II. LES AUTRES POLITIQUES TRANSVERSALES
A. LES SYSTÈMES D'INFORMATION, D'ADMINISTRATION ET DE GESTION
L'action 5 « Systèmes d'information, d'administration et de gestion » regroupe les dépenses relatives à la conception, à la réalisation et au maintien en condition opérationnelle des systèmes d'information nécessaires au fonctionnement de la plupart des organismes du ministère.
1. L'évolution des crédits
Pour 2018, les crédits consacrés aux systèmes d'information, d'administration et de gestion (SIAG) varient à la hausse en AE (148,3 M€ soit + 17,5 %), à la suite de la dotation prévue au profit du projet « Source Solde ». Il est prévu d'affecter 19,3 M€ de crédits pour notamment :
- acquérir des licences dans le cadre du déploiement au sein de l'armée de l'air et du service de santé des armées ;
- assurer le renfort en ressources humaines nécessaire au traitement des soldes à blanc de l'armée de terre ;
- couvrir les évolutions liées au traitement de la solde.
La diminution constatée en CP (137,7 M€ soit -6,3 %) porte essentiellement sur l'activité « Acquisition de matériels serveurs et stockage », le renouvellement des serveurs obsolètes des principaux systèmes d'information des ressources humaines ayant été effectué en 2017.
Les crédits de paiement sont consacrés à hauteur de 95,8 M€ au fonctionnement, et à hauteur de 41,9 M€ à l'investissement .
La ressource permettra de couvrir notamment :
- la maintenance des systèmes d'information des ressources humaines (SIRH), le maintien en condition opérationnel de Louvois, la maintenance du système de gestion du personnel civil Alliance ainsi que son module de gestion administrative de la paie intégré, soit 32 M€ de CP (+ 10,3 %) ;
- la reconduction de l'acquisition globalisée de logiciels et de services à travers des accords-cadres négociés avec les éditeurs Microsoft, SAP-BO, Oracle et ESRI, en application de la politique de rationalisation des achats de la fonction systèmes d'information et de communication : 30 M€ de CP (-1,62 %) ;
- la consolidation de la convergence des systèmes d'information logistique (SIL) par milieu (terre, air, mer) et le système logistique de la fonction des systèmes d'information de la direction interarmées des réseaux d'infrastructure et des systèmes d'information : 16 M€ de CP (-10 %) ;
- la poursuite du projet Source Solde, qui doit remplacer le logiciel Louvois : 21 M€ de CP soit -7,6 %.
Notre collègue Joëlle Garriaud-Maylam a récemment interrogé le ministère des armées, au sujet du renouvellement de l'accord-cadre avec Microsoft , dans le cadre d'un contrat parfois qualifié dans les médias de contrat « open bar Microsoft-défense ».
Ce contrat permet en l'état une diminution des coûts , et un maintien de la continuité du fonctionnement des systèmes . Il n'en soulève pas moins de légitimes questions, s'agissant de notre souveraineté sur des systèmes d'information critiques, tels que ceux employés par la défense. Le ministère a prévu la mise au point, en 2018, d'une feuille de route concernant l'introduction du logiciel libre , qu'il convient en effet d'encourager.
Contrat Microsoft-défense : réponse du ministère des armées « (...) Le ministère des armées a fait le choix de signer, en 2009, le premier accord-cadre, de gré à gré, avec la société Microsoft Irlande qui dispose de l'exclusivité de la distribution des licences Microsoft en Europe. Cette solution a permis de soutenir une partie du parc Microsoft déjà déployé au sein du ministère au moyen d'un support contractuel désormais unique, induisant d'importantes économies, ainsi que la mise en place d'une gestion centralisée, avec un nombre réduit de configurations. (...) Les termes « open bar », qui ont été parfois utilisés afin de qualifier le contrat global Microsoft, ne reflètent aucunement la réalité du fonctionnement de cet accord-cadre. En effet, si le ministère peut ajuster annuellement, durant l'exécution du contrat, la cartographie logicielle en fonction de la configuration réelle détaillée de son système d'information, cette évolution reste circonscrite par les strictes limites du plafond fixé. Dès lors, les coûts sont prévisibles et ajustés au strict besoin dans le cadre d'un pilotage continu de l'exécution du contrat. (...) « L'accord-cadre et son marché subséquent pour la période 2013-2017 arrivant à échéance en mai 2017, un nouvel accord-cadre ainsi qu'un marché subséquent, négociés de façon globale, ont été notifiés en décembre 2016. Afin de garantir la continuité de fonctionnement du système d'information ministériel, la date du début des prestations a été fixée au 1er juin 2017. Les conditions financières négociées de ce contrat ont été améliorées, entraînant, par rapport à la période précédente, une dépense annuelle inférieure. Au total, ces accords-cadres successifs ont permis au ministère d'acquérir une maîtrise croissante du déploiement, de la maintenance, de la qualité de service et des coûts de la partie de son socle technique commun reposant sur des produits Microsoft. Le ministère a ainsi très largement amélioré la situation par rapport à celle qui prévalait jusqu'en 2008, notamment sur le plan financier. Par ailleurs, il est précisé que le rançongiciel « WannaCry » n'a pas impacté le ministère des armées qui, s'agissant du contrôle des risques en matière de cybersécurité, considère qu'il n'est ni réaliste ni indispensable de construire des systèmes d'information uniquement sur la base de matériels et de logiciels entièrement maîtrisés de façon souveraine. « En effet, les mécanismes de sécurité mis en oeuvre par le ministère ne reposent pas uniquement sur la confiance dans les logiciels et les matériels, mais s'appuient également, d'une part, sur des choix d'architecture adaptés et des mesures organisationnelles, notamment dans la cyberdéfense, permettant de contenir les risques, d'autre part, sur un investissement ciblé dans des dispositifs qui sont entièrement maîtrisés nationalement (sondes, dispositifs logiciels et matériels de chiffrement...), développés par le ministère et l'agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) et choisis en cohérence avec l'architecture retenue. « Plus généralement, il peut être observé qu'une forme de dépendance est inévitable dès lors que l'État ne réalise ou ne maintient pas lui-même la totalité des logiciels utilisés et des compétences nécessaires. Dans ce contexte, le ministère est donc très vigilant afin de disposer d'une visibilité pluriannuelle en matière de maîtrise et de prévisibilité des coûts et de qualité du service, concernant tout particulièrement le maintien des conditions de sécurité. Les accords-cadres conclus avec la société Microsoft s'inscrivent dans cette logique, tout en préservant une grande souplesse et en définissant de façon claire et précise les conditions contractuelles de sortie. (...) « Il convient de préciser que le socle de base du système d'information du ministère ne sera pas refondu avant plusieurs années. Néanmoins, le ministère des armées, conscient des potentialités offertes par le logiciel libre, va réexaminer la possibilité d'y avoir recours à l'avenir, plus largement. Une feuille de route pour le ministère des armées, indiquant à la fois le calendrier et les applications pour lesquelles il serait pertinent de passer au logiciel libre, sera établie courant 2018. » Source : Réponse du Ministère des armées, JO Sénat du 24 août 2017, p. 2723 |
2. Louvois « sous contrôle » ?
« S'agissant du logiciel Louvois, s'il reste des difficultés, la crise est désormais sous contrôle », a affirmé M. Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l'administration du ministère des armées, à votre commission 18 ( * ) . Les erreurs commises par le logiciel ont en effet connu une diminution conséquente (cf précédemment, première partie). Son coût demeure toutefois élevé.
a) Le coût global de Louvois
Vos rapporteurs ont interrogé le ministère sur le coût global de Louvois, qui fait l'objet d'estimations parcellaires.
Le coût initial du logiciel Louvois (études, acquisition, assistance) est estimé à environ 80 M€ , y compris les charges de personnel.
Le montant total des surcoûts induits par les dysfonctionnements du logiciel est d'environ 145 M€ depuis 2013 . Ce surcoût est lié à des renforts en personnel et à de l'assistance à maîtrise d'ouvrage dans divers organismes, afin de fiabiliser le paiement de la solde.
Surcoût de Louvois
Année |
Surcoût |
2013 |
21,9 M€ |
2014 |
37,5 M€ |
2015 |
36 M€ |
2016 |
25 M€ |
2017 |
25 M€ |
Total |
145,4 M€ |
Sources : Cour des comptes, ministère des armées.
Ces montants n'incluent toutefois ni le montant des indus non recouvrés , ni le coût du programme Source Solde .
S'agissant des indus, 15 % d'entre eux, soit près de 80 millions d'euros , ont été abandonnés (prescription, remise gracieuse, annulation, admission en non-valeur).
Situation des indus en juin 2017 (en M€)
Juin 2017 |
|
Indus constatés |
531,1 |
Indus notifiés |
439,7 |
Indus recouvrés |
339,2 |
Indus abandonnés |
78,32 |
Source : réponses au questionnaire de vos rapporteurs pour avis
Si la crise générée par Louvois semble aujourd'hui, pour une large part, surmontée, vos rapporteurs déplorent cette catastrophe qui a affecté nombre de militaires et appellent à la plus grande vigilance lors du passage à « Source Solde » .
b) L'avancement du projet « Source Solde »
Décidé en 2013, le projet de remplacement du système Louvois a été confié à la direction générale de l'armement (DGA).
Le marché a été notifié le 22 avril 2015 à la société Sopra-Steria à l'issue d'un dialogue compétitif. La réalisation du système est aujourd'hui terminée. Les tests de conformité sont finalisés à plus de 90 %. Des tests opérationnels préalables à la mise en service se répartissent en deux phases :
- une phase de « solde à blanc » : elle permet de s'assurer que Source Solde fonctionne correctement. Cette phase a débuté le 23 février 2017 pour la Marine nationale ;
- une phase de « solde en double », prévue pour le premier semestre 2018, consiste à procéder au calcul comparé de la solde dans les deux systèmes.
Un module complémentaire en vue de l'intégration du prélèvement à la source de l'impôt fait également l'objet de tests.
La mise en service de Source Solde sera progressive : d'abord dans la Marine nationale, puis dans l'Armée de terre, le Service de santé des armées, et enfin dans l'Armée de l'air, à un horizon actuellement fixé à 2020.
Vos rapporteurs appellent à la grande prudence, étant donné le caractère quelque peu périlleux de ce passage au nouveau logiciel, avant l'aboutissement du chantier de réforme des rémunérations , et alors même que les dysfonctionnements de Louvois sont actuellement contenus .
* 18 Audition de Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l'administration du ministère des armées, par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat le 11 octobre 2017.