II. LE BILAN EN DEMI-TEINTE DE L'ACTION DU GOUVERNEMENT EN FAVEUR DES ANCIENS COMBATTANTS

« Il ne m'appartient pas de porter un jugement global sur les résultats de cette politique. Celui-ci sera fait par le Monde combattant lui-même et par les parlementaires, partenaires éclairés, avisés et efficaces. Je souhaite seulement dire que la politique que j'ai menée, eut le souci de la loyauté, de la clarté et de l'humilité. » 19( * )

Par ces propos, notre collègue Jean-Pierre Masseret, ancien secrétaire d'Etat à la Défense chargé des anciens combattants de juin 1997 à septembre 2001, invitait votre commission à dresser le bilan de l'action du Gouvernement en faveur des anciens combattants. Votre commission ne se dérobera pas à cette tâche, qu'elle a cherché à accomplir avec la plus grande objectivité.

Il va sans dire que ce bilan ne sera pas celui de l'action personnelle de l'ancien ministre, dont votre rapporteur reconnaît bien volontiers « le souci de la loyauté, de la clarté et de l'humilité » et tient une nouvelle fois à souligner son implication dans ces dossiers difficiles et parfois ingrats, tout en regrettant que les arbitrages interministériels lui aient été trop souvent défavorables.

Il reste que le bilan du Gouvernement apparaît, au terme de cette législature, bien mitigé. Il se caractérise ainsi par :

- une érosion continue des crédits budgétaires ;

- des avancées indéniables, mais de portée inégale ;

- des échecs évidents.

A. L'ÉROSION CONTINUE DES CRÉDITS

« Ainsi, rapportées au nombre des bénéficiaires potentiels, les dotations affectées en 2002 au monde combattant augmenteront donc de 4,1 % en moyenne. Cette progression s'inscrit dans la lignée de celles constatées depuis 1998. En effet, entre 1998 et 2002, l'effort budgétaire des anciens combattants rapporté au nombre des pensionnés aura augmenté de 12,6 % (ou + 8,2 % en unité monétaire constante) ». 20( * )

Chaque année, depuis 1998, le gouvernement se félicite ainsi d'une baisse des crédits budgétaires inférieure à la diminution du nombre de « bénéficiaires potentiels » et affirme en conséquence que l'effort budgétaire moyen par ancien combattant a sensiblement augmenté entre 1998 et 2002.

Votre commission juge cette présentation passablement fallacieuse.

Elle observe pour sa part que les crédits ont très fortement diminué sur la période (- 15,7 % en unité monétaire constate) et que l'effort budgétaire par ancien combattant a en réalité significativement diminué.

1. Une forte diminution des crédits budgétaires

Entre 1998 et 2002, les crédits du budget des anciens combattants ont diminué de 15,7 % en unité monétaire constante (soit de 10,1 % en unité monétaire courante).

Evolution des crédits du budget des anciens combattants (1)

 

1997

1998

1999

2000

2001

2002

En millions de francs

25.944

25.062

24.548

24.088

23.793

23.318

En millions d'euros

3.955

3.821

3.742

3.672

3.627

3.555

Evolution annuelle (en %)

-

- 3,4 %

- 2,1 %

- 1,9 %

- 1,2 %

- 2,0 %

Source : SEDAC

(1) Il s'agit des crédits inscrits en loi de finances initiale, à structure budgétaire constante (le périmètre du budget pour 2001 est retenu)

2. Les évolutions contrastées de la population combattante

La population des anciens combattants peut s'apprécier de trois manières, chacune définissant un périmètre plus ou moins large :

- le nombre de pensionnés ;

- le nombre de partie prenantes à la dette viagère ;

- le nombre de ressortissants de l'ONAC.

Or, selon la définition retenue, l'évolution de la population est différente comme l'observait votre commission dès 1998 :

« En réalité, l'analyse de l'évolution de la population des anciens combattants peut déboucher sur deux types de conclusions. Si le nombre de pensionnés tend effectivement à diminuer de plus en plus vite, le nombre de ressortissants de l'Office national des anciens combattants -c'est-à-dire la population des anciens combattants au sens large- diminue beaucoup plus lentement ». 21( * )

Or, les évolutions de ces populations continuent de diverger depuis lors.

Ainsi, compte tenu de la mortalité naturelle, le nombre de pensionnés devrait diminuer de 18,8 % sur la période, à un rythme de l'ordre de 4 % par an.

Evolution du nombre de pensionnés au 31 décembre

1996

1997

1998

1999

2000

2001*

574.183

551.848

525.704

500.505

484.473

465.990

Source : Ministère des finances - service des pensionnés

* prévisions


Inversement, le nombre de parties prenantes à la dette viagère a, lui, tendance à augmenter compte tenu de l'assouplissement des conditions d'attributions de la carte du combattant et de l'arrivée massive à l'âge de 65 ans de la troisième génération du feu.

Evolution du nombre de parties prenantes à la dette viagère au 31 décembre (1)

 

1996

1997

1998

1999

2000

2001*

Total

1.462.325

1.470.139

1.489.426

1.531.889

1.614.473

1.700.990

Dont titulaires de la retraite du combattant

888.142

918.291

964.022

1.031.384

1.130.000

1.235.000

(1) Les parties prenantes à la dette viagère comprennent les pensionnés et les titulaires de la retraite de combattant. On estime aujourd'hui qu'environ 30.000 personnes cumulent une pension et une retraite.

Source : SEDAC

De son côté, le nombre de ressortissants de l'ONAC se caractérise par une légère décrue, d'ailleurs très délicate à apprécier. Les seules données disponibles 22( * ) sont seulement des évaluations prospectives.

Evolution du nombre de ressortissants de l'ONAC

 
 

1998

2003

2008

2013

2018

 

Ayants droit

6.100

400

0

0

0

14/18

Ayants cause

348.000

86.800

9.800

100

 
 

Total

354.100

87.200

9.800

100

 
 

Ayants droit

905.700

687.600

33.500

145.200

39.600

39/45

Ayants cause

1.600.700

1.564.500

1.408.100

872.300

421.700

 

Total

2.506.400

2.252.100

1.738.600

1.017.500

461.300

 

Ayants droit

132.200

111.200

94.000

69.300

40.400

Indochine

Ayants cause

90.100

93.900

98.000

104.400

107.200

 

Total

213.300

205.100

192.000

173.700

147.400

 

Ayants droit

1.267.100

1.273.600

1.208.100

1.103.000

930.400

Afrique du Nord

Ayants cause

88.200

124.600

173.500

246.300

352.800

 

Total

1.355.300

1.398.200

1.381.600

1.349.300

1.283.800

 

Ayants droit

42.100

57.500

72.600

87.900

102.900

Nouveaux conflits

Ayants cause

1.800

2.400

2.800

3.400

4.000

 

Total

44.100

59.900

75.400

91.300

106.900

 

Ayants droit

130.300

133.300

129.400

124.600

116.300

Hors guerre

Ayants cause

76.700

78.400

80.600

83.000

87.400

 

Total

207.000

211.700

210.000

207.600

203.700

Total ressortissants

Ayants droit

2.474.500

2.263.600

1.834.600

1.530.000

1.229.600

Ayants cause

2.205.500

1.950.600

1.772.800

1.309.500

973.100

Total

4.680.000

4.214.200

3.607.400

2.839.500

2.202.700

Source : SEDAC

3. Quel effort budgétaire par ancien combattant ?

Dans ces conditions, l'analyse de l'évolution de l'effort budgétaire moyen par ancien combattant devient en définitive un exercice irréel, voire partial, tant il dépend du champ initialement retenu.

Il reste que les pensionnés ne représentent aujourd'hui qu'une petite partie de la population combattante : on compte aujourd'hui environ 480.000 pensionnés alors que le nombre de ressortissants de l'ONAC est près de dix fois supérieur.

Dès lors, il ne peut en aucun cas être significatif de comparer, comme le fait complaisamment le Gouvernement, l'évolution des crédits à celle du nombre de pensionnés.

Il serait tout aussi possible -mais aussi peu convaincant- de retenir le nombre de parties prenantes à la dette viagère. On pourrait alors démontrer que, compte tenu de la baisse des crédits et de la hausse du nombre de parties prenantes, l'effort budgétaire moyen par partie prenante a diminué de 27,5 % entre 1997 et 2002 en unité monétaire constante.

Il serait en revanche plus judicieux de comparer l'évolution des crédits à celle des ressortissants de l'ONAC. Or, de 1997 à 2002, les crédits diminuent de l'ordre de 16 % en unité monétaire constante alors que le nombre de ressortissants ne baisse lui que d'environ 8 %.

Au total, les crédits budgétaires ont donc diminué deux fois plus vite que n'a décru la population des anciens combattants.

Votre commission ne souhaite pourtant pas ici alimenter une querelle statistique qui ne pourrait être que stérile. Car, en définitive, c'est plus l'utilisation des ressources budgétaires que leur montant qui importe. C'est donc principalement à cette aune qu'il faut évaluer le bilan du Gouvernement.

B. DES AVANCÉES DE PORTÉE INÉGALE

La présente législature a donné lieu à plusieurs évolutions favorables qui sont incontestablement à inscrire à l'actif du Gouvernement.

Votre commission s'en félicite d'autant plus que ces réformes étaient, pour la plupart, attendues avec impatience par le monde combattant et souvent suggérées, depuis plusieurs années, par le Sénat.

Ces avancées, qui poursuivent d'ailleurs largement les réformes initiées par les précédents gouvernements et qui sont fréquemment d'origine parlementaire, apparaissent néanmoins de portée inégale.

1. D'incontestables mesures positives

Les évolutions les plus positives concernant la reconnaissance et la modernisation des institutions

a) L'élargissement des conditions d'accès aux différents titres

Les conditions d'obtention de la carte du combattant ont été considérablement assouplies.

Ainsi, afin de tenir compte de la nature spécifique de l'engagement en Algérie compte tenu du risque diffus lié à l'insécurité provoquée par la situation de guérilla, la loi de finances pour 1998 a modifié le critère traditionnel de 90 jours en unité combattante pour retenir la durée du séjour en Algérie d'un minimum de 18 mois. Les lois de finances pour 1999 et 2000 ont progressivement ramené cette durée à 12 mois, puis à 4 mois pour les rappelés par la loi de finances pour 2001.

Votre commission se félicite de l'élargissement de l'accès à la carte du combattant. Elle regrette néanmoins que les maintenus, compte tenu de leur situation particulière, éprouvent encore des difficultés à se voir attribuer la carte du combattant et suggère en conséquence d'aligner leur régime sur celui applicable aux rappelés.

De la même manière, les conditions d'attribution du titre de reconnaissance de la nation (TRN) ont, elles aussi, été élargies. En application de la loi de finances pour 2001, l'attribution du TRN aux anciens combattants d'Algérie et d'Indochine a été étendue pour prendre en compte la situation de ceux présents sur les théâtres d'opération postérieurement à la date officielle de cessation des combats. Ainsi, le droit au TRN est désormais ouvert aux anciens combattants ayant séjourné en Algérie entre le 2 juillet 1962 et le 1 er juillet 1964 ou ayant servi en Indochine entre le 11 août 1954 et le 1 er octobre 1957.

Il reste que cette reconnaissance est encore imparfaite. On peut notamment regretter l'absence d'une décoration liée au TRN pour toutes les générations du feu, seuls les titulaires du TRN au titre de l'Afrique du Nord pouvant porter une décoration (à savoir la « médaille de l'Afrique du Nord »).

b) La meilleure reconnaissance de la troisième génération du feu

Votre commission ne reviendra pas ici sur l'importance qu'elle attache à la loi du 18 octobre 1999 , adoptée à l'unanimité des deux chambres, qui a enfin donné le nom de « guerre » à une guerre restée trop longtemps sans nom.

Elle n'insistera pas plus sur la future érection d'un mémorial de la guerre d'Algérie , à Paris, sur lequel seront inscrits les noms de 22.317 combattants et supplétifs morts pour la France au cours de ce conflit.

L'importance symbolique de ces initiatives pour assurer enfin une meilleure reconnaissance de la troisième génération du feu se passe de commentaire.

Votre commission tient surtout à souligner le légitime hommage enfin rendu aux harkis , à l'initiative du Haut conseil de la mémoire combattante présidée par le Président de la République, qui s'est concrétisé, le 25 septembre dernier, par la célébration d'une journée nationale d'hommage assortie de l'apposition de plaques commémoratives.

Il devenait en effet indispensable de garantir aux harkis une juste place au sein de la troisième génération du feu et de la mémoire de la guerre d'Algérie. Il était ainsi « grand temps pour la Nation, dont c'est le devoir moral, de reconnaître leurs sacrifices et leur dignité ». 23( * )

c) La modernisation des institutions du monde combattant

L'ONAC, l'Institution nationale des Invalides (INI) mais aussi le ministère se sont engagés, au cours de la présente législature, dans un louable processus de réforme avec le double souci d'assurer leur pérennité et d'améliorer la qualité du service rendu.

Votre commission partage ainsi la philosophie générale de l'insertion du département ministériel des anciens combattants dans celui de la Défense.

Cette insertion, qui ne va pourtant pas sans heurts, apparaît en effet comme la solution la plus pertinente pour assurer à l'avenir la gestion des intérêts matériels et moraux des anciens combattants. Elle semble en tout cas nettement préférable à un adossement au ministère des finances -qui risquerait de le limiter à un simple « ministère des pensions »- ou à une intégration au sein du ministère à la solidarité- qui ne manquerait pas de privilégier une logique d'assistance.

De la même manière, la réforme de l' ONAC , lancée en juin 1998 au travers de la « Charte pour un Nouvel Elan » , était également indispensable.

L'ONAC, grâce à son réseau départemental de proximité, gère en effet la grande majorité des droits accordés par l'Etat aux anciens combattants et victimes de guerre : le droit à réparation, à travers l'attribution de la carte d'invalidité ou le statut de pupille de la Nation ; le droit à la reconversion, à travers ses écoles professionnelles accessibles aujourd'hui aux handicapés civils ; le droit à la solidarité, grâce à ses aides ponctuelles, ses prêts et son réseau de maisons de retraite.

Il importait alors de le moderniser pour garantir et renforcer son rôle d'accueil des anciens combattants.

Votre commission se félicite donc de l'effort entrepris et du redressement de sa situation financière, même si elle ne peut que regretter la modicité des dotations budgétaires consacrées à accompagner cette modernisation et la gestion parfois trop erratique des restructurations de son réseau de maisons de retraite.

Ce processus de modernisation ne pouvait ignorer l'Institution nationale des invalides (INI).

L'INI tient aujourd'hui encore une place considérable dans la politique de réparation. Sa spécificité tendait pourtant à devenir un handicap allant jusqu'à mettre en péril sa pérennité au moment même où la fin du service national la fragilisait.

Il importait donc de redéfinir ses rapports avec le système de santé publique, tout en réaffirmant sa spécificité. C'est l'objet du projet d'établissement 1998-2002 dont la mise en oeuvre, et notamment son intégration au service public hospitalier, n'est toutefois pas achevée.

2. Des actions souvent en demi-teinte

Si plusieurs initiatives du gouvernement allaient dans le bon sens, elles n'en sont pas moins restées plus limitées qu'on aurait pu le souhaiter.

a) Le relèvement bien lent du plafond majorable de la retraite mutualiste

La loi de finances pour 1998 a indexé le montant du plafond majorable de la retraite mutualiste sur les pensions militaires d'invalidité en le fixant à 95 points. Depuis lors, il a été revalorisé de 5 points chaque année, le présent budget prévoyant ainsi de le porter à 115 points.

Ces dispositions ont ainsi permis une évolution favorable du plafond majorable, qui avait accumulé un retard significatif.

La revalorisation n'en reste pas moins bien lente, reportant d'autant l'arrivée à 130 points qui reste pourtant l'objectif à atteindre dans les meilleurs délais.

b) Le dégel tardif des pensions des plus grands invalides

La loi de finances pour 1991 avait institué un « gel » des plus hautes pensions militaires d'invalidité en excluant du champ d'application des revalorisations au titre du rapport constant les pensions dépassant un indice correspondant à la somme annuelle de 360.000 francs.

Touchant des grands invalides gravement handicapés et nécessitant souvent les soins continus de tierces personnes, cette disposition particulièrement pénalisante a concerné près de 1.500 pensionnés entre 1991 et 1994.

La loi de finances pour 1995 avait certes supprimé la mesure de « gel » à compter du 1 er janvier 1995, mais elle n'avait pas procédé à la remise à niveau du point de pension des invalides concernés.

Le Gouvernement, après avoir longtemps privilégié le statu quo , a finalement choisi d'enclencher un processus, somme toute assez long et laborieux, de rétablissement en trois ans de l'unicité de la valeur du point de pension et de « dégel » des pensions des plus grands invalides.

Amorcé par la loi de finances pour 2000, ce processus devrait trouver enfin son aboutissement dans le présent projet de loi de finances.

c) Une extension parfois maladroite des missions du fonds de solidarité

Le Gouvernement a visiblement cherché à encourager une politique de solidarité, destinée notamment à désamorcer toute revendication de retraite anticipée.

Pour cela, il a progressivement étendu les missions du fonds de solidarité, mais de manière quelque peu désordonnée.

Ainsi, la loi de finances pour 1998 a institué, à la charge du fonds de solidarité, une allocation de 5.600 francs mensuels nets pour tous les chômeurs anciens combattants d'Afrique du Nord justifiant d'une durée d'assurance vieillesse de 160 trimestres, y compris le temps passé en Afrique du Nord.

Cette mesure n'a eu qu'un effet très transitoire. Le nombre maximum de bénéficiaires n'a été que de 7.055 en juillet 1998. Il n'était plus seulement que de 1.543 au 31 décembre 2000.

De même, la loi de finances pour 1999 a supprimé le « sas » de six mois pendant lesquels tout bénéficiaire ne pouvait toucher que l'allocation différentielle avant de se voir attribuer l'allocation de préparation à la retraite.

Cette mesure de justice et de bon sens a eu plus d'effets. Mais notre commission ne peut s'empêcher de rappeler qu'elle est née d'une initiative de son ancien président, notre collègue Jean-Pierre Fourcade, et de M. Guy Fischer en juin 1998 au moment même où le Gouvernement déclarait irrecevable la proposition de loi tendant à accorder la retraite anticipée pour les seuls anciens combattants chômeurs en fin de droits justifiant de quarante années de cotisations.

Enfin, la loi de finances pour 1999 a également institué le bénéfice automatique de l'ARPE pour les salariés titulaires de la carte du combattant au titre de l'Afrique du Nord cessant leur activité.

On a vu précédemment les effets pour le moins anecdotiques de cette mesure puisqu'on ne compte que 32 bénéficiaires.

Aussi, votre commission ne peut, là encore, que regretter que le Gouvernement n'ait pas choisi de retenir sa proposition d'ouvrir cette mesure non seulement aux titulaires de la carte du combattant, mais aussi à ceux du Titre de reconnaissance de la Nation, proposition qui n'aurait pu que renforcer la portée de ce dispositif.

C. DES ÉCHECS INDÉNIABLES

Il reste que les points les plus saillants du bilan gouvernemental tiennent en définitive plus aux lacunes qu'aux réalisations.

Votre commission conçoit bien que tout ne pouvait être fait tout de suite. Mais elle observe pourtant que le Gouvernement a délibérément ignoré de nombreuses questions particulièrement urgentes et importantes.

1. Des débats escamotés

a) La retraite anticipée des anciens combattants d'Afrique du Nord

La retraite anticipée a longtemps constitué l'attente principale des anciens combattants de la troisième génération du feu.

Le 8 mai 1997, M. Lionel Jospin, interrogé par le Front uni, écrivait : « Concernant la retraite anticipée pour les anciens combattants d'Afrique du Nord, nous avons, comme vous le savez, contesté les conclusions du rapport Chadelat qui était destiné, avant tout, à vous opposer une fin de non recevoir. Nous devons avoir un dialogue francs, direct et responsable avec les différentes associations d'anciens combattants afin d'envisager ce qui peut être effectivement fait.

« Dans un premier temps, nous nous engageons à accorder la retraite anticipée pour les chômeurs en fin de droits justifiant de 40 annuités de cotisations diminuées du temps passé en Afrique du Nord. Cette mesure constituerait un début de reconnaissance envers les anciens combattants d'Afrique du Nord et permettrait de répondre à un certain nombre de cas difficiles. »


Cet engagement n'a hélas pas été tenu.

Votre commission n'avait pourtant pas hésité à « tendre la perche » au Gouvernement pour lui permettre de respecter la parole donnée.

Ainsi, le Sénat a examiné en séance publique, le 29 juin 1998, la proposition de loi de MM. Robert Pagès et Guy Fischer tendant à accorder la retraite anticipée pour les anciens combattants chômeurs en fin de droits, justifiant de quarante années de cotisations diminuées du temps passé en Afrique du Nord , sur le rapport 24( * ) de notre collègue Guy Fischer, au nom de votre commission.

Mais le Gouvernement n'a pourtant pas hésité à invoquer l'article 40 de la Constitution pour repousser cette proposition de loi, pourtant raisonnable et équitable.

Votre commission le regrette profondément car la retraite anticipée pour les chômeurs en fin de droits aurait pu apporter des réponses bien plus adaptées à des situations très difficiles que l'approfondissement, d'ailleurs bien imparfait, des dispositifs d'assistance.

b) La diminution de l'âge ouvrant droit à la retraite du combattant

La diminution de 65 à 60 ans de l'âge ouvrant droit au bénéfice de la retraite du combattant a constitué, après la retraite anticipée, la deuxième grande revendication des associations d'anciens combattants.

Une telle mesure méritait à l'évidence un examen approfondi dans la mesure où elle constituait non seulement une compensation à l'absence de retraite anticipée, mais aussi une significative mesure de solidarité pour les anciens combattants qui sont nombreux à rencontrer de graves difficultés financières à partir de 60 ans.

Mais, là encore, le Gouvernement a fait la preuve de sa rigidité en s'opposant à une telle mesure et en ne daignant même pas étudier sa faisabilité par étapes.

Le seul geste intervenu en la matière est en définitive d'ordre essentiellement symbolique et risque d'être pour solde de tout compte.

L'article 63 du présent projet de loi de finances prévoit en effet de ramener à 60 ans le versement de la retraite du combattant pour les seuls pensionnés à plus de 10 %. Il ne s'agit en réalité que d'instaurer une nouvelle dérogation au droit commun, tendant à transformer en prestation de solidarité cette mesure de reconnaissance.

Votre commission rappelle en effet que certains détenteurs de la carte du combattant peuvent déjà bénéficier de la retraite du combattant dès 60 ans. Il s'agit :

- des anciens combattants résidant dans les départements et territoires d'outre-mer ;

- des anciens combattants titulaires de l'allocation supplémentaire du fonds de solidarité vieillesse ;

- des anciens combattants percevant une pension d'invalidité d'au moins 50 % et une allocation d'ordre social.

c) L'indemnisation des orphelins des victimes du nazisme

Le décret du 13 juillet 2000 a institué une indemnisation spécifique des orphelins des personnes victimes de persécutions antisémites, déportées à partir de France et mortes en déportation.

Le décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000
instituant une mesure de réparation
pour les orphelins dont les parents ont été victimes
de persécutions antisémites

• Les bénéficiaires

La mesure concerne les orphelins de toute personne « qui a été déportée à partir de France dans le cadre des persécutions antisémites et a trouvé la mort en déportation » , si l'orphelin était mineur à la date du départ en déportation.

Toutefois, sont exclues de ce droit à réparation les personnes percevant une indemnité viagère versée par l'Allemagne ou l'Autriche.

• L'indemnisation

Elle prend la forme :

- soit d'une indemnité en capital de 180.000 francs ;

- soit d'une rente viagère de 3.000 francs par mois.

• Le financement

Le paiement des rentes viagères et des indemnités en capital est assuré par l'ONAC et est financé sur les crédits inscrits au chapitre 46-02 du budget des services généraux du Premier ministre.

La loi de finances initiale pour 2001 avait prévu 200 millions de francs à ce titre. Le projet de loi de finances rectificatif pour 2001 prévoit l'ouverture de 983 millions de francs supplémentaires. Le projet de loi de finances pour 2002 prévoit, lui, l'inscription de 64 millions d'euros (soit 420 millions de francs).

Au total, ce seront plus de 1,6 milliard de francs qui seront dégagés à ce titre en 2001 et 2002.

Cette mesure, qui constitue certes une légitime réparation pour les orphelins de déportés juifs n'ayant jamais été indemnisés, n'en soulève pas moins de nombreuses incertitudes.

La première incertitude concerne l'exigence d'un décès en déportation. Ainsi, les orphelins des personnes fusillées ou massacrées en France, dans le cadre des persécutions nazies, ne sont pas éligibles à indemnisation.

La deuxième incertitude touche à la limitation du champ d'application de la mesure aux seuls déportés politiques pour motifs raciaux. Les déportés politiques pour d'autres motifs et les déportés résistants en sont exclus.

La dernière incertitude tient à l'imbrication entre cette mesure de réparation et les autres formes d'indemnisation qui avaient pu intervenir antérieurement.

Dès lors, par souci d'équité, il importe manifestement d'étudier les conditions d'extension de cette mesure, visiblement prise dans la précipitation, afin d'assurer un traitement équitable de tous les orphelins des victimes du nazisme.

Mais le Gouvernement se montre sur ce point tout particulièrement intransigeant, refusant d'ouvrir tout débat sur ce sujet incontestablement douloureux.

Ainsi, le 31 mai dernier, lors de l'examen du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel, le Gouvernement a repoussé un amendement présenté par notre collègue Michel Charasse, visant à étendre cette indemnisation, en invoquant fort opportunément son irrecevabilité financière.

Votre commission considère, pour sa part, que la question de l'indemnisation des victimes du nazisme est trop importante pour se limiter à de simples questions de recevabilité financière et souhaite alors que ce débat soit enfin réouvert sur le fond.

2. Des oublis évidents

a) La situation des veuves d'anciens combattants

De 1997 à aujourd'hui, rien n'a été fait en faveur des veuves d'anciens combattants -qu'il s'agisse des veuves de grands invalides, des veuves de guerre ou des veuves d'anciens combattants-, hormis l'aumône de quelques crédits d'action sociale.

Or, celles-ci sont de plus en plus confrontées à des situations très difficiles.

Ainsi, alors que 4.500 veuves avaient bénéficié d'une aide financière de l'ONAC en 1997, elles étaient plus de 8.000 dans ce cas en 2000.

Dans ce contexte, l'inaction du Gouvernement apparaît fort préjudiciable.

Le Gouvernement avait pourtant laissé espérer une volonté de « remettre à plat » le dispositif en faveur des veuves en 2000.

Cette remise à plat, au terme de la législature, apparaît pourtant lettre morte.

Certes, une « concertation » a été esquissée sur cette question. Mais les groupes de travail ne se sont réunis qu'à une seule reprise en septembre 2000.

Certes, le présent projet de budget comporte enfin une mesure en leur faveur. Mais l'article 62 du projet de loi de finances ne concerne que les seules veuves des plus grands invalides. Seules 1.500 veuves seraient ainsi concernées. Rien n'est prévu pour les veuves de guerre et les veuves d'anciens combattants, alors que l'on compte pourtant quelque 150.000 veuves pensionnées et environ 1,5 million de veuves non pensionnées.

La carence de l'action du Gouvernement invite alors, une nouvelle fois, votre commission à rappeler ses propositions sur cette question à laquelle elle est tout particulièrement attachée . Elle souligne, à ce propos, qu'elle est d'ailleurs à l'origine de la dernière disposition législative en faveur des veuves, la loi de finances pour 1996 ayant ramené de 57 à 50 ans la condition d'âge pour bénéficier du supplément exceptionnel.

S'agissant des veuves d'anciens combattants , votre rapporteur ne peut ici que rappeler ses propositions passées :

« Votre rapporteur estime qu'une piste à explorer serait sans doute d'examiner le coût de la mise en oeuvre d'une possibilité de réversion, en tout ou partie, de la retraite du combattant prévu à l'article L. 255 du code des pensions.

« Votre rapporteur n'ignore pas que le législateur en 1932 a institué cette retraite « en témoignage de la reconnaissance nationale » et qu'il a expressément prévu que celle-ci n'était pas réversible.

« Il reste que pour les veuves d'anciens combattants, dont les ressources sont les plus modestes, la réversion de cette retraite fournirait un complément de revenu modeste mais non négligeable et leur procurerait, en outre, la marque de reconnaissance nationale à laquelle elles peuvent assez légitimement prétendre. » 25( * )


S'agissant des veuves pensionnées , votre rapporteur se bornera également à réitérer ses propositions qui restent d'actualité.

Une première solution serait d'assouplir les conditions de réversion des pensions militaires d'invalidité.

A l'heure actuelle, l'ouverture du droit à pension de veuve est fonction du taux d'invalidité du mari décédé :

- si ce taux est supérieur ou égal à 85 %, la réversion est automatique. On suppose, en effet, que le décès est très largement causé par les conséquences des infirmités pensionnées ;

- si ce taux est compris entre 60 et 85 %, la réversion est possible, mais la veuve doit faire la preuve que le décès est directement imputable à l'invalidité pour laquelle l'ancien combattant est pensionné pour obtenir une pension au taux normal. Or, la preuve du lien de causalité entre l'invalidité et le décès reste souvent difficile à établir. Dès lors, de nombreuses veuves doivent se contenter d'une pension de réversion à un taux moindre ;

- les veuves d'anciens combattants dont le taux d'invalidité est inférieur à 60 % ne peuvent prétendre à l'attribution d'une pension de réversion.

Votre commission est alors favorable à la baisse de 85 à 60 % de la valeur minimale du taux d'invalidité requis pour que la veuve puisse bénéficier d'une pension de réversion à taux normal sans avoir à apporter la charge de la preuve.

Une autre solution consisterait à revaloriser sensiblement les pensions de réversion.

Le montant des pensions de réversion reste en effet très faible. Ainsi, la pension de réversion au taux normal reste inférieure au minimum vieillesse.

Une revalorisation pourrait alors prendre plusieurs formes :

- une revalorisation de l'indice de la pension de veuve au taux normal (indice 500) ;

- un assouplissement des conditions d'attribution de la pension de veuve au taux spécial (indice 667). Pour que la pension de veuve soit majorée au taux spécial, la veuve doit avoir plus de 50 ans et déclarer un revenu imposable inférieur à un plafond. On pourrait donc augmenter ce plafond qui est actuellement de l'ordre de 70.000 francs. A cet égard, votre commission observe que les veuves de déportés morts en déportation et les veuves de prisonniers du Viêt-minh morts en captivité bénéficient du taux spécial sans autre condition.

Ces propositions montrent que des voies raisonnables existent pour une meilleure prise en charge des veuves, qui ne peut se résumer, comme semble le penser le Gouvernement, à une seule amélioration de la situation des veuves des grands invalides et à une logique d'assistanat.

b) La décristallisation

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 1999, le Gouvernement, par la voix du secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants, avait annoncé son souci d'engager un débat sur la décristallisation, reconnaissant notamment les retards en matière de pouvoir d'achat accumulés dans les pays du Maghreb et les conséquences souvent dramatiques liées à la forclusion des droits nouveaux.

La cristallisation

Au cours des deux guerres mondiales, plus de 1,4 million de soldats venus d'Afrique, du Maghreb, d'Indochine ou d'autres colonies, sont courageusement venus combattre sur le territoire national pour participer à la défense de la République.

Depuis 1959 pour l'Indochine et depuis 1960 pour les autres Etats anciennement placés sous souveraineté française, les pensions militaires d'invalidité et les retraites du combattant versées à ceux qui ont combattu pour le drapeau français sont « cristallisées » à la valeur atteinte lors de l'accession à l'indépendance de ces Etats.

Certes, c'est à l'honneur de la France d'avoir maintenu les pensions même en les cristallisant. D'autres pays, comme la Grande-Bretagne, ont choisi de les supprimer pour les ressortissants de leurs anciennes colonies.

Au 31 décembre 2000, 29.735 personnes bénéficiaient d'une pension « cristallisée » et 48.660 d'une retraite du combattant « cristallisée ».

Les conséquences d'une telle cristallisation sont aujourd'hui de deux ordres.

D'abord, la valeur actuelle du point d'indice est très disparate selon les pays. Cela tient aux différentes dates d'accession à l'indépendance, mais aussi aux revalorisations ponctuelles intervenues depuis lors de manière distincte selon les pays. Ainsi, alors que la valeur du point est actuellement de 81,46 francs en métropole, elle atteint 45,05 francs à Djibouti, 27,97 francs au Sénégal, mais seulement 9,02 francs en Algérie, 7,77 francs au Maroc et en Tunisie et 3,14 francs dans l'ex-Indochine.

Ensuite, une forclusion pèse de facto sur les nouvelles demandes, qu'il s'agisse d'obtenir l'attribution d'une pension, de demander une réversion de la pension d'invalidité ou de reconnaître l'aggravation d'une invalidité.

Il reste certes possible de prévoir, par voie réglementaire, des revalorisations et des levées de forclusion. Celles-ci restent cependant très rares, la dernière remontant à 1995.

Cet engagement n'a pourtant pas été tenu, les mesures prises depuis lors tenant se résumant avant tout à de simples effets d'annonces destinés à retarder d'autant les actions concrètes.

Ainsi, l'article 109 de la loi de finances pour 2001, qui lève la forclusion pesant sur l'attribution de la retraite du combattant, se contentait de mettre en conformité la pratique gouvernementale avec le droit, le Conseil d'Etat ayant précisé, le 26 novembre 1999, que la cristallisation ne s'opposait pas à l'ouverture de droits nouveaux, notamment pour l'attribution de la retraite du combattant.

De même, l'article 110 de la loi de finances pour 2001, n'a en définitive eu pour conséquence que de faire gagner quelques mois précieux au Gouvernement avant de prendre les mesures nécessaires. Cet article instituait « une commission d'étude de la revalorisation des pensions chargée de proposer des mesures d'ordre législatif ou réglementaire permettant la revalorisation des rentes, des retraites et des pensions des anciens combattants de l'outre-mer » , ces propositions devant être présentées six mois après son installation. Mais cette commission ne s'est réunie pour la première fois que le 23 octobre 2001 retardant d'autant toute proposition d'évolution.

Enfin, la majoration des crédits intervenue à l'Assemblée nationale « afin de financer l'ouverture des droits à pension (...) pour les ayants cause des anciens combattants des anciennes colonies » reste aujourd'hui sans la moindre conséquence juridique.

Votre commission avait, pour sa part, cherché à être plus constructive.

Elle avait ainsi proposé, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2000, un amendement visant à :

- lever toute forclusion pesant sur les demandes nouvelles ;

- revaloriser les pensions d'invalidité et les retraites du combattant de 20 % dans les pays qui ont accumulé le plus de retard : Maghreb et Indochine.

Elle considère que cette initiative, à laquelle le Gouvernement avait opposé l'article 40 de la Constitution, reste aujourd'hui encore une proposition équitable et raisonnable et constitue toujours une base de discussion pertinente.

c) Le rapport constant

Le mécanisme du rapport constant est sensé permettre une revalorisation du point d'indice des pensions militaires d'invalidité de manière à leur assurer une évolution similaire à celle des traitements dans la fonction publique.

Pourtant, et bien que modifié par l'article 123 de la loi de finances pour 1990 26( * ) , ce mécanisme reste contesté, notamment par les associations d'anciens combattants qui lui reprochent sa complexité, son opacité et son manque de dynamisme.

Le Gouvernement, qui s'était engagé à « établir une plus grande lisibilité des mécanismes du rapport constant » 27( * ) , n'a pourtant pas su mener à bien sa nécessaire réforme.

Une première tentative en 1999 s'est soldée par un échec.

Le 23 octobre 2001, M. Jacques Floch a annoncé, devant la commission chargée d'émettre un avis sur la modification de la valeur du point de pension militaire d'invalidité, son intention de choisir une nouvelle base de calcul et un nouvel indice d'évolution. Mais cette initiative reste aujourd'hui sans lendemain.

d) Les incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes

On estime qu'environ 45.000 personnes -le plus souvent des très jeunes filles et des très jeunes garçons- ont été incorporés de force, à partir de 1941 en Alsace-Moselle, dans les formations paramilitaires allemandes du Reicharbeitsdienst (RAD) et du Krieghilfsdienst (KHD). C'est à leur profit qu'a été créé, par l'arrêté ministériel du 2 mai 1984, le certificat d'incorporé de force dans les formations paramilitaires allemandes qui a été attribué à 5.390 personnes.

Pour autant, l'indemnisation de ces victimes de l'annexion de fait reste encore en suspens.

Alors que les incorporés de force dans l'armée allemande ont bénéficié d'une indemnisation accordée par la fondation « Entente franco-allemande », les incorporés de force dans les formations paramilitaires attendent toujours une indemnisation.

Une solution raisonnable apparaît aujourd'hui à portée de main. Mais, depuis 1998, le Gouvernement s'est toujours refusé à faire le geste budgétaire qui permettrait de clore enfin ce dossier.

Le comité directeur de la fondation « Entente franco-allemande » a en effet accepté, le 25 juin 1998, d'élargir le bénéfice de l'indemnisation des incorporés de force dans l'armée allemande (d'un montant de 9.100 francs) aux anciens du RAD ou du KHD.

Mais cet accord subordonne l'indemnisation à une participation de l'Etat, ce que le Gouvernement a toujours refusé depuis lors, au motif que « le Gouvernement ne s'estime pas tenu par cet engagement, l'accord du 31 mai 1981 n'ayant pas prévu une contribution de la France à une indemnisation qui relève de la responsabilité allemande. » 28( * )

A l'heure actuelle, ce sont près de 10.000 personnes qui sont les otages des tergiversations du Gouvernement.

Votre commission regrette alors que le Gouvernement n'ait pas jugé bon d'inscrire, dans les budgets qui se sont succédé depuis 1999, les crédits nécessaires 29( * ) au règlement définitif de ce dossier.

3. Des politiques parfois déficientes

Depuis 1997, le Gouvernement a fait de la mémoire l'une de ses priorités.

Force est pourtant de constater que la mise en oeuvre de la politique de la mémoire n'est pas toujours suffisamment bien maîtrisée. Dès lors, faute de pilotage clair et de coordination effective, la politique de la mémoire ne peut aujourd'hui que transmettre un message brouillé.

a) Des responsabilités éclatées

A l'heure actuelle, il reste difficile de déterminer qui conduit et met en oeuvre la politique de mémoire.

Il est vrai que la coordination entre les différents organismes de pilotage de la politique de la mémoire reste imparfaite.

Le Haut conseil de la mémoire combattante , créé par le décret du 9 janvier 1997 et placé auprès du Président de la République, est chargé « d'éclairer le chef de l'Etat sur toutes les questions relatives au devoir de reconnaissance par la Nation de la sauvegarde de la mémoire des guerres ou des conflits contemporains et de la préservation des valeurs du monde combattant » .

A ce titre, il a pour mission :

- de susciter et favoriser toute mesure utile au renforcement de la mémoire ;

- de formuler des propositions relatives à la définition du programme des cérémonies commémoratives ;

- de veiller en toutes circonstances au respect des fondements moraux des valeurs combattantes.

De son côté, la Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA) du ministère de la Défense est compétente dans huit domaines d'intervention :

- les commémorations,

- l'action pédagogique,

- l'information historique,

- l'édition et la production de films,

- les musées,

- les sépultures, monuments commémoratifs et lieux de mémoire,

- la valorisation du patrimoine et le tourisme de mémoire,

- la gestion des archives.

Parallèlement, l'ONAC est également chargé « d'assurer la gestion des actions de mémoire combattante au profit de l'ensemble de la communauté nationale ».

Mais, au-delà de ces organismes, les associations et les collectivités locales mènent également des actions de mémoire, qui ne s'inscrivent pas forcément dans la continuité des actions définies au niveau national.

b) Une mise en oeuvre défaillante

Dans ce paysage éclaté, il devient alors difficile de percevoir les lignes directrices de la politique de la mémoire qui tend à se résumer à la juxtaposition d'initiatives d'origines diverses et rarement coordonnées.

Cet éclatement aboutit en définitive à fragiliser considérablement la mise en oeuvre de la politique de mémoire qui ne transmet plus qu'un message brouillé.


Ainsi, la reconnaissance législative de la guerre en Algérie, qui visait notamment à rétablir à sa juste place la troisième génération du feu dans notre mémoire collective, a été assombrie par la résurgence du débat, souvent inutilement polémique, sur la torture durant la guerre d'Algérie.

Plus récemment, la journée nationale d'hommage aux harkis en septembre dernier, a été presqu'immédiatement suivie par des initiatives locales, pas toujours opportunes, sur les événements parisiens du 17 mars 1961.

De la même manière, et pour un conflit aussi lointain que la première guerre mondiale, la politique de la mémoire peine à véhiculer une vision cohérente.

On aurait pu imaginer que l'évocation du premier conflit mondial tendrait avant tout à « constater qu'est toujours vivant le souvenir de la Nation toute entière rassemblée dans l'épreuve » 30( * ) . Mais il a aussi été l'occasion, quelque peu maladroite, pour certaines des plus hautes autorités de l'Etat, d'insister sur le sort des « fusillés pour l'exemple » ou, plus récemment, d'alimenter de stériles polémiques dans les messages transmis aux maires pour être lus le 11 novembre devant les monuments aux morts.

Au total, ces exemples soulignent les limites des conditions actuelles de mise en oeuvre de la politique de la mémoire, qui reste aujourd'hui incohérente et peu lisible, compte tenu de l'absence de coordination dans sa définition.

*

* *

Constatant que le projet de budget pour 2002 s'inscrivait dans la continuité des budgets présentés pendant la présente législature et ne permettait pas d'apporter des réponses adaptées aux principales préoccupations des anciens combattants, votre commission a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits des anciens combattants.

Elle a en revanche émis un avis favorable à l'adoption des articles 61, 62, 63, 64 et 64 bis (nouveau) du projet de loi de finances pour 2002 rattachés à ce budget.

Elle a enfin adopté trois amendements tendant chacun à insérer un article additionnel après l'article 64 bis .

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