B. L'AMBITION DE CETTE LOI RISQUE TOUTEFOIS D'ÊTRE COMPROMISE PAR L'INFLATION ET LA HAUSSE DES COÛTS DE L'ÉNERGIE
1. L'ambition de la LPR, dont la trajectoire demeure incertaine et non contraignante, risque toutefois d'être revue à la baisse à cause de l'inflation
Dans le contexte actuel de hausse des prix et des coûts de l'énergie, le rapporteur rappelle que la trajectoire budgétaire de la LPR a été fixée en euros courants et non en euros constants , c'est-à-dire sans tenir compte de l'inflation, ce qui avait déjà été fortement critiqué par le Sénat lors de l'examen de la loi en 2020.
Évolutions prévisionnelles des
trajectoires budgétaires de la LPR en euros courants
et en euros
constants
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
|
Trajectoire en € courants |
1,25 Md |
1,8 Md |
2,3 Md |
2,8 Md |
3,3 Md |
Trajectoire en € constants 2022 |
1,2 Md |
1,68 Md |
2,1 Md |
2,5 Md |
2,9 Md |
Écart prévisionnel |
50 M |
120 M |
200 M |
300 M |
400 M |
Source : commission des affaires économiques, à partir des données budgétaires.
Dans la perspective de la clause de revoyure de la LPR en 2023, le rapporteur appelle à une réévaluation de la trajectoire budgétaire en euros constants afin de tenir compte de l'inflation, d'atteindre les objectifs initiaux et de respecter l'esprit de la loi telle que votée par le Parlement en 2020.
2. Les hausses budgétaires prévues par la LPR pour les organismes de recherche ne doivent pas être utilisées pour compenser la hausse des prix et des coûts de l'énergie
Le budget des opérateurs de recherche est premièrement impacté par le dégel du point d'indice des fonctionnaires, décidé par le Gouvernement au mois de juillet dernier . Le rapporteur rappelle toutefois que la hausse du point d'indice n'a pas été compensée pour le second semestre de l'année 2022, même si des mesures en gestion sont intervenues. Il estime que cette hausse devrait l'être pour 2023 . Par exemple, selon les informations transmises au rapporteur :
- le CNRS évalue que la hausse du point d'indice des fonctionnaires a entraîné un surcoût de 45 M€ en 2022, financé par prélèvement sur son fonds de roulement, ce surcoût étant évalué à 90 M€ pour 2023 ;
- le CEA estime que les moyens supplémentaires accordés par la LPR seront essentiellement utilisés pour revaloriser les salaires sur l'inflation, pour un surcoût évalué à 55 M€ en 2023 ;
- le CNES estime que la revalorisation des salaires sur l'inflation devrait coûter au moins 10 M€ supplémentaire en 2023.
Le budget des opérateurs de recherche est également impacté par la hausse des prix des consommables et des coûts de l'énergie, ce qui risque d'avoir des conséquences directes sur l'activité des laboratoires : suspension des travaux, renoncement à certains projets de recherche ou encore diminution du nombre de doctorants et de chercheurs par projet pour pallier la hausse des prix. Par exemple, selon les estimations transmises au rapporteur :
- le CEA estime que le surcoût énergétique devrait être de 90 M€ pour 2023 dont un tiers concernant la partie civile et deux tiers la partie militaire de ses activités ;
- l'Inserm évalue ainsi à 10 M€ pour 2023 les surcoûts liés à la hausse des prix de l'énergie ;
- le CNES estime que le surcoût énergétique devrait être de 40 M€ en 2023.
Si le rapporteur salue l'annonce de la mise en place d'un fonds d'intervention dédié à l'énergie à hauteur de 275 M€, il souligne toutefois que l'ensemble des opérateurs de recherche, et non pas seulement relevant exclusivement ou principalement de la tutelle du MESRI, devrait pouvoir bénéficier de cet « amortisseur électricité », au prorata de leurs surcoûts énergétiques, et non de façon forfaitaire .
3. Les réserves de trésorerie des opérateurs ne doivent pas être utilisées de façon disproportionnée pour compenser la hausse des prix
Dans la continuité de ses observations formulées l'année précédente, le rapporteur rappelle que les opérateurs de recherche détiennent un niveau important de trésorerie. Ainsi, selon les dernières données disponibles transmises par l'administration, le montant de trésorerie des organismes de recherche relevant du programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » s'élevait à environ 3,63 Md€ en 2021, représentant en moyenne 114 jours de fonctionnement contre 75 jours en 2020.
Le montant de cette trésorerie est détenu à 80 % par quatre organismes de recherche : le CNRS (1,18 Md€), le CEA (803,8 M€), l'Inserm (524,8 M€) et l'ANR (406,3 M€). Si la plupart de cette trésorerie a vocation à financer des investissements de court ou moyen termes ainsi qu'à respecter des seuils prudentiel, depuis le début de l'année 2022, les organismes de recherche l'utilisent également pour financer le dégel du point d'indice des fonctionnaires, la hausse des prix des consommables et des coûts de l'énergie.
Si les réserves de trésorerie constituent un « amortisseur » temporaire et utile de l'inflation, l'érosion des réserves des opérateurs dans la durée n'est pas souhaitable. Le rapporteur réitère sa volonté de voir les règles prudentielles évoluer afin de « libérer » la trésorerie mobilisable des opérateurs à leur profit et rehausser l'ambition globale des budgets nationaux alloués à la recherche .