B. LES CONCOURS FINANCIERS DE L'ÉTAT AUX COLLECTIVITÉS RESTENT STABLES

Les crédits ouverts au titre de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » financent des dépenses budgétaires destinées aux collectivités territoriales et à leurs groupements. Ils constituent une fraction des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales, qui représentent eux-mêmes une part seulement des transferts financiers de l'État aux collectivités territoriales (42,3 %). Au total, la mission « Relations avec les collectivités territoriales » ne représente qu'un montant modeste de ces transferts financiers (3,3 %).

Architecture des transferts financiers de l'État
aux collectivités territoriales

Source : commission des lois du Sénat

Les concours financiers de l'État aux collectivités territoriales, qui représentent 49,1 milliards d'euros en 2020, augmentent légèrement par rapport à 2019 avec un gain de 576 millions d'euros. Cette hausse n'est pas due à la mission « Relations avec les collectivités territoriales » mais au dynamisme de la TVA affectée aux régions (qui connaît une augmentation de 128 millions d'euros) ainsi qu'à la progression de l'investissement des collectivités territoriales , ce qui conduit mécaniquement à une hausse du fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) de l'ordre de 351 millions d'euros. Le montant de la DGF est stable et atteint 26,9 milliards d'euros pour 2020 4 ( * ) .

Au sein des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales, la mission « Relations avec les collectivités territoriales » représente 7,8 % du montant du total de ces concours .

Répartition des concours financiers de l'État
aux collectivités territoriales
en autorisations d'engagement pour 2020

Source : annexe « Transferts de l'État aux collectivités territoriales »
au PLF pour 2020

C. LA MISSION « RELATIONS AVEC LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES » VOIT SES CRÉDITS DIMINUER EN RAISON DE MESURES DE PÉRIMÈTRE

Les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » s'élèvent à 3,81 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 3,45 milliards d'euros en crédits de paiement pour 2020. Ils connaissent entre 2019 et 2020 une baisse nette de 2,1 % en autorisations d'engagement, tandis que les crédits de paiement augmentent légèrement de 0,4 %.

Cette mission est composée de deux programmes : le programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements », qui représente 93,8 % des crédits (3,58 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 3,26 milliards d'euros en crédits de paiement) et le programme 122 « Concours spécifiques et administration » qui représente 6,2 % des crédits (235 millions d'euros en autorisations d'engagement et 195,8 millions d'euros en crédits de paiement).

1. Le programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et leurs groupements »
a) Les dotations générales de décentralisation (actions n° 2, 4, 5 et 6), une stabilité en trompe-l'oeil

Les dotations générales de décentralisation (DGD), regroupées au sein des actions n° 2, 4, 5 et 6, restent gelées en 2020. Elles représentent en tout 1,55 milliard d'euros, répartis en fonction de la collectivité destinataire (communes, départements, régions ainsi que divers concours particuliers versés indistinctement à plusieurs niveaux de collectivités).

Le principe de compensation a présidé au mouvement de décentralisation dès 1983 5 ( * ) : tout transfert de compétences de l'État vers les collectivités territoriales doit s'accompagner du transfert des ressources correspondantes, sans quoi les collectivités ne seraient pas en mesure d'en assurer effectivement l'exercice. Ce principe fondamental a été consacré par la Constitution, à l'occasion de la réforme constitutionnelle de 2003 6 ( * ) . L'article 72-2 de la Constitution prévoit désormais que « tout transfert de compétences entre l'État et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi. »

Derrière son apparente simplicité, il existe en réalité des fondements juridiques divers au droit à la compensation.

Le droit à la compensation :
un principe aux modalités d'application diverses

L'État est tenu d'apporter une compensation financière intégrale, concomitante et indexée à des collectivités pour l'exercice de compétences dans quatre cas distincts, reposant sur des fondements juridiques différents .

Le transfert de compétences (articles 72-2 de la Constitution et L. 1614-1 du code général des collectivités territoriales)

Dans le cas où l'État transfère une compétence qu'il exerçait auparavant à des collectivités territoriales, il est tenu d'apporter des ressources « équivalentes aux dépenses effectuées, à la date du transfert, par l'État au titre des compétences transférées » (au titre de l'article L. 1614-1 du code général des collectivités territoriales).

La compensation est donc égale à la charge financière que supportait l'État pour l'exercice de la compétence au moment de son transfert. En ce qui concerne son évolution postérieure, le principe d'une évolution égale à celle de la dotation globale de fonctionnement est posé dès 1982 dans la loi (article 102 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions ). Ce principe n'est cependant plus respecté depuis 2012 (article 30 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 ) et le gel de cette compensation à son niveau de 2009 ( cf . infra ).

Toutefois, lorsque des compétences sont transférées au maire en tant qu'agent de l'État, elles n'entrent pas dans le champ de l'article 72-2 puisque cette compétence n'est pas exercée par une collectivité à proprement parler mais au nom de l'État 7 ( * ) . Cet argument s'avère néanmoins peu opérant dans la pratique : que ces compétences soient exercées au nom de l'État ou de la collectivité, elles se traduisent par des dépenses supplémentaires pesant sur le budget de la commune. Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs reconnu que ce type de transferts peut constituer un accroissement des charges financières à même de peser sur l'organisation des services municipaux et donc d'entraver la libre administration des communes 8 ( * ) .

La création de compétences (articles 72-2 de la Constitution et L. 1614-1-1 du code général des collectivités territoriales)

Dans le cas où le législateur octroie une nouvelle compétence aux collectivités territoriales, il accompagne cette création de ressources correspondantes uniquement si l'exercice de cette compétence est rendu obligatoire. Le législateur dispose d'un pouvoir d'appréciation en la matière, mais la compensation doit naturellement être suffisante pour ne pas constituer une entrave au principe de libre administration 9 ( * ) .

L'extension de compétences (articles 72-2 de la Constitution et L. 1614-1-1 du code général des collectivités territoriales)

L'extension de compétences est soumise au même régime que la création de compétences. Elle consiste en l'élargissement du périmètre ou en la modification de la nature ou de l'objet d'une compétence dont l'exercice est déjà assuré par les collectivités territoriales, ayant pour conséquence de créer une charge supplémentaire pour celles-ci. Le droit à une compensation financière n'est garanti que si l'extension présente un caractère obligatoire et le législateur en détermine le niveau et les modalités sous la réserve qu'ils n'entravent pas la libre administration des collectivités territoriales.

Le Conseil constitutionnel a précisé qu'une disposition législative aménageant les conditions d'exercice d'une compétence (sans en élargir le périmètre ni en modifier la nature ou l'objet) n'ouvrait pas nécessairement droit à compensation 10 ( * ) .

La modification par voie réglementaire des règles relatives à l'exercice des compétences transférées (article L. 1614-2 du code général des collectivités territoriales)

Lorsque l'État, par les modifications réglementaires qu'il adopte sur une compétence transférée, crée une charge supplémentaire pour les collectivités en assurant l'exercice, il est tenu de compenser celle-ci.

L'article L. 1614-2 du code général des collectivités territoriales dispose que « toute charge nouvelle incombant aux collectivités territoriales du fait de la modification par l'État, par voie réglementaire, des règles relatives à l'exercice des compétences transférées est compensée ».

Néanmoins, lorsque l'État adopte par voie réglementaire des mesures de portée générale renchérissant le coût pour les collectivités de l'exercice d'une compétence, il n'est pas nécessairement tenu d'en assurer la compensation. Il est toutefois impératif que ces mesures soient de portée générale et n'affectent pas un seul niveau de collectivités territoriales.

La compensation financière de l'octroi d'une compétence peut être réalisée par l'attribution du produit d'un prélèvement sur recettes, le transfert d'une part de fiscalité ou par une dotation générale de décentralisation 11 ( * ) . Dans ce dernier cas, la compensation est librement utilisée par la collectivité bénéficiaire 12 ( * ) : les ressources ne sont pas affectées par catégorie ou nature de dépense a priori.

Les DGD sont pour l'essentiel incluses dans le programme 119 de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » 13 ( * ) . Elles sont gelées depuis 2012 à leur niveau de 2009 , à l'exception d'éventuels nouveaux transferts amenant de nouvelles compensations.

La DGD des communes, qui représente comme les années précédentes 103,3 millions d'euros 14 ( * ) , compense cinq types de dépenses :

- l'élaboration par les communes et groupements de communes de documents d'urbanisme 15 ( * ) , en particulier les coûts liés aux études nécessaires pour l'établissement de tels documents (23,3 millions d'euros) ;

- le financement des services communaux d'hygiène et de sécurité 16 ( * ) , qui représente le premier poste de dépenses de cette action, avec 90,6 millions d'euros ;

- l'entretien de la voirie nationale de la ville de Paris 17 ( * ) (15,4 millions d'euros) ;

- l'entretien et le fonctionnement de certains monuments ayant fait l'objet d'un transfert à des collectivités territoriales 18 ( * ) (0,6 million d'euros) ;

- la délivrance, dans certaines communes, des autorisations de changement d'usage des locaux à usage d'habitation (0,5 million d'euros), compétence auparavant exercée par le représentant de l'État 19 ( * ) .

La DGD des départements (265,4 millions d'euros) abonde pour l'essentiel une enveloppe dite « de droit commun », d'un montant stable de 264 millions d'euros . Elle a pour objet de compenser des charges de personnel transférées de l'État vers les départements ainsi que diverses compétences (gestion des collèges à sections binationales et internationales). Elle finance également, à hauteur de 1,4 million d'euros, les dépenses engagées par le département de la Guyane pour le transport scolaire par voie fluviale 20 ( * ) .

La DGD des régions représente 25,5 % des crédits du programme 119 et 59,1 % du total des DGD avec un montant total de 913,7 millions d'euros, stable après une légère augmentation en 2019 de l'ordre de 4,7 millions d'euros 21 ( * ) . Elle abonde principalement l'enveloppe dite « de droit commun » (598,6 millions d'euros) dont l'objectif est, de même que pour les départements, de compenser des charges de personnel ainsi que certaines compétences récemment transférées. La DGD des régions finance également la dotation de continuité territoriale versée à la collectivité de Corse, à hauteur de 187 millions d'euros 22 ( * ) . Elle compense enfin les charges supportées par le Syndicat des transports d'Île-de-France (STIF) en matière de gestion des transports scolaires (128,1 millions d'euros).

Enfin, la DGD abonde certains concours particuliers de l'État vers plusieurs niveaux de collectivités territoriales (action n° 6). Ces crédits, qui regroupent 236,3 millions d'euros, sont répartis en cinq concours, stables par rapport à 2019 :

- un concours en faveur des autorités compétentes pour l'organisation des transports urbains (dites « ACOTU ») d'un montant de 87,9 millions d'euros ;

- un concours au bénéfice des collectivités gestionnaires de ports maritimes (53 millions d'euros), répartis entre les ports départementaux 23 ( * ) et les ports d'intérêt national 24 ( * ) ;

- un concours compensant le transfert des aérodromes civils de l'État n'étant pas d'intérêt national ou international (4 millions d'euros) ;

- un concours relatif au domaine public fluvial d'un montant de 2,6 millions d'euros, très légèrement majoré en 2020 de 40 571 euros au titre de l'inscription au sein du programme 119 des crédits alloués au domaine public fluvial « Eure et Andelle », auparavant prévus au sein du programme 113 « Paysages, eau et biodiversité » ;

- un concours destiné à financer les investissements communaux et départementaux en faveur des bibliothèques, ciblés sur des constructions ou d'équipement mobilier ou informatique de bibliothèques.

Ce dernier concours, d'un montant de 88,4 millions d'euros, n'est pas strictement une dotation de compensation. Ses deux fractions, qui répartissent cette dotation entre projets de petite ou moyenne importance et projets structurants d'intérêt national ou régional, ont en réalité pour but de favoriser l'investissement des collectivités dans les bibliothèques. Pour une meilleure lisibilité des documents budgétaires et une plus grande cohérence des dotations de l'État aux collectivités territoriales, ce concours gagnerait à être inclus au sein des dotations de soutien à l'investissement , en particulier à celles versées aux communes et groupements de communes 25 ( * ) .

Au-delà de cette question de lisibilité de la programmation budgétaire, votre rapporteur déplore à nouveau le discours du Gouvernement présentant la stabilité des dotations globales de compensation comme un bienfait alors qu'elles représentent pour les collectivités une perte nette .

Les augmentations démographiques et surtout la hausse des prix renchérissent en effet les charges pesant sur les collectivités. Dans ces conditions, l'apparente permanence des dotations de compensation ne peut être qu'une stabilité en trompe-l'oeil . Depuis 2009, date de l'année à partir de laquelle le gel décidé en 2012 a été calculé 26 ( * ) , l'indice des prix à la consommation a augmenté de 10,4 %, dévalorisant d'autant la valeur réelle des dotations générales de compensation . En 2020, les projections de la Banque de France placent le taux d'inflation à un niveau de 1,1 % pour 2020 27 ( * ) . Or, comme le rappelait votre rapporteur l'année dernière, le Conseil constitutionnel a déjà exprimé dans le passé l'opinion selon laquelle les compensations doivent tenir compte de l'érosion monétaire .

Extrait du commentaire du Conseil constitutionnel sur sa décision n° 2004-509 DC du 13 janvier 2005

« (...) Plus précisément, ainsi qu'il vient encore d'être rappelé à propos de l'article 52 de la loi de finances pour 2005, et qu'il avait déjà été considéré à propos du transfert aux départements de la charge du revenu minimum d'insertion :

« - les dispositions du quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution n'imposent pas que les charges transférées (qui peuvent connaître une dynamique propre) soient intégralement couvertes en permanence, après le transfert, par les sommes affectées aux collectivités au titre de la compensation (l'égalité n'est imposée qu'au " coût historique "),

« - elles impliquent néanmoins que, si les ressources de compensation venaient à diminuer en euros constants, il appartiendrait à l'État de maintenir un niveau de ressources équivalant à celui qu'il consacrait à l'exercice des compétences avant leur transfert .

« Cette dernière règle d'indexation sur l'érosion monétaire a été reprise au deuxième alinéa du II de l'article 119 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales. »

L'argument du « coût historique », régulièrement avancé par le Gouvernement pour ne pas revaloriser les dotations générales de décentralisation, ne saurait être accepté lorsque ces dotations financent des transferts de compétences. Dans ces conditions, votre rapporteur ne peut que souligner l'insuffisance de l'engagement pris par le Gouvernement à geler les dotations de compensation .

b) Le soutien de l'État à l'investissement ne progresse pas (actions nos1 et 3)

Les actions n os 1 et 3 regroupent l'ensemble des concours financiers de l'État destinés à soutenir l'investissement des collectivités territoriales. Elles incluent à la fois des dotations d'investissement (qui constituent l'essentiel du programme), des dotations d'investissement ou de fonctionnement (la dotation politique de la ville peut ainsi être consacrée à la fois à des dépenses d'investissement et de fonctionnement), ainsi qu'à titre plus subsidiaire, des dotations de fonctionnement (dotation communale d'insularité par exemple).

Le soutien de l'État à l'investissement local est concentré sur les projets portés par les communes et leurs groupements . Les dotations d'investissement perçues par le bloc communal, d'un montant total de 1,82 milliard d'euros, représentent 89,58 % des dotations d'investissement, les départements se partageant 10,42 % du total, avec 211,86 millions d'euros en autorisations d'engagement 28 ( * ) .

Évolution des dotations relevant des actions n os 1 et 3 du programme 119

(en millions d'euros)

Source : documents budgétaires et commission des lois du Sénat

Les dotations destinées aux communes et à leurs groupements connaissent une très légère augmentation en autorisations d'engagement, de l'ordre de 0,6 % , en raison de l'augmentation de la dotation forfaitaire pour les titres sécurisés (dont le montant est majoré de 6 millions d'euros) et du doublement des crédits alloués à la dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité prévu lors de l'examen du projet de loi à l'Assemblée nationale. Les crédits de paiement connaissent une augmentation nette de 9,6 % destinée à couvrir la progression récente des autorisations d'engagement.

Les dotations destinées aux régions et départements subissent une diminution nette de leur montant de 28,4 % en autorisations d'engagement et de 29,5 % en crédits de paiement . Cette diminution constitue cependant une mesure de périmètre due à la suppression, au sein de la dotation de soutien à l'investissement des départements (DSID), des restes à charge provisionnés en 2019 au titre de l'ancienne dotation générale d'équipement (DGE) des départements.

(1) La dotation d'équipement des territoires ruraux

Le montant de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) reste, après une augmentation de 50 millions d'euros en 2018, inchangé en autorisations d'engagement et atteint 1 046 millions d'euros . Cette stabilité revient, au regard des prévisions d'inflation de 1,1 %, à une diminution en termes réels de 11,5 millions d'euros .

Par ailleurs, cette stabilité de l'enveloppe consacrée à la DETR en autorisations d'engagement correspond mal à l'élargissement récent du périmètre des collectivités et personnes éligibles. Pour mémoire, la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 a modifié les critères d'éligibilité à la DETR :

- en plus des communes, établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et syndicats mixtes déjà éligibles, les maîtres d'ouvrage désignés par un contrat signé entre une commune ou un groupement éligible et le représentant de l'État - par exemple des sociétés d'économie mixte - peuvent désormais percevoir une dotation au titre de la DETR 29 ( * ) ;

- alors que tous les EPCI à fiscalité propre étaient auparavant éligibles à la DETR à l'exception de ceux qui, en métropole, comptaient plus de 75 000 habitants (150 000 dans les départements d'outre-mer et à Mayotte) autour d'une ou plusieurs communes de plus de 20 000 habitants (85 000 dans les DOM et à Mayotte), ont été rendus éligibles tous les EPCI à fiscalité propre qui, dépassant ces mêmes seuils de population en nombre absolu d'habitants, ont cependant une densité de population inférieure à 150 habitants au kilomètre carré 30 ( * ) .

Il est regrettable que la modification des collectivités et personnes éligibles ne se traduise pas par une modification correspondante du montant de l'enveloppe allouée à la DETR. Si le nombre des entités éligibles venait à augmenter, à enveloppe constante et alors que le nombre de projets financés par la DETR a déjà augmenté entre 2017 et 2018 31 ( * ) , le risque de « saupoudrage » s'en trouverait accru 32 ( * ) .

Enfin, l'augmentation significative de 11,6 % en euros constants des crédits de paiement dévolus à la DETR s'explique par la prise en compte de l'augmentation graduelle des autorisations d'engagement consentie depuis 2015.

(2) La dotation de soutien à l'investissement local

La dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), créée en 2016 sous la forme d'un fonds d'investissement et pérennisée en 2018 33 ( * ) , a pour objectif d'apporter un soutien financier à des projets structurants du territoire au niveau régional.

Elle connaît une évolution analogue à celle de la DETR . Les autorisations d'engagement ouvertes au titre de la DSIL sont reconduites à leur niveau de 2019, soit 570 millions d'euros. Cette stabilité est bienvenue, après deux années consécutives de baisse : entre 2017 et 2019, la DSIL a ainsi perdu 266 millions d'euros de crédits 34 ( * ) , soit 31,8 % de son montant de 2017. Elle doit néanmoins s'apprécier au regard de l'inflation et représente en réalité une diminution en euros constants de 1,1 %, soit un manque à gagner de 6,3 millions d'euros.

Les crédits de paiement connaissent une progression sensible de 504 à 527 millions d'euros (soit une augmentation de 4,6 %) destinée à couvrir la hausse graduelle des engagements passés.

(3) La dotation politique de la ville

La dotation politique de la ville (DPV), qui remplace depuis 2015 la dotation de développement urbain 35 ( * ) , ne constitue pas stricto sensu une dotation d'investissement : elle peut financer des dépenses d'investissement comme des dépenses de fonctionnement. La DPV voit également ses crédits reconduits pour 2020 à hauteur de 150 millions d'euros en autorisations d'engagement tandis que les crédits de paiement augmentent légèrement pour tenir compte de l'augmentation graduelle des engagements depuis 2014.

Cette stabilisation amène les mêmes remarques que pour la DETR. Premièrement, la stabilité des crédits n'est pas effective et représente en réalité, en raison de l'inflation, une diminution en euros courants de l'enveloppe . Deuxièmement, le périmètre des collectivités éligibles a été élargi en 2019 :

- parmi les critères d'éligibilité, le ratio entre la population habitant dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville et la population communale totale a été figé à sa valeur de 2016 36 ( * ) ;

- pour qu'une commune soit éligible à la DPV, il fallait auparavant qu'elle l'ait été l'année précédente à la DSU ; si elle comptait 10 000 habitants ou plus, il était en outre nécessaire qu'elle ait figuré parmi les 250 premières communes de la même strate démographique, classées selon un indice synthétique de ressources et de charges ; désormais, il suffit qu'elle ait rempli ces conditions au moins une fois au cours des trois années précédentes ;

- le nombre de communes éligibles, limité à 180, a été déplafonné.

Conditions d'éligibilité à la dotation politique de la ville
à la suite de leur révision en LFI 2019

Les conditions d'éligibilité à la DPV varient selon que la commune bénéficiaire est située en métropole ou au sein d'un département d'outre-mer.

En ce qui concerne les communes de métropole, les conditions d'éligibilité sont définies à l'article L. 2334-40 du code général des collectivités territoriales et comprennent trois volets :

« 1° La commune était éligible à la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale prévue à l'article L. 2334-15 au moins une fois au cours des trois derniers exercices et était classée, en ce qui concerne les communes de 10 000 habitants et plus, au moins une fois parmi les deux cent cinquante premières en application du 1° de l'article L. 2334-16 ;

« 2° La commune présente une proportion de population située dans un quartier prioritaire de la politique de la ville égale ou supérieure à 19 % de la population totale de la commune au sens du premier alinéa de l'article L. 2334-2. À compter de 2019, la population totale prise en compte pour le calcul de ce ratio est appréciée au 1 er janvier 2016 ;

« 3° La commune est citée dans la liste des quartiers qui présentent les dysfonctionnements urbains les plus importants prise en application du II de l'article 9-1 de la loi n° 2003-710 du 1 er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine , constatée au 1 er janvier de l'année de répartition, ou il existe sur le territoire communal au moins une convention pluriannuelle conclue avec l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, telle que visée à l'article 10 de la même loi.

En ce qui concerne les communes des départements d'outre-mer et des collectivités territoriales de Martinique et de Guyane , les conditions d'éligibilité sont prévues à l'article L. 2334-42 du code général des collectivités territoriales :

« Sont éligibles à cette quote-part les communes des départements d'outre-mer de plus de 5 000 habitants sur le territoire desquelles il existe au moins une convention pluriannuelle conclue avec l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, telle que visée à l'article 10 de la loi n° 2003-710 du 1 er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, au 1er janvier de l'année précédant la répartition. Sont également éligibles les communes des départements d'outre-mer et des collectivités territoriales de Martinique et de Guyane citées dans la liste des quartiers qui présentent les dysfonctionnements urbains les plus importants prise en application du II de l'article 9-1 de la loi n° 2003-710 du 1 er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine . »

Ces modifications se sont traduites par une augmentation en 2019 du nombre de communes éligibles, qui sont passées de 180 à 200 (183 en métropole, 17 en outre-mer) 37 ( * ) . Si le risque de « saupoudrage » des crédits reste contenu à l'heure actuelle, votre rapporteur note l'incohérence, dans la perspective d'un soutien effectif aux territoires ciblés, entre la stabilité des crédits et l'élargissement du nombre de communes éligibles .

(4) Autres dotations de soutien aux projets des communes et de leurs groupements

L'action n° 1 du programme regroupe également quatre dotations de moindre importance, qui financent des dépenses de fonctionnement des communes et de leurs groupements :

- la dotation forfaitaire « titres sécurisés », qui connaît une majoration de son montant de 6 millions d'euros pour atteindre 46 millions d'euros (en AE comme en CP), couvre la charge pour les communes du déploiement de nouvelles stations d'enregistrement des demandes de passeports et de cartes nationales d'identité ;

- la dotation « régisseurs de police municipale », qui reste stable à 0,5 million d'euros (en AE comme en CP) ;

- la dotation communale d'insularité, qui a pour but de compenser pour les « îles-communes » de métropole les charges induites par l'insularité, reste également stable à 4 millions d'euros (en AE comme en CP) ;

- enfin, la dotation « Natura 2000 », créée par amendement du Gouvernement lors de l'examen de la loi de finances pour 2019 38 ( * ) , était initialement prévue stable à 5 millions d'euros (en AE comme en CP). Néanmoins, dans sa rédaction issue de son examen à l'Assemblée nationale 39 ( * ) , l'article 78 ter du présent projet de loi de finances a transformé cette dotation en une « dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité ». Il a étendu le périmètre des communes éligibles à celles situées dans un coeur de parc national ou au sein d'un parc naturel marin, ce qui se traduira financièrement par un doublement de la dotation de 5 à 10 millions d'euros, comme l'ont indiqué notre collègue député Joël Giraud, rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, ainsi que la ministre Jacqueline Gourault en séance lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2020 40 ( * ) .

Votre rapporteur attire néanmoins l'attention sur le mécanisme de financement choisi. La dotation « Natura 2000 » était financée en 2019 par un « prélèvement » sur la DGF 41 ( * ) : il s'agissait plus précisément d'une dépense budgétaire imputée sur le programme 119 et financée par une diminution de la DGF. Devant nos collègues de l'Assemblée nationale, la ministre Jacqueline Gourault a annoncé que « le financement de cette dotation devra se faire au travers de la mission “Relations avec les collectivités territoriales” et non de la DGF ; nous le verrons ultérieurement lors de la lecture au Sénat » 42 ( * ) .

Ces propos amènent deux remarques. Premièrement, i l serait bien évidemment incompréhensible que les 5 millions d'euros nécessaires au financement de cette dotation soient prélevés sur les montants alloués à d'autres dotations . Deuxièmement, il est regrettable que le mécanisme de financement opaque décrit supra soit reconduit cette année . Il contredit les propos de la ministre, puisque le financement est assuré de facto par une diminution de la DGF . Votre rapporteur aurait donc été plus favorable à un financement de cette dotation par une hausse de 5 millions d'euros des crédits de la mission dans son ensemble, à montant de DGF constant .

Enfin, dans la mesure où ces dotations financent des dépenses de fonctionnement dues à des charges que les collectivités ne choisissent pas, votre rapporteur s'interroge sur l'opportunité de les inclure dans l'action n° 1, qui regroupe des dotations prioritairement destinées à l'investissement local. Même si elles ne constituent pas des dotations générales de décentralisation 43 ( * ) , ces dotations pourraient être incluses, à l'avenir, dans l'action n° 2, afin d'améliorer la lisibilité des documents budgétaires.

(5) Le soutien à l'investissement des départements

L'action n° 3, qui regroupe les crédits dévolus au « soutien [des] projets des départements et des régions » ne comprend plus que la dotation de soutien à l'investissement des départements (DSID). Les crédits alloués à cette action ont connu d'importantes fluctuations depuis 2017, avec la création puis l'extinction du fonds exceptionnel de soutien aux régions et la transformation de la dotation générale d'équipement (DGE) en DSID.

Les crédits ouverts au titre de cette action connaissent en 2020 une nette baisse en autorisations d'engagement de 84 millions d'euros. Cette diminution est cependant purement périmétrique : les crédits ouverts au titre de la DSID pour 2020 sont égaux à ceux ouverts pour la DGE de 2018, l'année 2019 ayant connu une sur-dotation de 84 millions d'euros en autorisations d'engagement afin d'apurer un reste à charge de DGE datant de 2018.

S'il est trop tôt pour tirer un bilan de la performance de cette nouvelle dotation, votre rapporteur estime que la stabilité en valeur des crédits ouverts au titre de la DGE ou de la DSID entre 2018 et 2020 pose à nouveau problème au regard des prévisions d'inflation et constitue une baisse en euros constants de 1,1 % de cette dotation .

2. Le programme 122 « Concours spécifiques et administration »

Le programme 122 « Concours spécifiques et administration » agrège des crédits poursuivant des objectifs variés. Il finance des aides exceptionnelles aux collectivités locales (action n° 1), diverses dotations à destination de certaines collectivités d'outre-mer, ainsi qu'une part des dépenses de fonctionnement de la direction générale des collectivités locales (DGCL) et des institutions qui y sont associées.

a) Une diminution injustifiée des « aides exceptionnelles aux collectivités territoriales »

Les crédits ouverts pour l'action n° 1 du programme 122 « Aides exceptionnelles aux collectivités territoriales » connaissent une légère baisse entre 2019 et 2020, passant en autorisations d'engagement de 94 à 92 millions d'euros.

Cette diminution s'explique par l'extinction du fonds d'aide aux collectivités accueillant des rassemblements ponctuels d'exceptionnelle importance (2 millions d'euros en AE comme en CP pour 2019). Selon les échanges que votre rapporteur a eus avec la direction générale des collectivités locales 44 ( * ) , les crédits ouverts à ce titre n'ont pas été intégralement consommés, ce qui explique leur non-reconduction. Il est néanmoins regrettable que cette aide soit supprimée après une seule année de budgétisation puisque les remontées du terrain ne font pas état d'une extinction des besoins auxquels elle est censée répondre (aides aux communes accueillant ponctuellement des gens du voyage, dépenses de sécurité exceptionnelles pour des collectivités accueillant des rassemblements, etc .). Faute d'une exécution suffisante du fonds, le choix de sa suppression n'aura pas laissé à ce dispositif, pour modeste qu'il soit, l'opportunité de faire la preuve de son utilité .

À l'exception notable de cette aide, les crédits ouverts en autorisations d'engagement sont constants. Ils connaissent cependant une importante diminution en crédits de paiement, en raison de la diminution progressive des crédits consommés au titre du reliquat des « travaux divers d'intérêt local » et du défaut de crédits de paiement prévus pour le fonds d'urgence pour les départements (destiné à venir en aide à St-Martin) 45 ( * ) .

Dans le détail, l'action n° 1 financera en 2020 les aides suivantes :

- des subventions exceptionnelles aux communes connaissant de graves difficultés financières (2 millions d'euros en AE comme en CP, identique au montant de 2019) ;

- des subventions exceptionnelles pour la réparation des dégâts causés par les calamités publiques, destinées à apporter un soutien financier aux collectivités affectées par de graves événements climatiques ou géologiques, dont le montant en autorisations d'engagement (40 millions d'euros) comme en crédits de paiement (30 millions d'euros) est stable par rapport à 2019 ;

- le reliquat des subventions pour « travaux divers d'intérêt local » (auparavant financées par la réserve parlementaire et dont l'extinction progressive a été décidée en 2017), doté de 18,92 millions d'euros en crédits de paiement afin de couvrir les engagements passés ;

- les aides aux communes concernées par les restructurations territoriales des implantations du ministère des Armées pour lesquelles, comme depuis 2013, aucun crédit nouveau n'est ouvert (les besoins étant couverts par des redéploiements internes) ;

- le fonds d'urgence « pour les départements », consacré exclusivement aux travaux de reconstruction de la collectivité de Saint-Martin à la suite de l'ouragan Irma de 2017, doté de 50 millions d'euros en autorisations d'engagement (après 50 millions d'euros, en AE comme en CP, en 2019).

Comme l'année dernière, votre rapporteur désapprouve le choix du Gouvernement de faire porter la charge financière de ces nécessaires travaux de reconstruction sur l'enveloppe des concours financiers aux collectivités territoriales. Ces travaux relevant de la solidarité nationale, ils devraient être imputés au budget de l'État .

Votre rapporteur attire également l'attention sur l'usage de ces fonds. Comme l'a noté notre collègue Jean-Pierre Sueur dans son rapport sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2019-235 du 27 mars 2019 relative aux dispositions pénales et de procédure pénale du code de l'urbanisme de Saint-Martin , malgré les moyens importants mobilisés 46 ( * ) la reconstruction reste inachevée.

Par ailleurs, comme le souligne le récent rapport adopté par nos collègues de la délégation aux outre-mer 47 ( * ) , la consommation des crédits alloués à la reconstruction de Saint-Martin serait un point de tension entre la collectivité et les services de l'État 48 ( * ) . Sans se prononcer sur le fond du problème, votre rapporteur attire donc l'attention sur un sujet qui, alors qu'aucun crédit de paiement n'a été budgété pour 2020, est susceptible de se présenter à nouveau et de grever l'effort collectif de reconstruction.

b) Action n° 2 : une diminution en raison de mesures de périmètre

L'action n° 2 « Administration des relations avec les collectivités territoriales » finance pour l'essentiel les dépenses de fonctionnement de la DGCL ainsi que des divers organismes dont elle assure le secrétariat. Pour mémoire, ceux-ci incluent :

- le conseil supérieur de la fonction publique territoriale ;

- le conseil national de la formation des élus locaux ;

- le conseil national des opérations funéraires ;

- le conseil national d'évaluation des normes (CNEN) ;

- le comité des finances locales (CFL) ainsi que sa formation spécialisée, l'observatoire des finances et de la gestion publiques locales (OFGPL).

Plus précisément, le CNEN et le CFL bénéficient pour leur fonctionnement d'une part de DGF attribuée par fonds de concours à cette action, d'un montant de 86 150 euros (en légère augmentation après 69 874 euros pour 2019). La justification d'un tel circuit financier, qui nuit à la lisibilité de la programmation budgétaire, n'est pas claire.

Les crédits ouverts pour les dépenses d'investissement de l'action n° 2, d'un montant de 2,3 millions d'euros en 2019 sont quasiment supprimés 49 ( * ) . Cette diminution s'explique par le transfert des crédits en investissement informatique de la DGCL vers la future direction du numérique du ministère de l'intérieur . Ce choix amène plusieurs remarques.

Votre rapporteur ne voit pas d'inconvénient, sur le plan de la bonne gestion budgétaire, à ce qu'une mutualisation soit opérée entre divers crédits d'investissement en informatique au sein des services de l'État . Lorsqu'ils ont des finalités proches, l'éparpillement des crédits peut conduire à une gestion budgétaire sous-optimale ; à l'inverse, leur mise en commun peut permettre des économies d'échelle, des gains d'efficacité et in fine une meilleure utilisation des deniers publics. Le redéploiement de ces crédits semble ainsi répondre à une logique de bonne gestion des fonds publics à laquelle votre rapporteur ne saurait s'opposer.

Les crédits en question étaient au demeurant régulièrement sous-consommés par la DGCL 50 ( * ) , dont la programmation budgétaire en la matière reflétait mal la réalité des investissements réalisés . Les investissements informatiques de cette direction se caractérisaient visiblement par leur discontinuité et l'alternance entre, d'une part, des années nécessitant des financements importants pour la mise au point de nouvelles applications et, d'autre part, des années durant lesquelles seul l'entretien des applications existantes devait être assuré par les crédits destinés à l'investissement informatique. Cette inconstance des besoins de financement tranchait avec une programmation budgétaire systématiquement reconduite, sans que les documents budgétaires soient en mesure d'expliquer cette apparente contradiction.

Le transfert de ces crédits vers le programme 216 est donc l'opportunité d'une meilleure gestion, d'une plus grande sincérité budgétaire et d'une meilleure information des parlementaires sur la réalité des crédits consommés. Votre rapporteur y sera attentif.

Néanmoins, ce transfert soulève plusieurs points de vigilance . Premièrement, il est pour le moins étonnant que la DGCL transfère ses crédits d'investissement vers une direction du numérique qui n'est pas au sein de son ministère de tutelle. À n'en pas douter, ce transfert a fait l'objet d'un accord entre les administrations et les ministres concernés et se fera en bonne intelligence. La DGCL entretient par ailleurs des liens historiques de rattachement avec le ministère de l'intérieur. Il est néanmoins problématique que les applications informatiques sur lesquelles reposent les bonnes relations entre les collectivités territoriales et l'État puissent se retrouver prises dans le jeu des arbitrages interministériels .

Deuxièmement, il est probable que la mutualisation de ces crédits se traduise à terme par une diminution des dépenses en informatique. Pour 2020, le transfert de ces crédits a été réalisé à montants constants, l'ensemble des crédits destinés à la nouvelle direction du numérique étant transférés sans connaître de diminution. Cependant, le but d'une mutualisation est généralement de réaliser des économies. S'il est légitime qu'une mutualisation des moyens se traduise par une meilleure gestion et donc par une diminution des crédits, votre rapporteur attire votre attention sur l'évolution à venir des dépenses : les économies susceptibles d'intervenir ne sauraient être réalisées au détriment du développement ou de l'entretien des applications utilisées par les collectivités territoriales .

Troisièmement, indépendamment du montant total attribué à la direction du numérique, les crédits transférés par la DGCL en constitueront une part minime. Le montant des crédits transférés pour 2020, de 2,227 millions d'euros en autorisations d'engagement 51 ( * ) , ne représente que 2,08 % des dépenses d'investissement et 0,72 % des crédits totaux ouverts pour les systèmes d'information et de communication au sein du programme 216 52 ( * ) . Lors des auditions conduites par votre rapporteur 53 ( * ) , des assurances ont été apportées sur la supervision de la maîtrise d'ouvrage par la DGCL des projets la concernant. Il n'est néanmoins pas inenvisageable, au regard du faible montant des crédits en jeu, que les investissements informatiques bénéficiant à la DGCL constitueront une priorité secondaire pour la nouvelle direction du numérique . La DGCL pourrait alors subir à terme les effets de ce transfert en ne trouvant pas ses intérêts adéquatement représentés au sein de la nouvelle direction. Une telle évolution ne pourrait qu'être défavorable aux collectivités.

Enfin, ce choix devrait faire l'objet de garanties accrues pour les collectivités dans la gestion des projets d'investissement informatique à venir. Si la DGCL est un interlocuteur naturel des collectivités territoriales, connaissant leurs intérêts et leurs besoins, il n'est pas certain que l'on puisse en dire autant de la nouvelle direction du numérique.

Votre rapporteur attire donc votre attention sur ce transfert qui, d'apparence technique, pourrait affecter à terme la vie quotidienne des collectivités territoriales.

c) Des dotations aux outre-mer stables

L'action n° 4 connaît, après un pic en 2013 (153 millions d'euros en autorisations d'engagement), une relative stabilité. Depuis 2016 et une valeur d'étiage de 139 millions d'euros en autorisations d'engagement 54 ( * ) , le montant des crédits a très progressivement crû pour atteindre 142 millions d'euros en autorisations d'engagement. Ces crédits financent quatre dotations versées à des collectivités d'outre-mer :

- la dotation globale de fonctionnement des provinces de Nouvelle-Calédonie se caractérise par sa stabilité (82,75 millions d'euros en AE comme en CP, un montant identique à celui prévu pour 2019) ;

- la dotation globale de compensation versée à la Polynésie française au titre des services et établissements publics transférés voit son montant inchangé par rapport à 2019 (un peu plus d'un million d'euros en AE comme en CP) ;

- une dotation similaire, versée à la Nouvelle-Calédonie au titre des services et établissements publics transférés, connaît une légère majoration de l'ordre de 0,8 million d'euros par rapport à 2019 pour atteindre 53,85 millions d'euros ;

- la dotation globale de compensation versée à Saint-Martin voit également son montant inchangé (4,43 millions d'euros en AE comme en CP).

Les crédits alloués à la mission « Relations avec les collectivités territoriales » ne permettent pas de placer ces relations sous le signe de la confiance. Cette programmation budgétaire s'avère décevante : le gel des dotations générales de décentralisation grève chaque année leur montant en raison de l'inflation ; la stabilité des dotations d'investissement entre en contradiction avec l'élargissement des collectivités bénéficiaires ; l'État reporte sur les collectivités l'effort de solidarité envers Saint-Martin ; la mutualisation des crédits dédiés à l'investissement informatique semble porteuse de risques à terme.

Malgré cette défiance maintenue que reflète la mission « Relations avec les collectivités territoriales », votre rapporteur a choisi de ne pas s'opposer à l'adoption des crédits et a préféré concentrer son effort sur les améliorations à trouver pour donner aux collectivités territoriales plus de visibilité sur leurs finances.


* 4 Le montant pour 2020 (26,950 milliards d'euros) constitue une très légère augmentation par rapport à 2019 (26,945 milliards d'euros).

* 5 Article 102 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions et articles 94 et 98 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'État.

* 6 Loi constitutionnelle n°2003-276 du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République.

* 7 Considérant 7 de la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-29 QPC du 22 septembre 2010, consultable à l'adresse suivante :

https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2010/201029_37QPC.htm .

* 8 Considérant 8 de la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-29 QPC du 22 septembre 2010 précitée.

* 9 Considérants 12 à 14 de la décision du Conseil constitutionnel n° 2008-569 DC du 7 août 2008, consultable à l'adresse suivante :

https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2008/2008569DC.htm .

* 10 Considérant 6 de la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-109 QPC du 25 mars 2011, consultable à l'adresse suivante :

https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2011/2010109QPC.htm .

* 11 La direction générale des collectivités locales met à disposition du public des documents récapitulatifs sur le droit et la doctrine des compensations, notamment en matière de circuits financiers, consultables à l'adresse suivante : https://www.collectivites-locales.gouv.fr/droit-et-doctrine-compensation .

* 12 Cette disposition est expressément prévue par l'article L. 1614-4 du code général des collectivités territoriales. Il en va de même pour les ressources issues du fonds de compensation de la fiscalité transférée.

* 13 Des dotations spécifiquement destinées à certaines collectivités d'outre-mer sont également prévues au sein du programme 122 de la mission.

* 14 Les montants pour les dotations générales de compensation sont toujours les mêmes en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

* 15 Cette compensation est fondée sur l'article L. 1614-9 du code général des collectivités territoriales.

* 16 Des services communaux d'hygiène et de sécurité existaient en 2015 dans 208 communes, dont la liste a été fixée par l'arrêté interministériel du 9 septembre 1985 fixant le montant des charges et des ressources transférées aux communes au titre des bureaux municipaux d'hygiène .

* 17 Cette dotation est versée au titre de l'article 25 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales .

* 18 Article 97 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales .

* 19 Article L. 631-7-1 du code de la construction et de l'habitat.

* 20 Voir l'instruction du 5 février 2019 relative aux compensations financières des transferts de compétences inscrites dans la loi de finances initiale pour 2019 , page 7.

* 21 Cette augmentation était due à une mesure de périmètre et s'expliquait par le transfert du programme 203 vers le programme 119 d'une compensation accordée à la région Grand Est au titre de l'offre de services aux voyageurs.

* 22 La collectivité de Corse perçoit la dotation de continuité territoriale au titre du dernier alinéa de l'article L. 4425-23 et de l'article L. 4425-26 du code général des collectivités territoriales. Cette dotation a pour but de compenser les obligations de service public et les coûts de l'insularité induits par les transports maritimes et aériens nécessaires pour relier la collectivité de Corse au reste du territoire (articles L. 4424-18 et L. 4424-19 du code général des collectivités territoriales).

* 23 Article 6 de la loi n°83-663 du 22 juillet 1983 complétant la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'État . Les ports départementaux représentaient, en 2015, 11,2 millions d'euros du concours en faveur des ports maritimes.

* 24 Article 30 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales . Les ports d'intérêt national représentaient en 2015 40,9 millions d'euros du concours en faveur des ports maritimes.

* 25 Afin de ne pas perdre le bénéfice d'une gestion intégrée de ce concours, il semble en effet préférable de ne pas le scinder entre la fraction finançant les projets de petite et moyenne importance au sein de l'action n° 1 (soutien à l'investissement des communes et de leurs groupements) et la fraction finançant des projets structurants au niveau national et régional au sein de l'action n° 3 (soutien à l'investissement des départements et des régions).

* 26 Article L. 1614-1 du code général des collectivités territoriales.

* 27 Projection de la Banque de France au mois de septembre 2019, consultable à l'adresse suivante : https://publications.banque-france.fr/projections-macroeconomiques-septembre-2019 .

* 28 Malgré l'intitulé de l'action n° 3, les régions ne bénéficient plus de soutien à leur investissement au titre de cette action du programme 119.

* 29 Article 259 de loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 .

* 30 Article 260 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019. Pour rappel, cette disposition a été ajoutée au sein de la loi à l'Assemblée nationale par amendement du Gouvernement afin de ne plus pénaliser les communautés élargies à la suite de la loi « NOTRe », relativement vastes et peuplées et comprenant une commune centre importante, mais qui n'en sont pas moins rurales sur la plus grande partie de leur territoire.

* 31 Selon les documents publiés par le ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales (consultables à l'adresse https://www.cohesion-territoires.gouv.fr/letat-investit-dans-les-territoires-consultez-la-carte-des-projets-soutenus-partout-en-france ), la DETR a financé, en 2018, 21 475 projets, contre 20 623 en 2017 (soit une augmentation de 4,13 % du nombre de projets financés).

* 32 Le taux de subventionnement moyen des projets a déjà connu une diminution entre 2017 et 2018 de 5 points, passant de 30,56 % à 25,6 %. Cette évolution n'est pas en soi problématique : entre 2017 et 2018, le coût moyen des projets subventionnés a augmenté (de 153 178 à 184 962 euros, soit une hausse de 20,7 %) de même que le montant moyen des subventions accordées (de 46 816 à 47 357 euros). Cela signifie que la DETR finance des projets plus coûteux et que son effet de levier s'en trouve accru. Si l'évolution n'est pas problématique pour le moment, une baisse continue du taux de subventionnement pourrait néanmoins constituer à terme l'indice d'un effet de « saupoudrage ».

* 33 La DSIL est codifiée à l'article L. 2334-42 du code général des collectivités territoriales.

* 34 Entre 2017 et 2018 la DSIL a vu ses crédits diminuer de 221 millions d'euros en raison de diverses mesures de périmètre. Entre 2018 et 2019, ses crédits ont à nouveau été réduits de 45 millions d'euros, ce qui correspondait à des crédits alloués aux contrats de ruralité.

* 35 Article 107 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015.

* 36 Le but de ce gel est d'éviter, alors que la population communale totale est révisée régulièrement (y compris à la hausse) et que la population habitant dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ne l'est pas, de dégrader l'indicateur et de pénaliser des communes dont la population totale a crû.

* 37 Voir la note d'information du directeur général des collectivités locales et du commissaire général à l'égalité des territoires du 26 mars 2019 relative à la dotation politique de la ville (DPV) pour 2019, p. 8 .

* 38 Article 265 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 .

* 39 Cet article a été inséré dans le projet de loi par l'amendement n° II-860 présenté par notre collègue député Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial au nom de la commission des finances de l'Assemblée nationale.

* 40 Compte rendu intégral des débats de l'Assemblée nationale, première séance du vendredi 8 novembre 2019.

* 41 Article 256 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

* 42 Compte rendu intégral des débats de l'Assemblée nationale, première séance du vendredi 8 novembre 2019.

* 43 Les dotations en question ne sont effectivement pas issues d'un transfert, d'une création ou d'une extension de compétences à proprement parler. Leurs caractéristiques les rapprochent néanmoins davantage de dotations de compensation que de dotations d'investissement : budgétisation en « AE = CP », dotation versée selon une logique de guichet plus que de projet.

* 44 Audition conjointe de la direction du budget et de la direction générale des collectivités locales du mardi 29 octobre.

* 45 Faute de visibilité sur d'éventuelles dépenses en 2020, il est normal que le montant des crédits de dépenses ouverts pour 2020 soit nul. Les autorisations d'engagement, d'un montant de 50 millions d'euros, devraient permettre de parer à d'éventuelles dépenses.

* 46 Rapport n° 94 (2019-2020) de notre collègue Jean-Pierre Sueur, fait au nom de la commission des lois, déposé le 30 octobre 2019 et consultable à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/rap/l19-094/l19-094_mono.html#toc26 .

* 47 Rapport d'information n° 122 (2019-2020) sur le second volet de l'étude relative aux risques naturels majeurs dans les outre-mer, centré sur la reconstruction et la résilience des territoires, présenté par MM. Guillaume Arnell, rapporteur coordonnateur, Abdallah Hassani et Jean-François Rapin, rapporteurs.

* 48 La collectivité de Saint-Martin indiquerait n'avoir perçu en 2018 que 25 millions d'euros sur les 50 millions d'euros prévus en autorisations d'engagement. Cette sous-consommation des crédits ne serait pas due à un manque de besoins.

* 49 Seuls 85 000 euros sont budgétés en autorisations d'engagement pour 2020.

* 50 Voir l'avis n° 153 (2018-2019) de votre rapporteur sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales » du projet de loi de finances pour 2018, p. 26, déposé le 22 novembre 2018 et consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/rap/a18-153-12/a18-153-12.html .

* 51 Ce montant est légèrement inférieur au montant de 2,312 millions d'euros budgété pour 2019. Cette différence est due au maintien de 85 000 euros au sein du programme 122.

* 52 Au sein du programme n° 216, l'action n° 2 « Système d'information et de communication » représenterait 308 262 116 euros, dont 106 865 436 euros de dépenses d'investissement.

* 53 Audition conjointe de la direction du budget et de la direction générale des collectivités locales du mardi 29 octobre.

* 54 Cette valeur correspond à une baisse de 7,19 % par rapport à la valeur de 2013.

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