas, ne sont pas durables.
L’encadrement ciblé de la publicité permettrait de rééquilibrer la situation actuelle, marquée par les moyens faramineux déployés par les acteurs de l’ultrafast fashion, d’un côté, et les conséquences désastreuses de la consommation des produits ainsi promus en matière d’environnement, d’emploi et d’animation de nos centres-villes, de l’autre. Les différents orateurs ayant été très diserts à ce sujet lors de la discussion générale, je ne m’étendrai pas davantage sur toutes ces conséquences.
Les députés ont voté à l’unanimité – je le souligne – en faveur de cette interdiction.
Pourquoi le droit de l’Union européenne pourrait-il limiter, ou, a minima, reporter notre action ? Comme je l’ai indiqué, la directive sur le commerce électronique soumet les prestataires de services d’information au droit de l’État membre dit « d’origine », c’est-à-dire dans lequel ils ont établi leur activité, en l’occurrence l’Irlande pour une majorité des plateformes de vente visées. La France étant considérée dans ce cas comme un État membre de destination, elle ne peut pas restreindre la circulation de services provenant de l’État membre d’origine.
Nous ne pourrions déroger à ce principe, par exemple pour appliquer les dispositions de la présente proposition de loi, qu’en cas d’atteinte à la protection de l’ordre public, à la santé publique, à la sécurité publique ou à la protection des consommateurs par le prestataire établi dans un autre État membre. L’atteinte à la protection de l’environnement ne constitue pas, à ce jour, un motif de dérogation.
La jurisprudence européenne précise par ailleurs qu’il n’est pas possible de prendre des mesures générales et abstraites à l’encontre de prestataires de services d’information établis dans un autre État membre. Par conséquent, si des mesures générales d’interdiction de la publicité sont adoptées dans le présent texte, elles ne s’appliqueront qu’aux prestataires établis en France.
Quelle stratégie pouvons-nous adopter pour avancer malgré tout ?
Avant même la réunion d’une éventuelle commission mixte paritaire, nous notifierons ce texte à la Commission européenne. Vous pourrez ainsi tenir compte des observations de celle-ci et amender le texte de manière à le rendre plus robuste.
J’estime toutefois que le plus efficace serait d’obtenir une modification de la directive sur le commerce électronique afin d’y inclure une dérogation fondée sur l’atteinte à la protection de l’environnement. Le récent rapport réalisé par l’inspection générale des finances (IGF), l’inspection générale de l’environnement et du développement durable (Igedd) et l’inspection générale des affaires culturelles (Igac) suggère de faire reposer cette dérogation au titre de la protection de l’environnement sur certaines pratiques industrielles et commerciales excessives constatées dans le secteur textile.
Sous réserve de ce combat qui doit être mené à l’échelon européen, je suis favorable à la réintroduction de l’interdiction générale de la publicité pour les produits de la mode ultra-éphémère. Telle est du reste la raison de mon insistance sur le fait que, si l’article 2 vise la fast fashion, les articles 1er et 3, eux, ne visent que l’ultrafast fashion, qui est donc seule concernée par cette interdiction générale de publicité.
Nous sommes certes David contre Goliath,…
M. Loïc Hervé. Oui, mais c’est David qui gagne à la fin !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. … mais nous nous donnons les moyens d’agir au niveau français.
Si, après avoir fait l’unanimité à l’Assemblée nationale, cette disposition est votée par l’ensemble des groupes politiques du Sénat, nous pourrons nous prévaloir de ce vote consensuel auprès de la Commission européenne pour faire bouger les lignes.
Je ne mésestime pas les risques juridiques, mais nous faisons de la politique ! Par cet amendement, je vous propose de défendre non seulement les entreprises françaises, mais aussi les valeurs européennes de durabilité et de protection de l’environnement qui sont les nôtres. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)
M. le président. L’amendement n° 67, présenté par M. Hingray, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après l’article L. 229-61 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 229-61-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 229-61-1 - I. – Est interdite toute publicité relative à la commercialisation de produits relevant d’une pratique commerciale définie à l’article L. 541-9-1-1, ou faisant la promotion directe ou indirecte d’entreprises, d’enseignes ou de marques ayant recours à cette pratique, lorsqu’elle est diffusée sur des supports spécifiquement destinés aux mineurs ou manifestement conçue pour les cibler.
« Cette interdiction est justifiée par l’objectif de protection de l’environnement, en raison de l’impact significatif de la surproduction de vêtements, linge de maison et chaussures sur le changement climatique. Elle s’applique à tous les supports et médias de communication commerciale.
« II. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article.
« III. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2026. »
La parole est à M. Jean Hingray.
M. Jean Hingray. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 77 rectifié bis, présenté par MM. Dossus, Fernique, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, M. Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – Le code l’environnement est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 229-61, il est inséré un article L. 229-61-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 229-61-1. – Est interdite la publicité relative à la commercialisation de produits entrant dans le cadre de la pratique commerciale définie à l’article L. 541-9-1-1, ou faisant la promotion directe ou indirecte des entreprises, des enseignes ou des marques ayant recours à cette pratique sur les services de communication au public en ligne ou les services de plateforme de partage de vidéos accessibles à des mineurs de moins de quinze ans.
« Un décret pris en Conseil d’État vient préciser les modalités de contrôle de cette interdiction. » ;
2° Le premier alinéa de l’article L. 229-63 est complété par les mots : « et le fait de ne pas respecter l’interdiction prévue à l’article L. 229-61-1, est puni d’une amende de 250 000 euros ou 4 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes réalisé au cours de l’exercice précédent, le plus élevé des deux montants étant retenu. »
II. – Après le 32° de l’article L. 511-7 du code de la consommation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° De l’article L. 229-61-1 du code de l’environnement ; ».
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. Le présent amendement vise à interdire la diffusion de publicités pour les produits de la fast fashion sur les plateformes numériques accessibles aux mineurs de moins de 15 ans.
Parce qu’elles imprègnent fortement l’imaginaire des adolescents, lesquels sont particulièrement ciblés par les enseignes de la mode express, de telles publicités façonnent en effet précocement les comportements de consommation que nous dénonçons.
Il convient donc de traiter à la racine le problème de l’exposition des jeunes générations à ce modèle ultra-consommateur de ressources et délétère en matière de droits sociaux des travailleurs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure. Nos travaux préparatoires ont mis en lumière le risque d’inconstitutionnalité qui pèserait sur une interdiction générale de la publicité pour les produits relevant de la mode express.
Le Conseil constitutionnel encadre en effet les interdictions de publicité, en réservant ces limitations à la liberté d’entreprendre à des dispositions liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par un motif d’intérêt général, et en s’assurant que les atteintes portées à cette liberté ne soient pas disproportionnées au regard de l’objectif visé. Les mesures d’interdiction doivent être directement liées à ces objectifs de valeur constitutionnelle, et la restriction portée à la liberté d’entreprendre doit être proportionnée au regard de ces objectifs.
Sur le seul motif de la protection de l’environnement, une interdiction générale de la publicité pour les produits de la mode express pourrait donc être considérée comme portant une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre.
La loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et Résilience, prévoyait deux interdictions de la publicité : l’une pour les énergies fossiles, l’autre pour les SUV. Quatre ans plus tard – quatre ans, mes chers collègues ! –, les textes d’application pour ces deux interdictions ne sont toujours pas parus en raison, de l’aveu même du Gouvernement, d’importants risques contentieux.
L’article 3 bis instaure en revanche un dispositif sécurisé interdisant la promotion de la mode express par les influenceurs et imposant que les publicités soient accompagnées d’un message de sensibilisation.
Pour résumer, je ne veux pas jouer, mes chers collègues. C’est aussi cela faire de la politique. À une mesure symbolique faisant l’objet d’incertitudes juridiques, je préfère une mesure plus limitée, mais plus efficace, et qui sera applicable immédiatement.
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je demande le retrait de l’amendement n° 77 rectifié bis au profit de l’amendement n° 100, qui vise à introduire une référence mieux harmonisée avec l’article 1er, ainsi qu’un lien explicite avec les effets environnementaux. À défaut, j’y serai défavorable.
Sur tous les autres amendements en discussion commune, à l’exception, naturellement, de l’amendement du Gouvernement, je m’en remets à la sagesse du Sénat. J’invite toutefois les auteurs de ces amendements à rallier ma position.
J’entends le risque juridique qu’emporte cette disposition, madame la rapporteure. Je l’ai du reste évoqué lors de la présentation de l’amendement n° 100. J’attire toutefois votre attention sur le fait que, si le dispositif de l’article 3 n’était pas rétabli, l’article 3 bis s’en verrait fragilisé, car ses dispositions seraient alors pleinement discriminatoires.
La décision politique qui sera prise sur cet article aura des conséquences importantes sur l’équilibre du texte lui-même, que vous souhaitez par ailleurs voir voté, puis promulgué.
Adopter une position de repli équivaudrait selon moi à un aveu de faiblesse. En rétablissant cet article, en visant sans détour l’ultrafast fashion par des dispositions fortes, vous enverriez au contraire un message clair, démocratique, politique à l’Union européenne. Vous pourriez alors compter sur moi pour aller négocier à Bruxelles avec la Commission européenne.
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.
M. Thomas Dossus. Madame la rapporteure, vous niez la portée symbolique d’un encadrement général de la publicité pour les marques visées. Or la mesure que vous proposez d’imposer aux influenceurs est justement purement symbolique !
Ces enseignes déploient désormais toutes formes d’outils publicitaires, des plus intrusifs aux plus massifs. S’en tenir à l’interdiction restreinte que vous proposez reviendrait à capituler devant un modèle qui n’aura de cesse de progresser si on le laisse promouvoir ses produits partout où il entend le faire.
Considérons-nous que ce modèle est si dangereux que nous n’en voulons pas dans notre pays ? Il faut alors en interdire la promotion. L’alternative, qui est aussi la voie que vous nous proposez, madame la rapporteure, n’est autre que la capitulation.
La liberté d’entreprendre est certes un principe de valeur constitutionnelle, mais il demeure encadré, et parfois contesté par d’autres articles de la Constitution – je pense notamment au droit de grève. C’est donc au prix d’une analyse extensive, ne tenant pas compte de ces contradictions, que vous jugez qu’une atteinte à la liberté d’entreprendre pourrait être jugée inconstitutionnelle.
Comme madame la ministre, j’estime qu’il nous faut prendre le risque du contentieux. Si nous ne voulons pas de ce modèle, il faut en interdire la promotion : c’est aussi simple que cela.
Je note d’ailleurs que, lorsqu’il est question de droit des personnes, notamment immigrées, vous envisagez le risque d’inconstitutionnalité avec bien plus de modération, mes chers collègues.
M. le président. La parole est à Mme Marta de Cidrac, pour explication de vote.
Mme Marta de Cidrac. Je tiens à saluer le travail de notre rapporteure et à la remercier des explications qu’elle vient de nous donner.
Tout en comprenant la fragilité juridique des dispositions dont nous débattons et en dépit du précédent que constitue la non-application de certaines mesures de la loi Climat et Résilience, j’estime qu’en tant que parlementaires il nous appartient, quand nous le jugeons nécessaire, d’envoyer un message fort.
J’espère donc que nous serons nombreux à voter l’amendement n° 100 du Gouvernement, comme je m’apprête à le faire, car les dispositions qu’il vise à introduire me paraissent équilibrées.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Je soutiens pour ma part la position de Mme la rapporteure, laquelle n’a rien d’une capitulation.
Si nous adoptons l’un de ces amendements, nous pourrons certes nous prévaloir d’avoir interdit la publicité pour ces marques, mais il nous faudra ensuite revenir sur cette interdiction, que celle-ci soit déclarée inconstitutionnelle ou qu’elle ne soit pas applicable. À quoi bon inscrire dans la loi des dispositions sur lesquelles nous savons qu’il nous faudra revenir ? Je n’en vois pas l’intérêt.
Les dispositions de l’article 3 bis, que nous examinerons dans un instant, contribuent de plus à rééquilibrer les choses.
Je suivrai donc l’avis de Mme la rapporteure.
M. le président. La parole est à M. Sébastien Fagnen.
M. Sébastien Fagnen. Depuis le début de l’examen de ce texte, nous déplorons l’emballement que suscite la fast fashion et la frénésie de consommation qui en découle, laquelle est écologiquement et économiquement insoutenable.
Or la clef de voûte de la mode éphémère est la publicité à outrance. Ne dévitalisons pas ce texte en supprimant l’interdiction totale de la publicité, mes chers collègues. Ce serait parfaitement contre-productif au regard de tout ce que nous avons évoqué depuis le début de cette discussion.
Si nous entendons parfaitement les arguments formulés par Mme la rapporteure, il nous appartient d’apprécier le risque d’inconstitutionnalité et la fragilité d’une telle disposition. Comme Mme la ministre, j’estime qu’il faut également prendre en compte le poids symbolique de cette interdiction totale.
Il nous faut aujourd’hui, par le texte que nous adopterons et les débats qui auront précédé son vote, mettre un coup d’arrêt à cet emballement de la machine, à cette fuite en avant dont nous connaissons les conséquences délétères aussi bien pour l’écologie que pour l’économie.
Ne tergiversons pas, mes chers collègues : interdisons purement et simplement la publicité pour la mode éphémère ! (Applaudissements sur des travées du groupe SER. – Antoinette Guhl applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Michel Masset, pour explication de vote.
M. Michel Masset. Mon groupe soutiendra également l’amendement n° 100 du Gouvernement.
Par le passé, nous avons à plusieurs reprises passé outre la fragilité constitutionnelle de certaines dispositions en les votant. Secouons aujourd’hui le cocotier de l’Europe !
M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour explication de vote.
M. Jacques Fernique. Je suis convaincu qu’à l’avenir l’interdiction, ou du moins la régulation, de la publicité sera un levier que nous actionnerons pour lutter contre les dommages et les excès de la fast fashion.
Oui, le droit européen pose des difficultés. Oui, selon le pays d’origine, il pourra se révéler complexe d’appliquer cette disposition. Toutefois, à mes yeux, il importe que le Sénat envoie le message selon lequel il souhaite que ce levier puisse être actionné dans de bonnes conditions dans le futur.
En tout état de cause, la messe ne sera pas dite ce soir, mes chers collègues. Nous pourrons donc, si nécessaire, revenir sur cette disposition lors de la réunion de la commission mixte paritaire. Pour l’heure, montrons dans quel sens nous souhaitons aller.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Ne pas rétablir l’article 3 reviendrait à instaurer un traitement différencié des différents canaux de promotion, et, partant, à discriminer les influenceurs. Comme je l’indiquais précédemment, l’article 3 bis s’en trouverait fragilisé, car son inconstitutionnalité serait alors bien plus facile à établir que celle d’une interdiction générale. En toute rigueur, les articles 3 et 3 bis doivent donc être considérés comme formant un ensemble.
Mme Émilienne Poumirol. Tout à fait.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je répète également que ce texte sera notifié à la Commission européenne avant la réunion d’une commission mixte paritaire. Nous pourrons alors échanger avec Bruxelles, avant de redonner la main aux parlementaires qui pourront amender le texte à la lumière de ces échanges.
Certes, l’avis de la Commission européenne porte non pas sur la constitutionnalité des dispositions, mais sur leur conformité aux traités européens, au regard notamment des règles relatives au marché unique et à la libre entreprise, mais nous pourrons ainsi peser dans le débat et obtenir des orientations claires.
Je vous rejoins, madame la sénatrice de Cidrac : en adoptant à son tour cette disposition votée à l’unanimité par l’Assemblée nationale, le Sénat enverrait un message fort. Cela n’enlève rien à la qualité du travail mené tout au long de l’examen de ce texte par Mme la rapporteure, que je remercie.
La négociation avec la Commission européenne promettant d’être difficile, ce vote nous donnerait du vent dans le dos. Puisque nous sommes David contre Goliath, autant nous doter de tous les leviers à notre disposition pour peser dans ces pourparlers et en obtenir le maximum.