PRÉAMBULE : UNE RÉFORME HISTORIQUE ET ATTENDUE
I. LE CONTEXTE DÉMOGRAPHIQUE ET FINANCIER
A. DES FACTEURS DÉMOGRAPHIQUES CONNUS
Comme l'a souligné le Premier ministre, M. Jean-Pierre Raffarin, lors de la discussion du présent projet de loi à l'Assemblée nationale, « le temps de la lucidité démographique est venu » s'agissant de l'évolution du système de retraite français.
Plus précisément, d'après M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, s'exprimant lors de la discussion à l'Assemblée nationale, « entre 2006 et 2010, la France subira les effets d'un ciseau démographique sans précédent, avec le départ massif à la retraite des générations du papy-boom (...). A partir de 2010, le vieillissement s'accélère globalement et massivement,(...) principalement du fait de l'allongement de la durée de la vie. Et nous savons déjà que les échéances de 2010, et même de 2020, sont plutôt des points d'étape que des points d'arrivée ».
D'après les informations statistiques existantes, rassemblées notamment dans le rapport du Conseil d'orientation des retraites (COR) de 2001 1 ( * ) , si les tendances démographiques de la période récente se maintiennent, la population de la France métropolitaine devrait augmenter jusqu'en 2040 pour atteindre, à cette date, un maximum de 64,5 millions d'habitants. Selon cette projection, en 2040, 21,6 millions d'habitants, soit environ une personne sur trois auraient plus de 60 ans, alors qu'en 2000, 12,1 millions d'habitants avaient plus de 60 ans, soit une personne sur cinq . Ainsi, la modification de la répartition par âges de la population conduirait sur la période 2000-2040 à une augmentation très sensible du rapport entre le nombre de personnes de plus de 60 ans et celui des personnes de 20 ans à 60 ans.
1. Les raisons de la dégradation du ratio de dépendance démographique
Le ratio de dépendance démographique qui mesure le rapport entre le nombre de personnes en âge d'être à la retraite et le nombre de personnes d'âge actif devrait se dégrader d'ici 2040 sous l'effet de l'arrivée à l'âge de la retraite des générations du baby boom d'une part, et de l'allongement de la durée de la vie, d'autre part.
Evolution en projection des ratios de dépendance démographique suivant diverses conventions
2000 |
2005 |
2035 |
2040 |
De 2000 à 2040 |
|
60 ans et + / 20-59 ans |
0,383 |
0,386 |
0,713 |
0,730 |
+ 0,347 |
62,4 ans et + / 18,3-62,4 ans* |
0,315 |
0,318 |
0,583 |
0,611 |
+ 0,296 |
58,8 ans et + / 21,7-58,8 ans** |
0,428 |
0,436 |
0,792 |
0,821 |
+ 0,393 |
* Bornes calées sur les comportements d'activité de 1969.
**Bornes calées sur les comportements d'activité de 1997.
Source : INSEE, calcul COR
En outre, l'alourdissement du ratio de dépendance démographique prévu pour l'avenir s'accompagne d'une rupture importante par rapport au passé. Si jusqu'à présent le nombre de personnes d'âge actif et le nombre de personnes en âge d'être à la retraite croissaient simultanément, les évolutions seront, à compter de 2005-2010, de sens inverse (effet de ciseaux démographique). A partir de ce moment, la tranche d'âge 20 ans -59 ans verra ses effectifs diminuer. En effet, les départs à la retraite des générations du baby boom ne seront pas compensées par les entrées dans la vie active des nouvelles générations moins nombreuses du fait de la baisse des naissances constatée à partir du milieu des années 70. En même temps, l'arrivée à 60 ans des générations du baby boom accélèrera la croissance du nombre de personnes en âge d'être à la retraite. Par ailleurs, la baisse continue de la mortalité n'aura plus qu'une incidence limitée sur le nombre de personnes de 20 ans à 59 ans, car les taux de mortalité avant 59 ans sont déjà faibles aujourd'hui tandis que les plus de 60 ans devraient bénéficier largement des progrès de l'espérance de vie prévues pour l'avenir.
Evolution de la population par tranche d'âge
Source : COR 2001
a) L'allongement de la vie
Parallèlement à l'allongement de l'espérance de vie à la naissance, il faut noter une augmentation de l'espérance de retraite ou espérance de vie à 60 ans. Cette dernière a cru fortement depuis 1950 et devrait continuer à progresser d'environ un an et demi par décennie. Sans distinction de sexe, elle est passée de 17 ans en 1950 à 23 ans en 2000, et devrait atteindre 29 ans en 2040.
On note ainsi une « explosion » des classes d'âge au-dessus de soixante ans dans un premier temps puis celles au-dessus de 75 ans et 80 ans dans un deuxième temps.
Espérance de vie à 60 ans : évolution et gain en années par période décennale
Date |
Espérance de vie à 60 ans |
Période |
Gain par période de 10 ans |
||
Hommes |
Femmes |
Hommes |
Femmes |
||
1950 |
15,4 |
18,4 |
|||
1960 |
15,7 |
19,5 |
1950-1960 |
0,4 |
1,2 |
1970 |
16,2 |
20,8 |
1960-1970 |
0,5 |
1,3 |
1980 |
17,3 |
22,4 |
1970-1980 |
1,1 |
1,5 |
1990 |
19,0* |
24,2 |
1980-1990 |
1,7** |
1,8 |
2000 |
20,2 |
25,6 |
1990-2000 |
1,2 |
1,4 |
2010 |
21,7 |
27,1 |
2000-2010 |
1,5 |
1,5 |
2020 |
23,2 |
28,5 |
2010-2020 |
1,5 |
1,4 |
2030 |
24,6 |
29,8 |
2020-2030 |
1,4 |
1,3 |
2040 |
25,9 |
31,0 |
2030-2040 |
1,3 |
1,2 |
Lecture : en 1990, les hommes avaient une espérance de vie à 60 ans de dix-neuf années (valeur marquée*), soit un accroissement de 1,7 ans (valeur marquée **) au cours de la décennie 1980-1990.
Source : INSEE, calcul COR
b) L'arrivée à l'âge de la retraite des générations du « baby boom »
Dans un premier temps, l'arrivée à l'âge actif des générations du baby boom a favorisé l'équilibre des régimes de retraite. Le passage à l'âge de la retraite de ces mêmes générations met fin à cette situation démographique favorable et provoque un effet de « marche d'escalier » qui ne se produit qu'une fois mais de façon irréversible. Le baby boom s'étant étendu sur une trentaine d'années, cet effet ne sera complet qu'entre 2030 et 2040 et à partir de ce moment seulement, toutes choses égales par ailleurs, seul l'effet de l'allongement de la durée de la vie continuera à jouer sur l'équilibre du système de retraite.
D'après les informations contenues dans le rapport précité du COR, un peu plus de la moitié de la croissance du ratio de dépendance démographique provient de l'arrivée à l'âge de la retraite des générations du baby boom .
Evolution du ratio de dépendance démographique
Analyse des facteurs d'évolution
2000 |
2010 |
2020 |
2040 |
De 2000 à 2040 |
|
60 ans et plus/20-59 ans à taux de mortalité projetés |
0,38 |
0,43 |
0,54 |
0,73 |
+ 0,35 |
60 ans et plus/20-59 ans avec maintien des taux de mortalité de 2000 |
0,38 |
0,43 |
0,51 |
0,61 |
+ 0,23 |
Source : INSEE, calcul COR
2. D'autres facteurs démographiques plus incertains
Les évolutions démographiques ayant une influence sur l'avenir du système de retraits sont également dépendantes de trois facteurs constituant des éléments d'incertitude.
a) Le taux de fécondité
Depuis un quart de siècle, l'indice conjoncturel de fécondité s'établit à 1,8 enfant par femme. Or, l'INSEE constate que les dernières générations ont eu au moins deux enfants en moyenne. La France affiche ainsi aujourd'hui le taux de fécondité le plus élevé des quinze pays de l'Union européenne.
Le taux de 2,1 enfants par femme devrait être atteint vers 2015. Ce redressement du taux de fécondité n'aura cependant une incidence sur les résultats des projections qu'à compter de 2020, quand cette nouvelle génération viendra abonder les effectifs de la population active.
b) Le taux de mortalité
Si les experts s'accordent à penser que le gain d'espérance de vie, loin de se stabiliser, va se poursuivre à un rythme soutenu, certains éléments font défaut pour éclairer l'avenir : incidence du rapprochement des comportements féminins et masculins en termes de consommation d'alcool et de tabac, montée de la précarité ou, en sens inverse, progrès de la médecine et de la prise en charge des personnes âgées, recul de la dépendance.
c) Le solde migratoire
Le solde migratoire s'est établi en moyenne, depuis 1945, à un niveau inférieur à 80.000 personnes par an. Au total, en 1995, le solde cumulé se chiffre à 3,5 millions de personnes auxquelles viennent s'ajouter 1,5 million de rapatriés. Pour l'avenir, les différentes hypothèses examinées par le COR, montrent que l'impact de ce facteur reste limité.
Au total, l'impact sur le nombre de cotisants par retraité des hypothèses de fécondité, de mortalité et de solde migratoire doit être considéré à l'horizon 2040 comme de faible portée .
* 1 Retraites : renouveler le contrat social entre les génération, orientations et débat - premier rapport 2001 - Conseil d'orientation des retraites.