Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet amendement aurait pour conséquence d’interdire aux employeurs de contracter avec d’autres acteurs économiques dans le cas où ils auraient contesté le montant de leurs cotisations par voie de recours contentieux. Cela reviendrait à réduire le droit au recours de ces derniers, un droit auquel nous sommes particulièrement attachés : avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Madame la sénatrice, nous partageons votre volonté de lutter contre la fraude sociale ; c’est d’ailleurs tout le sens de ce projet de loi. Pour autant, nous avons aussi le souci de ne pas restreindre les droits de l’ensemble des cotisants à cause du comportement abusif d’une minorité.
La contestation d’un montant de cotisations dues dans le cadre d’un recours contentieux ne signale pas nécessairement une manœuvre dilatoire ou une intention frauduleuse.
Ne pas remettre d’attestation de vigilance à un cotisant qui conteste de bonne foi un contrôle comptable d’assiette, par exemple, serait de nature à lui nuire et à diminuer sa capacité à exercer son droit de recours. Il convient selon nous, en conséquence, de limiter l’absence de délivrance de cette attestation pendant la durée de la procédure de recours contentieux aux seuls cas de fraude les plus graves que sont les infractions constitutives de travail dissimulé. C’est ce que prévoit le droit en vigueur, qui constitue selon nous le bon équilibre : avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Fichet. Il s’agit tout de même de situations quelque peu particulières, et aussi d’une question de loyauté vis-à-vis du maître d’ouvrage : une attestation pourrait ainsi être délivrée à une entreprise se trouvant dans une situation difficile, voire de fragilité.
Cet amendement a l’avantage de clarifier les relations entre le maître d’ouvrage et les entreprises signataires des marchés.
Mme la présidente. L’amendement n° 153 rectifié quater, présenté par MM. Rochette et Malhuret, Mme Bourcier, MM. Brault, Capus et Chasseing, Mme L. Darcos, MM. Grand et Laménie, Mme Lermytte, MM. V. Louault, A. Marc, Médevielle et Wattebled, Mmes Aeschlimann et Bellamy, M. J.B. Blanc, Mme de Cidrac, MM. Chatillon, Courtial et Delia, Mmes Gosselin, N. Goulet et Herzog, M. Houpert, Mme Josende, MM. Khalifé, Meignen et Menonville, Mme Perrot, M. Ravier et Mme Romagny, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 2° de l’article L. 323-6 du code de la sécurité sociale est complété par les mots : « au minimum une fois tous les trois mois s’il y a lieu ».
La parole est à M. Pierre Jean Rochette.
M. Pierre Jean Rochette. Madame la présidente, si vous le permettez, je présenterai en même temps les amendements nos 153 rectifié quater et 152 rectifié quater.
Mme la présidente. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 152 rectifié quater, présenté par MM. Rochette et Malhuret, Mme Bourcier, MM. Brault, Capus et Chasseing, Mme L. Darcos, MM. Grand et Laménie, Mme Lermytte, MM. V. Louault, A. Marc, Médevielle et Wattebled, Mme Aeschlimann, M. J.B. Blanc, Mme de Cidrac, MM. Chatillon, Courtial et Delia, Mmes Gosselin, N. Goulet et Herzog, M. Houpert, Mme Josende, MM. Khalifé, Meignen et Menonville, Mme Perrot et M. Ravier, et ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 2° de l’article L. 324-1 du code de la sécurité sociale est complété par les mots : « au minimum une fois tous les six mois s’il y a lieu ».
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Pierre Jean Rochette. Il s’agit d’instaurer un contrôle régulier des personnes qui sont placées en mi-temps thérapeutique ou arrêtées en raison d’une affection de longue durée (ALD) : tous les trois mois dans le premier cas ; tous les six mois dans le second.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Nous sommes défavorables aux deux amendements, l’amendement n° 152 rectifié quater étant un amendement de repli par rapport à l’autre.
Nous partageons l’objectif de mettre en œuvre un contrôle plus efficace des arrêts de travail pour ALD et des mi-temps thérapeutiques : les contrôles auraient lieu tous les six mois dans le premier cas, tous les trois mois dans le second.
Cela étant, nous préférons le ciblage qui, du reste, est un principe validé par les caisses qui effectuent les contrôles.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Jean Rochette, pour explication de vote.
M. Pierre Jean Rochette. J’entends l’argument qui est avancé, mais je regrette la position de la commission et du Gouvernement. Mener des contrôles réguliers permettrait d’instaurer une forme de contrôle social, sans avoir à prévoir un ciblage, et de mettre en garde contre certains abus.
Il faut comprendre que les abus ne sont pas toujours le fait des employeurs – je le dis, car le sujet suscite parfois des prises de position très partisanes. Nos entreprises, dans leur organisation et leur vie quotidienne, peuvent être gênées par les nombreux arrêts maladie abusifs, ainsi que par des mi-temps thérapeutiques qui perdurent et qui ne sont pas toujours justifiés.
Au travers de mes amendements, je cherche à poser le débat et à inciter à un retour au travail.
À la différence de beaucoup de mes collègues ici, j’émets tous les mois près de 200 fiches de paie. Parmi les 200 salariés que je gère, j’estime que certains sont maintenus dans des situations qui, selon moi, ne leur sont pas favorables. Je pense au mi-temps thérapeutique pour ceux qui souffrent de dépression, alors qu’il serait préférable, pour certains d’entre eux, qu’ils reviennent travailler.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Stéphanie Rist, ministre. Monsieur le sénateur, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui sera prochainement examiné par votre assemblée, figure un article relatif à la limitation de la durée de la prescription, qui va dans le sens de l’objectif que vous visez.
M. Pierre Jean Rochette. Ça, c’est bien !
Mme Stéphanie Rist, ministre. En l’espèce, vous rendez le dispositif systématique, c’est-à-dire applicable à tous, ce qui le rend impraticable.
M. Pierre Jean Rochette. Pas impraticable !
Mme Stéphanie Rist, ministre. Nous aurons ce débat lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
M. Pierre Jean Rochette. Afin de nous faire gagner du temps, je retire mes deux amendements, madame la présidente.
Mme la présidente. Les amendements nos 153 rectifié quater et 152 rectifié quater sont retirés.
L’amendement n° 249, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 6353-10 du code du travail est ainsi modifié :
1° Au second alinéa, les mots : « et dans des conditions définies par décret en Conseil d’État » sont supprimés ;
2° Sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :
« Dans le cadre de leurs missions respectives et utiles à leur exercice, les personnes morales mentionnées à l’article L. 6362-1-1 partagent leurs données relatives au recueil et au traitement de la fraude dans la gestion et les contrôles des actions de formation.
« Les partages de données mentionnés aux deuxième et troisième alinéas du présent article sont mis en œuvre au sein du système d’information du compte personnel de formation mentionné au II de l’article L. 6323-8.
« Les conditions de mise en œuvre du présent article sont définies par décret en Conseil d’État. »
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. La loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels a instauré le principe du partage d’informations entre les financeurs de la formation professionnelle, principe qui vise à améliorer la connaissance des parcours des bénéficiaires, les compétences acquises, et à mieux adapter les formations à leurs besoins.
La plateforme Agora, qui recense les formations du compte personnel de formation (CPF), est l’outil central de ce partage d’informations. Ce dispositif permet de centraliser les données relatives aux parcours de formation et de faciliter leur exploitation par les différents acteurs de la formation professionnelle.
L’amendement tend à ajouter une finalité supplémentaire à Agora, conformément à une recommandation d’un rapport de l’inspection générale des affaires sociales (Igas) de 2023 relatif à la qualité de la formation. Il s’agirait d’intégrer un mécanisme de partage d’alertes entre autorités de contrôle, qui permettrait de signaler des fraudes détectées lors des contrôles ou par récurrence des signalements. Ce dispositif renforcerait la coordination entre les acteurs et la lutte contre les fraudes.
Le partage d’informations ne se limite pas aux formations financées par le CPF : elle s’étend à toutes celles qui sont financées par des fonds publics. Il permettrait d’identifier plus efficacement les organismes frauduleux, qui agiraient au détriment de financeurs tels que les collectivités territoriales, France Travail ou la Caisse des dépôts et consignations.
L’objectif est de sécuriser les financements publics et de renforcer la transparence du système.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Il nous semble intéressant que la plateforme Agora puisse aussi être dévolue à la lutte contre la fraude : avis favorable.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 12.
L’amendement n° 108, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport évaluant les procédures déclaratives des accidents du travail et maladies professionnelles définis au Livre IV du code de la sécurité sociale.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Nous soutenons la mesure prévue à l’alinéa 14 de l’article 12, qui dispose qu’est pénalisée « toute manœuvre ayant pour objet ou pour effet de priver les victimes ou leurs ayants droit de leurs droits au titre du livre IV » du code de la sécurité sociale relatif aux accidents du travail et maladies professionnelles.
Pour nous assurer que les victimes et leurs ayants droit ne soient pas privés de leurs droits et lutter contre la sous-déclaration des AT-MP – ce qui s’apparente, selon nous, à une forme de fraude –, il convient de suivre les recommandations de la commission instituée par l’article L. 176-2 du code de la sécurité sociale, laquelle produit tous les trois ans environ un rapport intitulé Estimation du coût réel, pour la branche maladie, de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles.
Cet amendement d’appel – puisqu’il s’agit d’une demande de rapport – vise à transposer l’une des dix recommandations figurant dans le dernier rapport de cette commission, à savoir le lancement de travaux sur les procédures déclaratives des accidents du travail et maladies professionnelles, en facilitant notamment la rédaction des certificats médicaux, et ce afin de réduire le nombre de dossiers incomplets.
La commission instituée par l’article L. 176-2 du code de la sécurité sociale se réunit tous les trois ans. Nous souhaiterions, conformément à une autre de ses recommandations, qu’elle se réunisse plutôt chaque année, ce qui permettrait de mieux faire respecter des préconisations qui sont rarement suivies d’effets… Nous constatons effectivement, en matière de lutte contre la sous-déclaration des AT-MP, un manque de volonté manifeste.
Si nous voulons vraiment lutter contre cette forme de fraude, il importe, je le redis, de suivre les recommandations de cette commission.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Il s’agit d’une demande de rapport sur l’évaluation des procédures déclaratives des AT-MP.
J’ai bien en tête les discussions que nous avons eues hier sur les demandes de rapports, mais je m’en tiendrai cet après-midi à la position constante du Sénat en la matière : avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Madame la sénatrice, nous partageons bien sûr votre préoccupation en ce qui concerne les déclarations des AT-MP. Notre avons la ferme volonté de faire avancer les choses.
Plusieurs dispositifs visent d’ores et déjà cet objectif, et des travaux sont engagés afin de simplifier les démarches. L’article 12 du présent projet de loi comporte des dispositions qui illustrent concrètement cette volonté du Gouvernement de lutter de manière déterminée contre le phénomène de sous-déclaration.
La branche AT-MP s’est par ailleurs engagée, dans la convention d’objectifs et de gestion 2023-2028, à simplifier les processus déclaratifs et à développer des actions d’accompagnement des assurés, en particulier les plus fragiles. Les services de l’assurance maladie effectuent ainsi un suivi régulier des procédures déclaratives présentées à la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles.
Enfin, comme vous l’avez souligné à juste titre, la commission chargée de l’évaluation de la sous-déclaration des AT-MP a recommandé de lancer des travaux sur les procédures déclaratives, en lien avec la rédaction des certificats médicaux, afin de réduire le nombre de dossiers manquants. Lesdits travaux sont bien en cours.
Pour toutes ces raisons, la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement ne me paraît pas justifiée : avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 108.
(L’amendement n’est pas adopté.)
TITRE II
ADAPTER LES LEVIERS DE LUTTE AUX NOUVELLES FORMES DE FRAUDES ET RENFORCER LES SANCTIONS
Chapitre Ier
Tarir les sources de revenus occultes ou illicites et mieux sanctionner leurs bénéficiaires
Article 13
Le code du travail est ainsi modifié :
1°Après l’article L. 5421-4, il est inséré un article L. 5421-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 5421-5. – Lorsqu’elles sont soumises à une condition de résidence en France, les allocations mentionnées à l’article L. 5421-2 sont exclusivement versées sur des comptes domiciliés en France ou dans l’espace unique de paiement en euros de l’Union européenne et identifiés par un numéro national ou international de compte bancaire. » ;
2° L’article L. 6113-8 est ainsi rédigé :
« Art. L. 6113-8. – Les ministères et organismes certificateurs communiquent au système d’information du compte personnel de formation mentionné au II de l’article L. 6323-8 les informations, dont le numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques, relatives :
« 1° Aux personnes inscrites à une session d’examen en vue de l’obtention d’une certification professionnelle enregistrée dans le répertoire national des certifications professionnelles mentionné à l’article L. 6113-5, d’une attestation de validation d’un ou de plusieurs blocs de compétences constitutifs d’une certification professionnelle ou d’un certificat de spécialisation d’une certification professionnelle ;
« 2° Aux personnes inscrites à une session d’examen en vue de l’obtention d’une certification ou d’une habilitation enregistrée dans le répertoire spécifique mentionné à l’article L. 6113-6 ;
« 3° Aux personnes présentes aux sessions d’examen mentionnées aux 1° et 2° du présent article ;
« 4° (nouveau) Aux personnes titulaires des certifications, des attestations et des habilitations mentionnées aux mêmes 1° et 2°.
« Un décret en Conseil d’État définit les modalités de mise en œuvre du présent article, ainsi que les conditions dans lesquelles France compétences vérifie les conditions d’honorabilité professionnelle des organismes certificateurs et s’assure qu’ils ne poursuivent pas d’autres buts que ceux liés à la certification professionnelle. » ;
3° Le I de l’article L. 6323-6 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, lorsque, sans motif légitime apprécié selon des modalités déterminées par décret, le titulaire du compte personnel de formation ne se présente pas aux évaluations et épreuves d’examen prévues par le ministère ou l’organisme certificateur, le titulaire ne peut mobiliser les droits inscrits sur son compte pour s’acquitter du règlement de l’organisme de formation. La Caisse des dépôts et consignations demande au titulaire le remboursement des sommes déjà mobilisées, le cas échéant selon les modalités prévues aux articles L. 6323-45 et L. 6323-45-1. »
Mme la présidente. L’amendement n° 121, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. L’article 13 rend obligatoire le versement des indemnités des travailleurs privés d’emploi sur des comptes bancaires domiciliés en France ou dans l’espace unique de paiement en euros (Sepa) de l’Union européenne et identifiés par un numéro national ou international de compte bancaire.
Selon la Défenseure des droits, cette disposition « constitue une dérogation au principe de prohibition des discriminations sur le fondement de la domiciliation bancaire en matière de protection sociale, de santé et d’avantages sociaux ».
Si la lutte contre la fraude sociale constitue un objectif plus que légitime, le refus de versement d’une prestation sociale sur un compte bancaire, en raison de sa domiciliation hors zone Sepa, n’apparaît ni nécessaire ni approprié pour atteindre cet objectif.
D’une part, en admettant, comme le suggère l’étude d’impact, que la domiciliation bancaire à l’étranger puisse être regardée comme l’indice d’une résidence hors de France, l’organisme servant la prestation a toujours la possibilité de contrôler le respect de la condition de résidence en France par d’autres moyens.
D’autre part, l’idée d’un risque accru de fraude, qui est, là encore, suggérée, en cas de versement des prestations sur un compte bancaire étranger ne paraît pas justifiée. Les garanties de sécurité dont est assorti le numéro Iban (International Bank Account Number) affecté à chaque compte en banque, et qui est requis pour effectuer un paiement transfrontalier, sont identiques, que la banque soit domiciliée en dehors ou dans la zone Sepa.
Afin d’éviter que le projet de loi ne constitue, je le redis, « une dérogation au principe de prohibition des discriminations sur le fondement de la domiciliation bancaire en matière de protection sociale, de santé et d’avantages sociaux », la Défenseure des droits recommande de supprimer cette disposition. Tel est l’objet du présent amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Nous sommes favorables à l’article 13, dont le dispositif vient d’être brièvement rappelé par notre collègue, et qui, je le rappelle, vise deux objectifs : d’une part, prévoir le versement des allocations chômage sur des comptes domiciliés en France ou dans l’Union européenne – nous répondons là à une demande de France Travail – ; d’autre part, responsabiliser davantage les titulaires de CPF.
Aussi, nous sommes défavorables à cet amendement de suppression.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Selon le Gouvernement, l’obligation, introduite à l’article 13, d’avoir un compte bancaire domicilié en France ou dans l’espace unique de l’Union européenne ne présente pas de caractère discriminatoire.
En effet, la mesure repose bien sur une différence objective de situation en lien avec l’objet du texte, qui est la lutte contre la fraude. La possession d’un compte bancaire domicilié à l’étranger constitue un indice de résidence ou d’exercice d’activités à l’étranger potentiellement non déclarées à France Travail. Cette situation peut aussi compromettre la capacité de l’opérateur à recouvrer, le cas échéant, des indus.
En tout état de cause, cette différence de traitement n’apparaît pas disproportionnée. Avec cette disposition, nous nous bornons à imposer aux intéressés l’ouverture d’un compte domicilié au sein de l’espace unique de paiement en euros pour le seul versement de l’allocation ; elle ne leur interdit en rien de détenir un second compte bancaire domicilié en dehors de cet espace.
Je rappelle que cette mesure ne fait que transposer aux allocations versées par France Travail des dispositions déjà en vigueur dans le champ de la sécurité sociale.
Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 241 rectifié, présenté par Mmes Silvani, Apourceau-Poly et Brulin, MM. Barros, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 3
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Silvana Silvani.
Mme Silvana Silvani. L’article 13 est une véritable mesure de stigmatisation. Sous couvert de lutte contre la fraude, il conditionne le versement de l’indemnité chômage à la domiciliation du compte bancaire en France ou dans l’espace européen. En apparence technique, cette disposition est en réalité profondément discriminatoire et, surtout, inutile.
Inutile, car aucune étude ne démontre que la domiciliation bancaire hors de France est un vecteur significatif de fraude. Ainsi, nous aurions, d’un côté, une forme d’assignation à résidence pour les chômeurs et, de l’autre, une liberté de délocalisation du patrimoine et des actifs pour les plus riches. (Mme Pascale Gruny proteste.)
La Cour des comptes n’en fait même pas mention parmi les mécanismes de fraude sociale. Mais il est vrai qu’ici même, hier soir, certains ont réussi à trouver des fraudes qui n’existaient pas… Selon l’Unédic, plus de 99,7 % des allocataires perçoivent déjà leurs indemnités sur un compte en France ou dans l’Union européenne. On crée donc un dispositif pour régler un problème qui n’existe pas !
Discriminatoire, ensuite, car cette mesure pénalise d’abord les travailleurs transfrontaliers, les saisonniers, les intérimaires et les précaires installés dans les zones frontalières. Ce sont des situations que nous connaissons bien en Meurthe-et-Moselle.
Enfin, cette mesure crée une charge administrative inutile pour France Travail et les banques, qui devront vérifier les domiciliations bancaires sans effet tangible sur la fraude.
En vérité, cet article ne vise pas la justice : il se veut un symbole, au détriment des droits. Il transforme la lutte contre la fraude en un outil de suspicion à l’égard des chômeurs, comme si le chômage était un délit et non une épreuve sociale. Le bénéfice de l’assurance chômage est un droit, et non une faveur conditionnée à la géolocalisation bancaire.
C’est pourquoi nous demandons la suppression des alinéas 2 et 3 de l’article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet amendement constitue, en quelque sorte, un amendement de repli par rapport au précédent, même si ces deux amendements n’ont pas les mêmes auteurs.
Permettez-moi de revenir un instant sur ce que vous évoquez, ma chère collègue : il ne faut pas oublier que, à l’heure actuelle, tous les demandeurs d’emploi qui perçoivent une allocation chômage, que ce soit l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE), l’allocation de solidarité spécifique (ASS) ou l’allocation pour les travailleurs indépendants (ATI), doivent être domiciliés en France.
Mme Silvana Silvani. Ce n’est pas la même chose !
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cette mesure a été mise en place non pas par le Gouvernement ou le Parlement, via une loi ou un amendement, mais par les partenaires sociaux, par l’Unédic.
Mme Silvana Silvani. C’est un abus de langage !
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Le dispositif que vous contestez aujourd’hui est l’un de ceux qui permettront de vérifier si les demandeurs d’emploi résident ou non en France. Il y en a d’autres : je pense notamment à la disposition que nous avons introduite à l’article 28.
La commission est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Bien sûr qu’il faut être domicilié en France, mais ce n’est pas le sujet !
Monsieur le ministre, vous dites que posséder un tel compte serait un indice de fraude. Sur quelles études, sur quels constats vous appuyez-vous ? De quelles évaluations dispose-t-on ? Je l’ai dit, France Travail peut, par d’autres moyens, vérifier la domiciliation bancaire. Être domicilié en France est une réalité physique ; avoir un compte bancaire à l’étranger en est une autre.
Vous dites qu’il s’agit d’un indice, mais, pour être probant, celui-ci doit être fondé sur des travaux. France Travail pourrait vous avoir indiqué par exemple que 90 % des contrôles effectués – lesquels, j’y insiste, peuvent être menés par d’autres moyens que celui que vous proposez – démontrent un lien entre domiciliation à l’étranger et fraude. Dans ce cas, on pourrait parler d’indice probant, fondé de façon pragmatique sur des faits réels.
Nous ne mettons pas en cause le fait que le versement de ces prestations doit reposer sur une domiciliation. En revanche, parler d’indice relève du pur fantasme. Un compte à l’étranger constitue, en quelque sorte, un signal qui sert à alimenter votre discours sur la fraude sociale.
Savez-vous que la fraude à France Travail représente 0,101 milliard d’euros ? C’est peanuts, cela ne représente pratiquement rien en matière de fraude sociale ! Et on dit que cette fraude serait majoritairement le fait de personnes qui ne sont pas domiciliées en France. On se moque du monde, c’est plus qu’epsilon, c’est epsilon d’epsilon !
Vous voulez envoyer un message, un signal idéologique. Faites-le, mais ne dites pas que cette mesure participe à la lutte contre la fraude, ou alors donnez-nous les chiffres résultant des évaluations qui auraient été réalisées !


