II. LE BILAN EN DEMI-TEINTE DE L'ACTION DU GOUVERNEMENT EN FAVEUR DES ANCIENS COMBATTANTS
« Il ne m'appartient pas de porter un jugement
global
sur les résultats de cette politique. Celui-ci sera fait par le Monde
combattant lui-même et par les parlementaires, partenaires
éclairés, avisés et efficaces. Je souhaite seulement dire
que la politique que j'ai menée, eut le souci de la loyauté, de
la clarté et de l'humilité. »
19(
*
)
Par ces propos, notre collègue Jean-Pierre Masseret, ancien
secrétaire d'Etat à la Défense chargé des anciens
combattants de juin 1997 à septembre 2001, invitait votre commission
à dresser le bilan de l'action du Gouvernement en faveur des anciens
combattants. Votre commission ne se dérobera pas à cette
tâche, qu'elle a cherché à accomplir avec la plus grande
objectivité.
Il va sans dire que ce bilan ne sera pas celui de l'action personnelle de
l'ancien ministre, dont votre rapporteur reconnaît bien volontiers
« le souci de la loyauté, de la clarté et de
l'humilité »
et tient une nouvelle fois à souligner
son implication dans ces dossiers difficiles et parfois ingrats, tout en
regrettant que les arbitrages interministériels lui aient
été trop souvent défavorables.
Il reste que le bilan du Gouvernement apparaît, au terme de cette
législature, bien mitigé. Il se caractérise ainsi
par :
- une érosion continue des crédits budgétaires ;
- des avancées indéniables, mais de portée
inégale ;
- des échecs évidents.
A. L'ÉROSION CONTINUE DES CRÉDITS
« Ainsi, rapportées au nombre des
bénéficiaires potentiels, les dotations affectées en 2002
au monde combattant augmenteront donc de 4,1 % en moyenne. Cette
progression s'inscrit dans la lignée de celles constatées depuis
1998. En effet, entre 1998 et 2002, l'effort budgétaire des anciens
combattants rapporté au nombre des pensionnés aura
augmenté de 12,6 % (ou + 8,2 % en unité
monétaire constante) ».
20(
*
)
Chaque année, depuis 1998, le gouvernement se félicite ainsi
d'une baisse des crédits budgétaires inférieure à
la diminution du nombre de
« bénéficiaires
potentiels »
et affirme en conséquence que l'effort
budgétaire moyen par ancien combattant a sensiblement augmenté
entre 1998 et 2002.
Votre commission juge cette présentation passablement fallacieuse.
Elle observe pour sa part que les crédits ont très fortement
diminué sur la période (- 15,7 % en unité
monétaire constate) et que l'effort budgétaire par ancien
combattant a en réalité significativement diminué.
1. Une forte diminution des crédits budgétaires
Entre 1998 et 2002, les crédits du budget des anciens combattants ont diminué de 15,7 % en unité monétaire constante (soit de 10,1 % en unité monétaire courante).
Evolution des crédits du budget des anciens combattants (1)
|
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
En millions de francs |
25.944 |
25.062 |
24.548 |
24.088 |
23.793 |
23.318 |
En millions d'euros |
3.955 |
3.821 |
3.742 |
3.672 |
3.627 |
3.555 |
Evolution annuelle (en %) |
- |
- 3,4 % |
- 2,1 % |
- 1,9 % |
- 1,2 % |
- 2,0 % |
Source : SEDAC
(1) Il s'agit des crédits inscrits en loi de finances initiale, à
structure budgétaire constante (le périmètre du budget
pour 2001 est retenu)
2. Les évolutions contrastées de la population combattante
La
population des anciens combattants peut s'apprécier de trois
manières, chacune définissant un périmètre plus ou
moins large :
- le nombre de pensionnés ;
- le nombre de partie prenantes à la dette viagère ;
- le nombre de ressortissants de l'ONAC.
Or, selon la définition retenue, l'évolution de la population est
différente comme l'observait votre commission dès 1998 :
« En réalité, l'analyse de l'évolution de la
population des anciens combattants peut déboucher sur deux types de
conclusions. Si le nombre de pensionnés tend effectivement à
diminuer de plus en plus vite, le nombre de ressortissants de l'Office national
des anciens combattants -c'est-à-dire la population des anciens
combattants au sens large- diminue beaucoup plus
lentement ».
21(
*
)
Or, les évolutions de ces populations continuent de diverger depuis lors.
Ainsi, compte tenu de la mortalité naturelle,
le nombre de
pensionnés
devrait diminuer de 18,8 % sur la période,
à un rythme de l'ordre de 4 % par an.
Evolution du nombre de pensionnés au 31 décembre
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001* |
574.183 |
551.848 |
525.704 |
500.505 |
484.473 |
465.990 |
Source : Ministère des finances - service des
pensionnés
* prévisions
Inversement,
le nombre de parties prenantes à la dette viagère
a, lui, tendance à augmenter compte tenu de l'assouplissement des
conditions d'attributions de la carte du combattant et de l'arrivée
massive à l'âge de 65 ans de la troisième
génération du feu.
Evolution du nombre de parties prenantes à la dette viagère au 31 décembre (1)
|
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001* |
Total |
1.462.325 |
1.470.139 |
1.489.426 |
1.531.889 |
1.614.473 |
1.700.990 |
Dont titulaires de la retraite du combattant |
888.142 |
918.291 |
964.022 |
1.031.384 |
1.130.000 |
1.235.000 |
(1) Les parties prenantes à la dette viagère comprennent les pensionnés et les titulaires de la retraite de combattant. On estime aujourd'hui qu'environ 30.000 personnes cumulent une pension et une retraite.
Source : SEDAC
De son côté, le nombre de ressortissants de l'ONAC se caractérise par une légère décrue, d'ailleurs très délicate à apprécier. Les seules données disponibles 22( * ) sont seulement des évaluations prospectives.
Evolution du nombre de ressortissants de l'ONAC
|
|
1998 |
2003 |
2008 |
2013 |
2018 |
|
Ayants droit |
6.100 |
400 |
0 |
0 |
0 |
14/18 |
Ayants cause |
348.000 |
86.800 |
9.800 |
100 |
|
|
Total |
354.100 |
87.200 |
9.800 |
100 |
|
|
Ayants droit |
905.700 |
687.600 |
33.500 |
145.200 |
39.600 |
39/45 |
Ayants cause |
1.600.700 |
1.564.500 |
1.408.100 |
872.300 |
421.700 |
|
Total |
2.506.400 |
2.252.100 |
1.738.600 |
1.017.500 |
461.300 |
|
Ayants droit |
132.200 |
111.200 |
94.000 |
69.300 |
40.400 |
Indochine |
Ayants cause |
90.100 |
93.900 |
98.000 |
104.400 |
107.200 |
|
Total |
213.300 |
205.100 |
192.000 |
173.700 |
147.400 |
|
Ayants droit |
1.267.100 |
1.273.600 |
1.208.100 |
1.103.000 |
930.400 |
Afrique du Nord |
Ayants cause |
88.200 |
124.600 |
173.500 |
246.300 |
352.800 |
|
Total |
1.355.300 |
1.398.200 |
1.381.600 |
1.349.300 |
1.283.800 |
|
Ayants droit |
42.100 |
57.500 |
72.600 |
87.900 |
102.900 |
Nouveaux conflits |
Ayants cause |
1.800 |
2.400 |
2.800 |
3.400 |
4.000 |
|
Total |
44.100 |
59.900 |
75.400 |
91.300 |
106.900 |
|
Ayants droit |
130.300 |
133.300 |
129.400 |
124.600 |
116.300 |
Hors guerre |
Ayants cause |
76.700 |
78.400 |
80.600 |
83.000 |
87.400 |
|
Total |
207.000 |
211.700 |
210.000 |
207.600 |
203.700 |
Total ressortissants |
Ayants droit |
2.474.500 |
2.263.600 |
1.834.600 |
1.530.000 |
1.229.600 |
Ayants cause |
2.205.500 |
1.950.600 |
1.772.800 |
1.309.500 |
973.100 |
|
Total |
4.680.000 |
4.214.200 |
3.607.400 |
2.839.500 |
2.202.700 |
Source : SEDAC
3. Quel effort budgétaire par ancien combattant ?
Dans
ces conditions, l'analyse de l'évolution de l'effort budgétaire
moyen par ancien combattant devient en définitive un exercice
irréel, voire partial, tant il dépend du champ initialement
retenu.
Il reste que les pensionnés ne représentent aujourd'hui qu'une
petite partie de la population combattante : on compte aujourd'hui environ
480.000 pensionnés alors que le nombre de ressortissants de l'ONAC
est près de dix fois supérieur.
Dès lors, il ne peut en aucun cas être significatif de comparer,
comme le fait complaisamment le Gouvernement, l'évolution des
crédits à celle du nombre de pensionnés.
Il serait tout aussi possible -mais aussi peu convaincant- de retenir le nombre
de parties prenantes à la dette viagère. On pourrait alors
démontrer que, compte tenu de la baisse des crédits et de la
hausse du nombre de parties prenantes, l'effort budgétaire moyen par
partie prenante a diminué de 27,5 % entre 1997 et 2002 en
unité monétaire constante.
Il serait en revanche plus judicieux de comparer l'évolution des
crédits à celle des ressortissants de l'ONAC. Or, de 1997
à 2002, les crédits diminuent de l'ordre de 16 % en
unité monétaire constante alors que le nombre de ressortissants
ne baisse lui que d'environ 8 %.
Au total, les crédits budgétaires ont donc diminué deux
fois plus vite que n'a décru la population des anciens combattants.
Votre commission ne souhaite pourtant pas ici alimenter une querelle
statistique qui ne pourrait être que stérile. Car, en
définitive, c'est plus l'utilisation des ressources budgétaires
que leur montant qui importe. C'est donc principalement à cette aune
qu'il faut évaluer le bilan du Gouvernement.
B. DES AVANCÉES DE PORTÉE INÉGALE
La
présente législature a donné lieu à plusieurs
évolutions favorables qui sont incontestablement à inscrire
à l'actif du Gouvernement.
Votre commission s'en félicite d'autant plus que ces réformes
étaient, pour la plupart, attendues avec impatience par le monde
combattant et souvent suggérées, depuis plusieurs années,
par le Sénat.
Ces avancées, qui poursuivent d'ailleurs largement les réformes
initiées par les précédents gouvernements et qui sont
fréquemment d'origine parlementaire, apparaissent néanmoins de
portée inégale.
1. D'incontestables mesures positives
Les évolutions les plus positives concernant la reconnaissance et la modernisation des institutions
a) L'élargissement des conditions d'accès aux différents titres
Les
conditions d'obtention de la
carte du combattant
ont été
considérablement assouplies.
Ainsi, afin de tenir compte de la nature spécifique de l'engagement en
Algérie compte tenu du risque diffus lié à
l'insécurité provoquée par la situation de
guérilla, la loi de finances pour 1998 a modifié le
critère traditionnel de 90 jours en unité combattante pour
retenir la durée du séjour en Algérie d'un minimum de 18
mois. Les lois de finances pour 1999 et 2000 ont progressivement ramené
cette durée à 12 mois, puis à 4 mois pour les
rappelés par la loi de finances pour 2001.
Votre commission se félicite de l'élargissement de l'accès
à la carte du combattant. Elle regrette néanmoins que les
maintenus, compte tenu de leur situation particulière, éprouvent
encore des difficultés à se voir attribuer la carte du combattant
et suggère en conséquence d'aligner leur régime sur celui
applicable aux rappelés.
De la même manière, les conditions d'attribution du
titre de
reconnaissance de la nation
(TRN) ont, elles aussi, été
élargies. En application de la loi de finances pour 2001, l'attribution
du TRN aux anciens combattants d'Algérie et d'Indochine a
été étendue pour prendre en compte la situation de ceux
présents sur les théâtres d'opération
postérieurement à la date officielle de cessation des combats.
Ainsi, le droit au TRN est désormais ouvert aux anciens combattants
ayant séjourné en Algérie entre le 2 juillet 1962 et le
1
er
juillet 1964 ou ayant servi en Indochine entre le 11 août
1954 et le 1
er
octobre 1957.
Il reste que cette reconnaissance est encore imparfaite. On peut notamment
regretter l'absence d'une décoration liée au TRN pour toutes les
générations du feu, seuls les titulaires du TRN au titre de
l'Afrique du Nord pouvant porter une décoration (à savoir la
« médaille de l'Afrique du Nord »).
b) La meilleure reconnaissance de la troisième génération du feu
Votre
commission ne reviendra pas ici sur l'importance qu'elle attache à la
loi du 18 octobre 1999
, adoptée à l'unanimité des
deux chambres, qui a enfin donné le nom de
« guerre » à une guerre restée trop longtemps
sans nom.
Elle n'insistera pas plus sur la future érection d'un
mémorial
de la guerre d'Algérie
, à Paris, sur lequel seront inscrits
les noms de 22.317 combattants et supplétifs morts pour la France
au cours de ce conflit.
L'importance symbolique de ces initiatives pour assurer enfin une meilleure
reconnaissance de la troisième génération du feu se passe
de commentaire.
Votre commission tient surtout à souligner le
légitime hommage
enfin rendu aux harkis
, à l'initiative du Haut conseil de la
mémoire combattante présidée par le Président de la
République, qui s'est concrétisé, le 25 septembre dernier,
par la célébration d'une journée nationale d'hommage
assortie de l'apposition de plaques commémoratives.
Il devenait en effet indispensable de garantir aux harkis une juste place au
sein de la troisième génération du feu et de la
mémoire de la guerre d'Algérie. Il était ainsi
« grand temps pour la Nation, dont c'est le devoir moral, de
reconnaître leurs sacrifices et leur
dignité ».
23(
*
)
c) La modernisation des institutions du monde combattant
L'ONAC,
l'Institution nationale des Invalides (INI) mais aussi le ministère se
sont engagés, au cours de la présente législature, dans un
louable processus de réforme avec le double souci d'assurer leur
pérennité et d'améliorer la qualité du service
rendu.
Votre commission partage ainsi la philosophie générale de
l'insertion du
département ministériel des anciens
combattants
dans celui de la Défense.
Cette insertion, qui ne va pourtant pas sans heurts, apparaît en effet
comme la solution la plus pertinente pour assurer à l'avenir la gestion
des intérêts matériels et moraux des anciens combattants.
Elle semble en tout cas nettement préférable à un
adossement au ministère des finances -qui risquerait de le limiter
à un simple « ministère des pensions »- ou
à une intégration au sein du ministère à la
solidarité- qui ne manquerait pas de privilégier une logique
d'assistance.
De la même manière, la réforme de l'
ONAC
,
lancée en juin 1998 au travers de la
« Charte pour un
Nouvel Elan »
, était également indispensable.
L'ONAC, grâce à son réseau départemental de
proximité, gère en effet la grande majorité des droits
accordés par l'Etat aux anciens combattants et victimes de guerre :
le droit à réparation, à travers l'attribution de la carte
d'invalidité ou le statut de pupille de la Nation ; le droit
à la reconversion, à travers ses écoles professionnelles
accessibles aujourd'hui aux handicapés civils ; le droit à
la solidarité, grâce à ses aides ponctuelles, ses
prêts et son réseau de maisons de retraite.
Il importait alors de le moderniser pour garantir et renforcer son rôle
d'accueil des anciens combattants.
Votre commission se félicite donc de l'effort entrepris et du
redressement de sa situation financière, même si elle ne peut que
regretter la modicité des dotations budgétaires consacrées
à accompagner cette modernisation et la gestion parfois trop erratique
des restructurations de son réseau de maisons de retraite.
Ce processus de modernisation ne pouvait ignorer
l'Institution nationale des
invalides
(INI).
L'INI tient aujourd'hui encore une place considérable dans la politique
de réparation. Sa spécificité tendait pourtant à
devenir un handicap allant jusqu'à mettre en péril sa
pérennité au moment même où la fin du service
national la fragilisait.
Il importait donc de redéfinir ses rapports avec le système de
santé publique, tout en réaffirmant sa spécificité.
C'est l'objet du projet d'établissement 1998-2002 dont la mise en
oeuvre, et notamment son intégration au service public hospitalier,
n'est toutefois pas achevée.
2. Des actions souvent en demi-teinte
Si plusieurs initiatives du gouvernement allaient dans le bon sens, elles n'en sont pas moins restées plus limitées qu'on aurait pu le souhaiter.
a) Le relèvement bien lent du plafond majorable de la retraite mutualiste
La loi
de finances pour 1998 a indexé le montant du plafond majorable de la
retraite mutualiste sur les pensions militaires d'invalidité en le
fixant à 95 points. Depuis lors, il a été
revalorisé de 5 points chaque année, le présent budget
prévoyant ainsi de le porter à 115 points.
Ces dispositions ont ainsi permis une évolution favorable du plafond
majorable, qui avait accumulé un retard significatif.
La revalorisation n'en reste pas moins bien lente, reportant d'autant
l'arrivée à 130 points qui reste pourtant l'objectif à
atteindre dans les meilleurs délais.
b) Le dégel tardif des pensions des plus grands invalides
La loi
de finances pour 1991 avait institué un « gel » des
plus hautes pensions militaires d'invalidité en excluant du champ
d'application des revalorisations au titre du rapport constant les pensions
dépassant un indice correspondant à la somme annuelle de 360.000
francs.
Touchant des grands invalides gravement handicapés et nécessitant
souvent les soins continus de tierces personnes, cette disposition
particulièrement pénalisante a concerné près de
1.500 pensionnés entre 1991 et 1994.
La loi de finances pour 1995 avait certes supprimé la mesure de
« gel » à compter du 1
er
janvier 1995,
mais elle n'avait pas procédé à la remise à niveau
du point de pension des invalides concernés.
Le Gouvernement, après avoir longtemps privilégié le
statu quo
, a finalement choisi d'enclencher un processus, somme toute
assez long et laborieux, de rétablissement en trois ans de
l'unicité de la valeur du point de pension et de
« dégel » des pensions des plus grands invalides.
Amorcé par la loi de finances pour 2000, ce processus devrait trouver
enfin son aboutissement dans le présent projet de loi de finances.
c) Une extension parfois maladroite des missions du fonds de solidarité
Le
Gouvernement a visiblement cherché à encourager une politique de
solidarité, destinée notamment à désamorcer toute
revendication de retraite anticipée.
Pour cela, il a progressivement étendu les missions du fonds de
solidarité, mais de manière quelque peu désordonnée.
Ainsi, la loi de finances pour 1998 a institué, à la charge du
fonds de solidarité, une allocation de 5.600 francs mensuels nets
pour tous les chômeurs anciens combattants d'Afrique du Nord justifiant
d'une durée d'assurance vieillesse de 160 trimestres, y compris le
temps passé en Afrique du Nord.
Cette mesure n'a eu qu'un effet très transitoire. Le nombre maximum de
bénéficiaires n'a été que de 7.055 en juillet 1998.
Il n'était plus seulement que de 1.543 au 31 décembre 2000.
De même, la loi de finances pour 1999 a supprimé le
« sas » de six mois pendant lesquels tout
bénéficiaire ne pouvait toucher que l'allocation
différentielle avant de se voir attribuer l'allocation de
préparation à la retraite.
Cette mesure de justice et de bon sens a eu plus d'effets. Mais notre
commission ne peut s'empêcher de rappeler qu'elle est née d'une
initiative de son ancien président, notre collègue Jean-Pierre
Fourcade, et de M. Guy Fischer en juin 1998 au moment même où le
Gouvernement déclarait irrecevable la proposition de loi tendant
à accorder la retraite anticipée pour les seuls anciens
combattants chômeurs en fin de droits justifiant de quarante
années de cotisations.
Enfin, la loi de finances pour 1999 a également institué le
bénéfice automatique de l'ARPE pour les salariés
titulaires de la carte du combattant au titre de l'Afrique du Nord cessant leur
activité.
On a vu précédemment les effets pour le moins anecdotiques de
cette mesure puisqu'on ne compte que 32 bénéficiaires.
Aussi, votre commission ne peut, là encore, que regretter que le
Gouvernement n'ait pas choisi de retenir sa proposition d'ouvrir cette mesure
non seulement aux titulaires de la carte du combattant, mais aussi à
ceux du Titre de reconnaissance de la Nation, proposition qui n'aurait pu que
renforcer la portée de ce dispositif.
C. DES ÉCHECS INDÉNIABLES
Il reste
que les points les plus saillants du bilan gouvernemental tiennent en
définitive plus aux lacunes qu'aux réalisations.
Votre commission conçoit bien que tout ne pouvait être fait tout
de suite. Mais elle observe pourtant que le Gouvernement a
délibérément ignoré de nombreuses questions
particulièrement urgentes et importantes.
1. Des débats escamotés
a) La retraite anticipée des anciens combattants d'Afrique du Nord
La
retraite anticipée a longtemps constitué l'attente principale des
anciens combattants de la troisième génération du feu.
Le 8 mai 1997, M. Lionel Jospin, interrogé par le Front uni,
écrivait :
« Concernant la retraite anticipée
pour les anciens combattants d'Afrique du Nord, nous avons, comme vous le
savez, contesté les conclusions du rapport Chadelat qui était
destiné, avant tout, à vous opposer une fin de non recevoir. Nous
devons avoir un dialogue francs, direct et responsable avec les
différentes associations d'anciens combattants afin d'envisager ce qui
peut être effectivement fait.
« Dans un premier temps, nous nous engageons à accorder la
retraite anticipée pour les chômeurs en fin de droits justifiant
de 40 annuités de cotisations diminuées du temps passé en
Afrique du Nord. Cette mesure constituerait un début de reconnaissance
envers les anciens combattants d'Afrique du Nord et permettrait de
répondre à un certain nombre de cas difficiles. »
Cet engagement n'a hélas pas été tenu.
Votre commission n'avait pourtant pas hésité à
« tendre la perche »
au Gouvernement pour lui
permettre de respecter la parole donnée.
Ainsi, le Sénat a examiné en séance publique, le 29 juin
1998, la
proposition de loi de MM. Robert Pagès et Guy Fischer
tendant à accorder la retraite anticipée pour les anciens
combattants chômeurs en fin de droits, justifiant de quarante
années de cotisations diminuées du temps passé en Afrique
du Nord
, sur le rapport
24(
*
)
de notre collègue Guy
Fischer, au nom de votre commission.
Mais le Gouvernement n'a pourtant pas hésité à invoquer
l'article 40 de la Constitution pour repousser cette proposition de loi,
pourtant raisonnable et équitable.
Votre commission le regrette profondément car la retraite
anticipée pour les chômeurs en fin de droits aurait pu apporter
des réponses bien plus adaptées à des situations
très difficiles que l'approfondissement, d'ailleurs bien imparfait, des
dispositifs d'assistance.
b) La diminution de l'âge ouvrant droit à la retraite du combattant
La
diminution de 65 à 60 ans de l'âge ouvrant droit au
bénéfice de la retraite du combattant a constitué,
après la retraite anticipée, la deuxième grande
revendication des associations d'anciens combattants.
Une telle mesure méritait à l'évidence un examen
approfondi dans la mesure où elle constituait non seulement une
compensation à l'absence de retraite anticipée, mais aussi une
significative mesure de solidarité pour les anciens combattants qui sont
nombreux à rencontrer de graves difficultés financières
à partir de 60 ans.
Mais, là encore, le Gouvernement a fait la preuve de sa rigidité
en s'opposant à une telle mesure et en ne daignant même pas
étudier sa faisabilité par étapes.
Le seul geste intervenu en la matière est en définitive d'ordre
essentiellement symbolique et risque d'être pour solde de tout compte.
L'article 63 du présent projet de loi de finances prévoit en
effet de ramener à 60 ans le versement de la retraite du combattant pour
les seuls pensionnés à plus de 10 %. Il ne s'agit en
réalité que d'instaurer une nouvelle dérogation au droit
commun, tendant à transformer en prestation de solidarité cette
mesure de reconnaissance.
Votre commission rappelle en effet que certains détenteurs de la carte
du combattant peuvent déjà bénéficier de la
retraite du combattant dès 60 ans. Il s'agit :
- des anciens combattants résidant dans les départements et
territoires d'outre-mer ;
- des anciens combattants titulaires de l'allocation supplémentaire du
fonds de solidarité vieillesse ;
- des anciens combattants percevant une pension d'invalidité d'au moins
50 % et une allocation d'ordre social.
c) L'indemnisation des orphelins des victimes du nazisme
Le décret du 13 juillet 2000 a institué une indemnisation spécifique des orphelins des personnes victimes de persécutions antisémites, déportées à partir de France et mortes en déportation.
Le
décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000
instituant une mesure de
réparation
pour les orphelins dont les parents ont été
victimes
de persécutions antisémites
• Les bénéficiaires
La mesure concerne les orphelins de toute personne
« qui a
été déportée à partir de France dans le
cadre des persécutions antisémites et a trouvé la mort en
déportation »
, si l'orphelin était mineur à
la date du départ en déportation.
Toutefois, sont exclues de ce droit à réparation les personnes
percevant une indemnité viagère versée par l'Allemagne ou
l'Autriche.
• L'indemnisation
Elle prend la forme :
- soit d'une indemnité en capital de 180.000 francs ;
- soit d'une rente viagère de 3.000 francs par mois.
• Le financement
Le paiement des rentes viagères et des indemnités en capital est
assuré par l'ONAC et est financé sur les crédits inscrits
au chapitre 46-02 du budget des services généraux du Premier
ministre.
La loi de finances initiale pour 2001 avait prévu 200 millions de
francs à ce titre. Le projet de loi de finances rectificatif pour 2001
prévoit l'ouverture de 983 millions de francs
supplémentaires. Le projet de loi de finances pour 2002 prévoit,
lui, l'inscription de 64 millions d'euros (soit 420 millions de
francs).
Au total, ce seront plus de 1,6 milliard de francs qui seront
dégagés à ce titre en 2001 et 2002.
Cette mesure, qui constitue certes une légitime réparation pour
les orphelins de déportés juifs n'ayant jamais été
indemnisés, n'en soulève pas moins de nombreuses incertitudes.
La première incertitude concerne l'exigence d'un décès en
déportation. Ainsi, les orphelins des personnes fusillées ou
massacrées en France, dans le cadre des persécutions nazies, ne
sont pas éligibles à indemnisation.
La deuxième incertitude touche à la limitation du champ
d'application de la mesure aux seuls déportés politiques pour
motifs raciaux. Les déportés politiques pour d'autres motifs et
les déportés résistants en sont exclus.
La dernière incertitude tient à l'imbrication entre cette mesure
de réparation et les autres formes d'indemnisation qui avaient pu
intervenir antérieurement.
Dès lors, par souci d'équité, il importe manifestement
d'étudier les conditions d'extension de cette mesure, visiblement prise
dans la précipitation, afin d'assurer un traitement équitable de
tous les orphelins des victimes du nazisme.
Mais le Gouvernement se montre sur ce point tout particulièrement
intransigeant, refusant d'ouvrir tout débat sur ce sujet
incontestablement douloureux.
Ainsi, le 31 mai dernier, lors de l'examen du projet de loi portant diverses
dispositions d'ordre social, éducatif et culturel, le Gouvernement a
repoussé un amendement présenté par notre collègue
Michel Charasse, visant à étendre cette indemnisation, en
invoquant fort opportunément son irrecevabilité financière.
Votre commission considère, pour sa part, que la question de
l'indemnisation des victimes du nazisme est trop importante pour se limiter
à de simples questions de recevabilité financière et
souhaite alors que ce débat soit enfin réouvert sur le fond.
2. Des oublis évidents
a) La situation des veuves d'anciens combattants
De 1997
à aujourd'hui, rien n'a été fait en faveur des veuves
d'anciens combattants -qu'il s'agisse des veuves de grands invalides, des
veuves de guerre ou des veuves d'anciens combattants-, hormis l'aumône de
quelques crédits d'action sociale.
Or, celles-ci sont de plus en plus confrontées à des situations
très difficiles.
Ainsi, alors que 4.500 veuves avaient bénéficié d'une aide
financière de l'ONAC en 1997, elles étaient plus de 8.000 dans ce
cas en 2000.
Dans ce contexte, l'inaction du Gouvernement apparaît fort
préjudiciable.
Le Gouvernement avait pourtant laissé espérer une volonté
de « remettre à plat » le dispositif en faveur des
veuves en 2000.
Cette remise à plat, au terme de la législature, apparaît
pourtant lettre morte.
Certes, une « concertation » a été
esquissée sur cette question. Mais les groupes de travail ne se sont
réunis qu'à une seule reprise en septembre 2000.
Certes, le présent projet de budget comporte enfin une mesure en leur
faveur. Mais l'article 62 du projet de loi de finances ne concerne que les
seules veuves des plus grands invalides. Seules 1.500 veuves seraient ainsi
concernées. Rien n'est prévu pour les veuves de guerre et les
veuves d'anciens combattants, alors que l'on compte pourtant quelque 150.000
veuves pensionnées et environ 1,5 million de veuves non
pensionnées.
La carence de l'action du Gouvernement invite alors, une nouvelle fois,
votre commission à rappeler ses propositions sur cette question à
laquelle elle est tout particulièrement attachée
. Elle
souligne, à ce propos, qu'elle est d'ailleurs à l'origine de la
dernière disposition législative en faveur des veuves, la loi de
finances pour 1996 ayant ramené de 57 à 50 ans la condition
d'âge pour bénéficier du supplément exceptionnel.
S'agissant des
veuves d'anciens combattants
, votre rapporteur ne peut
ici que rappeler ses propositions passées :
« Votre rapporteur estime qu'une piste à explorer serait
sans doute d'examiner le coût de la mise en oeuvre d'une
possibilité de réversion, en tout ou partie, de la retraite du
combattant prévu à l'article L. 255 du code des pensions.
« Votre rapporteur n'ignore pas que le législateur en 1932 a
institué cette retraite « en témoignage de la
reconnaissance nationale » et qu'il a expressément
prévu que celle-ci n'était pas réversible.
« Il reste que pour les veuves d'anciens combattants, dont les
ressources sont les plus modestes, la réversion de cette retraite
fournirait un complément de revenu modeste mais non négligeable
et leur procurerait, en outre, la marque de reconnaissance nationale à
laquelle elles peuvent assez légitimement
prétendre. »
25(
*
)
S'agissant des
veuves pensionnées
, votre rapporteur se bornera
également à réitérer ses propositions qui restent
d'actualité.
Une première solution serait d'assouplir les conditions de
réversion des pensions militaires d'invalidité.
A l'heure actuelle, l'ouverture du droit à pension de veuve est fonction
du taux d'invalidité du mari décédé :
- si ce taux est supérieur ou égal à 85 %, la
réversion est automatique. On suppose, en effet, que le
décès est très largement causé par les
conséquences des infirmités pensionnées ;
- si ce taux est compris entre 60 et 85 %, la réversion est
possible, mais la veuve doit faire la preuve que le décès est
directement imputable à l'invalidité pour laquelle l'ancien
combattant est pensionné pour obtenir une pension au taux normal. Or, la
preuve du lien de causalité entre l'invalidité et le
décès reste souvent difficile à établir. Dès
lors, de nombreuses veuves doivent se contenter d'une pension de
réversion à un taux moindre ;
- les veuves d'anciens combattants dont le taux d'invalidité est
inférieur à 60 % ne peuvent prétendre à
l'attribution d'une pension de réversion.
Votre commission est alors favorable à la baisse de 85 à
60 % de la valeur minimale du taux d'invalidité requis pour que la
veuve puisse bénéficier d'une pension de réversion
à taux normal sans avoir à apporter la charge de la preuve.
Une autre solution consisterait à revaloriser sensiblement les pensions
de réversion.
Le montant des pensions de réversion reste en effet très faible.
Ainsi, la pension de réversion au taux normal reste inférieure au
minimum vieillesse.
Une revalorisation pourrait alors prendre plusieurs formes :
- une revalorisation de l'indice de la pension de veuve au taux normal
(indice 500) ;
- un assouplissement des conditions d'attribution de la pension de veuve
au taux spécial (indice 667). Pour que la pension de veuve soit
majorée au taux spécial, la veuve doit avoir plus de 50 ans et
déclarer un revenu imposable inférieur à un plafond. On
pourrait donc augmenter ce plafond qui est actuellement de l'ordre de 70.000
francs. A cet égard, votre commission observe que les veuves de
déportés morts en déportation et les veuves de prisonniers
du Viêt-minh morts en captivité bénéficient du taux
spécial sans autre condition.
Ces propositions montrent que des voies raisonnables existent pour une
meilleure prise en charge des veuves, qui ne peut se résumer, comme
semble le penser le Gouvernement, à une seule amélioration de la
situation des veuves des grands invalides et à une logique
d'assistanat.
b) La décristallisation
Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 1999, le Gouvernement, par la voix du secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants, avait annoncé son souci d'engager un débat sur la décristallisation, reconnaissant notamment les retards en matière de pouvoir d'achat accumulés dans les pays du Maghreb et les conséquences souvent dramatiques liées à la forclusion des droits nouveaux.
La cristallisation
Au cours
des deux guerres mondiales, plus de 1,4 million de soldats venus
d'Afrique, du Maghreb, d'Indochine ou d'autres colonies, sont courageusement
venus combattre sur le territoire national pour participer à la
défense de la République.
Depuis 1959 pour l'Indochine et depuis 1960 pour les autres Etats anciennement
placés sous souveraineté française, les pensions
militaires d'invalidité et les retraites du combattant versées
à ceux qui ont combattu pour le drapeau français sont
« cristallisées » à la valeur atteinte lors
de l'accession à l'indépendance de ces Etats.
Certes, c'est à l'honneur de la France d'avoir maintenu les pensions
même en les cristallisant. D'autres pays, comme la Grande-Bretagne, ont
choisi de les supprimer pour les ressortissants de leurs anciennes colonies.
Au 31 décembre 2000, 29.735 personnes bénéficiaient d'une
pension « cristallisée » et 48.660 d'une retraite du
combattant « cristallisée ».
Les conséquences d'une telle cristallisation sont aujourd'hui de deux
ordres.
D'abord, la valeur actuelle du point d'indice est très disparate selon
les pays. Cela tient aux différentes dates d'accession à
l'indépendance, mais aussi aux revalorisations ponctuelles intervenues
depuis lors de manière distincte selon les pays. Ainsi, alors que la
valeur du point est actuellement de 81,46 francs en métropole, elle
atteint 45,05 francs à Djibouti, 27,97 francs au
Sénégal, mais seulement 9,02 francs en Algérie,
7,77 francs au Maroc et en Tunisie et 3,14 francs dans l'ex-Indochine.
Ensuite, une forclusion pèse
de facto
sur les nouvelles demandes,
qu'il s'agisse d'obtenir l'attribution d'une pension, de demander une
réversion de la pension d'invalidité ou de reconnaître
l'aggravation d'une invalidité.
Il reste certes possible de prévoir, par voie réglementaire, des
revalorisations et des levées de forclusion. Celles-ci restent cependant
très rares, la dernière remontant à 1995.
Cet engagement n'a pourtant pas été tenu, les mesures prises
depuis lors tenant se résumant avant tout à de simples effets
d'annonces destinés à retarder d'autant les actions
concrètes.
Ainsi, l'article 109 de la loi de finances pour 2001, qui lève la
forclusion pesant sur l'attribution de la retraite du combattant, se contentait
de mettre en conformité la pratique gouvernementale avec le droit, le
Conseil d'Etat ayant précisé, le 26 novembre 1999, que la
cristallisation ne s'opposait pas à l'ouverture de droits nouveaux,
notamment pour l'attribution de la retraite du combattant.
De même, l'article 110 de la loi de finances pour 2001, n'a en
définitive eu pour conséquence que de faire gagner quelques mois
précieux au Gouvernement avant de prendre les mesures
nécessaires. Cet article instituait
« une commission
d'étude de la revalorisation des pensions chargée de proposer des
mesures d'ordre législatif ou réglementaire permettant la
revalorisation des rentes, des retraites et des pensions des anciens
combattants de l'outre-mer »
, ces propositions devant être
présentées six mois après son installation. Mais cette
commission ne s'est réunie pour la première fois que le
23 octobre 2001 retardant d'autant toute proposition d'évolution.
Enfin, la majoration des crédits intervenue à l'Assemblée
nationale
« afin de financer l'ouverture des droits à
pension (...) pour les ayants cause des anciens combattants des anciennes
colonies »
reste aujourd'hui sans la moindre conséquence
juridique.
Votre commission avait, pour sa part, cherché à être plus
constructive.
Elle avait ainsi proposé, lors de l'examen du projet de loi de finances
pour 2000, un amendement visant à :
- lever toute forclusion pesant sur les demandes nouvelles ;
- revaloriser les pensions d'invalidité et les retraites du
combattant de 20 % dans les pays qui ont accumulé le plus de
retard : Maghreb et Indochine.
Elle considère que cette initiative, à laquelle le Gouvernement
avait opposé l'article 40 de la Constitution, reste aujourd'hui encore
une proposition équitable et raisonnable et constitue toujours une base
de discussion pertinente.
c) Le rapport constant
Le
mécanisme du rapport constant est sensé permettre une
revalorisation du point d'indice des pensions militaires d'invalidité de
manière à leur assurer une évolution similaire à
celle des traitements dans la fonction publique.
Pourtant, et bien que modifié par l'article 123 de la loi de finances
pour 1990
26(
*
)
, ce
mécanisme reste contesté, notamment par les associations
d'anciens combattants qui lui reprochent sa complexité, son
opacité et son manque de dynamisme.
Le Gouvernement, qui s'était engagé à
« établir une plus grande lisibilité des
mécanismes du rapport constant »
27(
*
)
, n'a pourtant pas su mener
à bien sa nécessaire réforme.
Une première tentative en 1999 s'est soldée par un échec.
Le 23 octobre 2001, M. Jacques Floch a annoncé, devant la commission
chargée d'émettre un avis sur la modification de la valeur du
point de pension militaire d'invalidité, son intention de choisir une
nouvelle base de calcul et un nouvel indice d'évolution. Mais cette
initiative reste aujourd'hui sans lendemain.
d) Les incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes
On
estime qu'environ 45.000 personnes -le plus souvent des très jeunes
filles et des très jeunes garçons- ont été
incorporés de force, à partir de 1941 en Alsace-Moselle, dans les
formations paramilitaires allemandes du Reicharbeitsdienst (RAD) et du
Krieghilfsdienst (KHD). C'est à leur profit qu'a été
créé, par l'arrêté ministériel du 2 mai 1984,
le certificat d'incorporé de force dans les formations paramilitaires
allemandes qui a été attribué à
5.390 personnes.
Pour autant, l'indemnisation de ces victimes de l'annexion de fait reste encore
en suspens.
Alors que les incorporés de force dans l'armée allemande ont
bénéficié d'une indemnisation accordée par la
fondation « Entente franco-allemande », les
incorporés de force dans les formations paramilitaires attendent
toujours une indemnisation.
Une solution raisonnable apparaît aujourd'hui à portée
de main. Mais, depuis 1998, le Gouvernement s'est toujours refusé
à faire le geste budgétaire qui permettrait de clore enfin ce
dossier.
Le comité directeur de la fondation « Entente
franco-allemande » a en effet accepté, le 25 juin 1998,
d'élargir le bénéfice de l'indemnisation des
incorporés de force dans l'armée allemande (d'un montant de
9.100 francs) aux anciens du RAD ou du KHD.
Mais cet accord subordonne l'indemnisation à une participation de
l'Etat, ce que le Gouvernement a toujours refusé depuis lors, au motif
que
« le Gouvernement ne s'estime pas tenu par cet engagement,
l'accord du 31 mai 1981 n'ayant pas prévu une contribution de la
France à une indemnisation qui relève de la responsabilité
allemande. »
28(
*
)
A l'heure actuelle, ce sont près de 10.000 personnes qui sont les otages
des tergiversations du Gouvernement.
Votre commission regrette alors que le Gouvernement n'ait pas jugé bon
d'inscrire, dans les budgets qui se sont succédé depuis 1999, les
crédits nécessaires
29(
*
)
au règlement définitif
de ce dossier.
3. Des politiques parfois déficientes
Depuis
1997, le Gouvernement a fait de la mémoire l'une de ses priorités.
Force est pourtant de constater que la mise en oeuvre de la politique de la
mémoire n'est pas toujours suffisamment bien maîtrisée.
Dès lors, faute de pilotage clair et de coordination effective, la
politique de la mémoire ne peut aujourd'hui que transmettre un message
brouillé.
a) Des responsabilités éclatées
A
l'heure actuelle, il reste difficile de déterminer qui conduit et met en
oeuvre la politique de mémoire.
Il est vrai que la coordination entre les différents organismes de
pilotage de la politique de la mémoire reste imparfaite.
Le
Haut conseil de la mémoire combattante
, créé par
le décret du 9 janvier 1997 et placé auprès du
Président de la République, est chargé
« d'éclairer le chef de l'Etat sur toutes les questions
relatives au devoir de reconnaissance par la Nation de la sauvegarde de la
mémoire des guerres ou des conflits contemporains et de la
préservation des valeurs du monde combattant »
.
A ce titre, il a pour mission :
- de susciter et favoriser toute mesure utile au renforcement de la
mémoire ;
- de formuler des propositions relatives à la définition du
programme des cérémonies commémoratives ;
- de veiller en toutes circonstances au respect des fondements moraux des
valeurs combattantes.
De son côté, la
Direction de la mémoire, du patrimoine
et des archives
(DMPA) du ministère de la Défense est
compétente dans huit domaines d'intervention :
- les commémorations,
- l'action pédagogique,
- l'information historique,
- l'édition et la production de films,
- les musées,
- les sépultures, monuments commémoratifs et lieux de
mémoire,
- la valorisation du patrimoine et le tourisme de mémoire,
- la gestion des archives.
Parallèlement,
l'ONAC
est également chargé
« d'assurer la gestion des actions de mémoire combattante
au profit de l'ensemble de la communauté nationale ».
Mais, au-delà de ces organismes, les
associations
et les
collectivités locales
mènent également des actions
de mémoire, qui ne s'inscrivent pas forcément dans la
continuité des actions définies au niveau national.
b) Une mise en oeuvre défaillante
Dans
ce paysage éclaté, il devient alors difficile de percevoir les
lignes directrices de la politique de la mémoire qui tend à se
résumer à la juxtaposition d'initiatives d'origines diverses et
rarement coordonnées.
Cet éclatement aboutit en définitive à fragiliser
considérablement la mise en oeuvre de la politique de mémoire qui
ne transmet plus qu'un message brouillé.
Ainsi, la reconnaissance législative de la guerre en Algérie, qui
visait notamment à rétablir à sa juste place la
troisième génération du feu dans notre mémoire
collective, a été assombrie par la résurgence du
débat, souvent inutilement polémique, sur la torture durant la
guerre d'Algérie.
Plus récemment, la journée nationale d'hommage aux harkis en
septembre dernier, a été presqu'immédiatement suivie par
des initiatives locales, pas toujours opportunes, sur les
événements parisiens du 17 mars 1961.
De la même manière, et pour un conflit aussi lointain que la
première guerre mondiale, la politique de la mémoire peine
à véhiculer une vision cohérente.
On aurait pu imaginer que l'évocation du premier conflit mondial
tendrait avant tout à
« constater qu'est toujours vivant le
souvenir de la Nation toute entière rassemblée dans
l'épreuve »
30(
*
)
.
Mais il a aussi
été l'occasion, quelque peu maladroite, pour certaines des plus
hautes autorités de l'Etat, d'insister sur le sort des
« fusillés pour l'exemple » ou, plus
récemment, d'alimenter de stériles polémiques dans les
messages transmis aux maires pour être lus le 11 novembre devant les
monuments aux morts.
Au total, ces exemples soulignent les limites des conditions actuelles de mise
en oeuvre de la politique de la mémoire, qui reste aujourd'hui
incohérente et peu lisible, compte tenu de l'absence de coordination
dans sa définition.
*
* *
Constatant que le projet de budget pour 2002 s'inscrivait
dans la
continuité des budgets présentés pendant la
présente législature et ne permettait pas d'apporter des
réponses adaptées aux principales préoccupations des
anciens combattants, votre commission a émis un avis défavorable
à l'adoption des crédits des anciens combattants.
Elle a en revanche émis un avis favorable à l'adoption des
articles 61, 62, 63, 64 et 64
bis
(nouveau) du projet de loi de finances
pour 2002 rattachés à ce budget.
Elle a enfin adopté trois amendements tendant chacun à
insérer un article additionnel après l'article 64
bis
.