I. UN PROJET DE BUDGET POUR 2002 DÉCEVANT
A. DES CRÉDITS BUDGÉTAIRES TOUJOURS ORIENTÉS À LA BAISSE
A structure constante, les crédits relatifs aux anciens combattants diminueront de 2 % en 2002.
Evolution des crédits budgétaires
(en millions d'euros)
|
LFI 2001 |
PLF 2002 |
Evolution
|
Titre III : moyens des services |
44 |
45 |
+ 1,6 |
Dont subvention à l'ONAC |
37 |
39 |
+ 3,5 |
Dont subvention à l'INI |
7 |
6 |
- 8,6 |
Titre IV : interventions publiques |
3.583 |
3.583 |
0 |
Dont réparation |
3.117 |
3.099 |
- 0,5 |
Dont solidarité et mémoire |
466 |
484 |
+ 3,9 |
Total |
3.627 |
3.628 |
0 |
Total à structure constante (1) |
3.627 |
3.555 |
- 2,0 |
(1)
périmètre 2001
Cette diminution, qui est sensiblement plus forte que celle de 1,2 %
intervenue en 2001, ne serait pas illégitime si elle permettait de
reconduire dans de bonnes conditions les actions en faveur des anciens
combattants et d'apporter des réponses adaptées aux nombreuses
difficultés pour l'instant non résolues.
Tel n'est pourtant pas le cas. Votre commission s'attachera d'ailleurs à
souligner ces insuffisances au travers de trois exemples significatifs relevant
chacun de l'un des trois volets de la politique des anciens combattants.
1. Une politique de la réparation en péril
« Au premier rang de ces droits figure
incontestablement l'imprescriptible droit à réparation,
véritable impératif moral et socle fondateur de la politique que
je veux continuer à mener pour le monde combattant : il ne peut, il
ne doit en être autrement »
1(
*
)
.
Votre commission ne peut bien entendu que s'associer totalement à cette
déclaration d'intention de M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat
à la défense chargé des anciens combattants.
Elle observe cependant qu'une telle déclaration semble aujourd'hui tenir
du voeu pieux, tant la réalité budgétaire est
différente.
a) Une évolution très contrastée des crédits
Les
dépenses relatives à la réparation comprennent :
- la subvention versée à l'INI
(chapitre 36-50, article
20)
;
- les pensions d'invalidité et les allocations et indemnités
rattachées
(chapitre 46-20)
;
- la retraite du combattant
(chapitre 46-21)
;
- les prestations de sécurité sociale remboursées par
l'Etat au profit des pensionnés de guerre
(chapitre 46-24)
;
- les soins médicaux gratuits
(chapitre 46-27)
;
- l'appareillage des mutilés
(chapitre 46-28)
.
Les crédits budgétaires liés à la
réparation, qui représenteront 91 % du budget, diminueront
de 1,8 % en 2002.
Evolution des crédits budgétaires au titre de la réparation
(en millions d'euros)
Chapitre |
Intitulé |
Loi de finances initiale pour 2001 |
Projet de loi de finances pour 2002 |
Evolution
|
46-20 |
Pensions d'invalidité |
2.528 |
2.450 |
- 3,1 |
46-21 |
Retraite du combattant |
466 |
535 |
+ 14,8 |
|
Total dette viagère |
2.994 |
2.985 |
- 0,3 |
36-50 |
Subvention à l'INI |
7 |
6 |
- 8,6 |
46-24 |
Prestations de sécurité sociale |
204 |
197 |
- 3,3 |
46-27 |
Soins médicaux gratuits |
114 |
104 |
- 8,4 |
46-28 |
Appareillage |
9 |
9 |
0 |
|
Total prise en charge des soins |
334 |
316 |
- 5,4 |
|
Total dépenses de réparation |
3.328 |
3.301 |
- 0,8 |
La
dette viagère
reste le poste essentiel du budget des anciens
combattants. Les crédits sont relativement stables (- 0,3 % en
2002), mais évoluent de manière très contrastée,
marquant de la sorte les différentes évolutions du nombre des
parties prenantes.
Ainsi, s'agissant des pensions d'invalidité, le nombre de
pensionnés continue à diminuer de l'ordre de 4 % par an. Les
extinctions de droit liées à la mortalité ne sont en effet
que très partiellement compensées par l'attribution de nouvelles
pensions ou par la réversion des pensions aux ayants cause.
Evolution du nombre de pensionnés au 31 décembre
|
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001* |
Invalides pensionnés |
375.054 |
357.479 |
341.271 |
330.330 |
318.072 |
Pensions de veuves et d'orphelins |
161.479 |
154.634 |
147.621 |
143.281 |
138.124 |
Pensions d'ascendants |
15.315 |
13.591 |
11.613 |
10.862 |
9.794 |
Total |
551.848 |
525.704 |
500.505 |
484.473 |
465.990 |
*Prévision Source : SEDAC
En conséquence, et malgré l'application du rapport constant, les
crédits des pensions d'invalidité devraient diminuer en 2002
à un rythme proche de celui du nombre de pensionnés.
En revanche, le nombre de titulaires de la retraite du combattant devrait
augmenter de manière très significative. Cela tient non seulement
à l'arrivée massive à l'âge de 65 ans des
anciens combattants d'Algérie, du Maroc et de Tunisie, mais aussi
à l'assouplissement continu des conditions d'obtention de la carte du
combattant et à la baisse de l'âge ouvrant droit à la
retraite du combattant pour les pensionnés.
Evolution du nombre de titulaires de la retraite du combattant
|
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002* |
Titulaires de la retraite du combattant |
888.342 |
918.291 |
964.022 |
1.031.384 |
1.130.000 |
1.235.000 |
Evolution annuelle des parties prenantes |
- 1,43 % |
+ 3,6 % |
+ 4,9 % |
+ 7,0 % |
+ 9,6 % |
+ 9,3 % |
*Prévision Source : SEDAC
Dès lors, l'augmentation sensible et régulière du nombre
de titulaires de la retraite du combattant a un impact budgétaire
immédiat. Ainsi, les crédits relatifs à la retraite du
combattant devraient augmenter de près de 15 % en 2002.
A l'inverse, les crédits relatifs à la
prise en charge des
soins
connaîtront une forte baisse en 2002, témoignant en cela
d'une évidente fragilisation du droit à réparation.
b) L'exemple des cures thermales
La
relative stabilisation des crédits ne signifie pas pour autant la
garantie du droit à réparation.
On observe en effet, depuis quelques années déjà, une
préoccupante succession de tentatives de remises en cause insidieuses du
droit à réparation, qu'il s'agisse des tentatives d'alignement
des soins médicaux gratuits et de la prise en charge de l'appareillage
sur le régime de sécurité sociale ou des tentatives de
fiscalisation de la rente mutualiste, par exemple.
Le plus souvent, la vigilance des associations d'anciens combattants permet
cependant de prévenir ou de mettre en échec la plupart de ces
tentatives.
Mais certaines parviennent hélas à aboutir et se
concrétisent sur le plan budgétaire.
L'exemple de la diminution du plafond de remboursement des frais
d'hébergement des invalides de guerre effectuant une cure thermale est,
à cet égard, tout particulièrement significatif.
Jusqu'à cet été, les invalides de guerre effectuant une
cure thermale, dans le cadre des dispositions de l'article L. 115 du
code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre,
bénéficiaient du remboursement de leurs frais
d'hébergement dans la limite d'un plafond égal à cinq fois
le plafond de la participation des caisses primaires d'assurance maladie, soit
4.920 francs
2(
*
)
.
Mais, par arrêté du 25 juillet 2001, le Gouvernement a
ramené, unilatéralement et sans concertation, ce plafond à
trois fois le plafond de la sécurité sociale, soit
2.952 francs.
Le présent projet de loi de finances en tire alors les
conséquences budgétaires en prévoyant la révision
des services votés à hauteur de 2,3 millions d'euros
(15 millions de francs) des crédits du thermalisme inscrits
à l'article 20 du chapitre 46-27, soit l'équivalent de
22% des crédits votés en 2001.
Votre commission juge cette mesure subreptice doublement inacceptable. D'une
part, elle touche prioritairement les pensionnés les plus modestes qui
n'ont pas les ressources suffisantes pour partir en cure. D'autre part, et
surtout, elle constitue une remise en cause très grave du droit à
réparation.
Elle observe d'ailleurs que cette mesure ne fait que reprendre pour partie
l'une des récentes propositions de la Cour des comptes, dans un rapport
particulier très contesté. Dans ce rapport, la Cour proposait en
effet d'«
aligner le montant de la prise en charge des cures
thermales dans le cadre du système de soins gratuits sur celui de
l'assurance maladie
»
3(
*
)
.
Pourtant, le Gouvernement, par la voie de notre collègue Jean-Pierre
Masseret alors secrétaire d'Etat à la défense
chargé des anciens combattants, avait fermement écarté
cette hypothèse, estimant que «
la dérogation
permanente accordée pour la prise en charge des cures thermales des
pensionnés constitue un dispositif lié à la
spécificité du droit à réparation auquel le monde
combattant est particulièrement attaché
» et
indiquait qu'«
il n'est pas envisagé de
l'abroger
»
4(
*
)
.
Mais, à peine un an plus tard, le dispositif en question était
profondément remis en cause, au motif pour le moins curieux qu'il
était dépourvu de base légale suffisante. Le Gouvernement
n'a alors eu aucune difficulté pour transformer une circulaire en
arrêté, en profitant au passage pour réduire de 40 %
le plafond en question.
Votre commission ne peut que regretter que le Gouvernement ait si
brutalement changé et que l'inviter très solennellement à
revenir sur sa décision au cours de la discussion budgétaire.
Cet exemple témoigne en définitive de la fragilité
actuelle du droit à réparation, la moindre faille légale
étant inévitablement exploitée pour le remettre en cause.
Lors de son audition par votre commission le 25 octobre dernier,
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat à la défense
chargé des anciens combattants, a semblé partagé ce
constat, proposant alors de mieux définir dans notre législation
le contenu du droit à réparation.
Votre commission ne peut pourtant s'associer à cette proposition. Elle
craint en effet que toute tentative de nouvelle définition du droit
à réparation ne conduise à revoir celui-ci à la
baisse. Elle suggère en revanche d'examiner avec la plus extrême
attention la solidité des bases juridiques de chaque dispositif
inhérent au droit à réparation afin, le cas
échéant et si besoin était par la loi, de le consolider
pour prévenir toute nouvelle remise en cause. Elle ne peut alors
qu'engager les services du secrétaire d'Etat et les associations
d'anciens combattants à se lancer dans ce lourd travail, seul à
même de mieux garantir à l'avenir le respect du droit à
réparation.
2. Une politique de solidarité en panne
Ces
derniers années avaient été marquées par le
redéploiement progressif des crédits des anciens combattants de
la réparation vers la solidarité. L'ONAC était ainsi
chargé de compenser la fragilisation continue du droit à
réparation par un renforcement de son action sociale en faveur des plus
défavorisés. De même, les missions du fonds de
solidarité se sont progressivement étendues au fur et à
mesure que la montée en charge de ses ressortissants se ralentissait.
Ce processus est désormais arrivé à son terme, la
politique de solidarité apparaissant maintenant comme le parent pauvre
du présent budget.
a) Une baisse sensible des dotations budgétaires
Les
crédits consacrés à la politique de solidarité
comprennent :
- la subvention de fonctionnement de l'ONAC (
chapitre 36-50,
article 10
) ;
- le fonds de solidarité pour les anciens combattants d'Afrique du
Nord et d'Indochine (
chapitre 46-10
) ;
- les crédits d'action sociale dont la subvention aux
dépenses sociales de l'ONAC (
chapitres 46-03, 46-04, 46-51
) ;
- la majoration des rentes mutualistes (
chapitre 47-22
).
Ces crédits diminueront de 15,4 % en 2002 alors qu'ils
étaient encore quasiment stables dans la loi de finances initiale pour
2001.
Evolution des dotations budgétaires au titre de la solidarité 1
(en millions d'euros)
Chapitre |
Intitulé |
Loi de finances initiale pour 2001 |
Projet de loi de finances pour 2002 |
Evolution (en %) |
36-50 |
Subvention de fonctionnement de l'ONAC |
37 |
39 |
+ 3,5 % |
46-10 |
Fonds de solidarité |
152 |
91 |
- 39,9 % |
46-03, 46-04 et 46-51 |
Action sociale |
21 |
20 |
- 5,2 % |
47-22 |
Majoration des rentes mutualistes 2 |
89 |
103 |
+ 16,3 % |
Total |
299 |
253 |
- 15,4 % |
1
: avant examen à
l'Assemblée nationale
2
: à structure constante, hors article 30 du chapitre
47-22.
La diminution des crédits tient principalement à la poursuite de
l'extinction progressive du fonds de solidarité, dont les crédits
baisseront de 40 % en 2002.
Les allocataires du fonds de solidarité sont en effet de plus en plus
nombreux à sortir du dispositif dans la mesure où ils atteignent
massivement l'âge de 65 ans ou sont en mesure de faire valoir leurs
droits à une pension de retraite à taux plein.
Evolution du nombre d'allocataires du fonds de solidarité (1)
|
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
Allocation différentielle |
37.577 |
38.306 |
28.257 |
21.392 |
14.720 |
9.194 |
7.579 |
Allocation de préparation à la retraite |
1.593 |
4.322 |
10.940 |
12.287 |
10.720 |
7.550 |
6.476 |
Total |
39.170 |
42.628 |
39.197 |
33.679 |
25.440 |
16.744 |
14.055 |
1 : au 31 décembre, sauf en 2001 (au 31
mai).
La classe d'âge la plus importante des allocataires du fonds a
aujourd'hui 59 ans. On assistera donc à une extinction
accélérée du fonds dans les années à venir,
le nombre d'allocataires restant en 2005 devant être sans doute
résiduel (100 à 200).
Le fonds de solidarité
1)
Les bénéficiaires
Initialement réservé au bénéfice des seuls anciens
combattants d'Afrique du Nord en situation de chômage de longue
durée et âgés de plus de 57 ans, le fonds est
désormais ouvert à tout ancien combattant à quatre
conditions :
- avoir participé aux opérations en Indochine ou en Afrique du
Nord ;
- être privé d'emploi depuis plus d'un an ou être en
situation de travail réduit ;
- disposer de ressources personnelles inférieures à 4.755 francs
par mois ;
- résider en France métropolitaine ou dans les
départements d'outre-mer.
Au 31 mai 2000, 14.000 personnes bénéficiaient du soutien du
fonds de solidarité.
2) Les aides versées
-
l'allocation différentielle (AD)
L'AD constitue un complément de ressources spécifiques. Elle
assure à tout bénéficiaire un revenu mensuel minimum
garanti de 4.755 francs par mois au 1
er
janvier 2001.
L'article 109 de la loi de finances pour 1998
a institué une
majoration spécifique de l'AD pour les chômeurs qui justifient
d'une durée d'assurance vieillesse de 160 trimestres, la portant
à 5.771 francs par mois.
Au 31 mai 2001, 7.579 personnes percevaient l'AD pour un montant moyen de
2.350 francs par mois.
-
l'allocation de préparation à la retraite (APR)
L'APR constitue un revenu complet servi à titre principal. A la
différence de l'AD, elle est constitutive de droits en matière
d'assurance sociale.
L'APR est attribuée aux personnes qui sont bénéficiaires
de l'AD pendant six mois consécutifs et qui n'exercent aucune
activité professionnelle.
L'article 124 de la loi de finances pour
1999
a cependant permis aux personnes susceptibles de
bénéficier du fonds de solidarité et qui totalisent 160
trimestres d'assurance vieillesse d'accéder directement à l'APR.
L'APR est égale à 65 % d'un revenu de
référence (le plus souvent la moyenne des revenus mensuels
d'activité professionnelle) et est plafonnée à 7.396
francs par mois au 1
er
janvier 2001.
L'article 127 de la loi de finances pour 1997
a également
institué un plancher pour l'APR égal à 4.500 francs.
Au 31 mai 2001, 6.476 personnes touchaient l'APR pour un montant moyen
d'environ 6.000 francs par mois.
Les deux allocations sont indexées sur les bases mensuelles de calcul
des prestations familiales et sont par conséquent automatiquement et
périodiquement revalorisées.
-
Le capital décès
Les veuves d'un bénéficiaire de l'APR peuvent
bénéficier, depuis 1997, d'un capital décès d'un
montant égal à quatre fois le montant mensuel brut de l'APR, le
cas échéant majoré en fonction du nombre d'enfants
à charge.
-
L'allocation de remplacement pour l'emploi (ARPE)
L'article 121 de la loi de finances pour 1999
a prévu
l'attribution automatique de l'ARPE aux salariés titulaires de la carte
du combattant au titre de l'Afrique du Nord qui, tout en remplissant par
ailleurs les conditions d'attribution, se voient opposer un refus par leur
employeur.
L'article 122 de la loi de finances pour 2000
a
fixé au 31 décembre 1999 la date de clôture de
l'entrée dans le dispositif.
56 demandes ont été reçues et 32 d'ores et
déjà acceptées pour un montant mensuel moyen de
6.789 francs par allocataire.
b) L'exemple du fonds de solidarité
La
gestion du fonds de solidarité ces dernières années
illustre bien les difficultés, voire les errements d'une politique de
solidarité dont les orientations restent finalement indistinctes.
Des obstacles injustifiables
En application de la loi de finances pour 2001, le décret du
25 avril 2001 autorise les anciens combattants ayant
séjourné en Algérie du 2 juillet 1962 au
1
er
juillet 1964 à bénéficier du Titre de
reconnaissance de la Nation.
Ils se heurtent pourtant à des difficultés pour accéder au
fonds de solidarité.
L'arrêté du 13 mars 1997 précise en effet que le fonds est
ouvert aux anciens combattants qui ont participé «
aux
opérations effectuées en Afrique du Nord entre le
1
er
janvier 1952 et le 2 juillet 1962 et sont titulaires
de la carte du combattant (...) aux titulaires du Titre de reconnaissance de la
Nation
».
Votre commission considère, pour sa part, que ces anciens combattants
ont naturellement vocation à accéder au fonds de
solidarité dès lors qu'ils sont attributaires du Titre de
reconnaissance de la Nation.
Elle ne peut alors qu'engager le Gouvernement à modifier, dans les
meilleurs délais, l'arrêté du 13 mars 1997 pour lever
ces obstacles inutilement vexatoires.
Des solutions imparfaites
L'exemple de l'attribution spécifique de l'ARPE aux anciens combattants
d'Afrique du Nord est à cet égard significatif.
Alors que la date de clôture pour l'entrée dans ce dispositif
était fixée au 31 décembre 1999, le dispositif n'est
pourtant toujours pas opérationnel.
M. Jean-Pierre Kucheida, rapporteur spécial de l'Assemblée
nationale pour les anciens combattants, observe ainsi qu'«
un
premier bilan de la mesure fait apparaître que sur 56 demandes, 32
ont donné lieu à l'attribution de l'ARPE et que 24 autres sont en
cours d'instruction
»
5(
*
)
.
Pour l'instant, guère plus d'une demande sur deux ne serait instruite
près de deux ans après la date-limite de dépôt de
candidatures.
Ces retards de mise en oeuvre du dispositif sont alors d'autant plus
inadmissibles qu'ils ne concernent qu'un nombre infime de
bénéficiaires.
Le poids de la régulation budgétaire
L'ampleur des crédits inscrits en loi de finances initiale,
censée représenter l'effort de solidarité du Gouvernement
en faveur des anciens combattants, ne peut faire illusion.
Ainsi, en 1999, plus de 320 millions de francs
6(
*
)
n'ont pas été
consommés pour un montant initial de 1.577 millions de francs de
crédits votés.
De même, en 2000, plus de 210 millions de francs
7(
*
)
n'ont pas été
consommés pour un montant de 1.126 millions de francs de crédits
votés en loi de finances initiale.
Pour l'exercice 2001, sur les 999 millions de francs votés en loi
de finances initiale, deux arrêtés du 21 mai 2001 et du
14 novembre 2001 ont d'ores et déjà annulés
305 millions de francs de crédits, soit près du tiers des
dotations initiales.
Dès lors, le fonds de solidarité apparaît en
définitive bien plus comme une variable d'ajustement budgétaire
que comme un moyen d'approfondissement de l'intervention sociale en faveur des
anciens combattants.
Des inquiétudes pour l'avenir
L'extinction du fonds de solidarité apparaît programmée.
Mais sa disparition ne signifiera pas pour autant la fin de l'action de
solidarité.
En effet, de nombreux anciens combattants se retrouvent actuellement bien
souvent dans une situation de grande précarité à leur
sortie du dispositif et doivent fréquemment se contenter du minimum
vieillesse et des secours individuels de l'ONAC.
On observe en effet une croissance constante du nombre de personnes dans
l'obligation de solliciter une aide de l'ONAC. Ainsi, en 2000, 32.996 personnes
ont bénéficié des secours individuels de l'ONAC contre
26.794 en 1999.
Dans ces conditions, l'ONAC sera dans les années à venir de plus
en plus appelé à se substituer au fonds de solidarité.
Mais l'Etat se montre pour l'instant tout particulièrement parcimonieux
pour favoriser cette nécessaire adaptation de l'ONAC.
Dans sa version initiale du projet de budget pour 2002, les crédits
d'action sociale en faveur de l'ONAC diminuaient de 6,7 %.
Votre commission ne peut bien évidemment pas partager cette tentation
récurrente de réduire les crédits d'action sociale de
l'ONAC au moment où les besoins s'accroissent et où le
Gouvernement ne propose pas de dispositif de solidarité alternatif.
Certes, cette année encore, lors de l'examen du projet de loi de
finances en première lecture à l'Assemblée nationale, le
Gouvernement a finalement accepté de majorer de 1,5 million d'euros
supplémentaires les crédits d'action sociale de l'ONAC.
Il reste qu'au-delà de ces « coups de pouce » bien
tardifs aucune orientation claire n'apparaît pour l'avenir de la
politique de la solidarité.
En cela, le fonds de solidarité constitue un alibi dont la
solidité s'affaiblit plus rapidement chaque année.
3. Une politique de la mémoire en miettes
«
Ce budget doit permettre de consolider et de
développer les divers vecteurs d'une politique de la mémoire
volontariste et ambitieuse au service des valeurs
républicaines
»
8(
*
)
.
Cette profession de foi de M. Jacques Floch ne transparaît hélas
pas au travers du présent projet de budget.
a) Des crédits désormais illisibles
Votre
commission s'inquiétait déjà l'an passé de
«
l'opacité des importations
budgétaires
», dénonçant «
une
politique de la mémoire en trompe-l'oeil
».
« La principale conséquence de cette modification de la
nomenclature budgétaire est en définitive de rendre impossible
toute lecture budgétaire de la politique de la mémoire. Ainsi, au
budget des anciens combattants, les crédits relatifs à la
mémoire, répartis au sein de deux chapitres différents, ne
peuvent être isolés dans le bleu budgétaire. Plus
globalement, le souci d'une vision exhaustive rend nécessaire une
consolidation, toujours périlleuse, de différents articles de
différents budgets. La tâche du lecteur n'en est guère
simplifiée. »
9(
*
)
Votre commission ne peut, cette année, qu'observer que la
lisibilité budgétaire de la politique de la mémoire ne
s'est pas améliorée, un nouveau transfert de crédit
étant intervenu du budget de la défense vers le chapitre 46-04 du
budget des anciens combattants.
En apparence, les crédits en faveur de la mémoire progresseront
de près de 17 % en 2001.
Evolution des crédits consacrés à la mémoire
(en millions d'euros)
Chapitre |
Intitulé |
LFI 2001 |
PLF 2002 |
Evolution |
31-96
art. 30
|
Personnels recrutés à l'étranger (entretien des sépultures) |
0,59 |
0,61 |
+ 2,6 % |
34-01 art. 10 |
Commémorations |
0,56 |
0,68 |
+ 20,3 % |
budget Défense |
Information historique |
1,08 |
1,80 |
+ 66,2 % |
|
Actions culturelles |
0,88 |
0,94 |
+ 6,2 % |
37-61
art. 10
|
Entretien des nécropoles nationales |
1,25 |
1,27 |
+ 1,2 % |
46-03
art. 10
|
Frais de voyage sur les tombes des morts pour la France |
0,20 |
0,20 |
0 |
46-04
art. 20
|
Subventions en faveur des actions de mémoire |
2,80 |
2,18 |
- 22,3 % |
54-41
art. 98
|
Remise en état des sépultures de guerre (crédits de paiement) |
3,30 |
4,90 |
+ 45,5 % |
Total |
|
10,73 |
12,55 |
+ 16,9 % |
Total Budget Anciens combattants |
|
3,00 |
2,38 |
- 20,7 % |
Source : SEDAC
Il reste que les crédits inscrits dans le « bleu »
anciens combattants -et donc relevant directement du présent fascicule
budgétaire- tendent à se limiter à la portion
congrue : 2,4 millions d'euros, en diminution de 20 %.
Cette diminution tient avant tout à l'importante contraction des
subventions en faveur des actions de mémoire, en raison de la
non-reconduction de crédits inscrits l'an passé à titre
non renouvelable.
Votre commission ne peut alors que s'interroger sur la pertinence du partage
des crédits entre les deux budgets.
La logique initiale de ce partage tendait à inscrire au budget de la
défense des crédits relatifs aux commémorations, au
patrimoine et à l'informatique historique pour ne laisser au sein du
budget des anciens combattants que les crédits de subvention aux
associations ou aux collectivités locales.
Mais désormais le budget des anciens combattants représente moins
de 20 % des crédits de mémoire alors même que le
secrétaire d'Etat aux anciens combattants a pourtant vocation à
piloter la politique de mémoire.
L'opacité budgétaire de la politique de mémoire
dépasse cependant les seules arcanes de la nomenclature
budgétaire pour toucher désormais à leur gestion
.
Ainsi, en 2000, seuls 38 % des crédits inscrits en loi de finances
initiale sur le chapitre 46-04 ont été effectivement
consommés.
10(
*
)
Il est à craindre que le même phénomène se
reproduise en 2001, un arrêté du 14 novembre dernier ayant
déjà annulé 5 % des crédits.
Votre commission considère que cette gestion erratique des
crédits de la mémoire témoigne en définitive des
lacunes de pilotage de la politique de la mémoire et des
difficultés de sa mise en oeuvre.
b) L'exemple de l'entretien des sépultures de guerre
L'augmentation apparente des crédits en faveur de la
mémoire ne saurait masquer les carences budgétaires de cette
politique.
Les conditions actuelles d'entretien des sépultures de guerre en
témoignent avec force.
L'Etat a, en effet, en charge l'entretien des sépultures
perpétuelles des soldats morts pour la France dans les conditions
prévues par le code des pensions militaires d'invalidité et des
victimes de la guerre. 900.000 tombes individuelles ou collectives sont
réparties dans diverses sépultures : nécropoles
nationales, carrés militaires dans les cimetières communaux et
cimetières militaires français à l'étranger.
L'entretien et la conservation des sépultures de guerre 11( * )
L'engagement de l'Etat à conserver les tombes des
combattants
tués à la guerre remonte à une loi du 4 avril 1873.
Mais les sépultures sont, à l'époque, le plus souvent des
fosses communes surmontées de monuments. Cette pratique se poursuit
encore au début de la première guerre mondiale, jusqu'à la
stabilisation des fronts, en 1915. L'importance des pertes impose alors la
prise de mesures pour l'organisation des sépultures.
La loi du 29 décembre 1915 donne droit à la sépulture
perpétuelle, aux frais de l'Etat, aux militaires Mors pour la France
pendant la guerre et définit le principe de la tombe individuelle.
La loi du 25 novembre 1918 crée une commission nationale
chargée de définir les principes architecturaux de base des
cimetières militaires.
La loi du 31 juillet 1920 confie à la nation qui en reçoit
la propriété, l'entretien des cimetières militaires
à installer ou à créer sur l'ancien front.
Le ministre des pensions a fait procéder jusqu'en 1935 à
l'exhumation des corps sur les champs de bataille et a fait regrouper les
sépultures dispersées dans les nécropoles nationales et
les carrés militaires des cimetières communaux qui ont
été, pour la plupart, aménagés au cours des
années 20.
Dans le même temps, des cimetières militaires français ont
été érigés dans les pays étrangers où
la France a combattu : en Belgique, en Italie et dans les pays du front
d'Orient et du Levant.
Après la seconde guerre mondiale, de nouvelles nécropoles ont
été installées, en France, en Italie et en Afrique du Nord
surtout. Les guerres de décolonisation provoquèrent la
création ou le développement de cimetières militaires en
Indochine, à Madagascar et en Algérie.
Il existe aujourd'hui :
en France : 263 nécropoles nationales où reposent
729.000 corps dont 244.000 en ossuaires (88 % de ces corps sont ceux
de victimes de la première guerre mondiale) et quelque
3.200 carrés militaires contenant 115.000 corps.
à l'étranger : 234 cimetières principaux
répartis dans 58 pays et près de 2.000 plus petits où
reposent 197.000 morts dont 90.000 en ossuaires.
Votre commission est tout particulièrement attachée à
l'exigence d'une bonne conservation des sépultures de guerre
. Elle
considère en effet que la politique de la mémoire ne peut
être une éternelle repentance, mais doit avant tout viser à
la honorer le souvenir de ceux qui sont morts pour la France. Dans cette
perspective, l'entretien des sépultures de guerre revêt une
importance toute particulière car celles-ci ont vocation à
incarner et à représenter l'hommage et la reconnaissance de la
Nation à ses morts.
Or, l'entretien des sépultures de guerre se heurte aujourd'hui à
de sérieux obstacles.
Des dotations budgétaires insuffisantes
L'insuffisance des dotations concerne aussi bien les programmes de
rénovation que l'entretien courant.
En 1993, a été lancé un
programme national de
rénovation
des nécropoles nationales et des carrés
militaires de la Première Guerre mondiale. Ces tombes,
érigées en 1920, étaient en effet dans un état
considérablement dégradé.
Ce programme, qui couvrait la période 1994-2000, nécessitait un
budget de 50 millions de francs. Ce programme n'a pourtant
été réalisé qu'à hauteur de 60 %.
Mise en oeuvre de l'échéancier du plan de rénovation 1994-2000 des sépultures
(en millions de francs)
|
Autorisations de programme |
Crédits de paiement |
||||||
Exercice |
Echéancier prévisionnel |
Loi de finances initiale |
Crédit après régulation |
Ecart prévision/crédits disponibles |
Echéancier prévisionnel |
Loi de finances initiale |
Crédit après régulation |
Ecart prévision/crédits disponibles |
1994 |
6 |
6 |
6 |
0 |
3 |
3 |
3 |
0 |
1995 |
10 |
10 |
10 |
0 |
6 |
6 |
6 |
0 |
1996 |
8 |
7 |
5,25 |
- 2,75 |
8 |
7,5 |
6,65 |
- 1,35 |
1997 |
6 |
3,25 |
0 |
- 2,75 |
8 |
8,125 |
6,5 |
- 1,5 |
1998 |
6 |
3,25 |
0 |
- 2,75 |
8 |
3,25 |
0 |
- 4,75 |
1999 |
8 |
5 |
5 |
- 3 |
9 |
3,25 |
3,25 |
- 5,75 |
2000 |
6 |
12 |
(nc) |
(nc) |
8 |
8, |
(nc) |
(nc) |
Totaux |
50 |
46 |
26,35 |
- 17,5 |
10 |
39,12 |
25,4 |
- 19,1 |
Source : SEDAC
Votre commission ne peut, une nouvelle fois, que regretter les retards
accumulés dans l'exécution de ce programme.
L'entretien courant des sépultures de guerre souffre également
d'une gestion budgétaire imparfaite.
Les crédits inscrits en loi de finances initiale depuis 1997 restent en
effet insuffisants pour couvrir les charges d'entretien.
Evolution des dotations budgétaires et des crédits consommés depuis 1997 pour l'entretien des sépultures de guerre 1
(en millions de francs)
|
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
LFI 2001 |
PLF 2002 |
||||
|
Crédits votés |
Crédits consommés |
Crédits votés |
Crédits consommés |
Crédits votés |
Crédits consommés |
Crédits votés |
Crédits consommés |
Prévisions |
Prévisions |
Entretien en France |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Chapitre 37-61-art. 10 |
5,207 |
5,890 |
5,700 |
5,000 |
6,200 |
5,500 |
7,590 |
5,540 |
5,800 |
5,800 |
Entretien en France |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Chapitre 37-61-art. 10 |
|
1,800 |
|
1,800 |
|
1,960 |
|
2,770 |
2,400 |
2,500 |
Salaire étranger |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Chapitre 31-96-art. 30 |
3,573 |
3,600 |
3,573 |
3,600 |
3,700 |
3,520 |
3,980 |
3,520 |
3,900 |
4,000 |
Total |
8,780 |
11,290 |
9,273 |
10,400 |
9,900 |
10,980 |
11,570 |
11,830 |
12,100 |
12,300 |
1
Ces dotations étaient inscrites
jusqu'en 1999 au budget des anciens combattants.
Dès lors, votre commission ne peut que souhaiter une
réévaluation des dotations budgétaires,
réévaluation d'autant plus nécessaire que les
tempêtes de décembre 1999 ont sévèrement
frappé nombre de nécropoles nationales.
Le financement insatisfaisant de l'entretien des carrés
communaux
A l'heure actuelle, l'Etat n'accorde que huit francs
12(
*
)
par tombe et par an pour l'entretien
des quelque 115.000 sépultures des Mors pour la France
situées dans les carrés militaires des cimetières
communaux.
Or, le coût annuel d'entretien de chaque tombe est estimé à
38 francs. Dès lors, la charge financière repose
principalement sur les collectivités locales (notamment les communes) et
sur le Souvenir Français.
Votre commission juge qu'un tel mode de financement n'est pas satisfaisant
et regrette la méconnaissance par l'Etat de son devoir légal en
la matière et son désengagement de ce domaine pourtant lourd de
symbole.
A titre de comparaison, là où l'Etat verse aujourd'hui
8 francs par tombe et par an, le Royaume-Uni verse lui 48 francs.
Votre commission souhaite donc ardemment une augmentation de la participation
de l'Etat à ce titre.
Elle rejoint ainsi les propositions de notre collègue, Jacques Baudot,
qui suggérait de «
revaloriser l'indemnité
forfaitaire versée par l'Etat aux communes et bloquée à
8 francs par tombe depuis 1981
»
13(
*
)
et celles de la Cour des comptes qui
estime nécessaire «
d'évaluer le coût
d'entretien des sépultures militaires perpétuelles afin
d'actualiser le taux de l'indemnité forfaitaire annuelle allouée
à cette fin
».
14(
*
)
Le secrétaire d'Etat relève lui-même la modicité de
cette somme, observant qu'elle «
ne correspond plus aux frais
réellement engagés et devrait être
augmentée
».
15(
*
)
Votre commission observe d'ailleurs qu'une telle proposition apparaît
budgétairement réaliste car le taux de consommation des
crédits en matière de mémoire reste faible : il n'a
été que de 58 % en 2000 pour le budget des anciens
combattants.
Une augmentation de la participation de l'Etat pourrait alors passer par un
redéploiement des crédits.
Ainsi, en redéployant à cette fin les crédits non
consommés en 2000 du budget des anciens combattants, la participation de
l'Etat aurait pu être plus que triplée, la portant à
26 francs par tombe.
B. DES MESURES NOUVELLES UNE FOIS ENCORE TROP MODESTES
1. Des propositions initiales de portée très limitée
Le
projet de loi de finances adopté en Conseil des ministres comportait,
au-delà des évolutions des crédits analysées
ci-dessus, quatre mesures nouvelles représentant un effort
budgétaire supplémentaire de 19,4 millions d'euros.
Ces mesures nouvelles, d'une portée budgétaire limitée au
regard des 94 millions d'euros économisés par
non-reconduction, mesures d'ajustement ou révision des services
votés, vont certes dans le bon sens.
Mais elles n'en sont pas moins soit de simples mesures de continuité par
rapport aux budgets précédents, soit des réformes encore
inabouties.
a) De simples mesures de continuité
Deux de
ces mesures nouvelles ne font que prolonger les budgets
précédents.
Ainsi,
l'article 61
prévoit d'augmenter le
plafond majorable
de la retraite mutualiste
pour faire passer l'indice de
référence de 110 à 115 points. Cette revalorisation
reste identique à celle des années précédentes.
Elle reste relativement faible et reporte en conséquence la
réalisation de l'objectif de 130 points qu'il semble pourtant
souhaitable d'atteindre dans des délais raisonnables.
De même,
l'article 64
achève enfin le rattrapage de la
valeur du point de pension des plus grands invalides
, rattrapage qui
avait été initié dès le budget 2000.
b) Des mesures hélas partielles
Les deux
autres mesures nouvelles sont plus significatives, même si leur impact
budgétaire est relativement modeste et si elles ne constituent qu'une
réponse très partielle aux difficultés existantes.
La première -
c'est l'article 62
- concerne les veuves. Elle vise
à augmenter la
majoration de pension dont bénéficient
les veuves de grands invalides
, c'est-à-dire les seules veuves ayant
passé au moins quinze ans à assister leur mari invalide à
au moins 85 %. Environ 1.500 veuves seraient ici concernées et
bénéficieraient chacune de 10.000 francs supplémentaires
par an.
Votre commission observe à cet égard que les 15 millions de
francs (2,3 millions d'euros) nécessaires à cette mesure
nouvelle correspondent au montant exact de la diminution du forfait
d'hébergement des pensionnés en cure thermale. Elle ne peut alors
que regretter très vivement qu'une telle mesure nouvelle n'ait pu
être financée que par des économies issues d'une remise en
cause du droit à réparation.
La seconde mesure -
c'est l'article 63
- tend à ramener de 65
à 60 ans
l'âge d'attribution de la retraite du combattant
aux titulaires d'une pension militaire d'invalidité. Environ 30.000
anciens combattants pourraient être concernés par cette mesure
d'un coût estimé à 80 millions de francs
(12,2 millions d'euros).
Votre commission observe néanmoins qu'une telle mesure se situe
très en retrait par rapport aux attentes du monde combattant qui
espérait un versement anticipé dès 60 ans à
l'ensemble des titulaires de la carte du combattant et une revalorisation du
niveau de la retraite.
2. Des améliorations apportées à l'Assemblée nationale qui restent marginales
Comme
chaque année, l'examen en première lecture par l'Assemblée
nationale a permis d'apporter quelques améliorations au projet de budget
des anciens combattants.
Votre commission avait déjà eu l'occasion les années
passées de formuler certaines réserves sur les limites de cette
procédure, retenue par le Gouvernement depuis le début de la
législature. Elle ne peut une fois encore que les réitérer.
«
Cette année, comme l'année passée, le
budget présenté en première lecture à
l'Assemblée nationale est un budget médiocre, ne comportant que
très peu de mesures nouvelles. Mais le ministre garde en réserve
un certain nombre d'amendements qu'il distille en fonction des réactions
largement défavorables des parlementaires jusqu'à modifier assez
sensiblement la physionomie générale du budget. Si on imagine
volontiers que cette stratégie cherche avant tout à desserrer la
tutelle financière exercée par le ministère du budget,
votre commission regrette cependant le manque de transparence qu'implique une
telle démarche
».
16(
*
)
Pour autant, l'examen en première lecture par l'Assemblée
nationale n'a pas permis de modifier, loin s'en faut, l'équilibre
général de ce budget.
a) Des majorations de crédits imparfaites
L'Assemblée nationale a tout d'abord adopté deux
amendements du Gouvernement visant à majorer les crédits de
3 millions d'euros (20 millions de francs).
Ces majorations ont un double objet.
D'une part, les crédits sociaux de l'ONAC sont augmentés de
1,5 million d'euros (10 millions de francs).
D'autre part, 1,5 million d'euros de crédits supplémentaires
sont dégagés «
afin de financer l'ouverture des
droits à pension relatifs au code des pensions militaires
d'invalidité pour les ayants cause des anciens combattants des anciennes
colonies
».
17(
*
)
Ces majorations appellent deux observations de la part de votre commission.
Elle se félicite, en premier lieu, de l'augmentation des crédits
sociaux de l'ONAC qui apparaissait indispensable.
Elle constate cependant qu'elle ne fait en définitive que compenser la
diminution de 6,7 % de ces crédits prévue dans le budget
initial. Elle observe en outre que cette majoration reste inférieure
d'un tiers à la majoration intervenue l'an passé lors de la
discussion budgétaire à l'Assemblée nationale qui avait
alors atteint 15 millions de francs.
Votre commission se félicite également de l'annonce de la
levée de la forclusion pesant sur l'attribution des pensions aux ayants
cause dans les pays où ces pensions sont aujourd'hui
cristallisées.
Elle juge cette mesure d'autant plus satisfaisante qu'elle avait proposé
une mesure identique lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2000.
Mais le Gouvernement l'avait à l'époque rejetée. Elle se
félicite donc qu'il revienne enfin sur sa position.
Il reste que cette mesure n'est pas sans soulever certaines interrogations.
M. Jacques Floch y voit le moyen «
d'amorcer la politique de
décristallisation
». Votre commission observe pour sa part
que cette annonce se contente de lever la forclusion sur l'attribution de
droits nouveaux, mais ne permet pas la revalorisation des tarifs actuellement
cristallisés. La distinction est d'importance.
De plus, cette majoration des crédits ne s'accompagne curieusement pas
d'une modification législative autorisant l'ouverture de droits
nouveaux. Elle reste donc, pour l'instant, sans la moindre portée
juridique.
Au total, ces deux majorations ne doivent donc pas être
surestimées : leur portée pratique est incertaine et elles
ne représentent que 0,08 % des crédits initiaux.
b) Un nouveau rapport
Le
nouvel article 64
bis
, issu d'un amendement présenté
par MM. Maxime Gremetz, Alain Néri, Bernard Schreiner et Georges
Colombier, prévoit la remise au Parlement d'un rapport du Gouvernement
sur les
psychotraumatismes de guerre
avant le
1
er
septembre 2002.
La question des psychotraumatismes de guerre est un sujet grave et important,
qui touche directement de nombreux anciens combattants. Or, la
réglementation actuelle ne permet encore qu'une prise en compte
imparfaite des psychotraumatismes de guerre.
Il importait donc, en l'absence de toute étude exhaustive sur ce sujet,
d'étudier en profondeur cette pathologie spécifique et d'explorer
les modalités pratiques d'une meilleure prise en charge, même si
votre commission n'est pas absolument convaincue qu'une disposition
législative ait été ici indispensable.
Il reste que l'article adopté à l'Assemblée nationale ne
prévoit qu'un simple rapport et ne préjuge pas des suites qui y
seront apportées.
3. Les propositions de votre commission
Compte
tenu des insuffisances évidentes du présent projet de budget,
votre commission aurait souhaité prendre cette année des
initiatives fortes afin de résoudre plusieurs des difficultés
encore en suspens. Mais, en la matière, toute proposition d'amendement
se heurte, du fait d'un incontournable impact budgétaire, aux
contraintes de la recevabilité financière.
Votre commission se contentera donc, à regret, de ne formuler que
trois propositions, adoptées à l'unanimité en commission,
visant à lever certaines difficultés juridiques
particulièrement préjudiciables pour le monde combattant.
a) Revoir les conditions de partage de la pension de réversion
Notre
collègue, Nicolas About, a récemment déposé une
proposition de loi
18(
*
)
visant
à revoir les conditions de partage de la réversion des pensions
militaires d'invalidité entre les conjoints survivants.
Compte tenu de l'encombrement actuel de l'ordre du jour du Parlement, votre
commission a jugé utile de reprendre l'article unique de cette
proposition de loi pour en faire un amendement au projet de loi de finances
pour 2002.
Il est vrai que cette proposition tend à apporter une solution
raisonnable à des situations souvent très difficiles.
A la différence des autres types de pensions, la réversion des
pensions militaires d'invalidité n'est en effet pas susceptible
d'être partagée entre les conjoints survivants.
Ainsi, l'épouse divorcée et non remariée d'un ancien
combattant lui-même remarié ne peut bénéficier de la
réversion de la pension d'invalidité de son ex-époux,
quand bien même elle aurait passé de longues années
à l'assister.
Votre commission suggère alors, pour assurer un traitement
équitable des conjoints survivants, d'instituer un partage de la pension
de réversion entre les conjoints non remariés au
prorata
temporis
de la durée respective de chaque mariage à compter
de la date d'origine de l'invalidité.
b) Lever la forclusion pesant sur l'attribution de la retraite du combattant dans l'ex-Indochine
La
deuxième proposition de votre commission vise à lever une
difficulté d'application du dernier budget.
L'article 109 de la loi de finances pour 2001 a prévu de lever la
forclusion pesant sur l'attribution de la retraite du combattant dans nos
anciennes colonies. Mais cette mesure a curieusement oublié les anciens
combattants de l'ex-Indochine en ne visant pas l'ordonnance du
30 décembre 1958 qui a institué la forclusion dans
l'ex-Indochine. On estime ainsi que quelque 1.500 ressortissants du Cambodge,
du Laos et du Viêt-Nam ne peuvent bénéficier de la retraite
du combattant, alors même qu'ils ont servi courageusement dans les
armées françaises, principalement durant la seconde guerre
mondiale.
Pour régler ce dossier, le Gouvernement envisage de recourir à
une « mesure de gestion » qui ne manquera pourtant pas de
soulever à son tour de nouvelles difficultés juridiques pour
défaut de base légale. Le plus simple et le plus sûr
juridiquement est à l'évidence de procéder à une
modification législative.
C'est ce que vous propose votre commission.
c) Permettre la réouverture des droits à pension cristallisée pour les ayants cause
La
dernière proposition de votre commission tend elle aussi à lever
un obstacle d'ordre juridique.
Lors de l'examen du présent projet de budget des anciens combattants,
l'Assemblée nationale, sur proposition du Gouvernement, a majoré
les crédits de 1,5 million d'euros «
afin de financer
l'ouverture des droits à pension relatifs au code des pensions
militaires d'invalidité pour les ayants cause des anciens combattants
des anciennes colonies
».
Pour autant, si le financement existe, la législation n'a pas
été adaptée en conséquence. Elle interdit donc
toujours l'attribution des pensions aux ayants cause.
Il est donc nécessaire de modifier notre législation pour rendre
l'annonce du Gouvernement applicable.