Après l'article 16

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 6351-7 du code du travail, il est inséré un article L. 6351-7–... ainsi rédigé :

« Art. L. 6351-7-.... – Pour les besoins du contrôle exercé en application du présent titre, les agents chargés du contrôle de la formation professionnelle peuvent procéder à des vérifications réalisées sous une identité d'emprunt, incluant l'acquisition d'une prestation de formation financée au titre du compte personnel de formation.

« Les agents mentionnés au premier alinéa peuvent, à ce titre, accéder aux espaces de formation, supports, communications et documents mis à disposition des personnes inscrites.

« Les organismes de formation sont tenus de conserver, pendant une durée de cinq ans, les journaux de connexion, les traces pédagogiques et tout élément permettant d'attester de la réalisation effective de la formation.

« Les conditions d'application du présent article, notamment les garanties applicables aux contrôles sous identité d'emprunt, sont fixées par décret en Conseil d'État. »

La parole est à M. Daniel Fargeot.

M. Daniel Fargeot. La fraude au compte personnel de formation (CPF) repose sur un mécanisme très simple : des formations fictives, sans contenu réel, qui disparaissent dès que la menace d'un contrôle se précise. Aujourd'hui, aucune base juridique claire ne permet aux services chargés des contrôles de réaliser des achats tests. Or il est compliqué de vérifier la réalité d'une formation si tout disparaît au moment où l'on se présente…

Cet amendement vise à permettre aux agents chargés des contrôles de la formation professionnelle de réaliser lesdits contrôles sous une identité d'emprunt, en prévoyant la conservation obligatoire des traces pédagogiques. Il s'agit d'étendre à d'autres administrations un dispositif auquel a déjà recours la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). On ne peut pas continuer à laisser filer des millions d'euros versés pour des prestations fantômes.

Cet amendement vise à renforcer l'efficacité des contrôles et à protéger les fonds publics en donnant simplement à ces agents une vraie capacité d'agir.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet amendement est satisfait par l'article 11 du présent projet de loi, qui vise justement à anonymiser tous les agents des services régionaux de contrôle (SRC) de la formation professionnelle.

C'est pourquoi nous en demandons le retrait ; à défaut, nous y serons défavorables.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Même avis.

M. le président. Monsieur Fargeot, l'amendement n° 184 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Daniel Fargeot. Non, je le retire, monsieur le président, tout en rappelant que chaque euro volé au CPF est un euro en moins pour la formation réelle. Notre responsabilité est de protéger l'argent des travailleurs.

M. le président. L'amendement n° 184 rectifié bis est retiré.

Article 16 bis (nouveau)

Le livre III de la sixième partie du code du travail est ainsi modifié :

1° L'intitulé de la section 2 du chapitre II du titre V est complété par les mots : « et obligations applicables aux organismes de formation sollicitant des fonds auprès des financeurs publics » ;

2° L'article L. 6352-4 est ainsi rétabli :

« Art. L. 6352-4. – Lorsqu'il sollicite des fonds auprès des financeurs mentionnés à l'article L. 6316-1, l'organisme de formation assure le traitement égal de tous les stagiaires et apprentis. Il veille au respect de la liberté d'expression et de conscience, ainsi qu'à la neutralité des enseignements dispensés. Ces obligations sont inscrites dans le règlement intérieur mentionné à l'article L. 6352-3. » ;

3° Le premier alinéa de l'article L. 6362-3 est remplacé par cinq alinéas ainsi rédigés :

« En cas de contrôle d'un organisme chargé de réaliser tout ou partie des actions mentionnées à l'article L. 6313-1, ces actions sont réputées inexécutées et donnent lieu à remboursement des fonds auprès de l'organisme ou de la personne qui les a financées dans les cas suivants :

« 1° Lorsqu'il est constaté que des actions financées par des fonds de la formation professionnelle ont poursuivi d'autres buts que ceux définis aux articles L. 6313-1 à L. 6313-8 ;

« 2° Lorsque l'action de formation est assurée par un ou des formateurs ne disposant pas des diplômes, certificats, titres, attestations, autorisations et qualités au sens de l'article L. 6352-1 en lien avec l'action réalisée ;

« 3° Lorsque l'action de formation promeut ou conduit à l'exercice d'une profession réglementée ou d'une profession de santé au sens des dispositions de la quatrième partie du code de la santé publique alors que les formateurs ne satisfont pas aux obligations mentionnées au 2° du présent article ou que les bénéficiaires de la formation ne disposent pas des prérequis nécessaires pour entrer en formation ;

« 4° En cas de manquement de l'organisme de formation aux obligations mentionnées à l'article L. 6352-4 du présent code. »

M. le président. L'amendement n° 128, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. En application de l'article 16 bis, tout organisme de formation qui sollicite des fonds auprès des financeurs publics est censé faire respecter les principes d'égalité de traitement de tous les stagiaires, de liberté d'expression et de conscience, ainsi que de neutralité des enseignements dispensés.

Par ailleurs, afin d'exclure ces organismes de l'accès aux financements publics, il est précisé que les actions de formation conduisant à l'exercice d'une activité réglementée, notamment médicale, ne donnent lieu à aucun remboursement lorsque les formateurs ou les bénéficiaires ne disposent pas des diplômes, titres et qualités requis.

Nous proposons la suppression de cet article, qui ne nous semble pas légitime dans un projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales. Ces dispositions relèvent en effet davantage d'un cahier des charges définissant le périmètre des formations, leur contenu et le cadre de travail que les organismes de formation offrent que du périmètre de la loi. Selon nous, elles auraient dû être jugées irrecevables au titre de l'article 45 de la Constitution, à l'instar de nombre de nos amendements pour lesquels nous n'avons pas eu l'occasion de démontrer qu'ils visaient effectivement à lutter contre la fraude.

En outre, une partie de ces mesures sont, de fait, déjà satisfaites, étant donné que tous les organismes de formation doivent appliquer le droit existant. Il n'y a donc pas lieu de les inscrire dans le présent projet de loi.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Frédérique Puissat, rapporteur. La commission est évidemment défavorable à cet amendement de suppression, puisqu'elle est à l'origine de l'introduction de cet article dans le texte. Pourquoi l'avons-nous fait ? Parce que, lors de nos auditions, nous avons régulièrement été alertés par les établissements ou les agences de l'État, France Compétences en particulier, qu'un certain nombre de formations étaient, par exemple, réservées aux hommes, ou que certains opérateurs se faisaient passer pour des médecins, alors qu'ils ne l'étaient pas. Il s'agit bien de fraude, et cet article a donc tout son sens dans ce projet de loi.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Madame la sénatrice, vous souhaitez supprimer l'article 16 bis. Je dois dire que cela me surprend un peu, car nous sommes, avec ces dispositions, au cœur de la lutte contre la fraude. Nous sommes même au « cœur du cœur » de ce texte. Il est incontestable qu'utiliser l'argent public pour encourager l'emprise et l'entrisme est difficilement admissible.

La lutte contre ces situations d'emprise, d'entrisme, ou contre l'exercice illégal d'activités professionnelles réglementées, comme la médecine, relève bien évidemment de la lutte contre la fraude. Outre les dangers sociaux et physiques que ces pratiques entraînent, il y a parfois, hélas, derrière ces formations des faits encore plus graves que le seul accès illégal à des financements publics : nous le savons, une fois ces organismes enregistrés, d'autres types de fraudes, comme le blanchiment d'argent, prolifèrent.

Permettez-moi enfin de souligner que cet article, introduit dans le texte par la commission, est indispensable aux agents de contrôle de la formation professionnelle pour mieux caractériser des pratiques qui, dans l'état actuel du droit, ne peuvent être que difficilement sanctionnées.

Vous le comprendrez, madame la sénatrice, je suis défavorable à votre amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 128.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 16 bis.

(L'article 16 bis est adopté.)

Article 16 ter (nouveau)

L'article L. 6351-3 du code du travail est complété par des 5° à 7° ainsi rédigés :

« 5° L'organisme ne dispose pas de locaux lui permettant de justifier de sa capacité à réaliser les actions mentionnées au 4° de l'article L. 6313-1 ;

« 6° Le dirigeant de droit ou de fait de l'organisme a fait l'objet, dans les quatre ans précédant la demande, d'un procès-verbal constatant l'une des infractions prévues aux articles L. 6355-1 à L. 6355-22 assorti d'une annulation de la déclaration d'activité dans les conditions fixées à l'article L. 6351-4 ;

« 7° Le dirigeant de droit ou de fait de l'organisme a fait l'objet, dans le cadre d'un contrôle de ses dépenses ou de ses activités en application des articles L. 6361-1 à L. 6361-3, dans les cinq ans précédant la demande, d'une décision de rejet et de versement mentionnée à l'article L. 6362-10 et ne justifie pas du règlement du montant exigible auprès de l'administration chargée du recouvrement dans les conditions prévues à l'article L. 6362-12. – (Adopté.)

Article 17

Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° À l'article L. 114-17-1, le dernier alinéa du III est supprimé ;

2° L'article L. 162-1-15 est ainsi modifié :

a) Le I bis est ainsi rédigé :

« I bis. – Le directeur de l'organisme local d'assurance maladie peut décider, après que le centre de santé ou la société de téléconsultation mentionnée à l'article L. 4081-1 du code de la santé publique a été mis en mesure de présenter ses observations, de subordonner à l'accord préalable du service du contrôle médical, pour une durée ne pouvant excéder six mois, la couverture d'actes, de produits ou de prestations figurant sur les listes mentionnées aux articles L. 162-1-7, L. 162-17 et L. 165-1 du présent code, la couverture des frais de transport ou le versement des indemnités journalières mentionnés au 2° de l'article L. 160-8, à l'article L. 321-1 et aux 1° et 2° de l'article L. 431-1 du présent code ainsi qu'aux 1° et 2° de l'article L. 752-3 du code rural et de la pêche maritime, en cas de constatation par ce service des situations mentionnées aux 1° à 5° du I du présent article, sous réserve des dispositions du dernier alinéa de ce même I.

« La condition d'activité comparable des centres de santé ou des sociétés de téléconsultation s'applique dans le ressort de la même agence régionale de santé ou au niveau national. » ;

b) Le II est ainsi modifié :

– à la première phrase, le mot : « proposer » est remplacé par le mot : « demander » ;

– la seconde phrase est supprimée ;

c) Au II bis, après la référence : « I », sont insérés les mots : « et II » ;

3° (nouveau) Le premier alinéa de l'article L. 162-15-1 est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Durant l'intégralité de la mise hors convention pour violation des engagements prévus par celles-ci, les produits de santé, les actes et les prestations prescrits par le professionnel de santé, les centres de santé et les sociétés de téléconsultation mentionnées à l'article L. 4081-1 du code de la santé publique ne donnent pas lieu à un remboursement par l'assurance maladie. L'information du patient sur le non-remboursement des prescriptions est réalisée dans les conditions prévues aux articles L. 1111-3 à L. 1111-3-2 du même code. »

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 113 est présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.

L'amendement n° 277 rectifié est présenté par MM. Patient, Buis et Buval et Mme Schillinger.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 7 à 10

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l'amendement n° 113.

Mme Raymonde Poncet Monge. Le présent amendement, qui nous a été suggéré par le Conseil national de l'ordre des médecins (Cnom), vise à supprimer les dispositions de l'article 17 relatives à l'obligation de mise sous objectif de professionnels de santé ciblés pour hyper-prescription. En effet, le médecin doit pouvoir refuser une mise sous objectif, qui est souvent perçue comme une qualification implicite de fraude ou de faute – d'où la présence de cette mesure dans le présent projet de loi –, ce qui pose un problème de principe.

De plus, la méthodologie des contrôles réalisés présente de nombreux biais structurels. D'ailleurs, celle-ci s'est peu à peu resserrée. Le délai entre la prescription et le contrôle fausse l'analyse de la pertinence médicale. La typologie de la patientèle n'est pas toujours, ou est difficilement prise en compte. Les critères statistiques ne reflètent pas la complexité clinique.

Le Cnom rappelle en outre que la relation médecin-patient repose sur la confiance et qu'une approche purement quantitative du soin ne saurait se substituer à l'évaluation clinique lors de la consultation.

Par ailleurs, une mise sous objectif contrevient à l'obligation du médecin de délivrer les soins qu'il juge adaptés et de qualité, en lien avec les besoins réels et l'état de santé du patient. Elle porte également atteinte à son indépendance professionnelle et à la liberté de prescription, principes consacrés par la loi.

Le médecin ne peut être contraint dans sa pratique professionnelle par une décision unilatérale du directeur de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM), auquel il serait alors lié par un rapport de subordination administrative. Le praticien doit pouvoir refuser cette mise sous objectif d'une réduction quantitative des prescriptions – car c'est de cela qu'il s'agit. Libre à la CPAM, ensuite, d'engager la mise sous accord préalable : ce sera alors à celle-ci d'assumer la responsabilité de récuser ou de limiter une prescription jugée pertinente par le médecin au regard de l'ensemble des particularités et de la situation du patient.

M. le président. L'amendement n° 277 rectifié n'est pas soutenu.

Les deux amendements suivants sont également identiques.

L'amendement n° 173 rectifié est présenté par MM. Sol et Milon, Mme Micouleau, M. J.B. Blanc, Mme Malet, MM. Anglars et Chatillon, Mme M. Mercier, M. Panunzi, Mme Dumont, MM. Daubresse et Naturel, Mme Richer, MM. Hugonet et Sido, Mme Petrus, MM. Khalifé, Brisson, H. Leroy, Somon, Burgoa et Houpert, Mmes P. Martin et Imbert et MM. Belin, Delia et Meignen.

L'amendement n° 222 est présenté par Mmes Silvani, Apourceau-Poly et Brulin, MM. Barros, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 8

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jean-Claude Anglars, pour présenter l'amendement n° 173 rectifié.

M. Jean-Claude Anglars. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l'amendement n° 222.

Mme Céline Brulin. Nous proposons, par cet amendement, de supprimer l'alinéa 8 de l'article 17.

Il me semble que cet article – c'est, en tout cas, la lecture que j'en fais – visait à s'attaquer aux centres de santé privés qui prolifèrent sur fond de désertification médicale, et dont un certain nombre ont été convaincus de fraude, pour ne pas dire pire. Si je peux souscrire à cet objectif de lutte contre des cabinets privés assez peu recommandables, je considère que le fait de priver les médecins de leur liberté de prescription n'est pas la bonne solution.

Je fais partie de ceux dont les exigences sont nombreuses à l'égard des médecins, mais les priver de ce qui est le cœur de leur métier me semble délétère dans la période que nous vivons. En effet, pour le dire de manière un peu caricaturale, on leur demande en quelque sorte d'être des agents comptables de la sécurité sociale.

Or nous savons bien que les contrôles d'ores et déjà opérés sont très compliqués et peu convaincants, notamment parce qu'un délai important sépare la prescription du contrôle, ce qui fausse l'analyse de la pertinence médicale. Je peux vous assurer, car j'ai en tête de nombreux exemples que je n'aurai malheureusement pas le temps de développer, que la typologie des patients, qui peuvent développer des pathologies différentes selon leur condition sociale ou la profession qu'ils exercent, n'est pas du tout prise en compte.

Ces dispositions portent donc un coup terrible à la relation de confiance, primordiale, qui doit prévaloir entre un médecin et son patient, en lui substituant une sorte de rapport de subordination administrative qui me semble très dangereux pour l'ensemble de la profession et les patients.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Olivier Henno, rapporteur de la commission des affaires sociales. Mon argumentaire sera identique pour les trois amendements en discussion commune. Selon nous, il ne s'agit aucunement, avec ces dispositions, de remettre en cause la liberté de prescription. Si tel était le cas, la commission serait évidemment favorable à ce que nos collègues proposent.

Dans tout ce que nous faisons, notamment en matière de lutte contre la fraude, la question de la proportionnalité est essentielle.

Ces amendements, pour être clair, visent à supprimer la possibilité pour l'assurance maladie de rendre obligatoire la mise sous objectif pour les médecins surprescripteurs. Or cette mise sous objectif est un outil efficace et, je le répète, proportionné de régulation des dépenses de santé couvertes par l'assurance maladie. Elle permet une réduction de 30 % en moyenne des prescriptions sous sanction, tout en respectant le principe du contradictoire. Je ne peux donc pas laisser passer ce que je viens d'entendre à l'instant. Par ailleurs, 30 % des procédures sont abandonnées après les observations du médecin, ce qui montre qu'il s'agit d'une vraie procédure contradictoire.

Encore une fois, cette mesure sanctionne non pas une faute, mais une pratique objectivement surprescriptive, identifiée à partir d'un taux de prescription deux fois supérieur à la moyenne et au plus près du terrain. Une correction a été apportée en 2022 après que des abus de l'assurance maladie ont été constatés : il s'agit d'être encore plus précis, car, effectivement, la surprescription n'est pas la même partout. Ainsi, depuis septembre dernier, le ciblage est le plus fin possible. Il prend en compte la typologie de la patientèle, les caractéristiques socioéconomiques et l'offre de soins locale.

La mesure, proportionnée – j'y insiste –, ne concerne qu'une extrême minorité de praticiens, ceux qui abusent, c'est-à-dire 0,4 % des médecins en 2024. Ces derniers sont alors suivis individuellement par un pair.

Si nous voulons vraiment lutter contre la fraude, il faut rejeter ces amendements. La commission émet par conséquent un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Stéphanie Rist, ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées. En complément, je dirai que la proportion de professionnels de santé qui abusent et qui fraudent est faible. Il y en a toutefois, et ce pour un montant estimé à 2 milliards d'euros par le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS).

L'article 17 s'articule autour de trois axes. Premièrement, il lève l'interdiction de cumuler la sanction conventionnelle et la sanction financière. Deuxièmement, il étend le champ du contrôle de la surprescription aux centres de santé et aux plateformes, qui ne sont aujourd'hui contrôlés que par rapport aux seules indemnités journalières. Troisièmement, il rend obligatoire la mise sous objectif pour les surprescripteurs détectés.

Par conséquent, j'émets un avis défavorable sur tous ces amendements en discussion commune.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le rapporteur, on ne peut pas prendre pour argument la baisse de 30 % des prescriptions. Lors de leur audition par la commission des affaires sociales – si l'on ne tire aucune conséquence des auditions, autant ne plus en faire ! –, les représentants du syndicat des médecins généralistes (MG France) ont en effet indiqué que c'est la menace d'une pénalité de 30 % qui poussait les médecins à se conformer aux préconisations. En clair, c'est soit payer une pénalité, soit assumer de renouveler un arrêt de travail…

Or la prise en compte de la situation clinique et personnelle d'un patient peut conduire les praticiens à ne pas respecter les recommandations, lesquelles ne sont après tout que des repères de bonnes pratiques ou de simples informations données aux médecins. Il n'y a pas, face à une pathologie donnée, des médecins qui respectent les préconisations et d'autres qui surprescrivent.

Vous affirmez, monsieur le rapporteur, que le dispositif est efficace, car les médecins baissent leurs prescriptions. Oui, mais ils ne le font que parce qu'autrement ils pairaient ! Ils ne sont pas convaincus pour autant et maintiennent que c'est à la CPAM, dans ce cas-là, d'agir de façon autoritaire. Ils ne sont pas d'accord avec le transfert de responsabilité qui s'est opéré de la CPAM vers eux.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Anglars. Au vu des explications qui viennent d'être données par M. le rapporteur et Mme la ministre, je retire mon amendement.

M. le président. L'amendement n° 173 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 113.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 222.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 96, présenté par M. Fichet, Mme Canalès, MM. Lurel, Jacquin et Kanner, Mmes Le Houerou, Conconne et Féret, M. Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jean-Luc Fichet.

M. Jean-Luc Fichet. L'alinéa 11 a été introduit dans le texte sur l'initiative des rapporteurs. Il tend à mettre fin au remboursement par l'assurance maladie des produits de santé et des prestations prescrites par un professionnel de santé déconventionné durant la période de la sanction. Cela revient à sanctionner non pas seulement les praticiens, mais également leurs patients. Nous ne pouvons l'accepter, les patients n'étant pour rien dans les faits reprochés au professionnel concerné.

Cette mesure pourrait avoir des conséquences très concrètes, comme des ruptures de soins, notamment dans les territoires déjà en tension où trouver un autre praticien conventionné relève parfois du parcours du combattant.

Selon France Assos Santé, 60 % des Français renoncent à des soins ou les reportent pour des raisons financières. Si, en plus, ils ne sont pas remboursés quand ils consultent un médecin déconventionné, cela va poser problème.

Il n'en reste pas moins que nous pourrons nous interroger, en d'autres temps, sur le déconventionnement et le fonctionnement du secteur 3 en médecine.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Olivier Henno, rapporteur. Cet amendement vise à revenir sur le déremboursement des prescriptions des professionnels de santé déconventionnés pour fraude, voté en commission la semaine dernière.

Le déremboursement des prescriptions durant la période de déconventionnement apparaît pourtant nécessaire, car il traduit la rupture de confiance entre l'assurance maladie et le professionnel de santé fautif. Il constitue aussi, il faut le dire, un instrument dissuasif essentiel pour lutter contre la récidive.

Contrairement à ce que je viens d'entendre, cette disposition n'aura pas d'effet significatif sur l'accès aux soins dans la mesure où celle-ci est, je le redis, proportionnée, puisqu'elle ne concernera que soixante-dix médecins par an, soit un nombre marginal à l'échelle nationale.

Je n'ai pas un goût prononcé pour la polémique, mais permettez-moi tout de même de relever que vous allez défendre dans quelques instants l'amendement n° 94, qui vise au contraire à étendre le déremboursement à tous les médecins déconventionnés. Allez chercher la logique ! Étrangement, vous ne voyez là aucun risque de rupture dans l'accès aux soins. (Mme Raymonde Poncet Monge proteste.)

L'alinéa 11 prévoyant un dispositif proportionné, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Vous souhaitez, monsieur le sénateur, supprimer le déremboursement des prescriptions des médecins déconventionnés pour fraude.

Nous avons eu ce débat en première lecture à l'Assemblée nationale, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Un amendement visant à dérembourser toutes les prescriptions des médecins déconventionnés a été adopté. Nous aurons donc l'occasion d'en discuter ici aussi, au Sénat, dans quelques jours.

Pour l'heure, je m'en remettrai à la sagesse du Sénat sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote.

M. Jean-Luc Fichet. Il faut faire une distinction entre les médecins déconventionnés et sanctionnés pour avoir commis une infraction et les médecins qui s'installent et font le choix de ne pas être conventionnés.

Les patients qui consultent un médecin non conventionné savent à qui ils s'adressent et que leur consultation sera à leur charge, qu'elle ne leur sera pas remboursée. En revanche, les patients ne sont pas forcément informés du fait que leur médecin a été sanctionné et qu'il est donc déconventionné. Dans ce cas, ils pourraient être pénalisés.

Il y a là une nuance qu'il convient de souligner.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Le déconventionnement et le choix volontaire d'exercer en secteur 3 sont deux choses tout à fait différentes. La consultation d'un médecin en secteur 3 est remboursée à hauteur d'un euro à peine. C'est déjà une forme de pénalité pour le patient.

L'amendement adopté dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, que Mme la ministre a évoqué, pose la question de savoir si l'on doit continuer de rembourser les prescriptions d'un médecin qui n'est pas conventionné. Ce cas de figure n'a rien à voir avec celui que vient de mentionner notre collègue, celui d'un médecin déconventionné pour fraude : ne conviendrait-il pas dans cette situation de procéder au remboursement des prescriptions, sachant que les patients pourraient pendant un certain temps ne pas être au courant du déconventionnement ?

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.

Mme Céline Brulin. Nous soutiendrons cet amendement. L'alinéa 11, qui a été introduit en commission par voie d'amendement, reporte sur les patients la punition qui devrait en fait être infligée aux médecins fraudeurs.

Je vous propose de passer en revue tous les articles du projet de loi et d'appliquer à chacun d'eux le même principe qu'ici, à savoir mettre à contribution tous ceux qui dépendent de fraudeurs. Cela va vous faire bizarre !

Dans une société idéale, tout le monde aurait accès à un médecin et pourrait, comme le permet le système de santé en France, choisir son praticien. Or, aujourd'hui, ce n'est plus possible, six millions de Français étant sans médecin traitant.

J'entends qu'un faible nombre de médecins – fort heureusement ! – seraient concernés par la disposition prévue à l'alinéa 11. Néanmoins, des patients pourraient se retrouver contraints de consulter un médecin ayant été déconventionné après avoir commis une fraude sans aucune possibilité de consulter qui que ce soit d'autre, ce qui serait une double peine. Soit ils paieront pour leur médecin, soit, s'ils s'y refusent, ils se retrouveront sans médecin.

On parle beaucoup de proportionnalité des sanctions ; nous en sommes ici assez loin.