B. UNE RÉFORME DU LYCÉE ENGAGÉE SUR DES BASES SAINES
1. Lutter contre la hiérarchisation des voies et des filières et flexibiliser les parcours
La réforme du lycée, dont les grandes orientations ont été présentées par le Président de la République le 3 octobre 2009, tend à réduire les sorties sans qualification du système éducatif, qui concernent 130 000 élèves environ chaque année, et à améliorer la transition vers les études supérieures, où 80 000 bacheliers échouent dans les premières années.
Votre rapporteur estime que le lycée a déjà su se moderniser avec la création des voies technologiques et professionnelles dont le succès explique largement l'élévation du niveau des qualifications depuis vingt-cinq ans. En effet, en 1980, 26 % d'une classe d'âge parvenait au baccalauréat contre 66 % aujourd'hui. Les succès du lycée ne doivent donc pas être occultés.
Cependant, une relance est nécessaire afin de lutter contre des maux biens connus : une orientation subie et par l'échec, une hiérarchisation des voies et des filières, des parcours rigides en tuyaux d'orgue, une articulation déficiente avec l'enseignement supérieur.
Votre rapporteur s'est depuis longtemps engagé en faveur de la reconnaissance de l'égale dignité des filières professionnelles, technologiques et générales parce qu'il était convaincu de l'égale dignité des jeunes. Les nouveaux lycées issus de la réforme doivent donner à chaque jeune l'opportunité de développer pleinement ses facultés sans l'obliger à se conformer à un modèle d'excellence unique. Tout enfant porte en lui des qualités et des potentialités qui doivent être encouragées.
Les propositions avancées par le ministre de l'éducation nationale rejoignent sur ce point les préoccupations de votre rapporteur. L'assouplissement des orientations en ouvrant la possibilité de corrections de trajectoires entre les séries du lycée général et technologique va dans le bon sens. Les stages passerelles en cours d'année ou en fin d'année devront permettre d'offrir des compléments de programme suffisants pour donner à l'élève toutes les chances de réussir dans sa filière d'arrivée.
Les deux heures d'accompagnement personnalisé permettront non seulement de sécuriser les parcours de jeunes engagés dans une filière mais aussi de faciliter la transition d'élèves changeant de filières. Votre rapporteur souhaite toutefois que les leçons de l'aide personnalisée instituée dans le primaire et de l'accompagnement personnalisé en lycée professionnel soient prises en compte dans le calibrage de ce dispositif introduit au lycée général et technologique. Les enseignants devront impérativement recevoir une formation pour les aider à dégager des pédagogies appropriées .
Plus généralement, il faudra se donner les moyens humains et financiers de proposer des passerelles efficaces entre les trois voies professionnelle, technologique et générale aux jeunes qui le souhaitent. C'est pourquoi une information préalable des élèves dès les classes de 3 e et de Seconde devrait être assurée pour s'assurer que les familles connaissent l'existence de ces passerelles, les modalités d'inscription et de déroulement, ainsi que les exigences scolaires supplémentaires qu'elles imposent.
Au sein du lycée général, la filière scientifique a pris un poids considérable. À la rentrée 2008, 131 344 élèves étaient inscrits en Première S, contre 74 893 en Première ES et 42 157 en Première L. Ces statistiques ne reflètent pas un engouement des lycéens pour les sciences ; la faiblesse des inscriptions dans les disciplines scientifiques à l'université prouve plutôt l'inverse. C'est bien plutôt le signe que la filière S est conçue comme la filière générale au sein du lycée général, c'est-à-dire la seule filière qui n'enferme pas l'élève dans un parcours balisé mais lui laisse ouvertes au contraire toutes les portes, y compris le droit, les écoles de commerce ou les études littéraires. La flexibilisation des parcours que rendront possible les stages de remise à niveau ou de compléments de programme et les passerelles ne peut dès lors qu'être bien reçue par les élèves et les familles.
Demeure la question de la désaffection de la filière L , dont les effectifs diminuent et dont les débouchés se rétrécissent proportionnellement au succès de la filière S. Plusieurs possibilités sont évoquées pour rehausser le statut de la filière L : y introduire ou y renforcer la place des mathématiques et de la culture scientifique, insister sur les langues étrangères et lui donner une vocation internationale, renforcer la dimension artistique comme prolongement de l'introduction de l'histoire des arts au primaire et au collège. Toutes ces pistes sont intéressantes mais doivent être conciliées les unes avec les autres sans augmenter la charge de travail déjà lourde des élèves.
Il pourrait être envisagé de recomposer la filière L autour de deux pôles, qui donnera lieu à un choix d'options à la carte pour les élèves, en fonction du parcours qu'ils souhaitent construire.
Le premier pôle à dominante historique incorporerait des enseignements spécifiques d'histoire des sciences et d'histoire des arts. En effet, l'histoire des sciences, dont la pratique ne nécessite pas nécessairement l'utilisation d'un formalisme mathématique rebutant, serait un excellent moyen de développer la culture scientifique des élèves de la section littéraire et de briser le mythe de l'élève rêveur, réfractaire à la conceptualisation. Cet enseignement pourrait être enrichi en Terminale par une ouverture vers la sociologie et la philosophie des sciences et ponctué de stages d'observation dans des laboratoires, dans des entreprises de technologie de pointe, chez des éditeurs scientifiques ou d'institutions de financement de la recherche. Par ailleurs, l'enseignement d'histoire des arts, similairement élargi à l'esthétique et à la sociologie du marché de l'art en Terminale, pourrait comprendre des journées de découverte de ce milieu professionnel ou des interventions en classe de conservateurs, d'éditeurs, de commissaires-priseurs, d'experts.
L'autre pôle autour duquel graviterait la filière L rénovée pourrait être consacré aux langues étrangères , notamment aux langues vivantes. Une troisième langue vivante serait introduite en première avec un horaire renforcé pour assurer une maîtrise complète des bases en fin de Terminale. Ce pôle aurait une vocation internationale affirmée : il doit permettre aux élèves de suivre des cours dans leurs LV1 et LV2 et de poursuivre éventuellement leurs études à l'étranger dès après le baccalauréat, s'ils le souhaitent.