I. UN PROJET DE BUDGET POUR 2002 DÉCEVANT

A. DES CRÉDITS BUDGÉTAIRES TOUJOURS ORIENTÉS À LA BAISSE

A structure constante, les crédits relatifs aux anciens combattants diminueront de 2 % en 2002.

Evolution des crédits budgétaires

(en millions d'euros)

 

LFI 2001

PLF 2002

Evolution

(en %)

Titre III : moyens des services

44

45

+ 1,6

Dont subvention à l'ONAC

37

39

+ 3,5

Dont subvention à l'INI

7

6

- 8,6

Titre IV : interventions publiques

3.583

3.583

0

Dont réparation

3.117

3.099

- 0,5

Dont solidarité et mémoire

466

484

+ 3,9

Total

3.627

3.628

0

Total à structure constante (1)

3.627

3.555

- 2,0

(1) périmètre 2001

Cette diminution, qui est sensiblement plus forte que celle de 1,2 % intervenue en 2001, ne serait pas illégitime si elle permettait de reconduire dans de bonnes conditions les actions en faveur des anciens combattants et d'apporter des réponses adaptées aux nombreuses difficultés pour l'instant non résolues.

Tel n'est pourtant pas le cas. Votre commission s'attachera d'ailleurs à souligner ces insuffisances au travers de trois exemples significatifs relevant chacun de l'un des trois volets de la politique des anciens combattants.

1. Une politique de la réparation en péril

« Au premier rang de ces droits figure incontestablement l'imprescriptible droit à réparation, véritable impératif moral et socle fondateur de la politique que je veux continuer à mener pour le monde combattant : il ne peut, il ne doit en être autrement » 1( * ) .

Votre commission ne peut bien entendu que s'associer totalement à cette déclaration d'intention de M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants.

Elle observe cependant qu'une telle déclaration semble aujourd'hui tenir du voeu pieux, tant la réalité budgétaire est différente.

a) Une évolution très contrastée des crédits

Les dépenses relatives à la réparation comprennent :

- la subvention versée à l'INI (chapitre 36-50, article 20) ;

- les pensions d'invalidité et les allocations et indemnités rattachées (chapitre 46-20) ;

- la retraite du combattant (chapitre 46-21) ;

- les prestations de sécurité sociale remboursées par l'Etat au profit des pensionnés de guerre (chapitre 46-24) ;

- les soins médicaux gratuits (chapitre 46-27) ;

- l'appareillage des mutilés (chapitre 46-28) .

Les crédits budgétaires liés à la réparation, qui représenteront 91 % du budget, diminueront de 1,8 % en 2002.

Evolution des crédits budgétaires au titre de la réparation

(en millions d'euros)

Chapitre

Intitulé

Loi de finances initiale pour 2001

Projet de loi de finances pour 2002

Evolution

en %

46-20

Pensions d'invalidité

2.528

2.450

- 3,1

46-21

Retraite du combattant

466

535

+ 14,8

 

Total dette viagère

2.994

2.985

- 0,3

36-50

Subvention à l'INI

7

6

- 8,6

46-24

Prestations de sécurité sociale

204

197

- 3,3

46-27

Soins médicaux gratuits

114

104

- 8,4

46-28

Appareillage

9

9

0

 

Total prise en charge des soins

334

316

- 5,4

 

Total dépenses de réparation

3.328

3.301

- 0,8

La dette viagère reste le poste essentiel du budget des anciens combattants. Les crédits sont relativement stables (- 0,3 % en 2002), mais évoluent de manière très contrastée, marquant de la sorte les différentes évolutions du nombre des parties prenantes.

Ainsi, s'agissant des pensions d'invalidité, le nombre de pensionnés continue à diminuer de l'ordre de 4 % par an. Les extinctions de droit liées à la mortalité ne sont en effet que très partiellement compensées par l'attribution de nouvelles pensions ou par la réversion des pensions aux ayants cause.

Evolution du nombre de pensionnés au 31 décembre

 

1997

1998

1999

2000

2001*

Invalides pensionnés

375.054

357.479

341.271

330.330

318.072

Pensions de veuves et d'orphelins

161.479

154.634

147.621

143.281

138.124

Pensions d'ascendants

15.315

13.591

11.613

10.862

9.794

Total

551.848

525.704

500.505

484.473

465.990

*Prévision Source : SEDAC

En conséquence, et malgré l'application du rapport constant, les crédits des pensions d'invalidité devraient diminuer en 2002 à un rythme proche de celui du nombre de pensionnés.

En revanche, le nombre de titulaires de la retraite du combattant devrait augmenter de manière très significative. Cela tient non seulement à l'arrivée massive à l'âge de 65 ans des anciens combattants d'Algérie, du Maroc et de Tunisie, mais aussi à l'assouplissement continu des conditions d'obtention de la carte du combattant et à la baisse de l'âge ouvrant droit à la retraite du combattant pour les pensionnés.

Evolution du nombre de titulaires de la retraite du combattant

 

1997

1998

1999

2000

2001

2002*

Titulaires de la retraite du combattant

888.342

918.291

964.022

1.031.384

1.130.000

1.235.000

Evolution annuelle des parties prenantes

- 1,43 %

+ 3,6 %

+ 4,9 %

+ 7,0 %

+ 9,6 %

+ 9,3 %

*Prévision Source : SEDAC

Dès lors, l'augmentation sensible et régulière du nombre de titulaires de la retraite du combattant a un impact budgétaire immédiat. Ainsi, les crédits relatifs à la retraite du combattant devraient augmenter de près de 15 % en 2002.

A l'inverse, les crédits relatifs à la prise en charge des soins connaîtront une forte baisse en 2002, témoignant en cela d'une évidente fragilisation du droit à réparation.

b) L'exemple des cures thermales

La relative stabilisation des crédits ne signifie pas pour autant la garantie du droit à réparation.

On observe en effet, depuis quelques années déjà, une préoccupante succession de tentatives de remises en cause insidieuses du droit à réparation, qu'il s'agisse des tentatives d'alignement des soins médicaux gratuits et de la prise en charge de l'appareillage sur le régime de sécurité sociale ou des tentatives de fiscalisation de la rente mutualiste, par exemple.

Le plus souvent, la vigilance des associations d'anciens combattants permet cependant de prévenir ou de mettre en échec la plupart de ces tentatives.

Mais certaines parviennent hélas à aboutir et se concrétisent sur le plan budgétaire.

L'exemple de la diminution du plafond de remboursement des frais d'hébergement des invalides de guerre effectuant une cure thermale est, à cet égard, tout particulièrement significatif.

Jusqu'à cet été, les invalides de guerre effectuant une cure thermale, dans le cadre des dispositions de l'article L. 115 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, bénéficiaient du remboursement de leurs frais d'hébergement dans la limite d'un plafond égal à cinq fois le plafond de la participation des caisses primaires d'assurance maladie, soit 4.920 francs 2( * ) .

Mais, par arrêté du 25 juillet 2001, le Gouvernement a ramené, unilatéralement et sans concertation, ce plafond à trois fois le plafond de la sécurité sociale, soit 2.952 francs.

Le présent projet de loi de finances en tire alors les conséquences budgétaires en prévoyant la révision des services votés à hauteur de 2,3 millions d'euros (15 millions de francs) des crédits du thermalisme inscrits à l'article 20 du chapitre 46-27, soit l'équivalent de 22% des crédits votés en 2001.

Votre commission juge cette mesure subreptice doublement inacceptable. D'une part, elle touche prioritairement les pensionnés les plus modestes qui n'ont pas les ressources suffisantes pour partir en cure. D'autre part, et surtout, elle constitue une remise en cause très grave du droit à réparation.

Elle observe d'ailleurs que cette mesure ne fait que reprendre pour partie l'une des récentes propositions de la Cour des comptes, dans un rapport particulier très contesté. Dans ce rapport, la Cour proposait en effet d'« aligner le montant de la prise en charge des cures thermales dans le cadre du système de soins gratuits sur celui de l'assurance maladie » 3( * ) .

Pourtant, le Gouvernement, par la voie de notre collègue Jean-Pierre Masseret alors secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants, avait fermement écarté cette hypothèse, estimant que « la dérogation permanente accordée pour la prise en charge des cures thermales des pensionnés constitue un dispositif lié à la spécificité du droit à réparation auquel le monde combattant est particulièrement attaché » et indiquait qu'« il n'est pas envisagé de l'abroger » 4( * ) .

Mais, à peine un an plus tard, le dispositif en question était profondément remis en cause, au motif pour le moins curieux qu'il était dépourvu de base légale suffisante. Le Gouvernement n'a alors eu aucune difficulté pour transformer une circulaire en arrêté, en profitant au passage pour réduire de 40 % le plafond en question.

Votre commission ne peut que regretter que le Gouvernement ait si brutalement changé et que l'inviter très solennellement à revenir sur sa décision au cours de la discussion budgétaire.

Cet exemple témoigne en définitive de la fragilité actuelle du droit à réparation, la moindre faille légale étant inévitablement exploitée pour le remettre en cause.

Lors de son audition par votre commission le 25 octobre dernier, M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants, a semblé partagé ce constat, proposant alors de mieux définir dans notre législation le contenu du droit à réparation.

Votre commission ne peut pourtant s'associer à cette proposition. Elle craint en effet que toute tentative de nouvelle définition du droit à réparation ne conduise à revoir celui-ci à la baisse. Elle suggère en revanche d'examiner avec la plus extrême attention la solidité des bases juridiques de chaque dispositif inhérent au droit à réparation afin, le cas échéant et si besoin était par la loi, de le consolider pour prévenir toute nouvelle remise en cause. Elle ne peut alors qu'engager les services du secrétaire d'Etat et les associations d'anciens combattants à se lancer dans ce lourd travail, seul à même de mieux garantir à l'avenir le respect du droit à réparation.

2. Une politique de solidarité en panne

Ces derniers années avaient été marquées par le redéploiement progressif des crédits des anciens combattants de la réparation vers la solidarité. L'ONAC était ainsi chargé de compenser la fragilisation continue du droit à réparation par un renforcement de son action sociale en faveur des plus défavorisés. De même, les missions du fonds de solidarité se sont progressivement étendues au fur et à mesure que la montée en charge de ses ressortissants se ralentissait.

Ce processus est désormais arrivé à son terme, la politique de solidarité apparaissant maintenant comme le parent pauvre du présent budget.

a) Une baisse sensible des dotations budgétaires

Les crédits consacrés à la politique de solidarité comprennent :

- la subvention de fonctionnement de l'ONAC ( chapitre 36-50, article 10 ) ;

- le fonds de solidarité pour les anciens combattants d'Afrique du Nord et d'Indochine ( chapitre 46-10 ) ;

- les crédits d'action sociale dont la subvention aux dépenses sociales de l'ONAC ( chapitres 46-03, 46-04, 46-51 ) ;

- la majoration des rentes mutualistes ( chapitre 47-22 ).

Ces crédits diminueront de 15,4 % en 2002 alors qu'ils étaient encore quasiment stables dans la loi de finances initiale pour 2001.

Evolution des dotations budgétaires au titre de la solidarité 1

(en millions d'euros)

Chapitre

Intitulé

Loi de finances initiale pour 2001

Projet de loi de finances pour 2002

Evolution (en %)

36-50

Subvention de fonctionnement de l'ONAC

37

39

+ 3,5 %

46-10

Fonds de solidarité

152

91

- 39,9 %

46-03, 46-04 et 46-51

Action sociale

21

20

- 5,2 %

47-22

Majoration des rentes mutualistes 2

89

103

+ 16,3 %

Total

299

253

- 15,4 %

1 : avant examen à l'Assemblée nationale

2 : à structure constante, hors article 30 du chapitre 47-22.


La diminution des crédits tient principalement à la poursuite de l'extinction progressive du fonds de solidarité, dont les crédits baisseront de 40 % en 2002.

Les allocataires du fonds de solidarité sont en effet de plus en plus nombreux à sortir du dispositif dans la mesure où ils atteignent massivement l'âge de 65 ans ou sont en mesure de faire valoir leurs droits à une pension de retraite à taux plein.

Evolution du nombre d'allocataires du fonds de solidarité (1)

 

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Allocation différentielle

37.577

38.306

28.257

21.392

14.720

9.194

7.579

Allocation de préparation à la retraite

1.593

4.322

10.940

12.287

10.720

7.550

6.476

Total

39.170

42.628

39.197

33.679

25.440

16.744

14.055

1 : au 31 décembre, sauf en 2001 (au 31 mai).

La classe d'âge la plus importante des allocataires du fonds a aujourd'hui 59 ans. On assistera donc à une extinction accélérée du fonds dans les années à venir, le nombre d'allocataires restant en 2005 devant être sans doute résiduel (100 à 200).

Le fonds de solidarité

1) Les bénéficiaires

Initialement réservé au bénéfice des seuls anciens combattants d'Afrique du Nord en situation de chômage de longue durée et âgés de plus de 57 ans, le fonds est désormais ouvert à tout ancien combattant à quatre conditions :

- avoir participé aux opérations en Indochine ou en Afrique du Nord ;

- être privé d'emploi depuis plus d'un an ou être en situation de travail réduit ;

- disposer de ressources personnelles inférieures à 4.755 francs par mois ;

- résider en France métropolitaine ou dans les départements d'outre-mer.

Au 31 mai 2000, 14.000 personnes bénéficiaient du soutien du fonds de solidarité.

2) Les aides versées

- l'allocation différentielle (AD)

L'AD constitue un complément de ressources spécifiques. Elle assure à tout bénéficiaire un revenu mensuel minimum garanti de 4.755 francs par mois au 1 er janvier 2001.

L'article 109 de la loi de finances pour 1998 a institué une majoration spécifique de l'AD pour les chômeurs qui justifient d'une durée d'assurance vieillesse de 160 trimestres, la portant à 5.771 francs par mois.

Au 31 mai 2001, 7.579 personnes percevaient l'AD pour un montant moyen de 2.350 francs par mois.

- l'allocation de préparation à la retraite (APR)

L'APR constitue un revenu complet servi à titre principal. A la différence de l'AD, elle est constitutive de droits en matière d'assurance sociale.

L'APR est attribuée aux personnes qui sont bénéficiaires de l'AD pendant six mois consécutifs et qui n'exercent aucune activité professionnelle. L'article 124 de la loi de finances pour 1999 a cependant permis aux personnes susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité et qui totalisent 160 trimestres d'assurance vieillesse d'accéder directement à l'APR.

L'APR est égale à 65 % d'un revenu de référence (le plus souvent la moyenne des revenus mensuels d'activité professionnelle) et est plafonnée à 7.396 francs par mois au 1 er janvier 2001.

L'article 127 de la loi de finances pour 1997 a également institué un plancher pour l'APR égal à 4.500 francs.

Au 31 mai 2001, 6.476 personnes touchaient l'APR pour un montant moyen d'environ 6.000 francs par mois.

Les deux allocations sont indexées sur les bases mensuelles de calcul des prestations familiales et sont par conséquent automatiquement et périodiquement revalorisées.

- Le capital décès

Les veuves d'un bénéficiaire de l'APR peuvent bénéficier, depuis 1997, d'un capital décès d'un montant égal à quatre fois le montant mensuel brut de l'APR, le cas échéant majoré en fonction du nombre d'enfants à charge.

- L'allocation de remplacement pour l'emploi (ARPE)

L'article 121 de la loi de finances pour 1999 a prévu l'attribution automatique de l'ARPE aux salariés titulaires de la carte du combattant au titre de l'Afrique du Nord qui, tout en remplissant par ailleurs les conditions d'attribution, se voient opposer un refus par leur employeur. L'article 122 de la loi de finances pour 2000 a fixé au 31 décembre 1999 la date de clôture de l'entrée dans le dispositif.

56 demandes ont été reçues et 32 d'ores et déjà acceptées pour un montant mensuel moyen de 6.789 francs par allocataire.

b) L'exemple du fonds de solidarité

La gestion du fonds de solidarité ces dernières années illustre bien les difficultés, voire les errements d'une politique de solidarité dont les orientations restent finalement indistinctes.

Des obstacles injustifiables

En application de la loi de finances pour 2001, le décret du 25 avril 2001 autorise les anciens combattants ayant séjourné en Algérie du 2 juillet 1962 au 1 er juillet 1964 à bénéficier du Titre de reconnaissance de la Nation.

Ils se heurtent pourtant à des difficultés pour accéder au fonds de solidarité.

L'arrêté du 13 mars 1997 précise en effet que le fonds est ouvert aux anciens combattants qui ont participé « aux opérations effectuées en Afrique du Nord entre le 1 er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 et sont titulaires de la carte du combattant (...) aux titulaires du Titre de reconnaissance de la Nation ».

Votre commission considère, pour sa part, que ces anciens combattants ont naturellement vocation à accéder au fonds de solidarité dès lors qu'ils sont attributaires du Titre de reconnaissance de la Nation.

Elle ne peut alors qu'engager le Gouvernement à modifier, dans les meilleurs délais, l'arrêté du 13 mars 1997 pour lever ces obstacles inutilement vexatoires.

Des solutions imparfaites

L'exemple de l'attribution spécifique de l'ARPE aux anciens combattants d'Afrique du Nord est à cet égard significatif.

Alors que la date de clôture pour l'entrée dans ce dispositif était fixée au 31 décembre 1999, le dispositif n'est pourtant toujours pas opérationnel.

M. Jean-Pierre Kucheida, rapporteur spécial de l'Assemblée nationale pour les anciens combattants, observe ainsi qu'« un premier bilan de la mesure fait apparaître que sur 56 demandes, 32 ont donné lieu à l'attribution de l'ARPE et que 24 autres sont en cours d'instruction » 5( * ) .

Pour l'instant, guère plus d'une demande sur deux ne serait instruite près de deux ans après la date-limite de dépôt de candidatures.

Ces retards de mise en oeuvre du dispositif sont alors d'autant plus inadmissibles qu'ils ne concernent qu'un nombre infime de bénéficiaires.

Le poids de la régulation budgétaire

L'ampleur des crédits inscrits en loi de finances initiale, censée représenter l'effort de solidarité du Gouvernement en faveur des anciens combattants, ne peut faire illusion.

Ainsi, en 1999, plus de 320 millions de francs 6( * ) n'ont pas été consommés pour un montant initial de 1.577 millions de francs de crédits votés.

De même, en 2000, plus de 210 millions de francs 7( * ) n'ont pas été consommés pour un montant de 1.126 millions de francs de crédits votés en loi de finances initiale.

Pour l'exercice 2001, sur les 999 millions de francs votés en loi de finances initiale, deux arrêtés du 21 mai 2001 et du 14 novembre 2001 ont d'ores et déjà annulés 305 millions de francs de crédits, soit près du tiers des dotations initiales.

Dès lors, le fonds de solidarité apparaît en définitive bien plus comme une variable d'ajustement budgétaire que comme un moyen d'approfondissement de l'intervention sociale en faveur des anciens combattants.

Des inquiétudes pour l'avenir

L'extinction du fonds de solidarité apparaît programmée. Mais sa disparition ne signifiera pas pour autant la fin de l'action de solidarité.

En effet, de nombreux anciens combattants se retrouvent actuellement bien souvent dans une situation de grande précarité à leur sortie du dispositif et doivent fréquemment se contenter du minimum vieillesse et des secours individuels de l'ONAC.

On observe en effet une croissance constante du nombre de personnes dans l'obligation de solliciter une aide de l'ONAC. Ainsi, en 2000, 32.996 personnes ont bénéficié des secours individuels de l'ONAC contre 26.794 en 1999.

Dans ces conditions, l'ONAC sera dans les années à venir de plus en plus appelé à se substituer au fonds de solidarité. Mais l'Etat se montre pour l'instant tout particulièrement parcimonieux pour favoriser cette nécessaire adaptation de l'ONAC.

Dans sa version initiale du projet de budget pour 2002, les crédits d'action sociale en faveur de l'ONAC diminuaient de 6,7 %.

Votre commission ne peut bien évidemment pas partager cette tentation récurrente de réduire les crédits d'action sociale de l'ONAC au moment où les besoins s'accroissent et où le Gouvernement ne propose pas de dispositif de solidarité alternatif.

Certes, cette année encore, lors de l'examen du projet de loi de finances en première lecture à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a finalement accepté de majorer de 1,5 million d'euros supplémentaires les crédits d'action sociale de l'ONAC.

Il reste qu'au-delà de ces « coups de pouce » bien tardifs aucune orientation claire n'apparaît pour l'avenir de la politique de la solidarité.

En cela, le fonds de solidarité constitue un alibi dont la solidité s'affaiblit plus rapidement chaque année.

3. Une politique de la mémoire en miettes

« Ce budget doit permettre de consolider et de développer les divers vecteurs d'une politique de la mémoire volontariste et ambitieuse au service des valeurs républicaines » 8( * ) .

Cette profession de foi de M. Jacques Floch ne transparaît hélas pas au travers du présent projet de budget.

a) Des crédits désormais illisibles

Votre commission s'inquiétait déjà l'an passé de « l'opacité des importations budgétaires », dénonçant « une politique de la mémoire en trompe-l'oeil ».

« La principale conséquence de cette modification de la nomenclature budgétaire est en définitive de rendre impossible toute lecture budgétaire de la politique de la mémoire. Ainsi, au budget des anciens combattants, les crédits relatifs à la mémoire, répartis au sein de deux chapitres différents, ne peuvent être isolés dans le bleu budgétaire. Plus globalement, le souci d'une vision exhaustive rend nécessaire une consolidation, toujours périlleuse, de différents articles de différents budgets. La tâche du lecteur n'en est guère simplifiée. » 9( * )

Votre commission ne peut, cette année, qu'observer que la lisibilité budgétaire de la politique de la mémoire ne s'est pas améliorée, un nouveau transfert de crédit étant intervenu du budget de la défense vers le chapitre 46-04 du budget des anciens combattants.

En apparence, les crédits en faveur de la mémoire progresseront de près de 17 % en 2001.

Evolution des crédits consacrés à la mémoire

(en millions d'euros)

Chapitre

Intitulé

LFI 2001

PLF 2002

Evolution

31-96 art. 30
budget Défense

Personnels recrutés à l'étranger (entretien des sépultures)

0,59

0,61

+ 2,6 %

34-01 art. 10

Commémorations

0,56

0,68

+ 20,3 %

budget Défense

Information historique

1,08

1,80

+ 66,2 %

 

Actions culturelles

0,88

0,94

+ 6,2 %

37-61 art. 10
budget Défense

Entretien des nécropoles nationales

1,25

1,27

+ 1,2 %

46-03 art. 10
bud g et Anciens combattants

Frais de voyage sur les tombes des morts pour la France

0,20

0,20

0

46-04 art. 20
budget Anciens combattants

Subventions en faveur des actions de mémoire

2,80

2,18

- 22,3 %

54-41 art. 98
budget Défense

Remise en état des sépultures de guerre (crédits de paiement)

3,30

4,90

+ 45,5 %

Total

 

10,73

12,55

+ 16,9 %

Total Budget Anciens combattants

 

3,00

2,38

- 20,7 %

Source : SEDAC

Il reste que les crédits inscrits dans le « bleu » anciens combattants -et donc relevant directement du présent fascicule budgétaire- tendent à se limiter à la portion congrue : 2,4 millions d'euros, en diminution de 20 %.

Cette diminution tient avant tout à l'importante contraction des subventions en faveur des actions de mémoire, en raison de la non-reconduction de crédits inscrits l'an passé à titre non renouvelable.

Votre commission ne peut alors que s'interroger sur la pertinence du partage des crédits entre les deux budgets.

La logique initiale de ce partage tendait à inscrire au budget de la défense des crédits relatifs aux commémorations, au patrimoine et à l'informatique historique pour ne laisser au sein du budget des anciens combattants que les crédits de subvention aux associations ou aux collectivités locales.

Mais désormais le budget des anciens combattants représente moins de 20 % des crédits de mémoire alors même que le secrétaire d'Etat aux anciens combattants a pourtant vocation à piloter la politique de mémoire.

L'opacité budgétaire de la politique de mémoire dépasse cependant les seules arcanes de la nomenclature budgétaire pour toucher désormais à leur gestion .

Ainsi, en 2000, seuls 38 % des crédits inscrits en loi de finances initiale sur le chapitre 46-04 ont été effectivement consommés. 10( * )

Il est à craindre que le même phénomène se reproduise en 2001, un arrêté du 14 novembre dernier ayant déjà annulé 5 % des crédits.

Votre commission considère que cette gestion erratique des crédits de la mémoire témoigne en définitive des lacunes de pilotage de la politique de la mémoire et des difficultés de sa mise en oeuvre.

b) L'exemple de l'entretien des sépultures de guerre

L'augmentation apparente des crédits en faveur de la mémoire ne saurait masquer les carences budgétaires de cette politique.

Les conditions actuelles d'entretien des sépultures de guerre en témoignent avec force.

L'Etat a, en effet, en charge l'entretien des sépultures perpétuelles des soldats morts pour la France dans les conditions prévues par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. 900.000 tombes individuelles ou collectives sont réparties dans diverses sépultures : nécropoles nationales, carrés militaires dans les cimetières communaux et cimetières militaires français à l'étranger.

L'entretien et la conservation des sépultures de guerre 11( * )

L'engagement de l'Etat à conserver les tombes des combattants tués à la guerre remonte à une loi du 4 avril 1873. Mais les sépultures sont, à l'époque, le plus souvent des fosses communes surmontées de monuments. Cette pratique se poursuit encore au début de la première guerre mondiale, jusqu'à la stabilisation des fronts, en 1915. L'importance des pertes impose alors la prise de mesures pour l'organisation des sépultures.

La loi du 29 décembre 1915 donne droit à la sépulture perpétuelle, aux frais de l'Etat, aux militaires Mors pour la France pendant la guerre et définit le principe de la tombe individuelle.

La loi du 25 novembre 1918 crée une commission nationale chargée de définir les principes architecturaux de base des cimetières militaires.

La loi du 31 juillet 1920 confie à la nation qui en reçoit la propriété, l'entretien des cimetières militaires à installer ou à créer sur l'ancien front.

Le ministre des pensions a fait procéder jusqu'en 1935 à l'exhumation des corps sur les champs de bataille et a fait regrouper les sépultures dispersées dans les nécropoles nationales et les carrés militaires des cimetières communaux qui ont été, pour la plupart, aménagés au cours des années 20.

Dans le même temps, des cimetières militaires français ont été érigés dans les pays étrangers où la France a combattu : en Belgique, en Italie et dans les pays du front d'Orient et du Levant.

Après la seconde guerre mondiale, de nouvelles nécropoles ont été installées, en France, en Italie et en Afrique du Nord surtout. Les guerres de décolonisation provoquèrent la création ou le développement de cimetières militaires en Indochine, à Madagascar et en Algérie.

Il existe aujourd'hui :

en France : 263 nécropoles nationales où reposent 729.000 corps dont 244.000 en ossuaires (88 % de ces corps sont ceux de victimes de la première guerre mondiale) et quelque 3.200 carrés militaires contenant 115.000 corps.

à l'étranger : 234 cimetières principaux répartis dans 58 pays et près de 2.000 plus petits où reposent 197.000 morts dont 90.000 en ossuaires.

Votre commission est tout particulièrement attachée à l'exigence d'une bonne conservation des sépultures de guerre . Elle considère en effet que la politique de la mémoire ne peut être une éternelle repentance, mais doit avant tout viser à la honorer le souvenir de ceux qui sont morts pour la France. Dans cette perspective, l'entretien des sépultures de guerre revêt une importance toute particulière car celles-ci ont vocation à incarner et à représenter l'hommage et la reconnaissance de la Nation à ses morts.

Or, l'entretien des sépultures de guerre se heurte aujourd'hui à de sérieux obstacles.

Des dotations budgétaires insuffisantes

L'insuffisance des dotations concerne aussi bien les programmes de rénovation que l'entretien courant.

En 1993, a été lancé un programme national de rénovation des nécropoles nationales et des carrés militaires de la Première Guerre mondiale. Ces tombes, érigées en 1920, étaient en effet dans un état considérablement dégradé.

Ce programme, qui couvrait la période 1994-2000, nécessitait un budget de 50 millions de francs. Ce programme n'a pourtant été réalisé qu'à hauteur de 60 %.

Mise en oeuvre de l'échéancier du plan de rénovation 1994-2000 des sépultures

(en millions de francs)

 

Autorisations de programme

Crédits de paiement

Exercice

Echéancier prévisionnel

Loi de finances initiale

Crédit après régulation

Ecart prévision/crédits disponibles

Echéancier prévisionnel

Loi de finances initiale

Crédit après régulation

Ecart prévision/crédits disponibles

1994

6

6

6

0

3

3

3

0

1995

10

10

10

0

6

6

6

0

1996

8

7

5,25

- 2,75

8

7,5

6,65

- 1,35

1997

6

3,25

0

- 2,75

8

8,125

6,5

- 1,5

1998

6

3,25

0

- 2,75

8

3,25

0

- 4,75

1999

8

5

5

- 3

9

3,25

3,25

- 5,75

2000

6

12

(nc)

(nc)

8

8,

(nc)

(nc)

Totaux

50

46

26,35

- 17,5

10

39,12

25,4

- 19,1

Source : SEDAC

Votre commission ne peut, une nouvelle fois, que regretter les retards accumulés dans l'exécution de ce programme.

L'entretien courant des sépultures de guerre souffre également d'une gestion budgétaire imparfaite.

Les crédits inscrits en loi de finances initiale depuis 1997 restent en effet insuffisants pour couvrir les charges d'entretien.

Evolution des dotations budgétaires et des crédits consommés depuis 1997 pour l'entretien des sépultures de guerre 1

(en millions de francs)

 

1997

1998

1999

2000

LFI 2001

PLF 2002

 

Crédits votés

Crédits consommés

Crédits votés

Crédits consommés

Crédits votés

Crédits consommés

Crédits votés

Crédits consommés

Prévisions

Prévisions

Entretien en France

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Chapitre 37-61-art. 10

5,207

5,890

5,700

5,000

6,200

5,500

7,590

5,540

5,800

5,800

Entretien en France

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Chapitre 37-61-art. 10

 

1,800

 

1,800

 

1,960

 

2,770

2,400

2,500

Salaire étranger

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Chapitre 31-96-art. 30

3,573

3,600

3,573

3,600

3,700

3,520

3,980

3,520

3,900

4,000

Total

8,780

11,290

9,273

10,400

9,900

10,980

11,570

11,830

12,100

12,300

1 Ces dotations étaient inscrites jusqu'en 1999 au budget des anciens combattants.

Dès lors, votre commission ne peut que souhaiter une réévaluation des dotations budgétaires, réévaluation d'autant plus nécessaire que les tempêtes de décembre 1999 ont sévèrement frappé nombre de nécropoles nationales.

Le financement insatisfaisant de l'entretien des carrés communaux

A l'heure actuelle, l'Etat n'accorde que huit francs 12( * ) par tombe et par an pour l'entretien des quelque 115.000 sépultures des Mors pour la France situées dans les carrés militaires des cimetières communaux.

Or, le coût annuel d'entretien de chaque tombe est estimé à 38 francs. Dès lors, la charge financière repose principalement sur les collectivités locales (notamment les communes) et sur le Souvenir Français.

Votre commission juge qu'un tel mode de financement n'est pas satisfaisant et regrette la méconnaissance par l'Etat de son devoir légal en la matière et son désengagement de ce domaine pourtant lourd de symbole.

A titre de comparaison, là où l'Etat verse aujourd'hui 8 francs par tombe et par an, le Royaume-Uni verse lui 48 francs.

Votre commission souhaite donc ardemment une augmentation de la participation de l'Etat à ce titre.

Elle rejoint ainsi les propositions de notre collègue, Jacques Baudot, qui suggérait de « revaloriser l'indemnité forfaitaire versée par l'Etat aux communes et bloquée à 8 francs par tombe depuis 1981 » 13( * ) et celles de la Cour des comptes qui estime nécessaire « d'évaluer le coût d'entretien des sépultures militaires perpétuelles afin d'actualiser le taux de l'indemnité forfaitaire annuelle allouée à cette fin ». 14( * )

Le secrétaire d'Etat relève lui-même la modicité de cette somme, observant qu'elle « ne correspond plus aux frais réellement engagés et devrait être augmentée ». 15( * )

Votre commission observe d'ailleurs qu'une telle proposition apparaît budgétairement réaliste car le taux de consommation des crédits en matière de mémoire reste faible : il n'a été que de 58 % en 2000 pour le budget des anciens combattants.

Une augmentation de la participation de l'Etat pourrait alors passer par un redéploiement des crédits.

Ainsi, en redéployant à cette fin les crédits non consommés en 2000 du budget des anciens combattants, la participation de l'Etat aurait pu être plus que triplée, la portant à 26 francs par tombe.

B. DES MESURES NOUVELLES UNE FOIS ENCORE TROP MODESTES

1. Des propositions initiales de portée très limitée

Le projet de loi de finances adopté en Conseil des ministres comportait, au-delà des évolutions des crédits analysées ci-dessus, quatre mesures nouvelles représentant un effort budgétaire supplémentaire de 19,4 millions d'euros.

Ces mesures nouvelles, d'une portée budgétaire limitée au regard des 94 millions d'euros économisés par non-reconduction, mesures d'ajustement ou révision des services votés, vont certes dans le bon sens.

Mais elles n'en sont pas moins soit de simples mesures de continuité par rapport aux budgets précédents, soit des réformes encore inabouties.

a) De simples mesures de continuité

Deux de ces mesures nouvelles ne font que prolonger les budgets précédents.

Ainsi, l'article 61 prévoit d'augmenter le plafond majorable de la retraite mutualiste pour faire passer l'indice de référence de 110 à 115 points. Cette revalorisation reste identique à celle des années précédentes. Elle reste relativement faible et reporte en conséquence la réalisation de l'objectif de 130 points qu'il semble pourtant souhaitable d'atteindre dans des délais raisonnables.

De même, l'article 64 achève enfin le rattrapage de la valeur du point de pension des plus grands invalides , rattrapage qui avait été initié dès le budget 2000.

b) Des mesures hélas partielles

Les deux autres mesures nouvelles sont plus significatives, même si leur impact budgétaire est relativement modeste et si elles ne constituent qu'une réponse très partielle aux difficultés existantes.

La première - c'est l'article 62 - concerne les veuves. Elle vise à augmenter la majoration de pension dont bénéficient les veuves de grands invalides , c'est-à-dire les seules veuves ayant passé au moins quinze ans à assister leur mari invalide à au moins 85 %. Environ 1.500 veuves seraient ici concernées et bénéficieraient chacune de 10.000 francs supplémentaires par an.

Votre commission observe à cet égard que les 15 millions de francs (2,3 millions d'euros) nécessaires à cette mesure nouvelle correspondent au montant exact de la diminution du forfait d'hébergement des pensionnés en cure thermale. Elle ne peut alors que regretter très vivement qu'une telle mesure nouvelle n'ait pu être financée que par des économies issues d'une remise en cause du droit à réparation.

La seconde mesure - c'est l'article 63 - tend à ramener de 65 à 60 ans l'âge d'attribution de la retraite du combattant aux titulaires d'une pension militaire d'invalidité. Environ 30.000 anciens combattants pourraient être concernés par cette mesure d'un coût estimé à 80 millions de francs (12,2 millions d'euros).

Votre commission observe néanmoins qu'une telle mesure se situe très en retrait par rapport aux attentes du monde combattant qui espérait un versement anticipé dès 60 ans à l'ensemble des titulaires de la carte du combattant et une revalorisation du niveau de la retraite.

2. Des améliorations apportées à l'Assemblée nationale qui restent marginales

Comme chaque année, l'examen en première lecture par l'Assemblée nationale a permis d'apporter quelques améliorations au projet de budget des anciens combattants.

Votre commission avait déjà eu l'occasion les années passées de formuler certaines réserves sur les limites de cette procédure, retenue par le Gouvernement depuis le début de la législature. Elle ne peut une fois encore que les réitérer.

« Cette année, comme l'année passée, le budget présenté en première lecture à l'Assemblée nationale est un budget médiocre, ne comportant que très peu de mesures nouvelles. Mais le ministre garde en réserve un certain nombre d'amendements qu'il distille en fonction des réactions largement défavorables des parlementaires jusqu'à modifier assez sensiblement la physionomie générale du budget. Si on imagine volontiers que cette stratégie cherche avant tout à desserrer la tutelle financière exercée par le ministère du budget, votre commission regrette cependant le manque de transparence qu'implique une telle démarche ». 16( * )

Pour autant, l'examen en première lecture par l'Assemblée nationale n'a pas permis de modifier, loin s'en faut, l'équilibre général de ce budget.

a) Des majorations de crédits imparfaites

L'Assemblée nationale a tout d'abord adopté deux amendements du Gouvernement visant à majorer les crédits de 3 millions d'euros (20 millions de francs).

Ces majorations ont un double objet.

D'une part, les crédits sociaux de l'ONAC sont augmentés de 1,5 million d'euros (10 millions de francs).

D'autre part, 1,5 million d'euros de crédits supplémentaires sont dégagés « afin de financer l'ouverture des droits à pension relatifs au code des pensions militaires d'invalidité pour les ayants cause des anciens combattants des anciennes colonies ». 17( * )

Ces majorations appellent deux observations de la part de votre commission.

Elle se félicite, en premier lieu, de l'augmentation des crédits sociaux de l'ONAC qui apparaissait indispensable.

Elle constate cependant qu'elle ne fait en définitive que compenser la diminution de 6,7 % de ces crédits prévue dans le budget initial. Elle observe en outre que cette majoration reste inférieure d'un tiers à la majoration intervenue l'an passé lors de la discussion budgétaire à l'Assemblée nationale qui avait alors atteint 15 millions de francs.

Votre commission se félicite également de l'annonce de la levée de la forclusion pesant sur l'attribution des pensions aux ayants cause dans les pays où ces pensions sont aujourd'hui cristallisées.

Elle juge cette mesure d'autant plus satisfaisante qu'elle avait proposé une mesure identique lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2000. Mais le Gouvernement l'avait à l'époque rejetée. Elle se félicite donc qu'il revienne enfin sur sa position.

Il reste que cette mesure n'est pas sans soulever certaines interrogations.

M. Jacques Floch y voit le moyen « d'amorcer la politique de décristallisation ». Votre commission observe pour sa part que cette annonce se contente de lever la forclusion sur l'attribution de droits nouveaux, mais ne permet pas la revalorisation des tarifs actuellement cristallisés. La distinction est d'importance.

De plus, cette majoration des crédits ne s'accompagne curieusement pas d'une modification législative autorisant l'ouverture de droits nouveaux. Elle reste donc, pour l'instant, sans la moindre portée juridique.

Au total, ces deux majorations ne doivent donc pas être surestimées : leur portée pratique est incertaine et elles ne représentent que 0,08 % des crédits initiaux.

b) Un nouveau rapport

Le nouvel article 64 bis , issu d'un amendement présenté par MM. Maxime Gremetz, Alain Néri, Bernard Schreiner et Georges Colombier, prévoit la remise au Parlement d'un rapport du Gouvernement sur les psychotraumatismes de guerre avant le 1 er septembre 2002.

La question des psychotraumatismes de guerre est un sujet grave et important, qui touche directement de nombreux anciens combattants. Or, la réglementation actuelle ne permet encore qu'une prise en compte imparfaite des psychotraumatismes de guerre.

Il importait donc, en l'absence de toute étude exhaustive sur ce sujet, d'étudier en profondeur cette pathologie spécifique et d'explorer les modalités pratiques d'une meilleure prise en charge, même si votre commission n'est pas absolument convaincue qu'une disposition législative ait été ici indispensable.

Il reste que l'article adopté à l'Assemblée nationale ne prévoit qu'un simple rapport et ne préjuge pas des suites qui y seront apportées.

3. Les propositions de votre commission

Compte tenu des insuffisances évidentes du présent projet de budget, votre commission aurait souhaité prendre cette année des initiatives fortes afin de résoudre plusieurs des difficultés encore en suspens. Mais, en la matière, toute proposition d'amendement se heurte, du fait d'un incontournable impact budgétaire, aux contraintes de la recevabilité financière.

Votre commission se contentera donc, à regret, de ne formuler que trois propositions, adoptées à l'unanimité en commission, visant à lever certaines difficultés juridiques particulièrement préjudiciables pour le monde combattant.

a) Revoir les conditions de partage de la pension de réversion

Notre collègue, Nicolas About, a récemment déposé une proposition de loi 18( * ) visant à revoir les conditions de partage de la réversion des pensions militaires d'invalidité entre les conjoints survivants.

Compte tenu de l'encombrement actuel de l'ordre du jour du Parlement, votre commission a jugé utile de reprendre l'article unique de cette proposition de loi pour en faire un amendement au projet de loi de finances pour 2002.

Il est vrai que cette proposition tend à apporter une solution raisonnable à des situations souvent très difficiles.

A la différence des autres types de pensions, la réversion des pensions militaires d'invalidité n'est en effet pas susceptible d'être partagée entre les conjoints survivants.

Ainsi, l'épouse divorcée et non remariée d'un ancien combattant lui-même remarié ne peut bénéficier de la réversion de la pension d'invalidité de son ex-époux, quand bien même elle aurait passé de longues années à l'assister.

Votre commission suggère alors, pour assurer un traitement équitable des conjoints survivants, d'instituer un partage de la pension de réversion entre les conjoints non remariés au prorata temporis de la durée respective de chaque mariage à compter de la date d'origine de l'invalidité.

b) Lever la forclusion pesant sur l'attribution de la retraite du combattant dans l'ex-Indochine

La deuxième proposition de votre commission vise à lever une difficulté d'application du dernier budget.

L'article 109 de la loi de finances pour 2001 a prévu de lever la forclusion pesant sur l'attribution de la retraite du combattant dans nos anciennes colonies. Mais cette mesure a curieusement oublié les anciens combattants de l'ex-Indochine en ne visant pas l'ordonnance du 30 décembre 1958 qui a institué la forclusion dans l'ex-Indochine. On estime ainsi que quelque 1.500 ressortissants du Cambodge, du Laos et du Viêt-Nam ne peuvent bénéficier de la retraite du combattant, alors même qu'ils ont servi courageusement dans les armées françaises, principalement durant la seconde guerre mondiale.

Pour régler ce dossier, le Gouvernement envisage de recourir à une « mesure de gestion » qui ne manquera pourtant pas de soulever à son tour de nouvelles difficultés juridiques pour défaut de base légale. Le plus simple et le plus sûr juridiquement est à l'évidence de procéder à une modification législative.

C'est ce que vous propose votre commission.

c) Permettre la réouverture des droits à pension cristallisée pour les ayants cause

La dernière proposition de votre commission tend elle aussi à lever un obstacle d'ordre juridique.

Lors de l'examen du présent projet de budget des anciens combattants, l'Assemblée nationale, sur proposition du Gouvernement, a majoré les crédits de 1,5 million d'euros « afin de financer l'ouverture des droits à pension relatifs au code des pensions militaires d'invalidité pour les ayants cause des anciens combattants des anciennes colonies ».

Pour autant, si le financement existe, la législation n'a pas été adaptée en conséquence. Elle interdit donc toujours l'attribution des pensions aux ayants cause.

Il est donc nécessaire de modifier notre législation pour rendre l'annonce du Gouvernement applicable.

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