INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
La fonction publique compte 5,48 millions d'agents, répartis entre l'État (44 % des agents), les collectivités territoriales (35 %) et les hôpitaux (21 %).
Au printemps 2018, le Gouvernement a ouvert quatre chantiers de concertation avec les représentants syndicaux concernant la place des agents contractuels dans la fonction publique, la simplification du dialogue social, la rémunération individualisée des agents et l'aide à la mobilité.
Votre commission a pris part à cette réflexion en formulant quatorze propositions d'avenir pour la fonction publique territoriale, notamment afin d'harmoniser le temps de travail des agents et de donner plus de souplesse aux employeurs 2 ( * ) .
Par définition, l'avis budgétaire « fonction publique » porte prioritairement sur la fonction publique de l'État, dont les plafonds d'emplois sont fixés par le projet de loi de finances (PLF). En prévoyant la suppression nette de 4 164 équivalents temps plein (ETP), le PLF pour 2019 semble d'ailleurs beaucoup moins ambitieux que les engagements pris par le Gouvernement au début du quinquennat (supprimer 50 000 ETP en cinq ans dans la fonction publique de l'État).
De manière plus spécifique, le programme 148 (« fonction publique ») du PLF concerne les actions interministérielles de gestion des ressources humaines. Piloté par la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP), il est intégré à la mission « gestion des finances publiques et des ressources humaines ».
Malgré son intitulé générique, ce programme n'intervient qu'à titre subsidiaire dans le financement de la formation des agents et de l'action sociale, en appui des dispositifs ministériels. Dans le PLF pour 2019, il est doté de 206,91 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP), soit environ 0,04 % du budget général de l'État.
Enfin, au-delà du PLF pour 2019, votre rapporteur a souhaité analyser le développement des primes dans les trois versants de la fonction publique ainsi que la gestion des emplois de direction dans la fonction publique territoriale.
I. LES EFFECTIFS ET LA MASSE SALARIALE DE L'ÉTAT : DES EFFORTS INSUFFISANTS, ILLUSTRANT DES INCERTITUDES STRATÉGIQUES
A. UNE BAISSE TIMIDE DES EFFECTIFS DE L'ÉTAT ET UNE NOUVELLE AUGMENTATION DE SA MASSE SALARIALE
1. Supprimer 50 000 ETP en 5 ans : un engagement difficile à tenir
Le Gouvernement s'est engagé à supprimer 120 000 équivalents temps plein (ETP) pendant le quinquennat, dont 70 000 dans la fonction publique territoriale et 50 000 dans la fonction publique de l'État 3 ( * ) (en incluant les ministères et les opérateurs de l'État 4 ( * ) ).
L'année dernière, votre rapporteur avait déploré les efforts insuffisants du Gouvernement : en 2018, seuls 1 660 ETP (solde net) ont été supprimés dans la fonction publique de l'État.
Elle émet les mêmes réserves pour l'exercice 2019 : le PLF prévoit de supprimer 4 164 ETP, ce qui semble très en-deçà des engagements gouvernementaux.
Comme en 2018, les opérateurs (- 2 593 ETP, soit 62,3 % de l'effort) sont davantage mis à contribution que les ministères (- 1 571 ETP, soit 37,7 % de l'effort).
Les secteurs prioritaires sont préservés comme l'intérieur (+ 2 278 ETP, opérateurs inclus), la justice (+ 1 300 ETP) et les armées (+ 450 ETP). À l'inverse, l'effort porte principalement sur le secteur économique et financier (- 2 593 ETP), le travail (- 1 618 ETP) et la transition écologique et solidaire (- 1 078 ETP). Les effectifs du premier employeur de l'État, l'éducation nationale, baissent également (- 1 813 ETP), alors qu'ils avaient été stabilisés en 2018.
Schémas et plafonds d'emplois des ministères et des opérateurs (en ETP)
Source : commission des lois du Sénat, à partir du PLF pour 2019
Deux ans après le début du quinquennat, seuls 5 824 ETP seront supprimés dans les ministères et chez les opérateurs 5 ( * ) . Pour respecter ses engagements, le Gouvernement devra encore supprimer 44 176 ETP d'ici 2022, soit environ 14 725 ETP par an .
Pour M. François Ecaille, président de l'association Finances publiques et économie (FIPECO), « supprimer 50 000 postes reste encore possible mais devient de moins en moins crédible » 6 ( * ) . En outre, les réductions d'effectifs votées au titre du PLF pour 2022 produiront leurs effets lors du quinquennat suivant.
2. Une nouvelle augmentation de la masse salariale de l'État
Dans le PLF pour 2019, la masse salariale de l'État s'établit à 88,3 milliards d'euros hors pensions , soit 19 % du budget général. Entre 2017 et 2019, elle a augmenté de 3,61 milliards d'euros (+ 4,26 %).
Pour la seule année 2019, la masse salariale progresse de 1,35 milliard d'euros, malgré le gel du point d'indice de la fonction publique. Cette évolution s'explique notamment par :
- l'effet mécanique du glissement vieillesse-technicité (GVT, + 300 millions d'euros en 2019 7 ( * ) ) ;
- des choix politiques comme la création de nouveaux emplois en 2018 (+ 100 millions d'euros) et des mesures catégorielles prises en faveur des agents (+ 600 millions d'euros).
Parmi ces mesures catégorielles, la reprise de l'accord « parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) coûtera, pour la seule fonction publique de l'État, 380 millions d'euros en 2019 .
L'accord PPCR Le protocole « parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) est le fruit d'une négociation entre le précédent gouvernement et les organisations syndicales, ouverte le 7 octobre 2014 et clôturée le 17 juillet 2015. Couvrant les trois versants de la fonction publique, ce protocole comprend deux mesures principales : - transformer une partie des primes des fonctionnaires en points d'indice , pour harmoniser les rémunérations des agents mais aussi augmenter les pensions des futurs retraités 8 ( * ) ; - rénover les grilles indiciaires , pour étendre l'amplitude entre le début et la fin de carrière et conforter le traitement indiciaire des fonctionnaires. À l'issue du protocole PPCR, la rémunération annuelle d'un infirmer aura par exemple augmenté de 1 246 euros bruts, celle d'un attaché d'administration de 1 171 euros et celle d'un gardien de la paix de 857 euros 9 ( * ) . Initialement, la mise en oeuvre du protocole devait s'étaler sur quatre ans, entre 2016 et 2020. L'actuel Gouvernement a toutefois reporté d'un an l'ensemble des mesures prévues, en raison des coûts générés 10 ( * ) . L'année 2018 a constitué une « année blanche » et la mise en oeuvre de l'accord PPCR a été allongée jusqu'en 2021. Le coût total de cet accord est estimé à 3,75 milliards d'euros entre 2016 et 2021 .
Coût total du protocole PPCR
(en millions d'euros) Source : direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) |
* 2 « Dialogue et responsabilité : quatorze propositions d'avenir pour la fonction publique territoriale », rapport d'information n° 572 (2017-2018) fait par votre rapporteur au nom de la commission des lois, juin 2018. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :
www.senat.fr/rap/r17-572/r17-5721.pdf .
* 3 À titre de comparaison, 35 687 ETP ont été créés dans la fonction publique de l'État au cours du précédent quinquennat (2012-2017), dont 29 027 dans les ministères et 6 660 chez les opérateurs.
* 4 Les opérateurs sont des organismes placés sous la tutelle de l'État et qui exercent une mission de service public comme, par exemple, les universités ou Météo France. Leurs effectifs sont hétérogènes : ils comprennent des fonctionnaires, des agents contractuels de droit public mais également des agents contractuels de droit privé.
* 5 Ce nombre correspondant à la somme des emplois supprimés en loi de finances pour 2018 et dans le projet de loi de finances pour 2019.
* 6 Propos rapportés par la revue Acteurs publics le 27 août 2018.
* 7 Le GVT correspond à la hausse de la rémunération individuelle d'un fonctionnaire du fait de son avancement sur la grille indiciaire (composante « vieillesse ») et/ou d'un changement de grade après une promotion interne (composante « technicité »).
* 8 La pension de retraite des fonctionnaires est calculée à partir de leur indice et non de leurs primes. Accroître leur indice permet donc de rehausser leur pension.
* 9 Source : réponses au questionnaire budgétaire.
* 10 Décret n° 2017-1736 du 21 décembre 2017 portant report de la date d'entrée en vigueur de certaines dispositions statutaires relatives à la modernisation des parcours professionnels, des carrières et des rémunérations et applicables aux fonctionnaires de l'État, aux fonctionnaires territoriaux et aux fonctionnaires hospitaliers.
* 11 Le solde négatif constaté en 2018 est lié au report d'un an des mesures de l'accord PPCR mais également à la modification de durées d'échelon dans le versant territorial et le versant hospitalier.