B. UN OBJECTIF DE DOUBLEMENT DES ÉLÈVES À L'HORIZON 2030 RÉAFFIRMÉ MAIS DONT L'ATTEINTE SEMBLE HORS DE PORTÉE

1. L'objectif « Cap 2030 » a été réaffirmé en 2023

Dans son discours à l'Institut de France sur l'ambition pour la langue française et le plurilinguisme du 20 mars 2018, le président de la République a fixé l'objectif de doubler les effectifs d'élèves du réseau de l'AEFE, pour atteindre 700 000 élèves à l'horizon 2030.

Cet objectif, a été réaffirmé lors des conclusions des consultations sur l'enseignement français à l'étranger et du Conseil interministériel sur l'enseignement français à l'étranger présidé par la ministre de l'Europe et des affaires étrangères et le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse qui s'est réuni le 3 juillet 2023.

2. Un taux de croissance de moins de 2 % par an sur la période 2017-2023 rendant peu crédible la réalisation de cette ambition à la date prévue

À la rentrée 2023, les effectifs du réseau de l'AEFE s'élevaient à 392 000 (+ 1,1 % par rapport à 2022). Le maintien de la trajectoire permettant d'aboutir à 700 000 élèves à l'horizon 2030 nécessiterait un effectif de près de 430 000 élèves à la rentrée 2024.

Dans leur rapport pour avis sur le PLF 20232(*), nos collègues Ronan Le Gleut et André Vallini relevaient qu'« au rythme de progression actuel des effectifs (+ 2,2 % par an depuis 2017), le doublement ne sera atteint qu'à la rentrée 2049. Le respect de l'objectif présidentiel supposerait un taux de croissance annuel moyen de 7,6 % à compter de la rentrée 2023 ce qui, en dépit d'une accélération constatée en 2022 (+ 3,5 %), semble hors de portée ». Cette analyse demeure pertinente, la date envisageable d'atteinte de cet objectif ayant même glissé à 2054, compte tenu du taux de croissance des effectifs enregistré entre 2022 et 2023.

En tout état de cause et même si l'AEFE a indiqué s'être « mise en ordre de marche pour travailler à la réalisation de cet objectif », les rapporteurs rappellent que d'importants freins doivent encore être levés, concernant en particulier les questions immobilières, pour permettre une croissance interne du réseau (cf. infra).

3. Un objectif dont la réalisation est notamment freinée par les problématiques de financement des investissements immobiliers des établissements
a) Une politique immobilière des établissements en gestion directe entravée par l'interdiction du recours à l'emprunt

Du fait de son rattachement aux organismes divers d'administration centrale (ODAC), l'AEFE ne peut plus avoir recours aux emprunts de plus de 12 mois depuis la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2011 à 2014.

Le COM 2021-2023 de l'Agence prévoyait en outre la fin de la possibilité pour l'opérateur de recourir aux avances de l'Agence France Trésor (AFT) au plus tard en 2023. Si un accord a été trouvé pour prolonger cette disposition jusqu'en 2026, cette solution ne constitue néanmoins qu'un expédient, les avances de l'AFT ne répondant que très imparfaitement aux besoins des EGD dans la mesure où, d'une durée d'un an, celles-ci sont davantage destinées à satisfaire un besoin de financement imprévu.

Plusieurs pistes sont envisagées pour répondre à cette problématique :

- la mutualisation des trésoreries des établissements permettant la constitution d'un fonds consacré aux dépenses immobilières. Les rapporteurs sont cependant opposés à une telle solution dans la mesure où, d'une part, il ne serait pas compréhensible pour les parents d'élèves de voir une partie de l'épargne constituée à partir des droits d'écolage qu'ils ont versés pour la réalisation de travaux concernant l'établissement de leurs enfants ponctionnée pour financer des travaux d'autres établissements, et d'autre part, le montant de la trésorerie des EGD mobilisable est, en tout état de cause, insuffisant pour satisfaire les besoins ;

- une réforme du financement de l'AEFE, avec la création d'une contribution unique qui inclurait une participation aux investissements immobiliers ;

- l'inscription d'une subvention pour charges d'investissement au sein du budget du programme, solution dont la mise en oeuvre était préconisée par nos collègues Ronan Le Gleut et André Vallini dans leur rapport pour avis sur le budget 2023 précité et que les rapporteurs appellent à prévoir dès le PLF 2025.

Il devient en effet urgent d'apporter une solution pérenne à cette question.

Selon l'AEFE, les besoins immobiliers identifiés dans l'actuel schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI) non-satisfaits s'élèveraient à près de 100 M€.

Le nouveau SPSI en cours de réalisation laisse apparaître des besoins de l'ordre de 200 M€. Si ce montant doit encore être affiné, il constitue un indicateur de l'ampleur des opérations nécessaires, qu'il s'agisse de l'entretien du bâti comme d'investissements plus importants et indispensables pour maintenir l'attractivité de l'EFE (construction d'installations sportives, agrandissement d'établissements, etc.).

b) De nouvelles modalités d'octroi de la garantie de l'État au profit des emprunts des établissements conventionnés et partenaires dont l'exécution doit être accélérée

S'agissant des établissements conventionnés et partenaires, l'article 198 de la loi de finances pour 2021 et l'arrêté du 2 avril 2021 ont prévu que la garantie de l'État, dont ils peuvent bénéficier au titre des emprunts souscrits pour le financement d'investissements immobiliers, n'est plus accordée par l'Association nationale des établissements français à l'étranger (ANEFE) mais par l'État directement. L'octroi de cette garantie donne lieu au versement d'une rémunération dont le montant est compris entre 0,32 % et 1,8 % du capital restant dû à chaque échéance au titre du prêt garanti. La quotité garantie est en outre limitée à 80 % pour les établissements situés dans l'Union européenne et à 90 % pour les autres établissements, alors que dans le cadre du dispositif antérieur, la quotité garantie pouvait atteindre 100 %.

Entre avril 2022 et juillet 2023, la commission chargée d'émettre les avis sur l'octroi de la garantie de l'État aux établissements d'enseignement français à l'étranger (Cogarefe) s'est réunie 6 fois et 11 dossiers ont reçu un avis favorable.

Un seul arrêté a cependant été pris à ce jour (pour le lycée franco-péruvien). Cette situation n'est évidemment pas acceptable dans la mesure où elle conduit à un retard dans la réalisation des projets des établissements concernés.

Les arrêtés d'octroi de garantie doivent être pris le plus rapidement possible afin de permettre aux établissements concernés de lancer leurs projets immobiliers.


* 2 Projet de loi de finances pour 2023 : Action extérieure de l'État : Diplomatie culturelle et d'influence, avis n° 117 (2022-2023) de MM. Ronan LE GLEUT et André VALLINI, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 17 novembre 2022.

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