III. DES INVESTISSEMENTS NÉCESSAIRES POUR AMÉLIORER LES CONDITIONS DE DÉTENTION
La crise sanitaire a entraîné, au premier semestre de l'année 2020, une baisse historique du nombre de personnes détenues . Il est cependant vraisemblable que la population carcérale augmente à nouveau dans les prochains mois du fait de la reprise de l'activité des juridictions pénales. Il serait donc malvenu de renoncer à l'effort de construction et de rénovation de places de prison qui a été entrepris.
A. UNE BAISSE PROVISOIRE DE LA POPULATION CARCÉRALE LIÉE À LA CRISE SANITAIRE
Entre avril 2018 et mars 2020, le nombre de personnes détenues est resté supérieur à 70 000, alors que le nombre de places de prison est de l'ordre de 61 000. Il en a résulté une surpopulation carcérale chronique, avec un taux d'occupation particulièrement élevé dans les maisons d'arrêt (138 % au 1 er janvier 2020), ce qui a contraint plus de 1 600 détenus à dormir sur un matelas au sol.
Sous l'effet de la crise sanitaire, le nombre de détenus a considérablement baissé au cours du premier semestre de l'année : il n'était plus que de 58 695 au 1 er juillet (-16,9 %). Cette diminution s'explique, pour moitié, par la baisse de l'activité des juridictions pénales, et pour le solde par les mesures de libération anticipée qui ont concerné des détenus en fin de peine. Ces libérations avaient pour objectif de réduire la densité carcérale afin de diminuer le risque de transmission du virus en détention. En conséquence, le taux d'occupation est passé pour la première fois depuis plusieurs décennies sous la barre des 100 % (97 % au 1 er juillet 2020) .
Évolution de la population
détenue
(sur trois ans)
Source : graphique réalisé à
partir des statistiques mensuelles
de l'administration
pénitentiaire
La reprise progressive de l'activité des juridictions à la sortie du confinement a cependant déjà entraîné une remontée de ce taux d'occupation, qui atteignait 106 % le 30 septembre 2020.
Sans être fermé à une réflexion sur la mise en place de mécanismes de régulation de la population carcérale, le rapporteur considère que le programme de construction de nouvelles places de prison conserve sa pertinence : face à la délinquance, nos concitoyens attendent des réponses fermes de la part des juridictions pénales et ils ne comprendraient pas que les décisions de ces juridictions soient subordonnées à des contraintes immobilières résultant d'un parc pénitentiaire sous-dimensionné.
L'administration pénitentiaire face à l'épidémie de covid
En ce qui concerne tout d'abord l'exécution du budget pour 2020 , la crise sanitaire a occasionné pour l'administration pénitentiaire un surcroît de dépenses à hauteur d'une vingtaine de millions d'euros. Ces dépenses supplémentaires ont notamment résulté des mesures sociales décidées au printemps en faveur des détenus (forfait téléphonique de 40 euros, augmentation de l'aide aux indigents, gratuité de la télévision), de prestations de nettoyage destinées à combattre le virus et de l'achat d'ordinateurs portables afin de faciliter le travail à distance du personnel pénitentiaire.
Mais la crise sanitaire a aussi permis de réaliser des économies, d'un montant équivalent : les loyers versés aux titulaires des marchés de gestion déléguée dépendent du nombre de personnes détenues et ont donc baissé à la faveur de la diminution de la population carcérale ; pour les établissements en gestion publique, des économies ont été réalisées sur les dépenses d'alimentation, minorées cependant par la hausse du prix de certaines denrées. La suspension des activités en détention ainsi que la fermeture de l'école nationale de l'administration pénitentiaire (ENAP) entre le 17 mars et le 25 mai 2020 ont également réduit les dépenses.
La reprise de l'épidémie au cours de l'automne concerne aussi les établissements pénitentiaires, même si le nombre de contaminations demeure à ce jour réduit.
A la date du 13 novembre 2020, on dénombrait ainsi 460 agents testés positifs à la covid-19, dont quatre étaient hospitalisés ; 972 agents étaient confinés, soit parce qu'ils avaient été testés positifs, soit parce qu'ils présentaient des symptômes sans avoir été testés, soit parce qu'ils étaient cas contacts.
Du côté des détenus, on dénombrait 166 personnes testées positives, dont seize hospitalisées, et 463 détenus confinés.
À la différence du confinement du printemps, les parloirs sont restés ouverts, à l'exception toutefois des parloirs familiaux et des unités de vie familiale dans lesquels la distanciation physique ne peut être garantie, et certaines activités compatibles avec la sécurité sanitaire ont été maintenues. Les détenus se sont par ailleurs vus attribuer un forfait téléphonique de 30 euros par mois afin de favoriser le maintien des liens familiaux.
L'exigence de conditions de détention dignes plaide également pour la construction de nouvelles places afin d'assurer au plus grand nombre de détenus un encellulement individuel.