B. LE RECENTRAGE DES ACTIONS D'INSERTION VERS LES PUBLICS LES PLUS EN DIFFICULTÉ

L'un des principaux traits marquants de ce projet de budget du travail consiste dans le rééquilibrage réalisé entre les dispositifs d'insertion des personnes les plus éloignées de l'emploi.

Ce rééquilibrage prend une triple forme :

- le ciblage des contrats aidés d'insertion sur les publics les plus en difficulté ;

- le soutien réaffirmé aux structures d'insertion par l'économique ;

- un effort soutenu en faveur de l'insertion professionnelle des travailleurs handicapés.

1. Un meilleur ciblage des contrats aidés

Les crédits consacrés aux contrats aidés sont en diminution sensible, notamment pour les contrats aidés dans le secteur non-marchand.

Evolution des crédits en faveur des contrats aidés
et des mesures d'insertion

(en millions d'euros)

LFI 2002

PLF 2003

Evolution

Contrat emploi-solidarité (CES)

1.015,6

279,5

- 72,5 %

contrat emploi consolidé (CEC)

999

959

- 4 %

Emplois - ville

6,7

0

ns

Contrat de retour à l'emploi (CRE)

9,9

9,9

6 %

contrat initiative-emploi (CIE)

781,4

483,9

- 38,1 %

stages d'insertion et de formation à l'emploi (SIFE) et stages d'accès à l'entreprise (SAE)

394,9

360,1

- 8,8 %

TOTAL

3.207,5

2.092,4

- 34,8 %

Cette diminution des crédits témoigne, en réalité, de la volonté du Gouvernement de poursuivre le recentrage de ces dispositifs vers les publics les plus en difficulté, qui se traduit alors logiquement par une diminution prévisible du nombre des entrées dans ces dispositifs en 2003.

Evolution du nombre de contrats aidés
et mesures d'insertion

(en flux d'entrées annuels)

2001

2002

2003

Réalisé

Prévision budgétaire

Prévision de réalisation

Prévision budgétaire

CES

294.544

260.000

252.000

80.000

CEC

47.062

45.000

40.000

30.000

CIE

90.870

90.000

70.000

70.000

SIFE collectifs

102.195

90.000

93.000

80.000

SIFE individuels

24.618

25.000

25.000

25.000

SAE

17.577

20.000

18.500

20.000

TOTAL

576.866

530.000

498.500

290.000

Cette diminution relève d'une double logique :

- d'abord, un recentrage accéléré des mesures vers les publics les plus éloignés de l'emploi , le présent budget s'inscrivant à cet égard dans le prolongement des budgets précédents.

Depuis plusieurs années, la part des publics prioritaires croît fortement dans ces dispositifs. Sont ainsi considérés comme public prioritaire les chômeurs de longue durée inscrits depuis plus de trois ans à l'ANPE ; les bénéficiaires du RMI sans emploi depuis un an ; les allocataires de l'allocation spécifique de solidarité sans emploi depuis un an ; les allocataires de l'allocation parent isolé sans emploi depuis un an ; les travailleurs handicapés ; les personnes âgées de plus de 50 ans sans emploi depuis un an ; les jeunes de 16 à 25 ans accompagnés dans le cadre du programme TRACE.

On est ainsi passé de 53 % de bénéficiaires d'un CES appartenant à un public prioritaire en 1998 à 88,5 % en 2001 en France métropolitaine. Ainsi, 37 % des personnes en CES sont bénéficiaires du RMI, 26 % sont chômeurs depuis plus de trois ans, 19 % sont des jeunes en grande difficulté et 12 % sont des travailleurs handicapés.

De même, pour les CIE, la part des publics prioritaires s'est également renforcée, passant de 68 % en 1997 à 86 % en 2001.

- ensuite, une réorientation des crédits en faveur des emplois aidés vers le secteur marchand .

Les diminutions de crédits affectent, en effet, principalement les contrats aidés dans le secteur non marchand (CEC et surtout CES).

A l'inverse, la diminution des crédits en faveur du CIE ne devrait pas limiter le nombre d'entrées dans ce dispositif. On observera à ce propos qu'une telle diminution apparaît être la conséquence directe des dispositions de la loi de finances initiale pour 2002 qui, à son article 141, a réformé le dispositif 12 ( * ) , avec pour effet de limiter sensiblement son attractivité 13 ( * ) .

Votre commission partage ce souci de recentrage des contrats aidés qu'elle appelait de ses voeux dans son dernier avis budgétaire.

Elle considère, en effet, qu'il importe de cibler ces contrats, dont le coût budgétaire reste élevé 14 ( * ) , sur les publics les plus en difficulté, mais aussi d'améliorer leur efficacité en matière d'insertion. Cette dernière apparaît encore bien trop faible. Ainsi, la dernière enquête réalisée en 2001 sur le devenir des personnes en CES, six mois après leur sortie du dispositif, montre que 41 % d'entre eux sont au chômage, 25 % occupent un nouveau CES ou un CEC, et seulement 18 % ont un emploi non aidé.

Il reste que les restrictions prévues par le présent projet de budget sur les CES n'ont pas manqué de susciter une certaine émotion, notamment chez les professionnels de l'insertion. Il est vrai que ces contrats peuvent constituer une réponse adaptée pour prévenir un chômage prolongé des personnes les plus en difficulté qui sont souvent les premières victimes du retournement de la conjoncture.

Dans ces conditions, votre commission ne peut que se féliciter que le Gouvernement ait décidé d'assouplir quelque peu sa position sur ce point.

Initialement, le projet de budget traduisait un double encadrement de ce dispositif :

- un encadrement quantitatif, le recentrage du dispositif sur les publics prioritaires ramenant le flux cumulé d'entrée en CES en 2003 à 80.000 personnes, contre 250.000 probablement en 2002 ;

- un encadrement financier, une circulaire du 5 septembre dernier ayant diminué à compter du 1 er octobre, le taux de la prise en charge financière par l'Etat de ces contrats pour les nouveaux contrats conclus après cette date : en application de cette circulaire, les CES ne peuvent plus être pris en charge par l'Etat aux taux majorés de 90 % ou 95 %, seuls les taux réglementaires de 65 % et 85 % étant applicables.

Depuis, le Gouvernement est revenu en partie sur ce double encadrement.

Il a, en effet, annoncé sa décision de maintenir un rythme de conclusion moyen d'environ 20.000 nouveaux contrats par mois ; cela correspond alors à une quasi-stabilisation des flux d'entrées.

En outre, une nouvelle instruction du ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité du 24 octobre dernier permet le maintien des taux majorés jusqu'à 95 % -et jusqu'au 31 juillet 2003- dans deux cas :

- pour les jeunes en grande difficulté, et notamment ceux engagés dans le programme TRACE et ceux qui sont suivis par la protection judiciaire de la jeunesse, dans la mesure où ils ne peuvent intégrer dans l'immédiat le programme « jeunes en entreprise » ;

- pour les publics accueillis dans les chantiers d'insertion.

Le coût supplémentaire de ces « assouplissements » n'implique pas, dans l'immédiat, une majoration des crédits budgétaires, comme l'a indiqué le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité lors de son audition par votre commission. Les crédits inscrits au budget permettent, en effet, de financer d'ores et déjà 160.000 entrées, dont la moitié par le report de crédits de 2002 sur 2003. On rappellera, à ce propos, que 384 millions d'euros de crédits avaient du être reportés fin 2001, faute d'avoir été consommés. Ce montant est supérieur au montant des crédits prévus par le budget pour 2003. Le complément de crédits pourra alors être inscrit, selon les besoins constatés, dans le collectif 2003. A cet égard, votre commission croit qu'il serait également possible de mieux mobiliser les crédits du Fonds social européen, encore trop mal sollicités.

Pour autant, votre commission juge souhaitable d'engager une réflexion d'ensemble sur la modernisation de nos dispositifs d'insertion des publics les plus en difficulté, qui ne peut à l'évidence se résumer à la seule dimension de leur régulation budgétaire.

Le Gouvernement a, d'ores et déjà annoncé son intention de mettre en place un nouveau « contrat d'insertion dans la vie sociale » (CIVIS), qui pourrait être effectif dès la mi-2003. Lors de son audition par notre commission, M. François Fillon a précisé les grandes lignes de ce futur contrat. Réservé aux jeunes de 18 à 25 ans d'un niveau de formation inférieur ou égal au baccalauréat, ce contrat serait géré de manière décentralisée, les missions locales évaluant les capacités des jeunes et leur proposant un contrat personnalisé. Ce contrat pourrait, notamment, prévoir une bourse d'accès à l'emploi, une aide à la création d'entreprise ou le financement d'actions humanitaires. Il ouvrirait la possibilité d'une prise en charge, sur 3 ans, de 80 % du salaire du jeune travaillant dans une association ou pour l'éducation nationale, et reposerait sur une intervention importante des collectivités locales (et notamment les régions pour son volet formation).

Le Gouvernement a également indiqué envisager, conformément aux propositions d'un récent rapport du commissariat général au Plan 15 ( * ) , la fusion des CES et des CEC dans le cadre d'un nouveau contrat unique, dont les caractéristiques pourraient être modulables afin de mieux répondre aux besoins des publics concernés.

Ces premières pistes apparaissent intéressantes. Mais votre commission estime, pour sa part, que cette réflexion devrait s'inscrire dans un cadre plus global afin d'intégrer l'ensemble des mesures en faveur des personnes les plus éloignées de l'emploi (CIE, SIFE, SAE).

Tous ces instruments ont leurs mérites, mais aussi leurs faiblesses. Leur articulation est loin d'être toujours claire et leurs résultats en matière d'insertion durable sur le marché du travail sont, pour le moins, contrastés. Aussi, tous ces dispositifs semblent devoir être réexaminés en profondeur afin de renforcer notamment leur dimension professionnalisante et leur adéquation avec les besoins du marché du travail.

* 12 Elle prévoyait son recentrage vers les publics prioritaires, une modulation de l'aide selon les publics accueillis et la suppression de l'exonération spécifique de charges sociales.

* 13 On constate, en effet, une nette diminution des entrées dans ce dispositif entre le premier semestre 2001 et le premier semestre 2002 pendant lequel seuls 27.000 CIE ont été conclus.

* 14 Les coûts moyens de ces dispositifs sont : 3.756 euros pour un CES, 25.145 euros pour un CEC pour une durée moyenne constatée de 3, 4 ans.

* 15 Rapport de l'instance d'évaluation présidée par M. Yves Robineau, « les mesures d'aide aux emplois en secteur non marchand », février 2002.

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